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Le ministre de la défense François Léotard a passé l'essentiel de sa journée de
mercredi dans l'ouest du Rwanda, au milieu des forces spéciales françaises qui
y sont implantées et auprès desquelles il a pu constater la difficulté de
l'opération "Turquoise".
La situation dans cette région montagneuse, à la végétation dense, où se sont
réfugiées plusieurs centaines de milliers de personnes (800.000, selon les
estimations des militaires français) est en effet extrêmement confuse.
Les renseignements encore parcellaires recueillis par l'état-major de
"Turquoise" montrent que des unités des rebelles du Front patriotique rwandais
(FPR, dominé par les Tutsis) ont largement dépassé la ligne sur laquelle
l'armée gouvernementale (essentiellement hutue) tient encore des positions, à
environ 50 km à l'est de la frontière zaïroise. Selon plusieurs officiers
supérieurs des forces spéciales, des éléments du FPR font des incursions
jusqu'aux rives du lac Kivu au milieu duquel passe la frontière entre le Rwanda
et le Zaïre.
Ainsi, à Gishyita, une localité qui domine le lac, les 50 hommes du commando de
Marine Trépel, la dizaine du 13ème RDP (régiment de dragons parachutistes), les
quatre gendarmes de l'escadron parachutiste d'intervention de la Gendarmerie
nationale (EPIGN) et les deux du groupe d'intervention de la Gendarmerie
nationale (GIGN) ont expliqué à M. Léotard qu'à 3 ou 4 km à vol d'oiseau de
leur petit poste situé à 1.700 m d'altitude, se trouvent entre 1.000 et 2.000
Rwandais "fortement armés".
Tous les renseignements recueillis auprès de la population et "d'autres
sources", selon un offcier, donnent à penser qu'il s'agit de combattants du
FPR.
"Reconnaissance"
Les nageurs de combat du commando Trépel, qui sont arrivés lundi à Gishyita,
observent ces hommes grâce à des lunettes de visée nocturne de missiles
anti-chars Milan. Ils suivent leurs déplacements dans les collines dont
l'altitude oscille entre 1.500 et plus de 2.000 m et les voient positionner
leur artillerie. Toutefois, ils n'ont pu encore acquérir la "certitude" qu'il
s'agit bien du FPR.
"Récemment", les Français ont entendu un "accrochage armé dans les collines, ce
qui tend à prouver que rebelles et gouvernementaux sont dans le secteur.
Plusieurs "sources" ont rapporté aux militaires français que plusieurs
centaines, voire 3.000 Tutsis qui ont fui les massacres perpétrés par les Hutus
dans le centre du Rwanda, sont bloqués et recherchés par des soldats
gouvernementaux et des miliciens hutus sur les flancs du mont Karongi, à 8 ou 9
km à vol d'oiseau du poste du commando Trépel. Les militaires français ont
indiqué au ministre qu'ils allaient y faire une "reconnaissance" jeudi, sans
savoir qui ils allaient rencontrer ni comment ils seraient accueillis.
Dans les deux autres localités de l'ouest du Rwanda visitées par M. Léotard
--Nyarushishi où bivoaquent notamment une cinquantaine d'hommes du 1er RPIMa
(régiment parachutiste de l'infanterie de marine) et Kibuye, où sont implantés
autant de fusiliers commandos de l'air-- les exposés qu'il a entendus faisaient
état d'une situation aussi confuse et délicate.
Cela explique que la France ait déjà déployé près de 300 hommes des
forces spéciales pour l'opération "Turquoise", ce qu'elle n'avait jamais fait,
a admis le commandant du dispositif, le général Jean-Claude Lafourcade, lors
d'une conversation avec un envoyé spécial de l'AFP. Pas même durant la guerre
du Golfe en janvier-février 1991.
chm/mfo