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Survie Gironde
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Survie Gironde est un groupe local de Survie France - survie.org
GÉNOCIDE DES TUTSI DU RWANDA
--LETTRE OUVERTE À M. ALAIN JUPPÉ
Ministre des Affaires Étrangères du 30 mars 1993 au 11 mai 1995
--Un collectif de citoyens bordelais et de personnalités s'intéressant au rôle de
l’État français dans le génocide des Tutsi du Rwanda a adressé la lettre qui suit à
M. Alain Juppé, récemment réélu maire de Bordeaux.
Cette lettre ouverte1 a été publiée le 2 avril 2014 sur les sites : africultures.com,
bastamag.net, le blog de Survie Gironde et un blog de Médiapart. Le site
rue89bordeaux.com a publié un article le 3 avril. Une dépêche AFP a ensuite été
reprise par de nombreux médias en ligne : Libération , le Figaro, le Parisien,
l'Express, France-tv info, BFM-TV, etc. Une page Facebook a également été
créée pour diffuser la lettre et a permis d'informer sur son actualité.
Ce n'est que le 5 avril que le quotidien régional Sud-Ouest publie en ligne cette
lettre ouverte, en même temps que la réponse d'Alain Juppé. Celle-ci, non datée,
porte l'en-tête de la mairie de Bordeaux mais n'est pas publiée sur le site Internet
de la collectivité.
Le présent dossier2 intègre ladite réponse (p. 12) ainsi que le compte rendu de
l'audition de M. Juppé par la Mission d'information parlementaire de 1998
(p. 13) auquel renvoie l'intéressé dans sa réponse.
Le commentaire de Survie Gironde sur la réponse de M. Juppé figure en page
17.
1
2
déposée par une partie de ses signataires à la mairie de Bordeaux le 5 avril 2014
consultable et téléchargeable à l'adresse surviegironde.blogspot.fr
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LETTRE OUVERTE ADRESSÉE À M. ALAIN JUPPÉ
PAR UN COLLECTIF DE CITOYENS BORDELAIS ET DE PERSONNALITÉS
LE 2 AVRIL 2014
"Monsieur Alain Juppé,
Nous, habitants de Bordeaux, et citoyens attentifs au respect de la mémoire des victimes du
génocide des Tutsi au Rwanda, constatons que depuis 20 ans vous tenez, concernant ce crime,
un discours qui entre en contradiction avec la réalité des faits. Il suscite de graves
interrogations sur votre rôle à l'époque, ainsi que sur celui de notre État, auxquelles nous vous
invitons à répondre.
Vous étiez ministre des affaires étrangères d'avril 1993 à avril 1995. Au cours de cette
période, au Rwanda, se mettait en place et se réalisait un génocide : en 1994, il y a 20 ans,
plus
de
800 000 personnes furent assassinées pour la seule raison que la mention Tutsi figurait sur
leurs cartes d'identité. Les forces armées rwandaises (FAR) et les milices civiles réalisèrent
les massacres. Ce crime, organisé et rapide, dura 3 mois !
L’État français, jusqu'en 1994, était particulièrement proche des autorités rwandaises. La
présence militaire sur place est un des aspects les plus visibles de cette proximité : de 1990 à
la fin du génocide, 3 opérations françaises se déployèrent au Rwanda, et il n'y eut que
quelques mois au cours desquels notre armée ne fut pas présente en nombre sur le territoire de
ce petit pays. Depuis 20 ans, des historiens, des écrivains, des journalistes, des associations,
ainsi que des organisations internationales [1]3, accusent les autorités françaises d'avoir une
responsabilité coupable dans la réalisation du génocide, ou d'avoir été complices de celui-ci.
Environ 10 ans après les faits, des responsables politiques français commencèrent à parler
« d'erreur criminelle » (B. Kouchner), puis « d'aveuglement » (N. Sarkozy), pour qualifier les
décisions prises par notre État à cette époque [2]. Mais votre position est toute autre. Selon
vous, la France n'a rien à se reprocher, bien au contraire. Vos arguments sont clairs, vous les
développez par exemple sur votre blog, dans un article mis en ligne le 1er mars 2010.
Concernant les accusations dirigées contre vous, vous vous contentez de les balayer d'un
revers de la main, au seul motif qu'elles ne seraient « évidemment qu'un tissu d'allégations
mensongères ». Mais lorsque vous exposez votre vision des événements, force est de
constater que vous omettez et contredisez des faits avérés, afin de produire un discours
dédouanant les dirigeants français de toute responsabilité.
Selon vous, M. Juppé, « le gouvernement français a tout fait pour réconcilier le gouvernement
du président Habyarimana, légalement élu, et le leader du front patriotique rwandais (FPR) »,
« bref le processus de paix semblait bien engagé... jusqu'à l'attentat du 6 avril 1994 qui a
évidemment ruiné les efforts de la diplomatie française. ».
Vous offrez, en quelques phrases, un vernis démocratique au régime de Juvénal Habyarimana,
arrivé en pouvoir en 1973 par un coup d'état, et vous légitimez ainsi l'aide que lui offraient les
3
Les notes de renvoi sont aux pages 6 et s.
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Dossier : Lettre ouverte à M. Alain Juppé - Avril 2014 - p. 2
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autorités françaises. Mais vous fermez les yeux sur tous les éléments qui montraient la
préparation du génocide : le massacre des Bagogwe en 1991 ; celui des Tutsi dans le
Bugesera, dans la région de Kibuye et dans le nord-ouest en 1992 et 1993 ; ainsi que les
nombreux rapports, français [3] et internationaux, qui en attestent. Les plus notables, publiés
en 1993, sont celui de 4 ONG [4], dont la FIDH, et celui de la commission des droits de
l'Homme de l'ONU [5]. Ils interrogent déjà sur la possibilité de qualifier ces massacres de
génocide. Ils démontrent également qu'ils sont encadrés par les autorités administratives et
l'armée rwandaise, à une époque où les forces militaires françaises collaborent étroitement
avec celles-ci.
Devant la multitude de ces voyants rouges [6], n'aurait-il pas été de votre devoir de dénoncer
les crimes du régime et d'appeler à suspendre notre coopération, plutôt que de les camoufler
derrière le paravent des accords d'Arusha ?
Ce processus de paix, bien engagé selon vous, était pourtant qualifié par le président
Habyarimana de « chiffon de papier » [7]. Pouviez-vous réellement ignorer que l'État français
enfreignait ses clauses, notamment en poursuivant les fournitures d'armes au régime raciste de
Kigali bien après sa signature définitive (le 04 août 1993) : la Mission des Nations unies pour
l'assistance au Rwanda (MINUAR) intercepta, sur l'aéroport de la capitale, une livraison en
janvier 1994 [8]; selon Edouard Balladur, la dernière autorisation d'exportation de matériel de
guerre date du 6 avril [9]? Enfin, et c'est beaucoup plus grave, Human Rights Watch révèle,
après une enquête menée en 1995, qu'au moins 5 livraisons d'armes en provenance de la
France et à destination des forces génocidaires ont eu lieu via l'aéroport de Goma, à la
frontière zaïroise [10]. Elles s'effectuèrent après le 17 mai, alors que plus personne ne pouvait
ignorer qu'un génocide était en cours, et que l’ONU venait de décréter un embargo sur les
armes.
Les témoignages qui étayent ces conclusions sont-ils tous, eux aussi, mensongers ? Vous
admettiez pourtant, durant le génocide, ne pas connaître les décisions de l’Élysée concernant
les ventes d'armes [11]. N'est-ce pas plutôt ces dernières qui ruinèrent les efforts de la
diplomatie française, si ces efforts ont existé ? Et l’État français ne doit-il pas se reprocher
cette aide aux génocidaires ?
Par ailleurs, vous écrivez : « loin de se taire sur tout ce qui s'est alors passé au Rwanda, le
gouvernement français a, par ma voix, solennellement dénoncé le génocide dont des centaines
de milliers de Tutsis étaient les victimes. ». C'est vrai, vous avez dénoncé le génocide, et vous
étiez le premier responsable politique français à le faire, à un moment où il devenait
impossible de nier son existence, et où l’État devait corriger sa position. C'était le 16 mai
1994, cinq semaines après le début des massacres, alors que certains médias français
employèrent le mot de génocide dès le 11 avril [12], et que l'ordre d'opération d'Amaryllis
[13], daté du 8 avril, mentionnait que « les membres de la garde présidentielle ont mené [...]
l'arrestation et l'élimination des opposants et des Tutsis ». Les autorités françaises savaient.
Elles étaient les mieux placées pour connaître exactement ce qui se passait au Rwanda, bien
avant le 16 mai.
Mais quand, devant l'évidence des faits, vous dénoncez les responsables des massacres, c'est
pour mieux mentir sur leur chronologie en prétendant, le 18 mai à l'assemblée nationale ,
qu'ils sont la conséquence d'une nouvelle attaque du FPR [14]. Or le FPR, en 1994, n'est
intervenu qu'après le début du génocide [15], et il était la seule force sur place à mettre fin à
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Dossier : Lettre ouverte à M. Alain Juppé - Avril 2014 - p. 3
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celui-ci. Présenter les choses comme vous le faisiez, n'était-ce pas une manière de détourner
les accusations qui visaient ses véritables auteurs ?
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Dossier : Lettre ouverte à M. Alain Juppé - Avril 2014 - p. 4
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De plus, le 16 juin, dans une tribune accordée au journal Libération [16], vous parlez des
« responsables de ces génocides » au Rwanda, au pluriel, laissant entendre qu'il y aurait eu un
second génocide, commis par une autre partie que vous ne nommez pas. Cette thèse, que plus
personne n'ose sérieusement soutenir aujourd'hui, permettait de dédouaner les responsables
des tueries, en prétendant qu'ils ne faisaient que se défendre... Vous repreniez ainsi l'argument
qu'employaient les génocidaires pour exterminer la population civile Tutsi. Quels éléments
pouvaient être suffisants pour vous permettre d'évoquer un second génocide, alors que le
rapport de l'ONU d’août 1993 [17] ne vous avait, lui, pas alerté ? Oseriez-vous encore,
M. Juppé, laisser entendre qu'en 1994 plusieurs génocides étaient commis au Rwanda ?
Nous l'avons vu, les autorités françaises connaissaient la nature et l'ampleur des massacres,
dès le commencement de ceux-ci [18]. Pouviez-vous ignorer qu'un génocide était en cours
lorsque vous receviez à Paris, le 27 avril, le ministre des affaires étrangères du gouvernement
intérimaire rwandais, ainsi que l'idéologue extrémiste Jean-Bosco Barayagwiza ? Ce dernier
est l'un des fondateurs de la RTLM, la radio appelant aux tueries, qui fut un outil fondamental
du génocide [19]. Il a été condamné à 32 ans de prison par le Tribunal Pénal International pour
le Rwanda. La réception de ces personnes au Quai d'Orsay, mais aussi à l’Élysée et à
Matignon, « rendait le génocide respectable », pour employer les mots de l'historienne Alison
Des Forges [20]. La Belgique et les USA leur avaient fermé leurs portes, la France fut le seul
pays occidental à traiter avec eux.
Cette réception, M. Juppé, vous la taisez. Vous ne pouvez pas même la justifier par une
condamnation verbale des responsabilités portées par vos hôtes. Celle-ci n'a pas existé...
Vous écrivez enfin « Ce que je sais, c'est que la communauté internationale a fait preuve d'une
passivité, voire d'un « aveuglement » scandaleux. [...] le conseil de sécurité a été incapable de
prendre la moindre décision... sauf celle de ramener les effectifs de la MINUAR de 2548 à
270 hommes (21 avril 1994) » ; « Devant la carence de la communauté internationale [...], la
France a été la seule à avoir un sursaut de courage. J'ai longuement expliqué, à l'époque,
l’initiative qui a abouti à l'opération Turquoise ».
Là encore, vous contredisez les faits. La France ne s'est nullement opposée à la passivité de la
communauté internationale que vous dénoncez. Elle y a participé, en votant la résolution 912
du conseil de sécurité de l'ONU, réduisant l'effectif de la MINUAR à 270 hommes, le 21 avril
1994, 14 jours après le début du génocide. Vous avez vous même déclaré, lors du conseil des
ministres restreint du 13 avril 1994, être favorable à la suspension de la MINUAR [21], à un
moment où le pire pouvait encore être évité. Ce n'est que dans un second temps, au mois de
juin, alors que le génocide touche à sa fin, que l’État français prend la décision d'intervenir.
Ce n'est pas un moment anodin : Kigali menace de tomber aux mains du FPR, qui s'oppose
militairement aux forces armées rwandaises et stoppe l'extermination des Tutsi.
Faut-il rappeler que l'opération Turquoise, qualifiée d'« humanitaire », était lourdement armée
[22] et composée en grande partie de l'élite des forces spéciales [23]? Et que la France a
imposé unilatéralement, sans l'accord du conseil de sécurité, une « zone humanitaire sûre »
dans laquelle les tueurs ne seront pas désarmés, les responsables ne seront pas arrêtés, et
depuis laquelle la RTLM, qui appelait aux massacres, pourra continuer à émettre sans souffrir
de tentative de brouillage ni de neutralisation [24]?
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Dossier : Lettre ouverte à M. Alain Juppé - Avril 2014 - p. 5
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Les forces françaises avaient pourtant le devoir d'interrompre le génocide et d'arrêter les
coupables, notamment à partir du 28 juin, date de sa reconnaissance par l'ONU : la France est
signataire de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide,
et l'opération « humanitaire », placée dans le cadre du chapitre VII [25] de la charte de l'ONU,
pouvait recourir à « tous les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs humanitaires
énoncés » [26]. Mais les objectifs militaires sur place étaient tout autre, comme en témoignent
des propos d'officiers [27], ainsi que l'ordre d'opération de Turquoise appelant à inciter les
autorités locales à rétablir leur autorité [28]. Il s'agit bien ici des autorités qui ordonnaient et
organisaient le génocide !
Si l'opération Turquoise a permis par endroits de sauver des vies, elle a ailleurs, comme à
Bisesero, du 27 au 30 juin, laissé les tueurs finir librement leur besogne [29]. Elle a créé un
véritable sanctuaire, défendu militairement, dans lequel les responsables du génocide ne
pouvaient être inquiétés, puis elle a organisé leur fuite vers le Zaïre [30].
Continuez-vous à prétendre, M. Juppé, contre l'évidence des faits, que l’État français s'est
opposé à la passivité de l'ONU devant le génocide des Tutsi ? Et que l'opération Turquoise
n'était qu'une opération humanitaire, dont le but était de lutter contre ce génocide ?
Aux premiers jours du génocide, les extrémistes hutu se retrouvaient à l'ambassade de France.
Les discussions devant aboutir à la formation du gouvernement génocidaire s'y tinrent en
partie, avec la participation de l'ambassadeur J.-M. Marlaud, donc sous votre responsabilité
directe [31]. Durant la même période, tout près de l'ambassade, Madame Agathe
Uwilingiyimana, première ministre dite hutu modérée, favorable aux accords de paix, se
faisait assassiner, comme beaucoup des responsables politiques partageant ses opinions. Vous
n'avez jamais eu un mot pour dénoncer ces assassinats ! Mais vous avez traité, comme nous
l'avons vu, avec le gouvernement génocidaire, le reconnaissant de fait et lui offrant la caution
de la France.
En 1998, lors de votre audition par la mission d'information parlementaire, vous avez évoqué
ces faits par un euphémisme particulièrement surprenant, parlant du « départ des hutus
modérés » [32]. Plus qu'une maladresse, n'était-ce pas là, encore une fois, une manière de
dédouaner les criminels avec qui vous traitiez, et de refaire le passé ?
Vingt ans après, alors que notre justice vient pour la première fois de juger, et de déclarer
coupable de génocide, un Rwandais séjournant en France, n'est-il pas grandement temps
d'oser regarder le passé en face? Nous souhaitons que l’État qui nous représente ait la dignité
de reconnaître ses erreurs. C'est la seule attitude qui puisse nous paraître respectable,
aujourd'hui, devant la souffrance immense générée par le génocide des Tutsi.
Le mandat que vous aviez à l'époque, les décisions que vous avez prises, la manière dont vous
les avez défendues jusqu'à présent, font de vous un acteur majeur de la politique française au
Rwanda. Les mensonges de ceux qui nous gouvernaient en 1994, concernant l'aide fournie à
la réalisation du génocide des Tutsi, nous concernent au plus haut point. Votre discours, qui
entre en contradiction avec les faits avérés, pourrait être qualifié de révisionniste. Il nous
paraît inacceptable qu'un homme tenant des propos sur un génocide visant à tromper ses
concitoyens puisse représenter la population bordelaise. C'est également notre dignité qui est
en jeu ! Nous vous invitons donc, encore une fois, à répondre avec clarté et honnêteté aux
questions que nous vous posons."
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Dossier : Lettre ouverte à M. Alain Juppé - Avril 2014 - p. 6
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Signataires :
AUBRY Patrick, réalisateur, Pessac
BOURREAU Pierre, chercheur en informatique, Bordeaux
CATTIER Emmanuel, Commission d’Enquête Citoyenne pour la vérité sur l'implication
française dans le génocide des Tutsi
CLARKE Bruce, plasticien
COURTOUX Sharon, membre fondateur de l'association Survie
DELTOMBE Thomas, éditeur et journaliste
DIA Thierno I., analyste de l'image, Bordeaux
DIOP Boubacar Boris, écrivain
FANON MENDES FRANCE Mireille, membre de la Fondation Frantz Fanon
GALABERT Jean-Luc, psychologue
GAUTHIER Alain, président du CPCR
GODARD Marie Odile, maître de conférences en psychologie à Amiens
GOUTEUX Bruno, journaliste et webmaster
GRANDCHAMP Simon, ingénieur, Bordeaux
GRENIER Etienne, avocat, Bordeaux
HANNA Gilbert, syndicaliste et journaliste à la clé des ondes, Bordeaux
KAYIMAHE Vénuste (rwandais et rescapé, écrivain, employé au Centre d’échanges culturels
franco-rwandais à Kigali de 1975 à 2000)
LAINÉ Anne, cinéaste, présidente d'Appui Rwanda
DE LA PRADELLE Géraud, professeur émérite
LE COUR GRANDMAISON Olivier, universitaire
LEMOINE Benoît, président de Survie Gironde, Bordeaux
MABON Armelle, historienne
MESTRE Claire, médecin et anthropologue, Bordeaux
MOREL Jacques, auteur de La France au cœur du génocide des Tutsi
MUGICA Romain, psychologue, Gradignan
MUKANTABANA Adélaïde, Rwandaise et rescapée, Bègles
NDIAYE Abdourahmane, économiste, Bordeaux
NONORGUES Marie-Paule, avocate, Bordeaux
LES OGRES DE BARBACK, artistes
OUEDRAOGO Dragoss, anthropologue, cinéaste, réalisateur, Bordeaux
PETITDEMANGE Cécile, étudiante à Sciences Po Bordeaux
ROBERT Nicolas, infirmier, Bordeaux
DE SAINT-EXUPÉRY Patrick, auteur de L'inavouable, la France au Rwanda (Ed. des
Arènes, 2004), Complices de l'inavouable, la France au Rwanda (Ed. des Arènes, 2009), La
fantaisie des Dieux, Rwanda 94 (Récit graphique en bd, avec Hippolyte, Ed. des Arenes,
2014)
SITBON Michel, éditeur et journaliste
SOW Cheikh, militant d'éducation populaire, Bordeaux
TARRIT Fabrice, président de Survie
TOBNER Odile, ancienne présidente de Survie
TOULABOR Comi, directeur de recherche à Sciences Po Bordeaux
TRYO, artistes
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Dossier : Lettre ouverte à M. Alain Juppé - Avril 2014 - p. 7
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Notes de renvoi :
1. Parmi lesquels : Marcel Kabanda, Jean-Pierre Chrétien, Alison Des Forges, Gérard Prunier,
Catherine Coquery-Vidrovitch (historiens), Colette Braeckman, Patrick de Saint-Exupéry,
Jean-François Dupaquier, Laure de Vulpian (journalistes), Boubacar Boris Diop, Jacques
Morel (écrivains), FIDH, Human Rights Watch, Survie, etc.
2. Auparavant les USA, par les voix de B. Clinton et M. Albright, ont reconnu leurs erreurs et
présenté des excuses, le secrétaire général de l'ONU Kofi Annan a exprimé ses regrets, le
Premier ministre belge G. Verhofstadt a déclaré «au nom de mon pays et de mon peuple, je
demande pardon ».
3. Par exemple l’ambassadeur français à Kigali Georges Martres adresse, le 15 octobre 1990,
au Quai d’Orsay un télégramme où il utilise les termes de « génocide » et d’« élimination
totale des Tutsi » : " [la population rwandaise d'origine tutsi] compte encore sur une victoire
militaire, grâce à l’appui en hommes et en moyens venus de la diaspora. Cette victoire
militaire, même partielle, lui permettrait, d’échapper au génocide." En 1998, G. Martres
déclare à la Mission d'Information Parlementaire : "Le génocide était prévisible dès cette
époque [fin 1990]". L'attaché de défense à Kigali, le colonel R. Galinié, écrit dans un message
envoyé à Paris le 24 octobre 1990 l'éventualité de « l'élimination physique à l'intérieur du
pays des Tutsis, 500 000 à 700 000 personnes, par les Hutus, 7 millions d'individus... »
4. Rapport de la Commission internationale d'enquête sur les violations des Droits de l'homme
au Rwanda depuis le 1er octobre 1990 ; (7-21 janvier 1993) réalisé par la Fédération
Internationale des Droits de l'Homme (Paris ), Africa Watch (une division de Human Rights
Watch, New York ), l'Union Inter-Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples,
(Ouagadougou ), le Centre International des Droits de la Personne et du Développement
Démocratique (Montréal). Mars 1993. Dans ses conclusions, la Commission aborde
directement la question du génocide : « Les témoignages prouvent que l’on a tué un grand
nombre de personnes pour la seule raison qu’elles étaient Tutsi. La question reste de savoir si
la désignation du groupe ethnique “Tutsi” comme cible à détruire relève d’une véritable
intention, au sens de la Convention, de détruire ce groupe ou une part de celui-ci “comme tel.
[...] La Commission estime que, quoi qu’il en soit des qualifications juridiques, la réalité est
tragiquement identique : de nombreux Tutsis, pour la seule raison qu’ils appartiennent à ce
groupe, sont morts, disparus ou gravement blessés et mutilés ; ont été privés de leurs biens ;
ont dû fuir leur lieu de vie et sont contraints de se cacher ; les survivants vivent dans la
terreur. » http://cec.rwanda.free.fr/documents/doc/RapportMars93/ComIntMars93.pdf
J. Carbonare, l'un des membres de cette commission déclare le 28 janvier 1993 au journal de
20h de France 2 : « Ce qui nous a beaucoup frappé au Rwanda, c’est à la fois l’ampleur, la
systématisation, l’organisation même, de ces massacres. [...] Il y a un mécanisme qui se met
en route [...] On a parlé de purification ethnique, de génocide, de crimes contre l’humanité [...]
nous insistons beaucoup sur ces mots ». Vidéo visible ici : survie.org/genocide/il-y-a-vingtans
5. Rapport présenté par M. Waly du Ndiaye, rapporteur spécial, sur la mission qu'il a effectué
au Rwanda du 8 au 17 avril 1993. Août 1993. Le Rapporteur Spécial de l’ONU soulève
explicitement la question de savoir si les massacres peuvent être qualifiés de génocide : « Il
ressort très clairement des cas de violences intercommunautaires portés à l’attention du
Rapporteur spécial que les victimes des attaques, des Tutsi dans l’écrasante majorité des cas,
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Dossier : Lettre ouverte à M. Alain Juppé - Avril 2014 - p. 8
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ont été désignés comme cible uniquement à cause de leur appartenance ethnique, et pour
aucune autre raison objective. On pourrait donc considérer que les alinéas a) et b) de l’article
II [qui porte définition du génocide dans la convention de 1948] sont susceptibles de
s’appliquer [...] » survie.org/genocide/il-y-a-vingt-ans/article/il-y-a-20-ans-un-rapport-de-lonu-4521
6. Auxquels s'ajoutent : l'article de l'historien J.-P. Chrétien dénonçant en mars 1993 dans la
revue Esprit « un dévoiement tragique vers un génocide », le fax du général R. Dallaire
(MINUAR) du 11 janvier 1994, transmis le lendemain à l'ambassade de France, et démontrant
la préparation des massacres.
7. Alison Des Forges, Aucun témoin ne doit survivre. Le génocide au Rwanda. Karthala,
Human Rights Watch, Fédération internationale des Droits de l’homme, avril 1999.
8. La France a livré des armes dans la nuit du 21 au 22 janvier 1994 : « Un DC-8 français
transportant un chargement d’armes comprenant 90 caisses de mortiers de 60 mm, fabriqués
en Belgique mais provenant de France, atterrit en secret dans la nuit. La MINUAR découvrit
ce chargement qui violait les termes des accords d’Arusha, et plaça les armes sous la garde
conjointe de la MINUAR et de l’armée rwandaise. » (Alison Des Forges, cf. note 7). La
mission d'information parlementaire relève que «le dernier agrément délivré par la CIEEMG
[Commission interministérielle d’étude des exportations de matériel de guerre, à laquelle
participe le ministère des affaires étrangères] concernant des ventes de matériels de guerre au
Rwanda remonte au 20 janvier 1994 ». Elle relève également 6 Autorisations d’Exportation
de Matériels de Guerre en 1994, dont une de 50 mitrailleuses en date du 22 avril ! Ce sont
6 livraisons d’armes officielles en violation des accords de paix.
9. Edouard Balladur, L'opération Turquoise : courage et dignité, Le Figaro, 23 août 2004.
10. Rapport HRW, Rwanda/Zaïre, Réarmement dans l’impunité. Le soutien international aux
perpétrateurs du génocide rwandais, mai 1995 : « Certaines livraisons d’armes à Goma parmi
les premières après le 17 mai étaient des envois du gouvernement français pour les FAR. " et
plus loin : " le consul français [en réalité officiellement proconsul] a signalé d’autres
livraisons d’armes à l’aéroport de Goma pour les FAR de mai à juillet, provenant d’autres
sources que le gouvernement français. ([...] Il a ajouté [...] qu’elles pourraient provenir de
marchands d’armes français opérant à titre privé. Les ventes d’armes, même par des sociétés
privées, doivent être autorisées par le gouvernement français.) »
11. Le 12 juin 1994, le président et la directrice des opérations de MSF, P. Biberson et
B. Vasset, rencontrent A. Juppé et lui demandent : « On dit qu’il y a des livraisons d’armes au
gouvernement rwandais ou au gouvernement intérimaire ou au gouvernement en fuite, est-ce
qu’il est exact que la France continue des livraisons d’armes à Goma ? » A. Juppé répond :
« Écoutez, tout ça c’est très confus, il y avait effectivement des accords de coopération ou de
défense avec le gouvernement, il y a peut-être eu des reliquats, mais en ce qui concerne mes
services, je peux vous dire que depuis fin mai il n’y a certainement plus aucune livraison
d’armes au régime Habyarimana” » Mais en même temps, il dit en regardant de l’autre côté de
la Seine, donc vers l’Élysée : « Mais ce qui peut se passer là-bas, moi je n’en sais rien. »
L. Binet, Génocide des Rwandais Tutsis, Médecins sans Frontières, 2003
12. Le 11 avril 1994 J.-P. Ceppi parle dans Libération du « génocide des Tutsis de Kigali » et
M. Mukabamano, journaliste à RFI, déclare au Parisien : « C’est un véritable génocide » ;
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Dossier : Lettre ouverte à M. Alain Juppé - Avril 2014 - p. 9
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le 19 avril Human Rights Watch informe le président du Conseil de sécurité que les massacres
en cours au Rwanda constituent « un génocide » ; le 24 avril L’ONG Oxfam parle de
« génocide », etc.
13. Lors de l’opération Amaryllis du 9 au 14 avril, 1 464 militaires français du 1er, 3e, 8e
RPIMa et du COS, évacuent exclusivement les ressortissants européens et des extrémistes
Hutus. Les militaires ont reçu l’ordre de ne pas réagir aux massacres. L'historien Gérard
Prunier écrit : « quelques Tutsi réussissent à embarquer à bord de camions en route pour
l’aéroport : ils doivent descendre des véhicules au premier barrage de la milice et ils sont
massacrés sous les yeux de soldats français ou belges qui, conformément aux ordres, ne
réagissent pas. ». Le rapport de la Mission d’information parlementaire française de 1998
conclus : « Il semble donc [...] que le traitement accordé à l’entourage de la famille
Habyarimana ait été beaucoup plus favorable que celui réservé aux employés tutsis dans les
postes de la représentation française – ambassade, centre culturel, Mission de coopération »
14. « Face à l'offensive du front patriotique rwandais, les troupes gouvernementales
rwandaises se sont livrées à l'élimination systématique de la population tutsie, ce qui a
entraîné la généralisation des massacres. ». SECONDE SESSION ORDINAIRE DE 19931994 (4e SÉANCE) COMPTE RENDU INTÉGRAL , 2° séance du mercredi 18 mai 1994 .
JO de la République Française, débats parlementaires, assemblée nationale, 19 mai 1994.
15. Audition du Colonel Balis (MINUAR) : « Le 7 avril, vers 9 h 30 m et 11 h 30 m, j’ai pu
convaincre le FPR de rester dans son cantonnement, mais une colonne du FPR est malgré tout
sortie vers 16 h 30 m. Ils ont alors créé une zone de sécurité. » Sénat de Belgique commission des affaires étrangères : Commission d’enquête parlementaire concernant les
événements du Rwanda 1-611/(7-15) 1997/1998. Sénat belge, 6 décembre 1997.
16. A. Juppé, « Point de vue » Intervenir au Rwanda, Libération, 16 juin 1994 : « La France
n’aura aucune complaisance à l’égard des assassins ou de leurs commanditaires. La France,
seul pays occidental représenté au niveau ministériel à la session extraordinaire de la
Commission des droits de l’homme à Genève, exige que les responsables de ces génocides
soient jugés ».
17. Voir note 5.
18. Voir notes 6 et 13.
19. On pouvait y entendre, entre autres appels aux massacres : « bonjour, je suis un petit
garçon de huit ans. est-ce que je suis assez grand pour tuer un tutsi ? Réponse de l'animateur :
comme c'est mignon ! Tout le monde peut le faire, tu sais. » J.-P. Chrétien, Rwanda, les
médias du génocide. Ed. Karthala, 2002.
20. Voir note 7.
21. A. Juppé : « Aux Nations Unies, le Secrétaire général doit rendre demain son rapport.
Trois solutions sont envisageables : le maintien de la MINUAR, sa suspension avec le
maintien éventuel d’un contingent symbolique ou un retrait total. Les Belges sont favorables à
une suspension et c’est aussi mon avis. » Conseil restreint du 13 avril 1994. Document
disponible ici :
http://www.francerwandagenocide.org/documents/ConseilRestreint13avril1994.pdf ↩
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Dossier : Lettre ouverte à M. Alain Juppé - Avril 2014 - p. 10
Survie Gironde
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22. Figurent sur la liste officielle déclarée à l'ONU : 8 avions Mirage, 12 automitrailleuses,
6 mortiers lourds. Auxquels s'ajoutent des avions Mirage IV-P, des hélicoptères de combat
Gazelle , etc. G. Prunier, conseiller au ministère de la Défense en 1994, écrit : « la puissance
de feu prévue par les forces françaises semble disproportionnée pour une mission
humanitaire », Rwanda : le génocide. Dagorno, 1997.
23. Turquoise est composée notamment d'officiers et soldats : du Commandement des
Opérations Spéciales (qui réunit des spécialistes de l’action et du renseignement sous
l’autorité directe du chef d’état-major des armées), du 1er régiment de parachutistes
d'infanterie de marine (forces spéciales), du GIGN et de L’EPIGN (Escadron parachutiste de
la gendarmerie nationale) , du 3e Régiment d’infanterie et de chars de marine (RICM) , du
11e Régiment d’artillerie de marine), de la Légion étrangère , du 2e Régiment étranger
d’infanterie, du commando de marine , de spécialistes des opérations en « zone hostile » du
13e Régiment de Dragons Parachutistes.
24. La résolution 925 du 8 juin du Conseil de sécurité exige : « que toutes les parties mettent
fin immédiatement à toute incitation à la violence ou à la haine ethnique, en particulier par le
biais des moyens d’information ». On peut lire le 28 juin dans le rapport de la Commission
des Droits de l’homme de l’ONU que «l’intention claire et non équivoque» de commettre le
génocide «se trouve bien contenue dans les appels incessants au meurtre lancés par les
médias, en particulier la RTLM». Le 1er Juillet, le représentant de la France à l'ONU parle de
faire cesser ces émissions : « Je voudrais insister avant de conclure sur la responsabilité
particulière des médias qui incitent à la haine ethnique et à la violence. La France demande
instamment aux responsables des radios concernées, et en premier lieu à la Radio Mille
Collines, de mettre fin à cette propagande criminelle. La France fera tout son possible pour
obtenir la cessation de ces émissions. » Mais selon le général R. Dallaire, la RTLM émet
encore
le
1er août en direction des camps.
25. Il est important de noter que le 20 juin le représentant de la France à l'ONU fait la
demande explicite d'une intervention sous chapitre VII autorisant, contrairement à la
MINUAR, l'usage de la force : « nos gouvernements souhaitent disposer, comme cadre
juridique de leur intervention, d’une résolution placée sous le Chapitre VII de la Charte des
Nations Unies ». Lettre datée du 20 juin 1994, adressée au secrétaire général par le
représentant permanent de la France auprès de l’organisation des nations
unies. http://www.francerwandagenocide.org/documents/S1994-734.pdf
26. ONU, S/RES/929 (1994). http://www.francerwandagenocide.org/documents/94s929.pdf
On peut lire également dans l'ordre d'opérations de Turquoise (voir note 28) « mettre fin aux
massacres partout où cela sera possible, éventuellement en utilisant la force » ; « tout en étant
en mesure d'intervenir à tout moment, éventuellement par la force, au profit de la population
menacée » ; « marquer si nécessaire par l'usage de la force la volonté française de faire cesser
les massacres et de protéger les populations » ; « la légitime défense élargie comporte l'emploi
de la force dans les situations suivantes : - menaces sur nos forces, - menaces dans la mission
de protection des personnes, soit contre nos forces, soit contre les populations protégées, obstruction dans l'exécution de la mission de nos forces »
27. L'adjudant-chef du GIGN T. Prungnaud explique que « la mission, au départ, c’était
d’intervenir sur des massacres soi-disant de Hutu qui seraient massacrés par des Tutsi » (voir
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Dossier : Lettre ouverte à M. Alain Juppé - Avril 2014 - p. 11
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note 29) ; le colonel D. Tauzin déclare dans The Guardian du 01 juillet 1994 : « Nous ne
sommes pas en guerre avec le gouvernement du Rwanda ou ses forces armées. Ce sont des
organisations légitimes.» ; Le général R. Dallaire (MINUAR) déjeune le 30 juin avec des
officiers français et rapporte ce qu’il a entendu : « Ils refusaient d’accepter l’existence d’un
génocide et le fait que les dirigeants extrémistes, les responsables et certains de leurs anciens
collègues fassent partie d’une même clique. Ils ne cachaient pas leur désir de combattre le
FPR » R. Dallaire, J’ai serré la main du diable - La faillite de l’humanité au Rwanda. Libre
expression, 2003.
28. « Affirmer auprès des autorités locales rwandaises, civiles et militaires, notre neutralité et
notre détermination à faire cesser les massacres sur l'ensemble de la zone contrôlée par les
forces armées rwandaises en les incitant à rétablir leur autorité ». On peut y lire également que
« plusieurs centaines de milliers de personnes d'ethnies hutue et tutsie ont été exterminées ».
Ordre d'opérations de Turquoise, 22 juin 1994.
Document consultable à l'adresse : jacques.morel67.pagesperso-orange.fr
29. P. de Saint-Exupéry, L’inavouable - La France au Rwanda. Les Arènes, 2004.
L. de Vulpian et T. Prungnaud, Silence Turquoise. Don Quichotte, 2012.
30. Le mensuel de la Légion étrangère, Képi Blanc, d’octobre 1994 confirme que : « Battue
sur le terrain, l’armée ruandaise se replie, en désordre, vers la « zone humanitaire sûre ».
L’E.M.T. [l’état-major tactique de l’opération Turquoise] provoque et organise l’évacuation
du gouvernement de transition rwandais vers le Zaïre. Le 17 juillet, le gouvernement ruandais
passe au Zaïre. ».
31. Auditions de l'ambassadeur Jean-Michel Marlaud par la Mission d'Information
Parlementaire, Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994 [140, Tome III, Auditions, Vol.
1, pp. 296-297].
32. Auditions d'Alain Juppé par la Mission d'Information Parlementaire, 21 avril 1998,
Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994 [140, Tome III, Auditions, vol. 1, p.91].
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Dossier : Lettre ouverte à M. Alain Juppé - Avril 2014 - p. 12
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RÉPONSE DE M. ALAIN JUPPÉ
A LA LETTRE OUVERTE CI-DESSUS
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AUDITION DE M. ALAIN JUPPÉ,
MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1993-1995),
DÉPUTÉ DE LA GIRONDE
PAR LA MISSION D'INFORMATION PARLEMENTAIRE
SUR LES OPÉRATIONS MILITAIRES MENÉES PAR LA FRANCE,
D'AUTRES PAYS ET L'ONU AU RWANDA ENTRE 1990 ET 1994
21 avril 1998
(http://www.assemblee-nationale.fr/11/dossiers/rwanda/auditi01.asp#BALLADURLEOTARDJUPPEROUSSIN)
____
"Présidence de M. Paul Quilès, Président
Ouvrant la séance, le Président Paul Quilès a rappelé que l’audition de MM. Edouard
Balladur, ancien Premier Ministre, Alain Juppé, François Léotard et Michel Roussin, anciens
Ministres, s’inscrivait naturellement dans le cadre des investigations de la mission dont l’objet
est de faire la lumière sur l’enchaînement des événements qui ont conduit aux massacres
perpétrés au Rwanda. Il a indiqué que la liste des personnes à entendre n’était pas
définitivement arrêtée et que la mission entendrait toutes les personnes et tous les
responsables civils, diplomatiques et militaires susceptibles d’éclairer sa réflexion, soit de
l’ordre d’une soixantaine d’auditions. Il a précisé que la mission analyserait l’ensemble des
documents officiels français concernant la crise rwandaise, certains devant être déclassifiés,
ce qui nécessitera plusieurs mois de travail. Il a souligné qu’il était prématuré de vouloir
d’ores et déjà tirer des conclusions des premiers travaux de la mission. Il a par ailleurs rappelé
que les travaux de la mission se situaient dans le cadre constitutionnel du contrôle
parlementaire de l’action gouvernementale.
----------------------------------M. Alain Juppé s’est ensuite exprimé en tant qu’ancien chef de la diplomatie française et a
tout d’abord distingué trois phases : de fin mars 1993 au 6 avril 1994, date de l’attentat contre
l’avion présidentiel, la recherche patiente et résolue du partage du pouvoir entre les
différentes forces qui se déchiraient au Rwanda, puis, du 6 avril jusqu’à la mi-juin 1994, les
efforts incessants et multiples de la France pour convaincre la communauté internationale
d’intervenir au Rwanda, enfin l’opération Turquoise, du 22 juin 1994, date de la résolution
n° 929 du Conseil de sécurité des Nations Unies, au 21 août 1994, date du retrait de nos
troupes.
Il a déclaré qu’il était inexact d’affirmer que la France avait soutenu de manière
inconditionnelle le régime du Président Juvénal Habyarimana car la position constante du
Gouvernement français visait au contraire à favoriser la réconciliation et le partage du pouvoir
entre les deux ethnies hutues et tutsies, considérant qu’il s’agissait là de la seule solution
viable à long terme. C’est dans cet esprit que le Président Juvénal Habyarimana a été
encouragé à négocier, tant avec le FPR qu’avec l’opposition hutue modérée, et à transformer
les institutions rwandaises pour faire une place à chacune des forces en présence. Ces
négociations, commencées avant le Gouvernement de M. Edouard Balladur et poursuivies par
lui, ont abouti à la conclusion des accords d’Arusha I en 1992 et d’Arusha II en août 1993.
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Dossier : Lettre ouverte à M. Alain Juppé - Avril 2014 - p. 14
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Dès mars 1993, le nouveau Gouvernement français a déployé tous ses efforts pour obtenir un
certain nombre de décisions : tout d’abord le renforcement du groupe d’observateurs
militaires envoyés par l’OUA au lendemain du premier cessez-le-feu de juillet 1992, entré en
vigueur le 1er août 1992 -il faut souligner qu’à cette époque beaucoup de pays fondaient des
espoirs sur l’OUA et non pas sur les Nations Unies, or l’efficacité de l’organisation africaine
n’a guère été convaincante- en second lieu, sur la base d’un rapport du Secrétaire général de
l’ONU, la mise en place d’une force d’observateurs à la frontière entre le Rwanda et
l’Ouganda, la MONUOR, qui arrivera en octobre 1993, et en dernier lieu la poursuite des
négociations d’Arusha. Il a souligné que l’action de la France, jointe à celle d’autres acteurs,
n’avait pas été inutile puisqu’un accord, ou plus exactement une série d’accords ont été signés
à Arusha le 4 août 1993 pour être mis en oeuvre sur une période de transition de
vingt-deux mois. M. Alain Juppé a signalé que le Président du FPR avait alors officiellement
adressé ses remerciements à la France pour la contribution qu’elle avait apportée à la
conclusion de ces accords.
Ceux-ci prévoyaient, notamment à partir du 15 décembre 1993, la mise en place d’un
gouvernement de transition à base élargie avec, comme Premier Ministre M. Faustin
Twagiramungu, la mise en place d’une assemblée nationale de transition dont les membres
désignés s’installeront le 18 mars 1994, enfin, le déploiement d’une mission des Nations
Unies, la MINUAR, comprenant, au 1er mars 1994, 2 300 hommes dont 935 Bengladais,
424 Belges et 400 Ghanéens et pas un seul Français. Ces accords prévoyaient également le
retrait des deux compagnies de parachutistes français envoyées en octobre 1990 dans le cadre
de l’opération Noroît pour protéger les 600 ressortissants français. Ce dispositif avait été
renforcé de février à mars 1993 par deux compagnies supplémentaires. Ce retrait sera effectif
le 15 décembre 1993 et seuls resteront sur le sol rwandais 24 coopérants militaires dans le
cadre d’un détachement d’assistance technique.
M. Alain Juppé a alors souligné les conséquences catastrophiques de la mort, le 6 avril 1994,
des Présidents rwandais et burundais lors de l’explosion sous le feu d’un missile sol-air de
leur avion qui atterrissait à Kigali en provenance de Dar Es-SalaM. Cet assassinat a provoqué
le départ des responsables hutus modérés au moment où l’ancien Chef de l’Etat rwandais
avait fini par accepter une forme de partage du pouvoir et avait livré le pays aux extrémismes.
Il s’est interrogé sur les responsables de cet assassinat et a évoqué les pistes des extrémistes
hutus opposés aux accords d’Arusha, du FPR et de l’Ouganda. Il a rappelé que la France avait
demandé à l’ONU de diligenter une enquête officielle. Confiée au Secrétaire général par le
Conseil de Sécurité, elle n’a jamais abouti à aucune conclusion. Constatant la ruine de tous
ses efforts diplomatiques, la première réaction de la France a été d’évacuer 456 ressortissants
français et 1 277 étrangers, essentiellement belges, et de prendre le contrôle de l’aéroport de
Kigali. Alors que la France procédait à cette opération avec un support logistique d’autres
pays à l’extérieur du Rwanda, le Conseil de Sécurité décidait à l’unanimité le 21 avril de
ramener les effectifs de la MINUAR de 2 548 à 270 hommes. Ce fut là la seule réaction
rapide des Nations Unies. La Belgique traumatisée par l’assassinat de onze de ses Casques
bleus plaidait pour un retrait immédiat et total et il a fallu toute l’action diplomatique de la
France pour que le désengagement soit plus progressif et provisoire.
M. Alain Juppé a également souligné que, dans le même temps, la France avait
solennellement dénoncé le génocide qui était perpétré au Rwanda.
Il a donné lecture de la déclaration qu’il avait communiquée à la presse, le 15 mai 1994, à
l’issue de la réunion à Bruxelles du Conseil des Ministres de l’Union européenne et de la
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Dossier : Lettre ouverte à M. Alain Juppé - Avril 2014 - p. 15
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réponse qu’il avait faite le 18 mai 1994 à l’Assemblée nationale au cours de la séance des
questions d’actualité. Ces deux interventions utilisent expressément le terme de génocide.
La France, à ce moment, tout en intensifiant son aide humanitaire en direction des ONG
basées à la frontière du Rwanda sous la forme notamment de ponts aériens, s’est engagée à
fond pour que les Nations Unies organisent une opération massive d’imposition de la paix.
C’est devant la carence de la communauté internationale et les obstacles mis par certaines
grandes puissances aux initiatives du Secrétaire général des Nations Unies qui demandait, à
cette époque, devant le génocide en cours, l’envoi de 5 000 Casques bleus, qu’est née l’idée
d’une intervention humanitaire d’initiative française. M. Alain Juppé a, à ce propos, donné
lecture d’un extrait de l’entretien qu’il a alors accordé à Libération pour expliquer l’initiative
française (entretien paru le 16 juin 1994). Il a reconnu que l’appel de la France accompagné
d’une intense activité diplomatique à New York, dans les grandes capitales et dans les pays de
la région était resté sans réponse malgré le soutien actif du Secrétaire général des Nations
Unies. Il a déclaré que l’opération Turquoise représentait un sursaut de la France devant la
passivité de la communauté internationale et la stratégie d’attentisme de certaines grandes
puissances. Il a précisé que dès le départ le Gouvernement avait fixé les conditions et les
limites de cette intervention : elle devait être autorisée par le Conseil de Sécurité, la France ne
s’engageait pas seule, l’objectif était strictement humanitaire et il n’était pas question
d’interférer dans le processus politico-militaire en cours, au moment où les troupes du FPR
déjà présentes au Rwanda à la suite des accords d’Arusha II recevaient des renforts de
l’Ouganda et du Burundi. Enfin, l’opération était limitée à deux mois afin d’éviter une
présence durable de troupes françaises puisque l’objectif de la communauté internationale
était le retour à l’application des accords d’Arusha qui avaient prévu leur retrait. M. Alain
Juppé a précisé qu’il avait le 22 juin 1994 informé les autorités du FPR, dont certaines étaient
très réticentes, sur les conditions dans lesquelles la France envisageait cette intervention en
recevant à Paris une délégation conduite par le Ministre Bihozagara.
Ainsi définie, l’opération Turquoise a reçu l’approbation du Conseil de Sécurité avec
l’adoption en quarante-huit heures, par dix voix contre cinq abstentions, de la résolution
n° 929, grâce au soutien actif du Secrétaire général des Nations Unies et a suscité l’admiration
du Secrétaire d’Etat américain, M. Warren Christopher, qui l’en avait personnellement
entretenu.
M. Alain Juppé a alors regretté qu’aucun pays développé ne se soit associé à l’opération
Turquoise : les Etats-Unis restaient hantés par le fiasco de l’intervention en Somalie, la
Belgique était paralysée par l’assassinat de ses Casques bleus et son statut d’ancienne
puissance coloniale, l’Allemagne était empêchée d’agir par ses dispositions constitutionnelles,
l’Angleterre considérait qu’il ne s’agissait pas de sa zone d’influence et l’Italie, qui avait
promis un soutien logistique, sera incapable de le fournir. Quant à l’UEO, son soutien restera
moral. Seuls, des contingents africains du Sénégal, de la Mauritanie, du Niger, de l’Egypte, du
Tchad, de la Guinée Bissau et du Congo, participeront dès la mi-juin 1994 à l’opération
Turquoise et demeureront, pour plusieurs d’entre eux, au Rwanda après son achèvement, dans
le cadre de la MINUAR II.
D’emblée, l’intervention a été un succès, les massacres ont diminué et des centaines de
milliers de vies ont été sauvées. Les soldats français ont protégé des dizaines de sites de
regroupement de civils Tutsis et permis aux ONG d’accéder en toute sécurité à ces
populations. Pendant ce temps, l’avancée du FPR et les combats avec les FAR ont entraîné un
mouvement massif d’environ un million de réfugiés vers la frontière du Zaïre. Nous avons
alors été conduits à créer une zone humanitaire sûre dans le sud-ouest du Rwanda, à
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Dossier : Lettre ouverte à M. Alain Juppé - Avril 2014 - p. 16
Survie Gironde
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l’intérieur de laquelle l’utilisation des armes fut proscrite. Cette création s’est faite avec l’aval
du Conseil de Sécurité et le FPR, informé, n’y a pas fait obstacle. La situation dans cette zone
a fait l’objet de rapports au Conseil de Sécurité. Pour autant, compte tenu des effectifs affectés
à l’opération Turquoise, il n’a pas été possible d’y procéder à l’arrestation de probables
criminels de guerre, le Conseil de Sécurité de surcroît n’ayant jamais accordé un tel mandat.
Par contre, la France s’est déclarée favorable à la mise en place et à la création par l’ONU
d’une juridiction pénale internationale chargée de juger les responsables du génocide.
L’opération Turquoise a dû également assumer une mission humanitaire et sanitaire d’une
ampleur imprévue résultant de l’épidémie de choléra survenue dans la zone de Goma où
s’étaient réfugiés au Zaïre des milliers de Rwandais fuyant le FPR. A l’issue du délai de deux
mois fixé pour son déroulement, l’opération Turquoise a cédé la place à la mission
MINUAR II qui a repris l’essentiel de son mandat.
En conclusion, M. Alain Juppé a déclaré qu’en retrouvant les déclarations à la presse, les
interventions diplomatiques, les réponses aux questions d’actualité, les auditions devant les
commissions parlementaires il ressentait une légitime fierté pour la façon dont la France avait
su montrer l’exemple : ses soldats ont appliqué leurs instructions avec efficacité et humanité,
sa diplomatie a donné mauvaise conscience à une communauté internationale décidée à ne
rien faire. Il a alors fait part de son incompréhension face à la remise en cause du bien fondé
de l’action de la France et a souligné l’admiration et la reconnaissance qu’il éprouvait envers
les soldats et les diplomates français qui nous ont permis de sauver l’honneur."
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Dossier : Lettre ouverte à M. Alain Juppé - Avril 2014 - p. 17
Survie Gironde
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La lettre de M. Alain Juppé appelle le commentaire suivant de la part de Survie
Gironde :
La lettre de M. Juppé et le renvoi à son audition par la Mission d'information
parlementaire en 1998 ne peuvent être considérés comme une réponse.
Les « trois points » qu'Alain Juppé veut « souligner » ne sont qu'un résumé du
discours qu'il tient depuis 20 ans. Sans apporter d'élément nouveau, le maire de
Bordeaux reste totalement silencieux sur des points précis sur lesquels il a été
interpellé. Nous constatons donc qu'après avoir « pris connaissance de la lettre
ouverte », M. Juppé
•
ne conteste pas avoir été lui-même favorable le 13 avril 1994 à la suspension de la
MINUAR, décision de l'ONU qu'il qualifiera par la suite, à juste titre, « d'une
passivité, voire d'un aveuglement scandaleux »,
•
ne dit rien sur sa réception au quai d'Orsay le 27 avril 1994 d'un ministre du
gouvernement intérimaire rwandais, lequel est en train de commettre le génocide,
et du leader du parti extrémiste CDR,
•
ne souhaite pas revenir sur la tribune qu'il a signée dans le journal Libération le
16 juin 1994 et dans laquelle il écrivait qu'il y avait au Rwanda « [d]es
génocides », et ce alors que nous soulignons que ses propos pourraient être
qualifiés de révisionnistes,
•
ne souhaite pas non plus revenir sur sa déclaration du 18 mai 1994 dans laquelle il
prétend, contre toute vérité historique, que le génocide serait une conséquence
d'une offensive du FPR,
ne conteste pas que le gouvernement génocidaire s'est en partie constitué à
l'ambassade de France à Kigali, donc sous sa propre responsabilité,
•
•
ne commente pas l'existence de rapports internationaux ainsi que de notes
diplomatiques et militaires françaises signalant la mise en place d'un projet
génocidaire par les autorités rwandaises,
•
ne conteste pas que la France avait le devoir d'arrêter les génocidaires selon la
convention de l'ONU de 1948,
•
ne conteste pas que l'État français livrait des armes aux autorités rwandaises
responsables du génocide pendant son exécution.
Rappelons ici que Bernard Kouchner a déclaré dans le journal Libération du 07 avril
2014 : « Paris a livré des armes jusqu’en août 1994 », et qu'Hubert Védrine,
secrétaire général de l’Élysée en 1994, l'a confirmé lors de son audition par la
commission de la défense de l’Assemblée nationale le 16 avril 2014 4.
4
« il est resté des relations d’armement et c’est pas la peine de découvrir sur un ton outragé qu’il y a eu des
livraisons qui se sont poursuivies : c’est la suite de l’engagement d’avant, la France considérant que pour
imposer une solution politique, il fallait bloquer l’offensive militaire. » (cf http://survie.org/billets-dafrique/2014/235-mai-2014/article/livraison-d-armes-l-aveu-d-hubert-4712)
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Dossier : Lettre ouverte à M. Alain Juppé - Avril 2014 - p. 18
Survie Gironde
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Concernant l'opération Turquoise, nous constatons que M. Juppé continue de fermer
les yeux devant les témoignages d'officiers français et les documents militaires
français démontrant que les objectifs étaient tout autres que ceux définis par l'ONU.
Après l'ancien adjudant-chef du GIGN Thierry Prungnaud, c'est l'ancien officier
Guillaume Ancel qui vient de révéler en avril dernier, documents à l'appui, que des
frappes terrestres étaient programmées sur Kigali et que l'avancée du FPR devait être
bloquée militairement5. Rappelons une fois de plus que le FPR était la seule force
militaire qui mettait fin au génocide !
Guillaume Ancel ajoute que la France a rendu aux responsables du génocide, réfugiés
dans les camps du Zaïre, les armes qui leur avaient été confisquées et qu'elle a payé
leur solde en dollars.
Signalons que M. Juppé affirme mensongèrement que sa dénonciation du génocide a
eu lieu « dans les jours qui ont suivi le déclenchement du génocide ». Il s'est en réalité
écoulé un mois et demi (le génocide a duré 3 mois et les premières semaines furent
les plus meurtrières).
Nous notons également que M. Juppé trompe ses lecteurs lorsqu'il écrit que Paul
Kagamé a félicité la France (il l'écrit également sur son blog le 5 avril 1994). Cela est
faux, c'est Alexis Kanyarengwe, président du FPR en 1993, qui remercie la France
pour son rôle « d'observateur à nos négociations » (souligné par nous), dans un texte
dont le but premier est de demander à la France de retirer au plus vite ses troupes du
Rwanda (cf. annexe 1 ci-jointe).
M. Juppé se plaît à écrire son indignation devant les tentatives de « ré-écriture » ou
de « falsification » de l'Histoire. Pourtant, il suffit de lire les documents
diplomatiques et militaires français officiels, librement consultables en ligne, pour
reconnaître leur existence et comprendre qui les passe sous silence et manipule la
notion de falsification.
Sur son blog, Alain Juppé écrit le 5 avril 2014 : « je ne pense pas au récent libelle
publié à Bordeaux et dont je suis la cible unique, comme si, à la date des faits, il n’y
avait pas eu un Président de la République, et , successivement, deux Premiers
Ministres, deux Ministres des Affaires Etrangères et deux Ministres de la Défense. »
M. Juppé feint de ne pas comprendre qu'il a tout simplement été interpellé à Bordeaux
par ses propres administrés une fois réélu maire. Cette interpellation n'empêche
personne de s'intéresser aux responsabilités qui ont pu être celles de François
Mitterrand, Edouard Balladur, François Léotard, Michel Roussin, pour ne citer
qu'eux.
De plus, si M. Juppé a un avis à donner sur les décisions politiques de ces derniers,
nous serions heureux de l'entendre.
5
G. Ancel écrit sur son blog : « L'intervention Turquoise avait pour objectif initial de remettre au pouvoir ce
gouvernement intérimaire rwandais (GIR), en pleine déconfiture face à l'intervention militaire du FPR de Paul
Kagamé. Concrètement j'avais pour ordre de préparer un raid sur Kigali. » (http://nepassubir.blog.lemonde.fr/)
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Dossier : Lettre ouverte à M. Alain Juppé - Avril 2014 - p. 19
Survie Gironde
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M. Juppé conclut qu'il « est juste que les tribunaux français poursuivent et
condamnent les auteurs de ce génocide. » C'est une évidence. Ajoutons qu'il serait
tout aussi juste que la justice française s'intéresse à ceux qui les ont soutenus
diplomatiquement, militairement et économiquement alors qu'ils préparaient leur
crime, puis pendant qu'ils le réalisaient.
Rappelons que selon la jurisprudence du Tribunal internationale pour le Rwanda, la
complicité de génocide est établie dès lors que l'on a fourni en toute connaissance, et
même sans intention génocidaire, une aide à ceux qui massacraient.
Sous prétexte de « défendre l'honneur de la France », M. Juppé se réfugie derrière un
élan patriotique et appelle sur son blog l'ensemble des français, à commencer par le
Président de la République, à serrer les rangs, dans le seul but véritable de dissimuler
des responsabilités individuelles.
Pierre Brana, ancien député de Gironde et co-rapporteur de la Mission d’information
parlementaire présidée par Paul Quilès, rappelle que le rapport fait état de « fautes
d’appréciations ». Il ajoute que, selon lui, « il y a des erreurs telles qu’il n’est pas
impensable de les qualifier de fautes ».
Il écrit : « Je crois qu'un pays se grandit quand il reconnaît ses fautes. Et que
rechercher la vérité et la dire constitue une obligation pour le pays qui se veut celui
des droits de l'homme.»
Survie Gironde partage cet avis et continuera à interpeller Alain Juppé et ses
administrés sur ses décisions de ministre des Affaires Étrangères durant le génocide
des Tutsi en 1994.
À Bordeaux le 30 juin 2014
Survie Gironde
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Dossier : Lettre ouverte à M. Alain Juppé - Avril 2014 - p. 20
Survie Gironde
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ANNEXE 1
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Dossier : Lettre ouverte à M. Alain Juppé - Avril 2014 - p. 21