Citation
AVANT d'émarger auprès de la famille du dictateur rwandais (assassiné
 le 6 avril) Juvénal Habyarimana, l'ex-capitaine de gendarmerie Paul
 Barril avait gagné naguère sa célébrité comme big boss des «
 supergendarmes » de l'Elysée. Avec le préfet Christian Prouteau, il
 était alors devenu le chouchou des journaux en mal de
 sensationnel. Quelque chose d'intermédiaire entre le OSS 117 de Jean
 Bruce et le superflic d'Auguste Le Breton. Et puis est survenu le
 dérapage...
 
 Celui-ci a un nom dans toutes les salles de rédaction : « l'affaire
 des Irlandais de Vincennes ». Une provoc montée de toutes pièces, où
 l'ancien dirigeant du GIGN s'était vu accusé d'avoir apporté au
 domicile des Irlandais en question les preuves qui allaient conduire à
 leur arrestation. Un numéro qui lui avait peut-être servi en d'autres
 occasions, mais qui, cette fois, avait été mené par trop dans la
 hâte. Paul Barril est, plus ou moins discrètement, poussé dehors et se
 reconvertit patron d'une boîte de barbouzes, « Secrets », dont la
 raison sociale était au Qatar, un émirat arabe. Juin 1991, le
 capitaine déchu de son grade esquive la convocation de la 17e chambre
 du tribunal correctionnel de Paris, envoyant copie de son visa comme
 preuve de sa « bonne foi ». Fou rire dans la salle ; devinez
 pourquoi...
 
 Paul Barril a présenté mardi à la télévision ce qu'il affirme être la
 boîte noire de l'avion abattu le 6 avril dernier avec à son bord les
 présidents rwandais et burundais et a accusé le FPR d'avoir commis cet
 attentat. Pour l'ancien préposé à la cellule des gendarmes de
 l'Elysée, le Rwanda est actuellement la proie « d'une agression
 généralisée » de la part du FPR et les médias sur place sont victimes
 d'une vaste « campagne de désinformation ».
 
 Ancien collaborateur de la cellule élyséenne, embauché par la famille
 du dictateur rwandais, Paul Barril navigue toujours dans les eaux
 troubles. Hier, il forgeait les « preuves » lui permettant
 d'emprisonner qui il avait choisi ; aujourd'hui, il assure détenir les
 « preuves » de la responsabilité du FPR dans la mort
 d'Habyarimana. Quitte à contredire les informations venues des
 enquêteurs belges sur l'attentat : lorsque celui-ci s'est produit
 au-dessus de la zone de Massaka, située à l'arrière de la zone
 militaire de Kanombe, le sol était contrôlé par la garde
 présidentielle rwandaise et non par le FPR. Les forces du Front
 patriotique étaient toujours cantonnées dans le CND (le parlement
 rwandais) et l'avion présidentiel avait d'ailleurs modifié son
 itinéraire pour ne pas survoler ce lieu potentiellement dangereux.
 
 Selon Barril, les écoutes du FPR opérées par les forces
 gouvernementales rwandaises mettent indirectement en cause la Belgique
 : « Les terroristes du FPR ont des conseillers et des instructeurs qui
 parlent anglais mais (il y a) également des conversations avec un
 accent qui immanquablement nous oriente du côté de la Belgique. »
 Après quoi, il nie le génocide en cours, assurant que les massacres
 des milices gouvernementales relèvent de la désinformation, « comme à
 Timisoara ». Parole d'enquêteur sur les « Irlandais de Vincennes » !