Fiche du document numéro 8774

Num
8774
Date
Jeudi 29 mars 2007
Amj
Taille
270289
Titre
Jean-Christophe Rufin : « Notre écologie est people »
Source
Type
Langue
FR
Citation
Dans « le Parfum d’Adam »,
on a l’impression que les
services secrets recrutent
dans l’humanitaire… C’est
au Brésil que vous les avez
rencontrés ?

Il y a une interpénétration des deux
mondes, c'est sûr. Ce n'est pas au
Brésil que je les ai rencontrés, mais
plus tard, lorsque jétais au cabinet
de François Léotard (NDLR :au ministère de la Défense, de 1993 à 1995).
On m'a demandé d'aller assurer des
missions, de libérer des otages. Là,
forcément, j'étais en contact avec les
services secrets. C'était amusant
parce que, dans les bureaux, on me
confondait avec le capitaine Mafart,
l'un des faux époux Thurenge. C'est
un petit monde qui m'intéressait et
avec lequel, je ne sais pas pourquoi, je
me suis tout de suite senti de plain-pied.

Quel type de mission
avez-vous effectué pour eux ?

Ce n'était pas pour eux. J'étais au service
du pouvoir politique. J'allais
beaucoup à Sarajevo. Tout a commencé
avec une émission de télé où
Léotard s'est retrouvé piégé par
Christine Ockrent. Il y avait une invitée
surprise. C'était une gamine qui
s'appelait Zlata et qui avait écrit son
journal. Elle était bloquée à Sarajevo.
Christine Ockrent demande à Léotard
: « Que comptez-vous faire pour
cette enfant ? » Et Léotard dit : « Tous
les moyens de la République seront
mis à son service, j'en prends l'engagement.
» Il rentre au ministère, me
trouve en train de traîner dans les
couloirs et, résultat, tous les moyens
de la République, ça a été ma
pomme. Je me suis débrouillé, aux
dépens de mon foie, parce que j'allais
boire tous les matins avec les
Serbes. Et j'ai pu la sortir. Grâce à ça,
j'ai acquis la réputation du mec qui
peut faire sortir des otages, et, quand
il y en a eu d'autres, on m'y a renvoyé.

Au fond, lorsqu’on reproche
aux associations humanitaires
de ne pas travailler
seulement pour le compte
des populations mais au
service d’autres Etats, c’est
justifié…

C'est compliqué. Cette interpénétration
des services secrets et de l'humanitaire
se fait à deux niveaux. On
est obligé d'avoir des liens, ne serait-ce
que pour des raisons de sécurité.

Mais il est clair qu'un certain
nombre d'Etats se servent de la couverture humanitaire pour infiltrer
leurs agents. Les ONG sont très vigilantes, mais ce sont des milieux très
perméables parce qu'on a tous des problèmes de recrutement. Ça a été
particulièrement le cas pendant la guerre d Afghanistan.

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