Fiche du document numéro 32047

Num
32047
Date
Jeudi 6 avril 2023
Amj
Auteur
Fichier
Taille
35864
Pages
3
Urlorg
Titre
Génocide au Rwanda : la fin du déni français
Sous titre
Critique. Deux ans après la publication du rapport de la commission d’historiens présidée par Vincent Duclert, la responsabilité de la France dans le génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda ne fait plus aucun doute. Le Genre humain fait le point sur l’état de la connaissance sur le génocide et sur le rôle de la France.
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Génocide des Tutsis au Rwanda, recherche et droit à la vérité, sous la direction de Vincent Duclert, Revue Le Genre humain, Seuil, 2023, 267 p., 21 €.

La perception du rôle de la France dans le génocide des Tutsis au Rwanda a été bouleversée avec la publication du rapport de la commission d’historiens présidée par Vincent Duclert, le 26 mars 2021. Ces recherches concluaient aux « responsabilités lourdes et accablantes de la France » dans le dernier génocide du XXe siècle.

Rompant avec la position officielle de ses prédécesseurs, de François Mitterrand à François Hollande (à l’exception en demi-teinte de Nicolas Sarkozy), et des grands ministres des affaires étrangères de Roland Dumas à Laurent Fabius (à l’exception de Bernard Kouchner), Emmanuel Macron a été le premier président de la République à reconnaître, sur la base de ce rapport, « l’ampleur des responsabilités » de la France dans la tragédie rwandaise.

Faire le bilan de ce tournant



Deux ans après ce virage politique, la revue annuelle fondée par Maurice Olender en 1981, Le Genre humain, dresse un bilan de ce tournant en publiant les communications du colloque organisé par Vincent Duclert à Kigali, en septembre 2022.

À son initiative, des historiens, des acteurs et des témoins rwandais et français ont accepté de croiser leurs analyses et leurs regards pour écrire ensemble une histoire commune du génocide des Tutsis et du rôle de la France dans cette catastrophe humaine. Leurs contributions sont riches, claires et pédagogiques. Il en va ainsi du chapitre écrit par Marcel Kabanda sur la racialisation des catégories sociales rwandaises, à la racine de la haine et de la destruction du Tutsi. Ou celui, novateur, que propose Étienne Rouannet sur le fond d’images tournées par l’armée française : « Une vaste entreprise de propagande anti-FPR – souvent élargie aux Tutsis – menée par les autorités françaises entre décembre 1990 et le printemps 1994. »

D’Alain Juppé et d’Hubert Védrine



Parmi les nombreuses propositions passionnantes, la lecture du rapport Duclert par Rafaëlle Maison, comme son analyse du discours d’Emmanuel Macron à Kigali et celle du rapport Muse, le pendant américano-rwandais du rapport Duclert publié en avril 2021, par Stéphane Audoin-Rouzeau.

Rafaëlle Maison relève quelques points clés enfouis dans le rapport (1 200 pages) qui en finissent avec les contre-vérités dictées, alors, par les autorités françaises. Le refus d’arrêter les membres du gouvernement intérimaire dans la zone contrôlée par l’opération Turquoise a été pris par le ministère des affaires étrangères, à l’époque dirigé par Alain Juppé : et non parce que l’ONU ne l’avait pas demandé, comme l’affirmait à La Croix en 2018, le chef d’état-major des armées de 1994, l’amiral Jacques Lanxade.

Contre le discours du secrétaire général de l’Élysée de ces années-là, Hubert Védrine, le rapport Duclert établit, sans trop s’y attarder toutefois, le défaut de soutien par la France des accords d’Arusha (1). Paris va jusqu’à prendre des mesures pour les contourner au profit du pouvoir hutu. Or, Hubert Védrine a toujours expliqué que si la France a soutenu le régime rwandais, c’était pour le pousser à accepter ces accords : « Nous lui avons tordu le bras » pour cet objectif, aime-t-il dire. De son côté, Stéphane Audoin-Rouzeau souligne les convergences entre les deux rapports. Mais il note aussi leur divergence, en particulier au sujet de l’aveuglement attribué à l’exécutif français sur le génocide à venir.

Les chercheurs du rapport Muse concluent en effet que « l’État français était en mesure de constater qu’un génocide se préparait ». C’est pourquoi, il porte « une lourde responsabilité pour avoir rendu possible un génocide prévisible ». Pire, son soutien « a offert aux extrémistes du temps pour planifier et pour perpétrer » le génocide.

Hubert Védrine encore pris à défaut



De l’ancien secrétaire général de l’Élysée, il est aussi question dans l’article que Chantal Morelle consacre aux notes d’Hubert Védrine destinées à François Mitterrand au sujet du Rwanda. Alors qu’il a toujours affirmé qu’il avait suivi ce dossier d’assez loin, qu’il n’avait pas « joué de rôle dans les événements », la lecture de ses notes montre au contraire que le dossier rwandais ne lui échappait pas et qu’il partageait l’approche du président socialiste, constate Chantal Morelle. « Hubert Védrine, écrit-elle, informe le président, insiste sur certains points, donne son avis le cas échéant, le plus souvent de façon lapidaire mais claire. Il ne cherche pas à convaincre car son avis reflète celui de François Mitterrand qu’il sert, et c’est pour cela que la "tour de contrôle" envoie des alertes, si nécessaire. »

Comme le dit si bien Jean-Pierre Chrétien dans ce dossier, le Rwanda « peut nous apprendre aussi des choses sur nous-mêmes ».

(1) Conciliation politique entre le régime hutu et le FPR (la branche armée des Tutsis de l’exil) pour aboutir à un partage du pouvoir et un accord de paix.
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fgtquery v.1.9, 9 février 2024