Sous titre
30 ans après les faits et 3 ans après la remise du "rapport Duclert" qui souligne pourtant les « responsabilités lourdes et accablantes » de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda, les procédures engagées devant la justice pénale sont toujours au ralenti, voire au point mort. Des rescapé.es et des familles de victimes ont porté leurs espoirs d’avancée sur le droit administratif qui sanctionne les manquements d’une institution publique. Nouvelle déception : le Tribunal administratif de Paris s’est aujourd’hui déclaré incompétent pour juger les actions de l’exécutif français menées en soutien à un gouvernement génocidaire. Le Tribunal refuse ainsi d’armer le droit face à la complicité de génocide et dans la lutte contre l’impunité.
Citation
Survie relaie le Communiqué de presse du CPCR
Tribunal administratif de Paris - audience le 24 octobre 2024 - décision le 14 novembre 2024
En avril 2023, vingt Rwandais.es et deux associations, le Collectif des parties civiles pour le Rwanda et Rwanda Avenir, avaient déposé une requête devant le Tribunal administratif de Paris, dans le but de faire reconnaître le caractère fautif, manifestement illégal et systémique d’une série d’actes constitutifs de complicité de génocide effectués par l’État français avant et pendant le génocide de 1994. La matérialité de cette requête a été nourrie par des années de travail de journalistes et chercheurs. Constituée de trois mémoires représentant des centaines de pages, cette initiative juridique inédite a été portée par Philippe Raphaël, mandataire des requérant.es.
La requête détaille les actes illégaux du ministère des Armées relatifs aux interventions militaires françaises, parmi lesquels le détournement d’un traité d’assistance militaire (Opération Noroît), la non-assistance à personne en danger (Opération Amaryllis) et le détournement d’un mandat humanitaire de l’ONU (Opération Turquoise). Centrée sur la responsabilité étatique et non sur les personnes, la requête met également en cause les administrations du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la Coopération (actuellement ministère de l’Europe et des affaires étrangères).
Le Tribunal a décidé de se ranger du côté du ministère des Armées, seule administration à avoir répondu. Ce dernier, invoquant une jurisprudence datant de 1875, estime que les actions visées sont des "actes de gouvernement" censés échapper au contrôle de la justice administrative. Comme le Tribunal se refuse à tout examen des faits et de leur légalité, il ne saurait juger de la complicité de génocide. Cette revendication à une immunité juridique absolue est une négation de l’État de droit et de la démocratie.
Selon le CPCR,
"L’exécutif français pouvait éviter ce génocide : non seulement il n’en a rien fait, mais son soutien politique, diplomatique, militaire aux extrémistes hutus a été continu avant, pendant et après le génocide qu’ils ont commis."
Selon Philippe Raphaël, mandataire des requérant.es :
"Face au génocide, l’État français n’a pas manqué de volonté d’empêcher le génocide ; il a eu la volonté de ne pas faire et de laisser faire".
Le CPCR soutient les requérant.es dont le combat ne s’arrête pas là, car il pourra se poursuivre en appel.