Titre
Interview du ministre des Affaires étrangères, M. Alain Juppé, à l'émission de France 2 « L'Heure de vérité » [Extraits]
Citation
(Paris, 20 novembre 1994)
Q - On va passer rapidement sur deux, trois autres problèmes graves,
un mot sur le Rwanda... Le ministre de la Coopération, le nouveau
ministre de la Coopération, Bernard Debré, disait l'autre jour que la
France n'avait pas de politique claire à propos du Rwanda, et il en
faisait porter la responsabilité à l'attitude du Président de la
République, François Mitterrand, à l'égard de l'ancien pouvoir
rwandais. La France a-t-elle une politique claire à l'égard du Rwanda ?
R - Quand on arrive, il faut prendre connaissance de ses dossiers.
Petit à petit, ça vient. La France a une politique claire vis-à-vis
du Rwanda. Elle a été poursuivie tout au long des années qui viennent
de s'écouler. Elle s'est manifestée en juillet/août 1993 de manière
tout à fait claire, c'est ce qu'on appelle les accords d'Arusha.
Notre politique consiste à dire : que sont le peuple rwandais ou la
nation rwandaise ? Ce sont deux ethnies : les Hutus et les Tutsis. Eh
bien, jamais il n'y aura de retour à la paix au Rwanda, si ces deux
ethnies n'acceptent pas de travailler, de vivre et de gouverner
ensemble. Nous étions arrivés en juillet 1993 -- c'était commencé
avant, mais le gouvernement auquel j'appartiens avait permis que ce
processus se prolonge -- à un accord entre Hutus et Tutsis pour partager
le pouvoir. Malheureusement l'assassinat du Président Habyarimana, en
avril 1994, a fait capoter ceci. Et toute notre politique au Rwanda
est d'en revenir à cette logique : comment convaincre les autorités de
Kigali, d'un côté, et, d'autre part, les responsables Hutus qu'il
faut, à nouveau, partager le pouvoir et se réconcilier. Ce n'est pas
fait. La situation est explosive. Ce n'est rien de le dire ici. La
guerre peut recommencer demain, à la fois au Rwanda ou au
Burundi. Mais il n'y a pas d'autre solution que celle que la France,
courageusement, avec quelques autres, essaie de promouvoir.