Fiche du document numéro 8531

Num
8531
Date
Jeudi 4 mars 1999
Amj
Taille
1701032
Titre
Déclaration de témoin
Source
Fonds d'archives
VdM
Type
Langue
FR
Citation
UNITEDNATIONS

~

NATIONS UNIES

International Criminal Tribunal for Rwanda
Tribunal pénal international pour le Rwanda

ri (j 100.547

DÉCLARATION de TÉMOIN
Date de l'interrogatoire:

27 Novembre, 3 Décembre 1998, 18 et 20 Février 1999.

Lieu de l'interrogatoire:

Ministère de la Justice et Hôtel Résidence Albert à Bruxelles.

Langue utilisée pendant l'interrogatoire: Francais
Nom des enquêteun:

DODO Kadri et SANOGO Moussa

Noms des juristes :

Luc COTE et Josée D'AOÛST

Nom de l'interprète utilisé: 1

1:
1)

IDENTIFICATION DU TEMOIN
Nom de famille:

Prénom:

RUSATIRA
Léonidas

Surnom:
2)

Date de naissance: 1er Mai 1944

3)

Religion:

Catholique

4)

Nationalité:

Rwandaise

5)

Origine ethnique:

Hutu

6)

Emploi:

Sexe:M

En avril 1994:Commandant de l'Ecole Sup. Militaire
Actuelle: Sans, tél. 02 479 82 85
7)

Adresse:Cité Modèle 1004 C Code Postal 1020 Bruxelles

Lieu de naissance
Kirwa
Cellule:

En Avril 1994

Actuel
Cellule:

Cellule:

Nyarugenge

Secteur:

Secteur:

Nyarugenge

Commune: Gatonde

Commune:

Commune: Nyarugenge

Préfecture: Ruhengeri

Préfecture:

Préfecture: PVK

Secteur:

Cyibumba

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8)

Nom des parents
Mère:
PANYURW AN1KI Angeline
Père:
RW AMAKUBA Ruyange

9)

État civil: Marié
Nom de l'épouse: MUKARUSAGARA Catherine
Nombre d'enfants: , 3

10) Langue(s) parlée(s) et comprise(s):

Kinyarwanda, Français, Anglais.

Il)

Kinyarwanda, Français, Anglais.

Langue(s) écrite(s) et lue(s):

12) Résidence extérieure au Rwanda dans le passé
Période: plusieurs séjours à l' étranger entre 1967 et ce jour.
Lieu:
France,
Belgique,
Etats
Unis,
Chine,
Raison: Formations, missions officielles...
Remarques:

Japon,

Allemagne

Canada ...

13) Membre d'une association sociale ou d'un parti politique:
Nom:
:MRND pendant que c'était un parti état (jusqu'enl991).
Fonction:
1
Période:
1
Remarques:
14) Nom et adresse d'un ami, d'un parent ou d'une connaissance

Nom: Alain FOURNIER
Adresse: Rue du Noyer 225, 1030 Bruxelles. Tél.
Relation: Ami .

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Courant 1996, j'ai rencontré deux enquêteurs du TPIR à Nairobi. Ils avaient promis de reprendre
contact avec moi, mais ils ne l'ont pas fait. Je n'avais pas donné de déclaration à ces enquêteurs.
Par contre, j'ai été interrogé par différentes autorités judiciaires belges, et la Commission
Sénatoriale sur les évènements qui se sont déroulés au Rwanda en Avril 1994. Toutes ces
auditions étaient plutôt axées sur l'assassinat des dix casques bleus belges. J'ai aussi été approché
par les avocats du Colonel Théoneste BAGOSORA . Quand à l'éventualité d'aller témoigner à
Arusha devant le TPIR, je me réserve pour cela un temps de réflexion, et je vous donnerai ma
réponse plus tard.

Dans un document écrit que j'ai remis à la Commission Sénatoriale belge, j'ai étendu mon
analyse au contexte socio-politique qui a prévalu au Rwanda avant les douloureux évènements
de 1994. Les explications fournies donnent en partie une réponse à plusieurs questions que vous
me poserez sûrement. Je mettrai à votre disposition une copie de ce document et de tout autre
susceptible de vous aider dans vos enquêtes. Je suis par ailleurs disposé à répondre à des
questions spécifiques sur des points précis.

Sur interpellations successives, le témoin a déclaré ce qui suit:

1- Le contexte
Quatre années de guerre totale entre 1990 et 1994, ont engendré au Rwanda une tension
permanente et toujours croissante au fil des années. Les Accords d'Arusha signés entre le
Gouvernement HABYARIMANA et le Front Patriotique Rwandais étaient difficilement
appliqués, pour la simple raison que bien qu'ayant signé ces accords, aucune des parties en conflit
ne souhaitait réellement son application. Et chaque partie voulant faire porter à l'autre la
responsabilité de l'échec, le jeu auquel les protagonistes se sont livrés ne manquera pas de créer
des troubles qui devenaient à chaque fois plus graves et faisaient redouter des massacres de tutsi
à grande échelle comme cela s'était passé à plusieurs reprises dans le pays (massacres des
bagogwe et ceux de Kibilira ).
Je m'attendais certes à des massacres, mais j'avoue avoir été surpris par l'ampleur et le caractère
des massacres de 1994.

2- Formation des miliciens:
Les milices sont nées de la jeunesse des partis après l'ouverture politique. Il y a une démarcation
nette à faire entre le MRND, le parti du Président HABYARIMANA et les autres, puisque seuls
des membres de la milice Interahamwe du MRND reçurent une formation militaire dispensée par
l'armée nationale. Cette formation militaire a été à ma connaissance dispensée hors des camps
militaires. Pour illustrer ce que je vous dis sur cette formation, je peux vous raconter deux
anecdotes:
la première est relative au contigent de jeunes qui a été vu par le Commandant de
Groupement de Gendarmerie de Kibungo pendant qu'il revenait du Mutara. Cet officier avait
rendu compte à son Etat Major, et on lui aurait dit que cela n'était pas son affaire.


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- quelque temps après ce premier incident, me rendant un jour à Kabuga, sur le tronçon qui
sépare le carrefour de l'Aérport de Kanombe du village de Kabuga, j'ai vu un groupe important
de jeunes sur le bas côté. Ceci attira mon attention et je me suis arrêté à leur niveau pour
demander ce qu'ils faisaient là. Un des jeunes m'a répondu qu'ils étaient un groupe de scoutts.
J'ai poursuivi mon chemin sans en être convaincu puisqu'ils n'étaient pas vêtus de tenue de
scoutt.
Avant d'atteindre Kabuga, j'ai rencontré trois à quatre camions militaires vides. Lorsque je
retournais à Kigali, j'ai de nouveau rencontré ces camions militaires transportant les mêmes
jeunes dans la direction du Mutara. A cette époque, les Accords d'Arusha interdisaient le
recrutement de nouvelles recrues militaires. Donc, ils ne pouvait s'agir que de miliciens
Interahamwe allant suivre une formation militaire dans le Mutara.

Je suis formel que les militaires qui ont entrainé les interahamwe ont du recevoir des ordres de
l'Etat Major avant de le faire. Je le dis parce que les entrainements ont été faits avec des moyens
matériels et humains de l'armée, que seul l'Etat Major pouvait disponibiliser. Et de toute façon,
les liens entre les Interahamwe et le Président de la République, Commandant en chef des armées
étaient connus. Lors d'un discours tenu au Stade de Ruhengeri, HABYARIMANA avait dit aux
Interahamwe, qu'un jour ils descendraient ensemble.

3- Les forces occultes au sein de l'armée:

Dans la pratique, au sein des Forces Armées Rwandaises, beaucoup d'ordres donnés étaient
verbaux. Cette pratique permet de contourner la structure officielle de commandement pour
donner des ordres inavouables. C'est la raison pour laquelle, pendant cette période, connaître la
structure officielle ne suffisait pas pour comprendre tout ce qui pouvait se passer au sein de
l'armée rwandaise. Il fallait en plus de la structure, connaître les officiers qui occupaient les
postes clés, leur commune d'origine, ou leurs alliances. En définitive, je dirais qu'il y avait dans
l'Armée un système parallèle non officiel qui en fait la contrôlait.
Les officiers originaires de la commune du Président paraissaient plus forts, quel que soit leur
grade. Et en règle générale, les hommes venant de la région du Président étaient des hommes du
Président. Cela s'est étendu aux ressortissants de certaines communes des préfectures de
Gisenyi, Ruhengeri et Byumba. Comme je l'ai soulevé tantôt, le début de la mise en application
des Accords d'Arusha ne manqua pas de susciter des réactions peu orthodoxes au sein de
l'armée. Un tract fut rédigé par un ou des officiers qui se sont faits appeler AMASASU. Ledit
tract n'était pas particulièrement favorable à ces accords. J'ignore qui se cachait derrière
l'AMASASU. Mais toujours est il qu'il était écrit dans le tract qu'un groupe d'officiers en était
l'auteur. Le journaliste Hassan NGEZE aurait par la suite prétendu qu'il serait l'auteur de ce tract.
Il se pourrait que quelqu'un connaissant les penchants de certains officiers les a exprimé à leur
place dans ce tract.


De toute les façons, il y avait des officiers plus importants et plus engagés que les autres.
Ils avaient en commun d'être principalement originaires du nord ou d'avoir des liens étroits avec
la famille présidentielle. Ces officiers dont le centre de gravité était le Colonel BAGOSORA ne
rendaient pas la tâche facile aux partis d'opposition.
Parmi eux je peux citer:
- Le Lt.Colonel Anatole NSENGIYUMVA
- Le Major MPIRANYIA
- Le Major NTABAKUZE.

Pendant qu'il était Ministre de la Défense, j'ai accompagné James GASANA lors de sa première
visite au Camp Kanombe. J'ai pu remarquer que le Ministre avait été très mal reçu par le Colonel
Bagosora qui était alors Commandant de ce Camp. Je pense que Bagosora a été nommé par la
suite Directeur de Cabinet du Ministère de la Défense pour rendre la vie impossible d'une
manière générale aux Ministres civils, qui ne connaissaient rien ou très peu au fonctionnement de
l'armée. La pratique des ordres verbaux a fait que beaucoup de choses échappaient au Ministre
GASANA. La distribution d'armes par BAGOSORA à des civils à Gisenyi à son insu est un
exemple éloquent.

A cette époque, les extrémistes tenaient tout le monde par le chantage, même dans l'armée. Le
fait de qualifier un officier, quel que soit son rang d'être un traitre ou un "inyenzi", suffisait à
cette époque pour le déstabiliser. On devait tout faire pour éviter d'être rangé dans le camp des
traîtres.

La nommination du Major Cyiza dans la commission BAGOSORA et plus tard, celle de
GATSlNZI comme Chef d'Etat Major de l'Armée Rwandaise pendant la guerre avaient pour but
d'impliquer dans des décisions dangereuses, officiers credibles mais mal vus par les cercles du
pouvoir.

4- Distribution des armes:

Le Ministre de la Défense, James GASANA m'a fait état de la distribution d'armes dans la région
de Gisenyi. Il tenait le Colonel BAGOSORA responsable de cette situation. Je ne trouve pas
d'autres explications à cette distribution d'armes si non que pour tuer des civil ,surtout que cela
se faisait assez loin du front. Je dis qu'il n'était pas possible de procéder à des distributions
d'armes de guerre à l'insu de l'Etat Major de l'Armée.

J'avais alors fermement conseillé au Ministre GASANA de faire retirer les armes que Bagosora
avait distribuées aux civils à Gisenyi alors que ces populations étaient loin du front. TI n'y avait
aucune raison objective à donner des fusils seulement à des civils hutu, si ce n'est que pour être
utilisé contre les civils tutsi notamment.

Je fais une différence entre la distribution faite par BAGOSORA et celle qui eut lieu au paravant
sur demande de Déogratias NSABIMANA qui était en ce moment Commandant des Opérations
du Mutara.


La distribution d'armes par un Commandant des Opérations pouvait bien se justifier dans la
mesure où il devait renforcer son dispositif de défense de la population civile soumise aux
attaques ennemies dans une zone de combat. Mais aucune menace ne justifait celle faite par
BAGOSORA à Gisenyi.


5- Les massacres de Kibilira de 1990 :

Ces massacres avaient été perpétrés par une partie de la population civile armée dressée par une
structure occulte contre une autre partie.

6- La commission dite Bagosora:

Elle fut mise en place lors d'une réunion d'officiers présidée par le Président HABYARIMANA.
Au cours de cette rencontre, la question de: "comment identifier l'ennemi pour mieux le combattre
avait été abordée".
Deux tendances se sont dégagées, certains officiers considérant l'ennemi comme étant les troupes
du FPR, et d'autres en ayant une conception plus large.
Le Président HABYARIMANA n'a pas tranché entre ces deux tendances opposées. Séance
tenante, il mis en place une commission dont la direction fut confiée au Colonel BAGOSORA.
A moins d'un oubli de ma part, je pense que Anatole NSENGYUMVA, CYIZA, NTABAKUZE,
KARANGWA, GATSINZI, MUBERUKA, BAHUFITE faisaient partie de la commission.
BAGOSORA était le Commandant du Camp Kanombe où se tenaient les réunions de la
commission qui avait fait un travail plus global qui portait sur la définition de l'ennemi et sur la
stratégie de le combattre. Lorsque NSABIMANA fut nommé Chef d'Etat Major, il diffusa un
extrait de ce document portant sur la définition de l'ennemi. Je n'ai pas vu l'intégralité du rapport
de la commission. Je n'ai vu que l'extrait qui fut publié par NSABIMANA.
Mon sentiment était diffférent de la définition de l'ennemi donnée par le rapport. C'est la
tendance la plus dure qui a eu le dessus sur les moderés de la commission qui d'ailleurs devait
faire profil bas pour leur sécurité.


7- Les Escadrons de la Mort:

Il s'agissait pour moi d'une nébuleuse mal définie dans les cercles du pouvoir, sans strucuture
organisée connue.


8- Listes de personnes à tuer:

Une liste a été retrouvée dans la voiture de NSABIMANA lorsqu'il a eu un accident de
circulation avant les évènements de 1994. Les gens ont spéculé à l'époque, en disant que cette
liste était celle des personnes à tuer. Plus tard, BIRARA Jean Berckmas a rapporté que Général
NSABIMANA lui avait parlé une fois de l'exixtence d'une liste de personnes à tuer.


9- Les réunions:

a)- La réunion de l'Etat Major de l'Armée.

Dans la nuit du 6 au 7 Avril, aux environs d'une heure du matin, le Général NDINDILIYIMANA
m'a téléphoné pour me demander de le réjoindre à l'Etat Major de l'Armée. Je m'y suis rendu
immédiatement, et j'ai trouvé qu'une réunion d'officiers sur la situation qui prévalait venait de
prendre fin. Le Général NDINDINLIYIMANA m'a fait un compte rendu succint de cette
rencontre et m'informa que le Colonel BAGOSORA accompagné du Général DALLAIRE étaient
allés consulter le Representant Spécial du Sécrétaire Général des Nations Unies Mr. Roger
BOBO. Il avait été question après la mort du Président de la République et du Chef d'Etat Major,
que l'Armée prenne la direction du pays. J'ai tout de suite manifesté mon opposition à cette
solution en avançant l'idée de soutenir le Gouvernement en place et j'ai suggéré qu'une rénion
élargie à tous les Chefs militaires soit convoquée pour le lendemain afin de leur soumettre la
question. Quand je m'opposais à ce coup d'Etat voilé, NDINDILIYIMANA semblait partagé
entre mon point de vue et celui des officiers qui le combattaient parmi lesquels le Lt.Col
KAYUMBA et RUHORAHOZA. Il m'informa de la désignation du Colonel GATSINZI comme
Chef d'Etat Major par intérim.

b)- La première réunion à l'ESM.

Le 7 Avril 1994, les offficiers se sont retrouvés dans l'amphithéâtre de l'ESM. La réunion était
présidée par Bagosora. Y avaient pris part les officiers suivants:
- Le Colonel BAGOSORA
- Le Général NDINDILIYIMANA
- Les Commandants des Secteurs Opérationnels,
- Les Commandants des Camps
- Le Commandant de l'ESM
- Les Chefs des Bureaux des Etats Majors,
- Le Prefet de la ville de Kigali, Tharcisse RENZAHO,
- Les Chefs des Services au Cabinet du Ministre de la Défense
Les Commandants des Unités Spécialisées à l'exception du Commandant de la Garde
Présidentielle ...

Le Colonel BAGOSORA a repris ce qui avait été dit la nuit précédente, et a donné la parole aux
participants.
J'ai suggéré que l'Armée assure la sécurité et épaule le Gouvernement en place pour qu'il puisse
continuer son travail. Je parle du Gouvernement d'Agathe UWILINGIMANA.
Je fus soutenu notamment par NTABAKUZE et NKUNDIYE. Je me rendrait plus tard compte
que Agathe avait été assassinée avant la fin de notre réunion. Je garde le sentiment que ces deux
officiers du camp de BAGOSORA ont fait semblant de me soutenir alors qu'ils savaient peut être
en ce moment que le Premier Ministre avait été assassiné.
La réunion avait été interrompue par des coups de feu que nous entendions non loin de l'ESM du


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côté du Camp Kigali.



Le Lt. Col NUBAHA, Commandant de ce Camp militaire a rejoint BAGOSORA et lui a parlé.
Je pense que cela s'est passé avant l'arrivée du Général Dallaire. La réunion a adopté ma position
et a désigné les membres d'un Comité de Crise qui devait assurer l'application de ses décisions.

c)- La réunion de l'après midi du 7 Avril 1994

Comme prévu, le Comité de Crise s'est réuni le soir à l'ESM pour désigner son Président. La dite
réunion fut houleuse parce que j'avais défendu que BAGOSORA déjà retraité ne pouvait pas de
ce fait prendre la tête d'un Comité composé de militaires actifs. Il s'est faché et a dit que je
voulais le dépouiller de toutes ses prérogatives alors qu'il était l'initiateur de ce comité.
Le Géneral NDINDINDIYIMANA fut désigné Président du Comité de crise et BAGOSORA
quitta la salle de réunion visiblement à bout de nerf.

d- La réunion du 8 Avril 1994

Le 8 Avril 1994, le Comité de Crise a rencontré les responsables politiques du MRND. La
rencontre fut introduite par BAGOSORA mais présidée par le Général NDINDILIYIMANA.
BAGOSORA a ensuite procédé à la présentation des responsables politiques. Il fut décidé de
mettre en place un Gouvernement. Comme je faisais remarquer que le FPR était absent, un des
participants m'a répondu que c'était justement le Gouvernement qui sera mis en place qui allait
négocier avec le FPR.
Deux tendances s'étaient dégagées pendant cette rencontre. La nôtre soutenait que la loi
fondamentale soit appliquée, pendant que l'autre tendance largement majoritaire, voulait que la
Constitution soit appliquée en dehors des Accords de Paix d'Arusha, Dès lors, je ne
reconnaissais pas de fait ce nouveau gouvernement comme étant légitime, et mes initiatives
futures iront dans ce sens.

10- Menaces d'attaque contre l'ESM:

Dès le 8 Avril, des rumeurs m'ont été rapportées par mes militaires selon lesquelles, l'ESM allait
être attaquée parce que Faustin TWAGIRAMUNGU s'y cacherait. Ce soupçon repose sur le fait
que Faustin avait été bien reçu à l'ESM lorsque, en sa qualité de Premier Ministre désigné par
les Accords d'Arusba, il avait été invité par le Ministre de la Défense pour parler aux cadres des
FAR.
J'ai appris que ces menaces d'attaque provenaient de certains militaires du Camp Kigali. J'ai
téléphoné au Ministre BIZIMANA pour l'en informer. L'attaque qui était certainement un voeux
des extrémistes n'eut finalement pas lieu.


Il avait aussi été dit dans la même lançée que je disposais à l'ESM d'un poste émetteur-récepteur
à l'aide duquel je communiquais avec le FPR.
Je soupçonnais BAGOSORA d'être derrière cette campagne de déstabilisation dans la mesure
où il me considérait comme son ennemi parce que je ne partageais pas ses points de vue.



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11- Le programme de BAGOSORA dans la journée du 7 avril

Je ne pense pas que Bagosora ait mangé le repas le Major Jeane NDAMAGE, 84 de l'ESM avait
fait préparer pour les participants à la réunion du 7 Avril. C'est pour vous dire que je ne crois pas
qu'il ait traîné à l'ESM après la réunion. Mais il serait encore mieux de poser la question à Jeanne
NDAMAGE qui était chargée du repas le 7 Avril.
12- Les évènements de )'ETO du 10 et Il Avril 1994.
Le 10 Avril 1994 je me suis rendu à l'ETO pour chercher une famille qui malheuresement n'y
était pas. Mais j'ai trouvé à l'ETO, le Ministre des Affaires Etrangères désigné. Mr. Boniface

NGUNRUNZIZA qui m'a demandé si je pouvais revenir le lendemain raccompagner pour
récupérer son passeport. n habitait à Gasharu entre la SONATUBES et la Brigade de
Gendarmerie. Je suis retourné le lendemain à l'ETC voirNGUNRUNZIZA qui m'a dit qu'il a
renonçé à aller chercher son passeport pour avoir appris que les passeports rwandais n'étaient
plus valides.
Le Lt. LEMAIRE du détachement belge de la MINUAR qui gardait l'ETO, m'accompagnant, me
demanda si je pouvais joindre la gendarmerie pour qu'elle puisse prendre la relève pour le cas
où la MINUAR devait quitter l'ETO. Puisque les téléphones à Kicukiro ne fonctionnaient plus
depuis le 8 Avril 1994, je me suis rendu en ville où j'ai télephoné à NDINDILIYIMANA à qui
j'ai dit qu'il y a des réfugiés toutes ethnies confondues à l'ETO, et que la MINUAR souhaitait
qu'il y envoie des gendarmes parce qu'elle pouvait quitter l'ETC. Le Général
NDINDINLIYIMANA m'a dit qu'il allait s'en occuper.
Le même après midi, j'ai essayé de sauver la famille de Alexis KANYARENGWE, le Président
du FPR, en les envoyant dans un premier temps à l'ETO. Mais cette famille et l'escorte sont
revenues à me trouver à la maison à Kigali Le chauffeur m'a dit que les réfugiés de Kicukiro
avaient été transférés ailleurs, et qu'il n'y avait plus de réfugiés à l'ETO.
Je me suis alors rendu à l'ETO (Kicukiro) vers 14 heures, avec l'idée que j'allais demander au Lt.
LEMAIRE l'endroit exact où les réfugiés avaient été conduits, afin de pouvoir y amener la famille
de KANYARENGWE.
J'ai emprunté la route qui passe par la station Shell de Gikondo pour aboutir au centre de
Kicukiro
Arrivé au niveau de l'ETO, à partir de la route principale, j'ai vu de la fumée dans le quartier
mais je n'ai plus trouvé de réfugiés. Des Interahamwe portant des armes blanches étaient encore
dans le quartier.
J'ai alors jugé bon de me rendre chez ma mère non loin de l'ETO, que j'avais laissée avec des
réfugiés, dans le but de les rassurer.

Puis je suis immédiatement reparti en ville pour chercher à rentrer en contact avec
NDINDILIYIMANA, et savoir s'il avait pu envoyer des gendarmes à l'ETO. Malheureusement,
je n'ai pas pu le joindre jusqu'à ce que la Radio RTLM annonce la mort de NGURUNZIZA.

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Le Général NDINDILIYIMANA a dit à d'autres qu'il avait envoyé des gendarmes. Et cela m'a
été confirmé par la suite.

Je ne me souviens pas avoir vu de militaires des FAR à l'ETO lors de ce passage. Il est cependant
important de noter que des éléments du FPR lors de leurs infiltrations passaient tout près de
l'enclos de l'ETO, et à partir du 8 ou du 9 Avril 1994, aucun véhicule ne passait sur la route
Gikondo-Kanombe via SONATUBES, parce que cette route était tenue par des armes lourdes du
FPR: l'un disposé au CND et le second non loin de l'école primaire APAPER à Remera. Pour
se rendre à Kanombe, il fallait emprunter les pistes directes entre Gikondo et Kicukiro sans passer
par le carrefour de Kicukiro (SONATUBES).
Quant à ce qui est écrit dans le livre "10 Commandos vont mourrir au Rwanda" à la page 132,
que le Major NTABAKUZE a arrêté quatre cent (400) réfugiés de l'ETO pour les mettre à la
disposition des miliciens Interahamwe qui les ont conduits à Nyanza où ils ont été tués avec
d'autres. Cette information mérite d'être examiné à fond.

Il est clair pour moi que la MINUAR, les FAR, les Interahamwe et le FPR ont tous une
responsabilité dans ce que est arrivé à Nyanza aux populations civiles. La MINUAR pour avoir
abandonné cette cette foule à la mort, les FAR et les miliciens parce que certains de leurs
membres ont massacré des civils non armés, et le FPR pour non assistance à personnes en
danger.

Toujours le 11 Avril, je transportais la famille KANYARENGWE auprès d'un Détachement de
la MINUAR situé près de l'Ecole Belge. J'ai parlé à la radio au Colonel MARCHAL qui était
Commandant du Contingent Belge de la MINUAR. Je lui ai demandé d'aider la famille
KANYARENGWE parce qu'elle était menacée. Il m'a dit de la ramener à 19 heures au même
endroit. Quand nous sommes revenus le soir, il n'y avait plus personne. Je me suis rendu avec la
famille à la Résidence de l'Ambassadeur de Belgique, d'où la famille fut finalement acheminée
vers lignes du FPR.
Je dois par ailleurs attirer votre attention sur le fait que c'est à cause de la famille
KANYARENGWE que je me suis rendu la dernière fois à l'ETO, pour tenter de la faire
acheminer dans le nouvel emplacement des réfugiés évacués de l'ETO. KANYENRENGWE était
le Président du FPR, et vous imaginez ce qu'il representait pour le pouvoir en place les premiers
jours du génocide. La gestion de ce problème m'avait rendu presque fébrile.
Donc, je me suis rendu à l'ETO en tout et pour tout trois fois, une fois le 1O Avril et deux fois le
11 Avril.

Dans la soirée du 11 Avril, les personnes cachées chez moi ont eu peur en apprenant par radio
RTLM ce qui s'était passé à Kicukiro. Malgré cet incident, nous sommes restés jusqu'au lendemain
Jean Bosco IYAKAREMYI, et François KAYIBANDA voyant la précarité de notre situation
m'ont dit qu'ils me mettaient en danger.

13- Le 12 avril 94

Le matin du 12 Avril, un Officier m'informa que le Gouvernement allait quitter Kigali, et le
mouvement de la population était tel que j'ai décidé de faire partir les dizaines de civils qui
étaient chez moi. J'ai pris un bus ONATRACOM qui était à l'ESM avec d'autres véhicules et
j'ai embarqué ma famille avec tous les réfugiés qui étaient chez moi.
Arrivés à Gitikinyoni, une jeep m'a dépassé et s'est arrêtée devant moi. C'était ma Sécretaire qui
était venue m'informer que le Ministre de la défense voulait me voir. J'ai continué avec mes gens
jusqu'à Gihara sur les hauteurs de Gitarama dominant le pont du Nyabarongo. De là, je suis
retourné à Kigali répondre à l'appel du Ministre. Je me suis rendu à mon bureau pour téléphoner
au Ministre. Il m'a dit que ce n'était plus la peine, parce qu'il avait voulu m'envoyer à l'étranger
acheter des munitions, mais que le problème était déjà résolu.
Arrivée à Kabgayi, mon épouse m'a téléphoné pour me mettre en garde en me disant que des
militaires les ont arrêtés à Gitikinyioni. Le véhicule de ma famille fermait le convoi que je
conduisais. Les militaires qui avaient arrêté le convoi après mon départ avaient dit à ma famille:
"J'espère que vous avez dit Adieu à votre mari, qui est passé avec des inkontanyi"
Dans la soirée,j'ai eu un entretien téléphonique avec le Major CYIZA qui ensuite est venu chez
moi. Il résulta de notre discussion qu'il était mieux de demander des négociations avec le FPR
afin d'arrêter les massacres et les hostilités.
Je me suis rendu à l'Etat Major où j'ai rencontré le Chef d'Etat Major Marcel GATSINZI, pour
lui faire la proposition d'engager des négociations avec le FPR pour éviter que des massacres de
civils ne se poursuivent. Il a donné son accord à cette initiative. Nous nous sommes rendus dans
la salle des opérations de l'Etat Major où le groupe d'officiers présents a accédé à cette
proposition. Les officiers supérieurs étaient au nombre de dix (10). Ce sont ces dix Officiers
Supérieurs qui signeront le communiqué qui fut rédigé. Ledit communiqué demandait l'arrêt des
massacres d'innocents, des hostilités et une trève pour le lendemain à partir de 13 heures. Nous
avions pour la première fois déploré la mort des dix casques bleus belges.
Ce communiqué a été diffusé à l'insu du Gouvernement Intérimaire qui a aussitôt réagi en disant
qu'il allait négocier avec le FPR à notre place. Ce Communiqué 12Avril a été officieusement
condamné par le Gouvernement Intérimaire qui a voulu pourtant en tirer les avantages
Après que le communiqué ait passé à la radio, un sous officier de la Garde Présidentielle
originaire de Ruhengeri un de mes proches, le Sgt. RWAMAKUBA, m'a téléphoné pour me dire
ce qui suit: "Faites attention parce que nous viendrons vous chercher ce soir".
J'ai aussitôt pris contact avec mon voisin, le Chergé d'Affaire de l'Amabassade de Chine avec
qui je m'entendais bien.
Je lui ai demandé si je pouvais trouver refuge chez lui pendant quelques temps. Il a accepté et
je me suis caché chez lui pendant trois jours. Lorsque des militaires se présentèrent chez moi,
certainement ceux de la Garde Présidentielle, l'Ambassadeur m'informa de leur passage, parce
que de chez lui on pouvait voir ce qui se passait chez moi.



Pendant ces quelques jours où j'avais disparu, le Colonel Bagosora a dit au Gouvernement
Intérimaire que je suis sorti du pays. Je l'ai su auprès d'hommes politiques à Gitarama qui surpris
de me voir arriver, m'ont dit que BAGOSORA leur avait affirmé que j'avais quitté le pays. Cela
me confirma que BAGOSORA était au courant de cette opération que la Garde Présidentielle a
menée contre moi.

La réalité est que GATSINZI a été nommé Chef d'Etat Major des FAR pendant qu'il était absent
de Kigali. Arrivé à Kigali, deux jours après, il a accepté de signer un communiqué qui demande
l'arrêt des massacres et des hostilités. Au moment où il prenait le commandement, l'armée était
telle que le centre de gravité était ailleurs. Il y avait un système de commandement parrallèle.
GATSINZI ne commandait pas l'Armée dans la mesure où il ne faisait pas partie des hommes du
Président, de ceux qu'il avait mis en place à la tête des unités essentielles. Ceux qui ont nommé
GATSINZI savaient qu'il serait pris dans un piège
Les officires du Nord étaient les plus nombreux et ils se rencontraient selon les affinités. Il existait
dans l'armée une sorte de cercles concentriques et esotériques dont le fonctionnement est difficile
à expliquer. Par exemple, j'ai appelé MPIRANYIA le 7 Avril, il a refusé de venir répondre à mon
appel. Mais si c'était BAGOSORA qui l'avait appelé, sa réaction ne serait pas la même.

Le 9 Avril,je n'étais pas présent à la prestation de serment du Gouvernement. Lorsque j'ai appris
les noms des différents ministres, j'ai remarqué que la plupart était des novices comme
KABANDA qui travaillait pour la première fois pour l'Etat.
Il n'y avait pas différentes tendances au sein de ce Gouvernement, c'était le MRND qui a fait
bloc avec les durs des partis d'opposition et les modérés étaient des marginaux dans ce
gouvernement.

A Murambi, j'ai trouvé une fois un groupe de politiciens auquel j'ai dit que s'ils n'arrêtent pas
les massacres, ils seraient rattrapés. Justin MUGENZI a réagi en disant: "Si vous nous donnez
10.000 fusils, nous allons les exterminer tous"


J'ai appris que le ministre de la jeunesse Callixte NZABDNIMANA avait des Bataillons de
miliciens à Gitarama

J'ai eu à intervenir à plusieurs autres occasions pour sauver des gens comme les enfants de
Nyundo, pour lesquels, en collaboration avec le CICR de Phillipe GAILLARD, j'ai demandé au
Ministre des Affaires Sociales du Gouvernement Intérimaire de faire quelque chose. J'ai obtenu
pour lui un hélicoptère et il a autorisé le départ à Goma de 530 enfants de l'orphelinat de Nyundo.
J'ai déplacé de nombreuses personnes vers les centres tels que le Centre Pastoral Saint Paul où
l'Abbé Celestin a secouru, Saint Michel où l'Abbé KALIBUSHI a sauvé de nombreuses
personnes, l'Hôtel des Milles Collines. avec l'Abbé KALIBUSHI.



J'ai mené plusieurs autres actions notamment à Kigeme(Gikongoro) où j'ai sauvé plusieurs
rescapés de Murambi et un évèque avec sa famille.

J' ai appris ma nommination au grade de Général le 16 Avril 1994, pendant que j'étais avec
GATSINZI à une réunion à l'ESM. Je ne me souviens plus de l'objet de cette réunion, mais un
nouveau chef d'Etat major fut nommé en même temps,

14- Du temps de GATSINZI:

Pendant le passage de GATSINZI à l'Etat Major, j'ai participé à des réunions l'Etat Major. Les
préoccupations de l'Etat Major étaient que les massacres cessent avant qu'ils n'atteignent le reste
du pays. Il a même été question de dissoudre la Garde Présidentielle et repartir ses éléments entre
d'autres unités, afin que les massacres de civils cessent. Mais durant cette période, le Chef d'Etat
Major n'a pas pu contrôler la garde présidentielle.


15- Du temps de BIZIMUNGU

L'arrêt des massacres était conditionné à l'arrêt des hostilités. Lors d'une réunion à l'Etat Major,
lorsque le Lt.Col KANYANDEKWE est venu dire qu'il avait vu des blessés que les Interahamwe
avaient descendu d'un véhicule pour les décapiter BIZIMUNGU, s'était révolté contre cet officier
qui devait d'abord les sauver et ensuite rendre compte.
Il y avait plus fort que BIZIMUNGU. S'il avait demandé l'arrêt des massacres, il n'aurait pas été
suivi. Un discours du Gouvernemet était plus fort qu'un bataillon de militaires, BIZIMUNGU
avait la volonté d'arrêter les massacres. A ma connaissance, il n'a pas sanctionné de militaire de
la Garde Présidentielle. Je pense que la Gendarmerie aurait pu sauver beaucoup de gens.

J'ai assisté à certaines réunions de l'Etat Major. Le problème des massacres de la population a
été évoqué par moi même et par d'autres officiers. Il a même été encore une fois question de
dissoudre la Garde Présidentielle, et de repartir des éffectifs entre d'autres unités.
Les Officiers des Bureaux de l'EM et de la Gendarmerie selon le cas, parfois ceux des SousBureau prenaient part aux réunions d'Etat Major.
Le G4 le Lt.Col RWAMANGWA Augustin et le G1 MURASAMPONGO Joseph sont de nature
très réservées. Lors des réunions auxquelles j'ai pris part, ils se limitaient aux questions purement
techniques relevant de leurs domaines.

BIZIMUNGU une fois s'est fait renvoyer par les Interahamwe lorsqu'il accompaganait des gens
des Milles Collines qui avaient opté pour la zone FPR. C'est pour dire que BIZIMUNGU n'avait
pas d'emprise rélle sur la situation. C'était un officier venu directement du front. Il était certes
un bon chef opérationnel, mais il n'avait pas l'expérience nécessaire pour maîtriser les
mécanismes complexes de l'Etat Major où il n'avait jamais travaillé avant.
Lorsque le Département d'Etat Américain téléphona à BIZIMUNGU pour lui demander d'arrêter
les massacres, il m'a dit avoir tendu le téléphone pour que son interlocuteur écoute le bruit des
bombardements du FPR.

Et puis il lui a dit que s'il arrêtait les bonbardements, alors lui tenterait de mettre fin aux
massacres.



17- Gratien KABILIGI

Dans la pratique, il était l'Adjoint de BIZIMUNGU. Il était G3 et Général. Théoriquement, et
du point de vue opérationnel, il était en mesure de donner des ordres à la Garde Présidentielle.
Il n'assistait pas souvent aux réunions parce qu'il était sur le terrain. J'ai quelques fois assisté
avec lui à des réunions à l'Etat Major. Il était respecté et il exerçait son autorité. Mais selon
moi, il n'est pas un criminel, mais un chef militaire.

18- NDINDILIYIMANA

Beaucoup de ses unités étaient sous le commandement de l'Armée. A ma connaissance, il n'a
pas donné d'ordre pour tuer.

19- MUBERUKA

Le Colonel Muberuka n'est pas un extrémiste

20- Major Mpiranya de la Garde Présidentielle:

Après la réunion des Commandants d'Unité à l'ESM le 7 Avril 1994, à laquelle il n'avait pas
pris part, j'ai téléphoné au Major MPIRANYA pour lui demander de venir me voir au sujet des
massacres de civils en ville qu'on attribuait à son Unité. Il m'a fait comprendre qu'il ne
viendrait pas et qu'il s'occupait de son unité.
A mon avis, le Major MPIRANYA ne peut pas prendre tout seul la décision de mettre en sécurité
certains responsables politiques dans son Camp et en tuer d'autres. Dans tous les cas, le
Colonel BAGOSORA, qui a dirigé les premières réunions d'officiers après la mort de
HABYARIMANA, qui a nommé le Chef d'Etat Major, signé les communiqués radiodiffusés, et
promis aux deux officiers belge et canadien de maintenir la sécurité dans le pays, était celui qui
avait le pouvoir.

21- NTIWIRAGABO.

De passage à Nairobi après la guerre, il me traita de traître pour être rentré dans l'armée du
FPR. Mais je n'ai rien appris me permettant de l'incriminer.

22- Major NERETSE Emmanuel

Il est de la même catégorie que les Lt.Colonels Setako et Baransalitse qui sont des extrémistes
connus comme tels. Je n 'ai aucune preuve qu'il aurait pris part aux massacres.

23- La réunion au Minadef entre BAGOSORA , BIZIMUNGU et l'ancien Préfet de
Ruhengeri:

BIZIMUNGU m'a informé par téléphone qu'il avait pris part à une réunion avec BAGOSORA
et l'ancien Préfet de Ruhengeri au cours de laquelle, BAGOSORA lui avait assigné la tâche de

m'éliminer. Je m'étais rendu à l'Etat Major suite à un appel de BIZIMUNGU qui m'a confirmé
cette nouvelle. Je me suis alors mis à l'abri jusqu'en fin Mai, lorsque j'ai quitté Kigali sur
ordre du Ministre de la Défense pour installer l'ESM à Nyanza de Butare et recruter 100 élèves
officers.



24. 19 Avril 1994, la Garde Présidentielle(GP) à Butare:

Il est vraisemblable que les militaires de la GP se sont rendus à Butare après le passage du
Président Intérimaire. Mais je pense qu'ils ne sont pas rendus à Butare dans de gros porteurs,
parce que l'armée n'en disposait pas. Elle n'avait que de petits porteurs qui pouvaient prendre
au plus 10 hommes.

25. Le Centre de transmission de l'ESM

A l'ESM nous avions un Centre de Transmission avec deux postes, un de l'Etat Major de
l'Armée et l'autre de la Gendarmerie. Je pouvais accéder à des messages de ces deux Etats
Majors. J'ai vu des messages émanant du Chef d'Etat Major demandant aux troupes de mettre
un terme aux massacres entre le 7 et le 16 Avril pour GATSINZI et après la nommination de
BIZIMUNGU.
Il y avait plus de messages se rapportant aux opérations qu'aux massacres.

26- Massacre de militaires:

a- Major François KAMBANDA

Le seul cas de massacre de militaire dont j'ai eu connaissance était celui du Major François
KAMBANDA, un proche parent du Colonel RUHASHYA. Il était tutsi, et il avait été rayé des
éffectifs de l'armée puis repris par le Gouvernement multipartiste. Le 7 Avril, il est venu chez moi
trouver refuge avec sa famille. De chez moi, il fut appelé à l'Etat Major. Malgré nos
appréhensions, il s'y est présenté et il s'est vu affecté au secteur Bugesera. Il a essayé de passer
par Nyabugogo puis Gitarama pour rejoindre son poste dans le Bugesera. Avant de quitter Kigali,
à la barrière de Nyabugogo, la RTLM a parlé de lui comme étant un inyenzi. Il s'est alors réfugié
dans le blindé du Général NDINDILIYIMANA. J'ai appris par la suite qu'il a été tué à Nyanza
(Butare) pendant qu'il était en civil.

b- S/Lt. MUDENGE.

Dans le cas du S/Lt. MUDENGE que vous me demandez, je sais seulement qu'il avait lui aussi
été emprisonné en même temps que le Colonel HABYARIMANA en 1990 accusé d'être un
complice, puis libéré et réintégré dans l'armée avec le multipartisme.

27- La demande du Colonel RUHASHYA:

Ruhashya m'a téléphoné pour me demander si je pouvais lui obtenir un laisser-passer à la
Préfecture. Je lui avais obtenu ce document. Il ne m'a jamais demandé une escorte. Mais il m'a
dit par la suite qu'il craignait les barrages sur la route entre Kigali et le Sud. J'étais en mesure de lui envoyer deux hommes dans ma propre escorte.


Mais je suis convaincu qu'il n'aurait pas pu aller loin avec cette escorte avec ce qui prévalait. Je
pense qu'il a compris lui même et il est resté chez lui jusqu' à la fin.

28- La requête adressée aux radios:

Un groupe d'officiers dont moi même et le Gl. NDINDILIYIMANA à notre tête, avons convoqué
les responsables des deux radios, Radio Rwanda et Radio RTLM, pour leur demander de calmer
leurs radios. Jean François NSENGIYUMVA représentait Radio Rwanda, pendant que GAHIGI
Gaspard était venu au nom de la RTLM.

29- Entretien avec le Conseiller de l'Ambassade des Etats Unis:

J'ai éffectivement eu pendant les évènements de 1994~ un contact avec Mme Lader de
l'Ambassade des Etats Unis à Kigali et le Département d'Etat Américain à Washington. J'avais
dit à cette occasion que la situation était entre les mains d'officiers qui sont incontrôlables. J'ai
alors donné les contacts téléphoniques du Colonel BAGOSORA et du Général BIZIMUNGU.
Le but du Département d'Etat américain était de parler à des personnes capables de négocier
avec le FPR afin de pouvoir épargner des vies humaines.
BIZIMUNGU m'a par la suite dit que lorsqu'il avait eu le Département d'Etat, il avait tendu son
combiné téléphonique pour que son interlocuteur puisse entendre le bruit des canons. Il m'a avoué
avoir dit à son interlocuteur: " Si vous parvenez à arrêter ces canons, moi je vais mettre un terme
aux massacres"

30- Les voyages de Murambi

Je me suis rendu deux fois à Murambi. Je me souviens que c' était après ma nommination au grade
de Général, et le Ministre de la Défense m'avait dit: "je vous ai nommé pour que vous contribuez
à relever le moral des troupes". Une autre fois je me suis rendu à Murambi avec le CEM
Gendarmerie, le Général NDINDILIYIMANA. Nous avons rencontré des hommes politiques sur
initiative du Chef d'Etat Major de l'Armée le Général BIZIMUNGU, pour leur demander de
mettre un terme aux massacres. Chaque Parti politique représenté dans le Gouvernement avait un
representant à la rencontre.

Je suis convaincu que si le Gouvernement Intérimaire avait dit à population d'arrêter les tueries,
les rwandais qui sont très respectueux de l'autorité auraient obéi. Mais ce ne fut pas le cas. Pour
davantage les sensibiliser, je leur avait dit que les massacres ont atteint les familles des militaires
dont le moral était affecté; et qu'une armée dont le moral est atteint serait défaite. Je savais en
effet que plusieurs militaires avaient appris que leurs familles avaient été massacrées par les
Interahamwe.

Les resposables que nous avons rencontré et dont je me souviens sont les suivants:
KAREMERA
MUREGO Donat
MBONAMPEKA ...



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31- ESM à Kigembe:

On m'avait demandé de ne recruter que 100 élèves officiers. Mais, sur les 600 candidats, j'ai
retenu 500 qui ont suivi une formation de 3 semaines. Je suis resté avec ces élèves à Kigeme, non
loin de Gikongoro. Le Bourgmestre de Maraba est venu à l'entrée de mon bivouac pour chercher
un de mes éléments d'escorte du nom de BAYINGANA Gaspard dont il avait massacré toute la
famille. Ce soldat avait été homme d'escorte de Jeane NDAMAGE et se trouve présentemment
à Kigali.



32- La Déclaration du 7 Juillet 1994

Nous avons signé la déclaration de Kigembe parce que nous avons vu que la population continuait
à souffrir et aussi parce que nous ne voyions pas d'autre solution. C'était aussi dans la même
logique que le communiqué du 12 Avril 1994 avant que les massacres ne dégénèrent en génocide.
Un message me revoquant des FAR m'a été adressé, pendant qu'un des signataires de la
déclaration fut nommé Directeur de l'Ecole.
Jeanne NDAMAGE était en charge de la logistique de l'Ecole avait des membres de sa famille
dans le coin. Le matin du 13 Juillet, elle m'a dit que des habitants l'ont informé avoir vu des
militaires étrangers à notre unité roder autour de notre Camp. Je n'y avais pas cru jusqu'à ce que
des militaires français soient venus me dire que mon camp va être attaqué.
Les mêmes militaires français m'ont récupéré pour me conduire au Zaïre où je suis resté quinze
jours avant de regagner le Rwanda le 29 du même mois ..
Lors de mon séjour à Kigeme, j'ai appris que le Lieutenant Commandant le Groupement de la
Gendarmerie de Gikongoro avait été melé à l'assassinat de plusieurs civils pendant les
évènements.

33- Cadavres:

A Kigali, c'est seulement sur deux barrages que j'ai vu des cadavres.
- A Nyabugogo, j'ai vu le corps d'un militaire en tenue sur un barrage à côté des feux de
signalisation.
- A Kimisagara, j'ai vu deux ou trois cadavres.
- A Gikongoro, j'ai vu des fosses au bord de la route dans les communes de
MUDASOMWA et de NYAMAGABE.
J'ignore la dimension de ces fosses et par conséquent le nombre de cadavres.

34- Bukavu

Venant de Kavumu, je suis arrivé à Bukavu le 18 Juillet. Comme des militaires des FAZ venaient
fréquemment pour demander mon nom, je me suis rendu chez le Commandant Militaire de la
place en compagnie de GATSINZI. Le Commandant nous a appris que nous étions des traîtres
recherchés par notre gouvernement.
Nous avons rencontré fortuitement le Pdt du FPR de la région à qui nous avons posé la question
de savoir si nous pouvions retourner au Rwanda sans problème, parce que nous n'avons rien à
nous reprocher dans les massacres qui avaient eu lieu. Le Président du FPR nous a accompagné
de Bukavu à Goma, Gisenyi puis Kigali.

C'est ainsi que nous avons regagné le Rwanda le 27 Juillet 1994.



38- Joseph NZIRORERA:

Je pense, pour vous répondre, que NZIRORERA n'aurait pas accepté de nous rencontrer, parce
qu'il était un extrémiste et qu'il ne m'aimait pas personnellement. Nous sommes tous deux de
Ruhengeri certes, mais nous étions différents.

39- Banque Nationale du Rwanda:

Je n'ai pas été témoin des transferts de fonds de la Banque Nationale du Rwanda. Mais j'ai appris
auprès de certains réfugiés que certains responsables en ont profité pour s'enrichir.

40- Le cours dispensé par les américains sur le droit de la guerre:

Après la signature des Accords de Paix d'Arusha, deux sessions d'un séminaires sur le droit de
la guerre furent organisées par les américains pour faciliter un rapprochement entre les deux
armées, les FAR et FPR qui ont toutes deux désigné des Officiers pour y prendre part.
Je pense que le CICR aussi a donné des cours sur le droit de la guerre. Seuls des Officiers FAR
avaient pris part à ces cours. Je ne suis plus en mesure de donner la liste de tous les officiers qui
ont pris part à ces séminaires. Je pense comme vous le dites que Major NERETSE a participé à
ces séminaires.

42- Le document G-144

J'ignore ce qu'est le G144. Cependant, le Réglement 00 est un document de l'Etat Major des
FAR portant sur l'organisation de l'Armée Rwandaise. li est calqué sur les textes belges qui
traitent de l'organisation et des responsabilités au sein de l'armée. Ce document est enseigné au
cours de Commandants de Compagnie à l'Ecole Supérieur Militaire (ESM).

43. La lettre du 3 Décembre 1993:

Je pense que les gens ont fait une déduction en m'imputant la paternité de cette lettre. Je n'ai
aucune idée sur l'auteur de cette lettre. Elle aurait même pu venir du FPR.

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