Citation
Paris, le 19 mai 1998
Reçu le 19 mai 1998, à huis clos, par M. Bernard Cazeneuve, rapporteur de la
mission d'information sur les opérations militaires menées par la France d’autres pays et
l'ONU au Rwanda entre 1990 et 1994, M. Christian Tavernier, en sa qualité d'ancien
membre du Conseil national de sécurité du Zaïre, a fait part des informations suivantes au
sujet de l'attentat contre l'avion présidentiel perpétré le 6 avril 1994.
M. Christian Tavernier a déclaré que cet attentat s’inscrivait dans une stratégie
d'action beaucoup plus large et parfaitement programmée par le FPR de Paul Kagamé
visant à la constitution d'un « Empire Tutsi» comprenant le territoire du Rwanda et
s'étendant au Zaïre à la région du Kivu.
Pour M. Christian Tavernier, Paul Kagamé et les Tutsis « de l'extérieur » n'ont pas
hésité, pour parvenir à cette fin, à exposer les Tutsis du Rwanda au génocide de 1994 et à
provoquer ensuite la déstabilisation du régime zairois en raison de l'arrivée à Goma de plus
d'un million de réfugiés fuyant l'avancée du FPR au Rwanda.
L'attentat présidentiel selon M. Christian Tavernier se comprend donc comme un
facteur de déclenchement d'opérations soigneusement préparées à l'avance,
Sur l'attentat contre l'avion présidentiel, M. Christian Tavemier a tenu à faire la
déclaration suivante pour infirmer les propos tenus par M. Filip Reyntjens lors de son
audition publique devant la mission ainsi que la thèse développée par Mme Colette
Braeckman dans son ouvrage se prononçant en faveur d’une piste française.
M. Christian Tavernier a qualifié cette thèse d’absurde. Il a donné sa version des
faits se fondant sur son expérience personnelle et sur une double source d'informations,
celle du SGR (Services d'intervention belges) et celle du Colonel Aloÿs Ntiwiragabo,
responsable du renseignement des ex-FAR Ce dernier, à la suite de l'enquête qu'il a
menée, a remis un rapport et des photos des boîtiers contenant des missiles aux services
français.
M. Christian Tavernier a souligné que ce rapport correspondait aux conclusions
énoncées par M. Bernard Debré.
Pour M Christian Tavernier, les quatre missiles qui ont servi à l'attentat - missiles
Strella - se trouvaient inclus dans une commande générale faite par le Maréchal Mobutu, ce
dernier ignorant leur existence, Hitimana Matthias, Tutsi burundais extrémiste, effectue
régulièrement pour le Maréchal Mobutu des livraisons d'armes, celle contenant les quatre
missiles se déroulera, en mars 1993, sous sa responsabilité.
Partis de l'ancien territoire d'Allemagne de l'Est, les armes arriveront à Bruxelles,
le chargement bénéficiant de la couverture diplomatique zaïroise, elles seront ensuite
acheminées jusqu’à Ostende puis de là transportées par la Compagnie CB Zaire jusqu'à
Kinshasa. Au Zaire, Hitimana Matthias procédera au prélèvement sur cette livraison des
quatre missiles que M. Christian Tavernier dit avoir vu entreposés dans l'aéroport à Goma.
Les quatre missiles seront confiés à Goma à deux hommes que Colette Braeckman identifie
ë tort comme des Français et qui sont en réalité deux Israéliens, M. Christian Taverier les
ayant entendu parler en hébreu. Ces deux hommes vont s'embarquer sous uniforme belge
(Aloÿs Ntiwiragado témoigne de deux hommes dans cette tenue et Colette Braeckman fait
état du vol de deux uniformes de l'armée belge) à bord d'une voiture Jeep maquillés en
véhicule de la MINUAR. Il se rendront ainsi jusqu’à Gisenyi puis Kigali conduits par le
major Leandre.
Pour M. Christian Tavemier, chargé en avril 1995, par le Maréchal Mobutu,
d'enquêter sur cette affaire, deux israéliens extrémistes de droite ont, pour le compte de
Paul Kagamé, tiré les missiles qui ont abattu l'avion présidentiel.
M. Christian Tavernier indique que l'extrême droite israélienne a toujours
entretenu d'excellentes relations avec Paul Kagamé et ses hommes.
Violemment opposés à la restitution, dans le cadre des accords de paix
israélo-arabes, des territoires conquis par Israël, ces extrémistes israéliens ont fait savoir
qu'en pareille hypothèse ils viendraient rejoindre les rangs de Paul Kagamé pour se mettre
au service de l'édification de « l'Empire Tutsi » et de la reconquête des terres.
M. Christian Tavernier souligne de surcroît qu'un tel scénario en mettant le
Maréchal Mobutu dans une situation plus que compromettante -les missiles ont transité par
le Zaïre et le Maréchal a renoncé à participer à la conférence de Dar es Salam - disculpait du
même coup le FPR, et faisait peser des soupçons sur la Belgique - port des uniformes - et sur
la France - conversation établie en français entre les deux hommes qui ont tiré.