Citation
Cassette n° 093
(Début de cassette : Bahizi Félicien (00 :00 :08 jusqu’à 00 :12 :…)
Interviewé : Habimana Gonzague (à partir de 00 :13 :27)
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Lieu : Motel Lapalisse Nyandungu
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Q/R
Texte
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Je suis né en 1966
Et tu t’appelles ?
Je m’appelle Habimana Gonzague. Je suis né en 1966 sur la colline
de Ndengo, anciennement en commune de Mugina, aujourd’hui
district de Ruyumba, province de Gitarama. Je me suis engagé dans
Q
R
l’armée en 1986.
Dans quel corps d’armes t’es-tu engagé ?
Après la première tranche de formation générale, j’ai rejoint l’unité
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paracommando.
Quand tu as rejoint l’unité paracommando, tu y as rencontré des
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Français ?
Les Français en fait, c’est avec eux que l’on travaillait, car c’est eux
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qui formaient notre unité et qui nous entraînaient conformément à
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nos missions.
Alors en 1990, la guerre a débuté. Comment en ce moment-là, en
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tant que militaires, vous et les Français avez réagi ?
Comme militaire, cela se comprend que lorsqu’une guerre éclate, on
se rend au front pour combattre. Quant aux Français, cela se
comprend également que si c’étaient eux nos instructeurs, ils
n’allaient pas nous abandonner. Ils nous ont suivis de très près.
Même si l’on n’allait pas souvent ensemble sur le terrain, ils nous
suivaient très souvent de très près ; ils étaient derrière nous, par
exemple au sein de l’OPS, et suivaient les opérations, s’entretenant
avec le commandant de l’OPS ou celui de l’unité. Et parfois, ils
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Q
venaient sur terrain.
Et lorsqu’ils venaient sur terrain, qu’y faisaient-ils ?
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R
Sur terrain, on était ensemble. Cela se comprend que, étant des
militaires, ils étaient eux aussi armés. Alors on allait ensemble nous
battre. Mais ils ne s’aventuraient pas aussi loin que nous, ils
revenaient vite à l’arrière du front pour se reposer au
commandement de l’OPS, ou alors rentraient directement au camp
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Q
Kanombe.
Quand vous alliez ensemble,…tu as entendu parler de ce que l’on a
R
Q
appelé « Opération Noroît » ? Peux-tu nous en dire quelque chose ?
L’opération Noroît ?
Ce sont ces militaires qui sont arrivés le 3 ou le 4 octobre 1990, ils
étaient nombreux, et ils sont repartis deux ans et demi ou trois ans
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R
plus tard.
Il y a des militaires qui sont arrivés au début de la guerre. Je me
rappelle qu’il y avait des Français, des Belges et ceux que l’on
appelait des Zaïrois à l’époque ; c’est cela dont je me rappelle. La
plupart ont opéré à Kigali, sauf les Zaïrois. Les autres opéraient à
Kigali seulement, ou alors ils se déplaçaient avec les hautes
autorités, celles des Etat-major. Ils venaient avec les autorités sur le
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Q
front et puis ils s’en retournaient à Kigali.
Ils sont restés au Rwanda en tous cas jusqu’en septembre 1993.
Durant tout ce temps, ceux qui travaillaient avec vous, était-ce
seulement ceux de la coopération technique militaire ou y en a-t-il
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R
eu d’autres qui sont venus vous former ?
Oui, il y en eu d’autres qui sont venus surtout comme...il y avait des
formations techniques ordinaires telle que la tactique ; il y avait
aussi l’armement…tous ces départements avaient des instructeurs
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Q
R
attitrés.
Armement et tactique ?
Oui. Je me souviens qu’il existait une formation appelée DAMI elle
aussi était donnée par des Français. Cela se déroulait au Mutara et à
Bigogwe. Moi, la formation DAMI, je l’ai reçue à Bigogwe et c’est
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Q
des Français qui me la donnaient.
C’est eux qui vous la donnaient ?
Oui.
C’était également eux, au Mutara ?
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Q
R
Oui.
Tu n’as pas les noms de tes instructeurs ?
Non, je ne connais pas les noms. On ne restait pas longtemps
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Q
R
ensemble. Notre formation ne durait qu’une semaine ou 8 jours.
Que vous apprenaient-ils au fait ?
Ils nous apprenaient les techniques commandos, la tactique et le tir.
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Q
C’est surtout sur ça qu’on insistait le plus.
Il y a eu aussi la formation CRAP que les Français ont dispensée.
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R
Peux-tu nous en dire aussi quelque chose ?
Les CRAP recevaient surtout leur instruction de ces militaires qui
étaient avec nous et qui nous entraînaient au saut en parachute.
C’est ceux-là que je voyais les entraîner très souvent. Ils se
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Q
R
trouvaient très souvent ensemble.
En quoi leur entraînement différait-il du vôtre ?
Leur instruction dépassait de loin la nôtre….Tu vois, même au sein
des unités ordinaires, on retrouvait des militaires instructeurs, qui
devaient former les autres soldats aux techniques militaires et même
d’autres techniques non spécifiques à l’armée. Car on utilise aussi
des techniques civiles telle que le karaté. il y avait chez nous, dans
les techniques militaires, ce que l’on appelait « combat sans
armes ». Alors ils leur apprenaient spécialement ces techniques
d’autoprotection et aussi les techniques ordinaires comme le tir, la
tactique et justement le combat sans armes, en fait toutes les
techniques militaires utilisables pour l’autodéfense durant la guerre,
que les soldats soient armés ou non. Ils leur apprenaient aussi
l’observation, l’utilisation du terrain, comment tu peux pénétrer en
zone amie ou ennemie, de jour comme de nuit. C’est cela que je
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Q
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voyais les Français leur apprendre.
C’était quoi les missions du CRAP ?
Le CRAP était une unité spéciale de l’armée qui avait pour mission
d’intervenir sur terrain, là où les choses tournaient mal pour nous
sur le front, ou alors pour observer...C’était surtout des
observateurs, il y avait ceux que l’on appelait des observateurs
avancés dans les unités ordinaires, mais les CRAP, c’était leur
spécialité car ils disposaient des matériels appropriés. Par exemple
ils avaient des infrarouges qu’ils utilisaient la nuit. Quand ils étaient
parvenus à être très performants, on voyait qu’ils étaient très
employés la nuit plus que le jour. Parce que lorsque nous étions sur
terrain, chaque compagnie en position de défense comptait au
moins un CRAP. Toute unité avait son équipe de CRAP. Les
militaires qui étaient en poste avancé d’observation comptaient un
CRAP muni d’armes infrarouges et c’est lui qui leur disait la nuit
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Q
R
comment ça se présentait l’avant.
Comment avaient-ils eu ces armes à infrarouges ?
Ils en avaient reçu des Français. C’était uniquement à eux. C’était la
première fois que j’en voyais car nous nous n’avions pas les
mêmes. C’était du genre fusil à répétition, ce fusil avec lequel tu
tires, puis tu désarmes et réarmes, ainsi de suite. C’était des fusils à
tir de précision car ils sont munis de lunettes de tir très puissantes.
C’est ces armes qu’ils utilisaient et qu’ils ont le plus utilisées
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Q
R
pendant la les combats…là-bas où se trouvait l’unité.
Durant les combats, ils étaient avec leurs instructeurs Français ?
Non. Durant la bataille, ils se retrouvaient seuls. Chaque unité
dispatchait ses CRAP selon les besoins, trois par ici, quatre ou deux
par là. Et c’est eux qui étaient envoyés en avant, parfois même ils
partaient seuls. Je me rappelle quelqu’un qui comptait un jour
l’argent qu’il avait reçu, car ils percevaient des primes de chasse,
pour le nombre d’ennemis abattus. Je connais des garçons qui me
disaient que le commandant d’unité leur a donné autant de milliers
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Q
R
de francs.
Comment savaient-ils qu’ils avaient bien éliminé leurs cibles ?
Oh tu comprends ! Il a un fusil et il a utilisé toutes les techniques
acquises en instruction… De plus, son arme est équipée d’une
lunette de tir très puissante, il voit bien l’ennemi qui lui, ne le voit
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Q
R
pas. Il ne peut pas manquer sa cible et il le sait.
Mais quelle preuve pour convaincre la personne à qui il le dit ?
Ça je ne peux pas le savoir. Je ne sais pas comment il faisait pour le
convaincre. Mais étant donné les circonstances, celui qui recevait le
rapport ne pouvait pas ne pas reconnaître que le CRAP disait vrai.
C’était un temps de guerre et même le simple militaire ou
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Q
l’interahamwe tuait des ennemis.
Ces histoires de barrières tenues par des Français, qui contrôlaient
les gens en leur demandant leurs cartes d’identité, en sais-tu
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R
quelque chose ?
Il fut un temps où les choses allaient très mal et c’est là que cela a
eu lieu. La guerre était alors très dure. Nous aussi, on se trouvait à
l’époque dans le Mutara…Même cela est arrivé chez nous à
Kanombe, à l’entrée du camp. Je ne me rappelle pas le mois mais
c’était en 1991. Je me souviens que les Français, je les ai alors
trouvés là-bas à l’entrée, juste tout près de l’église avant d’entrer au
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Q
R
camp Kanombe. Là aussi ils y faisaient des contrôles.
Et ailleurs, à l’intérieur du pays ?
Ils ont surtout opéré en ville. Dans les provinces, ils n’y sont pas
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Q
R
beaucoup allés.
Qu’est-ce qu’ils cherchaient, au fait, sur ces barrières ?
C’est compréhensible. En tant qu’amis du Rwanda avec lequel ils
avaient une coopération, et plus particulièrement ils jouaient un rôle
important dans l’armée, ils ne pouvaient pas ne pas venir à la
rescousse du Rwanda dont ils étaient amis, pour l’aider à se
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Q
défendre contre l’ennemi.
Lorsque vous discutiez avec eux, quel discours avaient-ils ? Ils
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R
disaient qu’ils étaient là pour quoi ? Comment se comportaient-ils ?
Leur comportement…avant tout l’on voyait que c’était des amis du
Rwanda. Mais spécialement -je dis spécialement parce qu’il est
arrivé un temps où plusieurs partis ont vu le jour au Rwanda et que
donc il y avait plusieurs idéologies différentes qui étaient
exprimées- il état clair que les Français s’étaient rangés dans le
camp de Habyarimana. Cette période d’effervescence des partis eut
aussi un impact sur l’armée qui en fut affaiblie, parce que ellemême divisée entre KIGA (nordistes)) et NDUGA (sudistes). Alors
cela se voyait que les Français appuyaient les positions du MRND
ou Habyarimana en personne, sans vouloir comprendre la situation
réelle des Rwandais à cette époque.
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Lors de l’offensive du FPR du 8 février 1993, tu ne sais pas si les
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Français ont fait une intervention à cette occasion ?
Moi je suis allé…on n’est pas allé ensemble avec les Français car
R
notre unité a alors été scindée en plusieurs équipes. Moi je faisais
partie de la première compagnie, alors les première et deuxième
compagnies sont allées intervenir au Mutara, la troisième a été
envoyée à Ruli, la quatrième et une partie de l’état-major et SP sont
parties à Ruhengeri. Mais de mon coté, il n’y avait pas de Français
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Q
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Q
avec nous.
Toi tu étais au Mutara ?
Oui.
Je croyais que tu étais à Ruhengeri.
J’étais au Mutara. Je suis allé à…Ngarama.
Abordons l’époque des interahamwe. Ils sont déjà visibles, formés
etc. Ne les as-tu jamais vus en compagnie des Français ? Ou ne
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R
sais-tu pas si ces derniers les aidaient en quoi qu ce soit ?
Lorsque les interahamwe ont commencé à être constitués en milices
armées, c’était en 1992/1993. Nous, en réalité, on entendait parler
de ça. Mais on n’était pas sur le terrain des entraînements pour
pouvoir suivre ça de près. À l’époque, la plupart du temps on était à
Kanombe en stand by, ou alors on était en intervention sur le front
où les combats étaient rudes, et puis nous revenions. Mais d’après
les informations que nous recueillions auprès de nos camarades,
ceux-ci nous apprenaient qu’ils venaient d’assister aux
entraînements des interahamwe à Gabiro. C’est surtout par là que ça
se passait. Au Bigogwe, cela s’est passé une ou deux fois, mis la
plupart des entraînements des interahamwe, c’était à Gabiro. Quand
nous causions avec leurs escorts, ils nous disaient par exemple
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Q
R
qu’ils étaient allés à Gabiro voir les entraînements des interahamwe.
Des escortes des Français ?
Non. Les escortes de nos commandants. Commandants d’unités.
Tu ne sais pas si les Français y allaient aussi ?
Non. Mais ces jeunes camarades nous disaient que les Français s’y
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Q
R
trouvaient, bien sûr.
Eux vous rapportaient que les Français étaient sur place ?
Oui.
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00 :28 :47
Q
Ne vous parlaient-ils pas des entraînements que les Français leur
R
dispensaient ?
Cela se comprend que lors d’un apprentissage militaire, la première
formation que l’on reçoit après la discipline, c’est le tir. C’est en
00 :28 :50
Q
fait le premier cours militaire. Ils leur apprenaient à tirer.
Ne leur ont-ils pas appris ces techniques d’assassinat avec des
cordelettes, ou par exemple à tuer quelqu’un au sein d’une foule de
telle sorte que l’on n’arrive pas à identifier l’assassin. C’est ce dont
se vantaient les interahamwe. Vous, vous n’en avez pas entendu
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R
parler ?
Vous savez, ces histoires de techniques… Entre 1992 et 1993,
certains de nos militaires vivaient à l’extérieur des camps de
manière secrète. Disons qu’en général on ne savait pas comment ils
vivaient en dehors des camps, mais les commandants d’unités eux
étaient au courant. Personnellement, je connais trois soldats de mon
unité, que je voyais seulement au moment de toucher la solde. Mais
quand tu t’informais bien, l’on te disait qu’ils vivaient avec des
interahamwe. La plupart avaient leurs quartiers à Remera (Kigali).
Je me rappelle un garçon du nom de Bizimana qui était de mon
unité. Il est tombé ici tout près à Remera, tué par de soldats belges.
Des coups de feu ont éclaté alors qu’il se trouvait à l’extérieur du
camp, suite à quoi il a cherché, je crois, à rentrer au camp, et peutêtre qu’il a brutalisé des Belges qui l’ont alors abattu. J’ai vu de
mes propres yeux son cadavre en plein milieu du macadam, criblé
de balles. Quant aux entraînements, beaucoup de militaires en
dispensaient aux interahamwe. Les GP aussi vivaient en dehors des
camps et ils les entraînaient ; et vous savez que les GP bénéficiaient
d’entraînements spécialisés de commandos. On savait qu’il y en
avait qui bénéficiaient des formations spécialisées à l’extérieur du
pays. D’autres passaient la plupart de leur temps dans des
entraînements militaires ordinaires. Ces entraînements ordinaires,
ils pouvaient les faire dans les quartiers mêmes ici en ville, surtout
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Q
la nuit. Car la plupart de ces choses se passaient durant la nuit.
Est-ce que les Français pouvaient partir en missions tout seuls, sans
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R
être accompagnés par des militaires Rwandais ?
Les Français ? Oh oui ! Tout à fait. Maintes fois, on les a vus
prendre leurs jeeps la nuit. Ils avaient des véhicules robustes, des
jeeps et des Peugeot. Alors ils partaient de nuit et le lendemain
matin, on s’apercevait que leurs véhicules étaient sales, couverts de
boue, et on ironisait sur eux en disant « Où est-ce que ces salopards
ont cette fois-ci passé la nuit ? » Ça aussi je me le rappelle bien. On
se demandait où ils allaient la nuit. On imaginait des excursions
pour acheter des choses en fraude et autres, mais en vérité, quand
on réfléchissait bien à la situation de guerre telle qu’elle était, on se
disait qu’il serait incompréhensible qu’ils ne fussent pas allés
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Q
R
Q
apporter leur contribution.
Ils disparaissaient comme ça souvent ?
Ça arrivait souvent oui.
Toi personnellement, quelle genre de collaboration tu avais avec
R
eux ?
Les Français ? Moi personnellement, avant 1990, avant le début de
la guerre, nous avions des rapports ordinaires d’entraînements de
paracommandos. Sauf que, périodiquement, ils sélectionnaient
parmi nous certains, pour les former comme chuteurs. Les chuteurs
sont eux aussi des paracommandos, mais plus performants, qui
sautaient à partir de 5 km et plus d’altitude. Mais étant donné que
seuls ceux-ci bénéficiaient de la faveur de stages extérieurs, en
France bien sûr, nous les gens du sud, ils ne nous incluaient pas
dans la sélection. Sauf ceux qui ont fondé l’unité peut-être, car je
me rappelle qu’il y avait avec moi trois sous-officiers originaires du
sud qui ont quand même reçu cette formation. Et même, ils leur
avaient accordé cette faveur parce qu’ils étaient les fondateurs de
notre unité. Sinon en général nous on n’était pas reçu pour cette
haute formation car elle apparaissait comme une faveur et les
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Q
Banyenduga ne devaient pas en bénéficier.
Les Banyenduga, c’était les gens du Sud du pays ?
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R
Tout non originaire de Gisenyi, Ruhengeri et Byumba était
considéré comme un Munyenduga et en conséquence, il ne devait
bénéficier d’aucune faveur. Cela est resté ainsi jusqu’en 1991,
lorsqu’ils fondèrent le CRAP. Et là, l’exclusion se fit ouvertement.
Aucun militaire du sud ne fut admis, à l’exception de deux garçons
de Gitarama. L’un est mort au Bigogwe. Il se nommait Gombaniro.
L’autre vivait avec nous au camp paracommando ; il se nommait
Masengesho. Ce sont les deux seuls que nous connaissions de chez
moi, à Gitarama. Sinon, quelques garçons originaires de Kibungo.
Et puis, il y avait tous ceux-ci n’étaient admis uniquement que
parce que c’était des commandos d’élite, avec les meilleures
performances. Là, les chefs se disaient : « Même si c’est un
Munyenduga, on va l’inclure parce qu’il est un excellent
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Q
commando. »
Donc, des membres de votre unité ont été envoyés en stage en
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R
France, entre 90 et 94 ?
Oui. Il y en qui sont partis en stage de perfectionnement de
paracommando. Mais c’était seulement de sous-officiers qui sont
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Q
R
allés.
Rien que des sous-officiers ?
Que des sous-officiers. Personne n’était admis pour un stage à
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Q
l’étranger en dessous du grade de sous-officier.
Normalement pour leurs opérations, les Français comme les autres
soldats ont besoin d’informations, de renseignements…D’après toi,
comment obtenaient-ils les informations et autres renseignements
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R
nécessaires ?
Concernant le Rwanda ? …Ils rencontraient très souvent les
autorités rwandaises, nos commandants militaires, les commandants
de compagnies. Ils s’entretenaient souvent avec tout ce monde. Ça
se comprend qu’ils étaient alors mis également au courant de
l’histoire du Rwanda. Des fois l’on discutait sous forme de
blagues…et ils faisaient des choses…, mais lorsque tu y
réfléchissais en mettant en parallèle les temps dans lesquels on se
trouvait, tu comprenais que c’était exact, qu’ils connaissaient des
choses…un Français arrivait en disant : « Regarde, tutsi là-bas ».
Alors tu te demandais ce que cela voulait dire et qui lui avait appris
ce genre de choses. Ou alors il te faisait des gestes en se tenant le
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Q
nez et en disant : « Tutsi ».
Et lorsqu’il faisait ces gestes, tu comprenais que pour lui un tutsi
R
c’était quoi ?
Étant donné que l’on était en situation de guerre et aussi ceux contre
qui on se battait, tu comprenais que les Français qui étaient arrivés
en 1991, d’ailleurs les uns étaient venus en 1990 au début de la
guerre, avaient été tout de suite briefés sur l’histoire du Rwanda. Ils
étaient informés sur l’ennemi et sa provenance, en conséquence eux
aussi comprenaient que les ennemis étaient les Inyenzi-Inkotanyi,
financés et aidés par le tutsi. Eux aussi, ils ont donc pris les choses
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Q
ainsi.
Pour eux donc, le tutsi qu’il soit du Rwanda ou réside à
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R
l’extérieur…pour eux le tutsi était l’ennemi ?
Parfaitement. Le tutsi c’était l’ennemi. Eux-mêmes, ça se voyait
Q
R
qu’ils le savaient ainsi.
Et leur attitude devant les tutsi, c’était l’attitude face à l’ennemi ?
Et alors ? Lorsqu’il tirait sur son nez en disant « tutsi », ce geste
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pour démontrer que celui-là a un nez long, pour signifier qu’il était
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Q
tutsi .... !
Donc les informations, ils les tenaient des autorités et des chefs
militaires avec lesquels ils s’entretenaient. Mais ne saviez-vous pas
que, concernant surtout la zone de combats, ils pouvaient aussi en
obtenir par satellites, ou par leurs propres escadrons de
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R
reconnaissance et autres moyens ?
Sur terrain…sur terrain, lorsqu’ils ont amené les armes d’appui très
puissantes, des canons, c’est à partir de ce moment que nous avons
entendu dire qu’ils avaient des radars très performants. Mais nous,
on ne les voyait pas, ces radars. Ces armes d’appui, il était rare
qu’on les voie, car nous, nous étions dans des positions très
avancées par rapport à elles. Elles se trouvaient à une quinzaine ou
une vingtaine de kilomètres à l’arrière du front. Alors, on entendait
dire qu’ils possédaient des radars très performants. Je me rappelle
que ces armes ont été utilisées pour la première fois lorsqu’on se
trouvait à Byumba. On nous disait : « Ils sont en train de bombarder
la frontière à Gatuna et ils y voient très bien grâce à leur radars très
puissants. » Et on sentait que nos soldats avaient leur moral
remonté, car les Français étaient en train de réaliser pour eux
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Q
quelque chose de très bien.
Te rappelles-tu comment on appelait ces canons, leurs calibres et où
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R
ils s’en sont servis pour la première fois ?
Les premières armes d’appui qu’ils ont amenées, c’était au tout
Q
R
début de la guerre, où ils ont amené des mortiers 120 mm.
En 1990 ?
En 1990. Environ en novembre ou décembre, si je me rappelle bien.
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C’était vers la fin de l’année 1990. C’est les mortiers 120 qu’ils ont
amenés en premier, et ils en ont appris le maniement à l’unité
d’artillerie. Après ces mortiers, ils ont amené des canons, des
canons 105 mm. Ceux-ci sont arrivés au mois de …en 1991, je ne
me rappelle pas le mois, mais c’était vers le milieu de l’année. Ils
sont arrivés juste avec leurs artilleurs qui devaient apprendre aux
soldats rwandais leur utilisation. Ils ont alors formé des soldats
rwandais, ont opéré ensemble sur terrain, et lorsque ces derniers
furent performants, ils les leur laissèrent et s’en allèrent. En 1992,
ils apportèrent des canons 122, également accompagnés de leurs
instructeurs pour y former les Rwandais et ces derniers en apprirent
vite l’utilisation car il n’existait pas de grande différence avec les
105. c’était toutes des armes de même famille. Quand je dis qu’ils
sont repartis chez eux, ça ne veut pas dire qu’ils son tous partis. Je
sais qu’il y avait une équipe qui vivait à l’état major à Kigali et qui
est restée. De temps en temps, elle venait sur terrain, pour se mettre
au courant de la situation des opérations, ou voir les armes car tu
comprends que lorsqu’on t’apprend une chose, tu ne la retiens pas
aussi vite et aussi bien que l’instructeur. Ils ont continué à les
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Q
suivre.
Lors de l’offensive du FPR sur Byumba en 1992, les inkotanyi ont
pris cette ville qu’ils ont contrôlée durant quelques heures sinon
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R
quelques jours…
Ils ont occupé la ville environ deux jours, car moi je suis intervenu
Q
là-bas.
Comment alors cela s’est passé avec les armes d’appui des Français,
car l’on sait que c’est à cette époque qu’ils ont amené des armes
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R
puissantes ?
Byumba. Quand Byumba a été prise, nous on se trouvait au Mutara.
C’était peu de jours avant l’offensive du 8. Je ne me rappelle pas
bien les dates mais on venait de passer moins de deux semaines à
Ngarama. Un message est arrivé -cela se comprend que nous nous
ne l’avions pas lu- mais lorsque l’on nous disait de nous préparer
pour nous déplacer, c’est parce qu’il y avait eu un message
ordonnant de nous rendre à tel ou tel autre lieu ou de revenir à
Kanombe. Nous, on était habitués de faire une opération et de
rentrer à notre base. Là, cela faisait à peine deux semaines que l’on
se trouvait en opération là-bas à Ngarama. Ce soir-là, on nous a dit
de rentrer. Nous sommes revenus par la route habituelle de Mutara.
Arrivés à Kanombe, on ne songeait qu’à débarquer, aller prendre
une douche et nous reposer, mais l’on a dit aux premiers arrivés des
deux premiers véhicules de débarquer seulement et de ne pas
bouger de là. Pour les véhicules suivants, on a dit d’aller
directement prendre du carburant sans que personne ne débarque.
On a alors compris qu’on allait changer de direction sans même
nous reposer. Personne n’a pu approcher son logement alors que
l’on se trouvait au sein de notre camp. Nous sommes repartis. Nous
avons fait la route de nuit car à Kanombe nous y avons passé tout
de même quelques heures comme ça. Et puis, cela se sait, en temps
de guerre, on ne se rend pas n’importe comment sur le front, sans
que les éclaireurs y aient précédé les troupes pour tâter le terrain.
Vous arrivez à un endroit, vous vous arrêtez et les observateurs
avancent sur un kilomètre environ pour voir comment ça se
présente, puis ils reviennent vous chercher, ainsi en plusieurs
étapes. Nous on est arrivés à un endroit dans Byumba, ce lieu où il
y a une petite chute d’eau, je ne mme rappelle pas bien comment
cette chute s’appelle, mais c’est près de Rukomo. C’est à ce lieu
que nous a rejoints un escadron, vers 4h30 ou 5h00 du matin, il
allait faire jour. Nous avons débarqué là des véhicules. Une partie
d’entre nous est remontée le long de la route, une autre a escaladé
les hautes collines de Rukomo jusqu’à Byumba, au lieu surnommé
ASTALDI parce que l’entreprise de ce nom y avait construit
autrefois ses baraquements. On nous a alors dit d’attendre là, et
quelques instants après nous fumes informés que le bataillon
Mukamira lui, arrivait par le nord, par Miyove. Là, on voulait lancer
l’attaque d’encerclement. On a attendu là, avec le commandant
d’unité et les commandants de compagnie, tandis que la compagnie
qui avait progressé le long de la route atteignait Rukomo. Car l’on
disait que l’ennemi avait aussi pris Rukomo. Notre unité donnait
l’impression d’être une unité très forte et lorsque nous étions sur
terrain, nous ne souhaitions pas que quelqu’un d’autre, abatte
l’ennemi avant nous. Alors lorsque nous avons entendu qu’une
autre compagnie allait atteindre Rukomo avant nous, nous avons
dit : « Il ne faut pas qu’il y ait quelqu’un qui nous précède à
Rukomo ». Mais en réalité, ce qui nous stimulait, c’était un camion
chargé de caisses de bière que nous avions aperçu en plein centre de
Rukomo. Nous voulions nous presser pour aller prendre cette bière
et apaiser notre soif. On est descendus très rapidement jusque là,
j’étais parmi les premiers à atteindre le lieu et à ouvrir une primus.
J’ai vidé une bouteille, en ai pris une autre et l’ai décapsulée, et
c’est alors que le commandant de notre unité est arrivé. Il n’aimait
pas que nous prenions l’habitude de beaucoup boire. Il n’était pas
content. Il nous a ordonné de retourner dans nos positions. Je me
souviens qu’il m’a interpellé par mon nom en me
disant : « Gonzague, tu n’as vraiment pas honte ? » J’étais chef de
section, caporal, ce qui signifiait que je devais être un bon exemple
pour ma section. Il nous a dit de remonter immédiatement sur la
colline. « Oui mon major, on y retourne tout de suite », lui ai je
répondu. Nous avons pris quelques caisses de primus, j’ai demandé
à un garçon de ma section de m’en remonter une et nous sommes
retournés dans nos positions. Avant que nous n’ayons fait deux cent
mètres, nous avons croisé le bataillon Mukamira qui était passé plus
haut, par Miyove, et qui arrivait. Ils nous ont demandé comment se
présentait la situation en ville et nous leur avons dit qu’il n’y avait
plus de problèmes, que les assaillants étaient repartis. Sur ces
entrefaites, le commandant d’unité, Ntabakuze, s’est pointé et leur a
demandé de retourner eux aussi dans leurs positions. Ntabakuze
s’attribuait le commandement de tous les soldats. À cette époque,
Mukamira était commandé par le major Bizabarumwanzi. Il s’est
entretenu avec Ntabakuze, puis chacun est retourné dans ses
positions, nous dans les nôtres au dessus de Rukomo. Le lendemain
matin, nous avons commencé à effecteur une marche de
reconnaissance, pou voir si les Inkotanyi avaient réellement évacué
les lieux. Nous, nous avons suivi la route, avec des blindés et
arrivés près de Maya, je crois que c’était en commune de Cyungo,
nous avons essuyé les premiers tirs. Nous ne voyions pas l’ennemi
et nous ne pouvions donc pas riposter. Nous avons plutôt pris des
positions de défense dans la plantation de thé à coté de la route. Ils
nous surplombaient, là-haut sur la colline. C’est nos blindés qui
nous ont permis de découvrir leurs positions lorsqu’ils les ont
pilonnés. Ils ont pilonné les blindés qu ont riposté et nous avons pu
localiser leurs positions. Malheureusement, en face à Mukarange,
on n’y avait pas envoyé des troupes. Nous pensions d’ailleurs que
l’ennemi n’était pas de ce côté là. Peu après on a su qu’il y était,
alors qu’on avait déjà dépassé le secteur, car pour arriver à Maya, tu
le laissais à coté le bureau communal de Mukarange, en fait tu le
laissais en arrière. Alors nous pensé qu’ils pouvaient opérer un
débordement et nous encercler et c’en serait fait de nous. Il a alors
été décidé, le lendemain, d’abandonner les positions que nous
avions, pensant qu’il était mieux qu’une unité allât à Mukarange et
l’autre plus haut sur une montagnette en vis-à-vis avec Mukarange,
sur la même altitude. C’est sur cette dernière que moi aussi je me
suis rendu. C’est moins d’une semaine après que j’ai entendu les
tirs de ces mortiers 122. Je me rappelle qu’ils ont pilonné au delà de
Kisaro, j’oublie le nom du lieu. Les observateurs devaient leur avoir
indiqué que c’était par là que se trouvaient les positions des
Inkotanyi. Nous-mêmes, nous voyions bien la colline en face, celle
qui était pilonnée par les 122. Nous voyions les inkotanyi opérant
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00 :48 :11
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Q
R
Q
R
des mouvements de retraite, car le pilonnage les avait neutralisés.
Ils ont fui les pilonnages des mortiers ?
Oui.
Et c’est les Français qui les avaient amenés, ces mortiers ?
On a dit qu’ils étaient là. Cela se passait derrière nous mais on a dit
que les Français étaient là. Et puis, ils n’avaient pas encore terminé
la formation sur ces mortiers. C’était dans les premiers jours
d’instruction, les nôtres ne savaient pas encore bien les utiliser.
D’ailleurs, c’est vrai qu’ils étaient présents car le lendemain ils sont
entrés en ville de Byumba….Ils sont venus dans la ville, sont passés
dans nos positions, un peu plus bas…je ne me rappelle pas la date
mais c’est en ce moment-là que j’ai entendu parler des mortiers 122
00 :48 :50
00 :48 :52
Q
R
pour la première fois.
C’était en 1992 ?
1992. 1992, au mois de…avant le mois de mars en tous cas, car moi
j’ai été blessé le 9 mars ; c’était après notre retour. En quittant les
lieux, nous nous sommes rendus directement à Ruhengeri. Moins
d’une semaine après j’étais blessé et c’était le 9 mars 1992. Tu
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Q
comprends que ce devait être fin février ou début mars.
Lorsque tu as été blessé à Ruhengeri, c’était à l’époque de l’attaque
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R
de Ruhengeri du 8 février ?
Non ! C’était après le 8, c’était environ un mois après, car ce 8 là,
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Q
c’était en février.
Je posais la question parce que à l’époque, les Français ont aussi fait
une forte intervention à Ruhengeri. Ils prétendaient alors évacuer
00 :49 :51
R
leurs ressortissants qui vivaient là-bas. Le sais-tu ?
Je l’ignore. Ce dont je me souviens seulement, c’est que pour nous
rendre à Ruhengeri, nous avons pris la route Ngororero et avons fait
un détour à Vunga, sommes parvenus à Nyakinama où nous avons
passé la nuit, car nous y sommes arrivés à la nuit tombée. Nous y
avons passé deux nuits, puis le troisième jour nous nous sommes
dirigés vers la ville et avons passé une nuit sur la colline en face de
Karwasa. Le lendemain, nous sommes allés en commune Ruhondo,
00 :50 :28
Q
vers les lacs, et c’est là où j’ai été blessé par un tir.
Dans votre corps d’armée de paracommandos, les avions que vous
00 :50 :37
R
utilisiez étaient-ils français ou rwandais ?
Ils appartenaient aux Français. Nous en avions deux, des Français.
C’est ceux-là que nous utilisions. ...Ce n’était pas seulement deux
d’ailleurs. Il y en avait trois. Deux, dont je ne me souviens pas la
marque, mais l’un était hors d’usage, on en retirait des pièces pour
réparer l’autre. Nous en avions un troisième plus petit, qui
transportait seulement sept personnes et qui était un Islander. Celuici, ils (les FAR) ont fui avec jusqu’en Tanzanie et puis quelqu’un
l’a ramené, je pense qu’il est toujours ici. C’est celui-là qu’a ramené
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Q
Munyurangabo.
Ces avions portaient-ils les couleurs françaises, le drapeau bleu-
R
Q
R
Q
blanc-rouge ?
Je ne me souviens pas...Non il n’y avait pas ces couleurs.
Mais tu sais que c’était bien leurs avions à eux ?
Ça oui ! Ils en avaient deux.
Durant cette guerre, il y avait également des hélicoptères qui étaient
R
utilisés. Leur appartenaient-ils ou étaient-ils à vous ?
Les hélicoptères, ceux que nous utilisions sont arrivés après…ceux
que nous avions avant, car on s’était aperçu qu’ils n’étaient pas
assez puissants peut-être, ou peu nombreux, et donc ils ont par après
amené des Gazelles, qui sont aussi je crois de marque française.
C’est eux qui les ont amenés. Je me rappelle qu’avant que nos
militaires ne puissent apprendre à les manœuvrer, c’est les Français
00 :52 :17
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Q
R
Q
qui les utilisaient.
C’est les Français qui les utilisaient ?
Oui.
Tout le temps que tu les as vus, c’est les Français qui les
00 :52 :21
R
utilisaient ?
Mais les Français, c’était dans le cadre de leur apprendre à les
piloter. Mais sur terrain, c’était les nôtres, car je me rappelle que
des fois on entendait dire qu’un tel (des nôtres) était allé sur terrain
pour voir s’il savait maintenant utiliser l’hélicoptère, et on apprenait
qu’ils avaient effectué des tirs d’attaque à tel ou tel endroit, mais
auparavant, l’apprentissage par les Français, c’était par ici dans le
00 :52 :39
Q
ciel de Kigali.
C’est à dire qu’avant que les soldats rwandais n’aient appris à
utiliser les hélicoptères, ceux-ci ne servaient pas ? Disons par
00 :52 :47
R
exemple en 1990/1991 ?
Les Gazelles sont arrivés en 1991, si ma mémoire est bonne. Avant
il y en avait d’autres marques ordinaires. Deux. Puis ils ont été peu
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Q
à peu augmentés jusqu’à six.
Nous arrivons au moment de la mort de Habyarimana. Peux-tu nous
dire comment les choses se sont déroulées pour toi, comment les
Français et tous les autres ont réagi ? Est-ce que toi, tu as vu l’avion
00 :53 :20
R
être descendu ?
L’avion oui. Je l’ai vu de mes propres yeux. Les deux coups qui
l’ont abattu, je les ai vus. J’étais debout devant le Bloc où je
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00 :53 :32
Q
R
dormais d’habitude.
Dans quel camp ?
Là-bas à Kanombe. Je m’étais couché en revenant d’une visite
avortée dans une famille. C’était peut-être Imana qui avait voulu me
sauver afin de ne pas y périr. Je n’ai même pas voulu regarder à la
télé le match de football et pourtant j’étais un grand amateur.
Quelques jeunes m’ont demandé d’ailleurs pourquoi je ne regardais
pas le match, je leur ai répondu que j’avais envie de me coucher.
00 :53 :54
00 :53 :56
Q
R
De quel match s’agissait-il ?
C’était la coupe d’Afrique des nations. Je me rappelle que la
Zambie jouait contre la Côte d’Ivoire. Je ne l’oublierai pas car
c’était un très bon match et beaucoup de gens soutenait l’équipe de
Zambie qui venait de perdre toute son équipe dans un accident en
mer, je ne sais plus où. Il n’avait survécu que deux joueurs, deux
00 :54 :14
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Q
R
frères.
Oui. L’avion s’était écrasé en mer en Côte d’Ivoire.
Cela a rendu la Zambie sympathique aux yeux de tout le monde.
Voir un pays qui vient de perdre toute son équipe en reconstituer
une autre et accepter de partir en compétition ! Dès les premiers
matches, elle a bien joué et s’est illustrée, ce qui a renforcé
l’admiration. J’étais moi aussi parmi ses fans. Alors on m’a
demandé : « la Zambie joue aujourd’hui avec une équipe de Côte
d’Ivoire puissante, très forte en Afrique, comment tu vas rentrer
sans regarder ce match ? » Alors j’ai dit que je ne regarderais pas le
match, que j’avais envie de rentrer. Je suis allé au dortoir, ai enlevé
la tenue civile que je portais et je me suis étendu sur le lit. Cinq
minutes après est venu un garçon du nom de Munyampundu,
originaire de chez moi ; pas la même commune mais dans
Gitarama, à Masango. Il m’a salué et m’a demandé si ça allait, je lui
ai dit que ça allait. Parce qu’après 1990, après l’éclatement de la
guerre et la naissance des partis politiques, on aimait se rencontrer
entre gens originaires des mêmes régions, même avec les civils, car
nous voulions donner des informations militaires à ces derniers, en
escomptant que celles-ci leur seraient utiles. Les civils eux nous
informaient des assassinats, des oppositions entre KIGA (gens du
nord) et NDUGA (du sud). Ça se comprend alors que l’on avait
besoin les uns des autres. Cependant, au sein de l’armé, nous les
Banyenduga, devions pour cela prendre des précautions, et ne pas
nous isoler ostensiblement pour communiquer. Sinon ça aurait été
la fin. Ce garçon, c’était dans ce cadre qu’il venait me voir ce jour
là. Pour me donner des informations sur la situation à Gitarama.
Vous savez qu’à l’époque ça chauffait beaucoup là-bas avec le parti
MDR qui yy régnait en maître. Alors il m’a dit qu’il voulait me
donner des infos sur Gitarama. Je me suis levé, on est sortis par la
porte du haut et on s’est tenus là pour causer. Cinq minutes venaient
à peine de s’écouler que j’ai vu monter un premier coup qui a
intensément illuminé le ciel. Mais lorsque « le coup » montait,
j’entendais en même temps le bruit de l’avion. Tout de suite après,
un autre projectile est monté, et a été suivi d’une explosion. J’ai dit
à mon collègue : « Ikinani (Habyarimana) est abattu ». Puisque
j’avais entendu le bruit de l’avion. J’ai dit : « Cet avion, n’est-ce pas
l’avion de Kinani ? » Il m’a répondu : « Moi aussi, je crois que
c’était son avion. » Je suis rentré dans le dortoir. Dans le lit à côté
du mien dormait un autre garçon Mukiga (du nord), qui était un
grand extrémiste. Mais comme j’étais militaire comme lui, et même
son chef, je savais qu’il ne pouvait rien me faire, je n’avais pas peur
de lui. Alors je lui ai dit : « Kinani vient d’être descendu ». Il m’a
répliqué : « Toi Gonzague, tu es fou ». Tu crois vraiment que tu
devrais dire des mots comme ça ici ? » « Pourtant, c’est vrai, ai-je
dit », tout en ouvrant mon placard dans lequel j’ai pris ma tenue
militaire. J’ai enlevé mes habits de nuit et me suis mis en tenue de
combat intégrale : pantalon, smoking, cordelette, bottes, avec le
survêtement de camouflage. Avant que je n’eus fini de m’habiller,
on a entendu le clairon-alerte retentir et les gens ont commencé à
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Q
R
dire : « Ce que nous disait Gonzague est vrai ! »
C’est quoi le clairon-alerte ?
Le clairon-alerte est celui qui sonne en temps de guerre. Dans
l’armée, on apprend à sonner du clairon. Plusieurs sortes. Par
exemple pour saluer telle autorité, pour l’alerte etc. J’ignore si
aujourd’hui ça existe toujours dans l’armée actuelle, mais c’était
ainsi. Lorsqu’un clairon sonnait, tu savais que c’était pour tel ou tel
événement, que c’était un tel visiteur qui arrivait etc. On savait les
distinguer. Le clairon-alerte, lui, faisait très peur. Tout le monde
s’est levé, nous sommes partis au tarmac. D’habitude, lorsque l’on
est militaire et qu’une alerte est donnée, la première chose que l’on
fait, c’est d’essayer d’avoir des informations là où l’on arrive, et si
possible prendre vite un armement. Alors, moi je suis entré dans le
premier local ouvert et je me suis saisi d’un fusil. C’était notre étatmajor et personne ne se serait avisé de m’interdire de prendre une
arme. J’ai pris un L4, c’est les fusils que nous avions par-là. Nous
nous sommes mis au rassemblement, c’était aux environs de 21
heures. Beaucoup de jeunes soldats possédaient de mini-radios
avec lesquelles ils captaient des infos et ils dirent que Radio
Bujumbura venait de diffuser la nouvelle que Habyarimana était
mort ainsi que tous les autres passagers de son avion. Ils donnaient
leurs noms. Natabakuze est arrivé. Ça se comprend que lorsqu’une
unité est au rassemblement, son chef doit venir lui adresser
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Q
R
quelques mots.
Quel grade avait-il ce Ntabakuze ?
Il était major, commandant de l’unité para commando. Il nous a
dit : « Je pense que ceux qui ont écouté la radio, vous êtes au
courant car Radio Burundi a diffusé la nouvelle. L’avion de notre
président a été abattu. Mais attendez ici les instructions, je reviens
dans un instant. » Il a alors emmené l’équipe de CRAP et est parti
avec les Français chez Kinani. L’avion était tombé exactement chez
lui dans sa parcelle, à l’arrière-cour. Ils ont récupéré les corps, celui
de Habyarimana et de ses ministres ainsi que celui de Ntaryamira,
le président burundais. Ils ont enroulé le corps de Habyarimana
dans du tissus et Ntabakuze est revenu au bout de 30 minutes, mais
il laissait la-bas une section de CRAP pour renforcer là les GP, car
ces derniers eux résidaient chez le président. Les renforcer de
manière spéciale, car nos CRAP eux, ont passé la nuit à l’intérieur
du palais présidentiel clos, quand la GP veillait au dehors. C’est à
son retour que la major nous a cette fois expliqué ouvertement ce
qui était arrivé, en nous précisant que l’avion transportait tel, tel et
tel, il les a tous cités. il nous a dit : « Comme d’habitude en ce genre
de situation, tout militaire doit se tenir prêt. Nous allons attendre les
consignes de l’Etat-major. Je vous informerai vite. » Il a pris son
véhicule, une jeep Benz et il est parti à l’état major. Puis il est
revenu, nous avons passé la nuit là, sur le tarmac. Mais entre-temps,
quelques soldats parmi nous étaient rongés par l’envie de sortir pour
aller essayer de sauver certaines personnes, d’autres au contraire
pour aller en tuer. Vous comprenez qu’il y avait deux camps. C’est
durant cette nuit que certains se sont autorisés à sortir de la caserne
pour aller massacrer des gens. Celui qui voulait aller sauver des
gens, si tu l’empêchais de partir et qu’il te résistait, c’était quand
même compréhensible, car il voulait tenter une bonne action... C’est
le matin qu’ils sont venus… (Fin de la cassette).
Cassette n° 084
Suite ITW Gonzague
2/3
Lieu : Motel Lapalisse Nyandungu
00 :02
Q
Le major Ntabakuze est parti à l’Etat-major et alors certains
garçons ont commencé à sortir du camp…on en était là je
00 :05
R
crois ?
Les soldats ont commencé à quitter la caserne et au camp nous
avons commencé à entendre quelques tirs sporadiques, des tirs
d’armes individuelles. Ces coups de feu s’entendaient dans
Nyarugunga, Kajagari, près du camp au bureau du Secteur, et
nous avons alors compris que les choses allaient mal. De toute
façon, on savait qu’une balle ne pouvait pas partir sans cible et
nous nous sommes dit que des gens étaient en train d’être tués.
Nous, les gens du Nduga, nous nous en doutions car c’était des
choses qui étaient connues et ils en parlaient. Le matin, les
gens de l’Etat-major sont venus requérir ma section et nous ont
ordonné de nous rendre à l’hôpital. Ils nous ont dit que l’on
allait amener le corps du président à la chambre froide et que
nous devions rester là à le garder, jusqu’à nouvel ordre. Vous
ne devez pas bouger de là, et même pour vos repas, on va vous
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00 :01 :44
Q
R
les apporter là. Cela nous a un peu effrayés.
À l’hôpital militaire ?
Oui ! L’hôpital militaire de Kanombe. Nous y sommes allés, y
avons attendu toute la journée et c’est vers 16 h30 que le corps
du président a été amené. Il était escorté par Ntabakuze,
Bagosora, Nsengiyumva Anatole et d’autres dont je ne me
rappelle plus, mais toutes de hautes autorités, ainsi que
beaucoup de dames. Ils l’ont posé dans le corridor de l’hôpital
et nous ont demandé de prendre le relais. Nous avons pris le
corps et l’avons amené à l’intérieur de la chambre froide, suivi
de près par les GP. Là nous l’avons laissé et les GP sont restés
à l’arranger dedans, et nous sommes retournés faire la garde.
J’ai donné aux soldats leurs dispositifs de sécurité, plaçant
chacun à l’endroit opportun comme cela se fait d’habitude à
l’armée. Nous avons passé la nuit là. Mais peu après est arrivé
le corps du président Ntaryamira. Celui d’Agathe aussi a été
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00 :03 :31
00 :03 :33
00 :03 :35
Q
R
Q
R
amené.
Le lendemain ?
Oui…Non. Le même jour.
Agathe a été tuée le 06 ?
Les dépouilles sont arrivées le même jour. On les a amenées le
même jour car je me souviens qu’un adjudant originaire de
Byumba du nom de Habineza est venu me dire : « Gonzague,
je ne connaissais pas Agathe, accompagne-moi pour que j’aille
la voir ». Il était médecin de garde ce jour-là. On est descendu
jusqu’à la morgue qu’il a ouverte, il était familier des lieux,
nous l’avons traversée dans toute sa longueur jusqu’au lieu où
reposaient le corps. Elle était étendue sur un matelas à même
le sol, à côté de deux autres corps. Je crois qu’il y avait aussi le
cadavre de son mari. Nous avons regardé, puis on a refermé et
on est retournés chacun à son boulot.
Le 8 au matin, non le 7 au matin, j’avais eu la curiosité de
savoir ce qui se passait à l’extérieur, car toute la nuit on avait
entendu des tirs et dès le matin nous apprenions que tel ou tel
était mort et nous comprenions que toutes ces personnes
étaient des familles de tutsi que nous connaissions. Alors j’ai
voulu savoir ce que devenait ma famille car j’éprouvais de
l’inquiétude pour elle. Je suis allé au Kajagari en passant par la
sortie arrière de la caserne pour éviter la sortie principale
gardée par les GP. J’ai alors vu quelques corps dans le quartier
et j’ai pensé que ma famille aussi devait avoir été tuée, et je
suis retourné à la caserne. C’est le lendemain 8 avril que je
suis revenu dans le quartier et suis allé jusqu’à la maison de
ma famille. Tout le monde était mort. Le neveu maternel de
Kinani m’a trouvé sur place et m’a demandé ce que je foutais
là. Je lu ai répondu que j’étais venu voir si ma famille allait
bien et que je l’avais trouvée exterminée. Il m’a demandé si
‘’même la grosse fille là est morte ‘’. Je lui ai dit qu’elle aussi
avait été tuée. Il m’a dit : « Je te conseillerais de quitter vite
ces lieux afin de ne pas risquer que quelqu’un te provoque et
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00 :05 :51
Q
R
tue toi aussi. » Lui-même était armé, d’un fusil FAL.
Était-il militaire ou civil ?
Il était civil. Il était worker. Il travaillait au camp militaire.
Mais les workers n’avaient pas le droit de porter une arme.
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Q
R
C’était des civils et non des soldats.
C’était quoi exactement un worker ?
C’était un civil qui travaillait à la caserne et qui était astreint à
Q
R
la discipline militaire.
Mais ils n’avaient pas le droit de porter une arme ?
Non. Il n’était pas autorisé. Il n’était pas militaire. Alors j’ai
suivi son conseil et je suis sorti du quartier. Mais cette fois-ci,
je suis passé devant les GP. Parmi eux, il y en avait que nous
avions formés en 1992 et je suis tombé sur un garçon que je
connaissais très bien et je l’ai salué. Je lui ai demandé : « Ici
c’est dans ma famille ; que s’est-il passé ? » Il m’a répondu
qu’il ne savait pas, sauf qu’il avait entendu les gens enfoncer
la porte et tuer les occupants immédiatement, vers deux heures
ou trois heures du matin. Je lui ai dit : « Ils les ont tous tués ».
J’ai ensuite voulu traverser pour aller jusqu’en bas de chez
Kinani. J’éprouvais la curiosité de vérifier si l’avion était
vraiment bien tombé dans son jardin comme on le disait. Je
suis militaire de toute façon et personne ne m’arrêtera,
pensais-je. J’ai pourtant été stoppé par un CRAP, un garçon de
Kibungo du nom de Mudahunga. Il m’a demandé :
« Gonzague, qu’est-ce tu cherches par ici ? Tu prends trop de
risques. Il serait plus sage de retourner sur tes pas sans
chercher à aller plus loin. » Je me suis dit que ceci était un
avertissement sérieux, d’autant plus qu’il était en collaboration
avec les GP et que cela pouvait me coûter cher d’insister. Je
suis revenu en arrière, j’ai dépassé la caserne, je suis remonté à
travers la bananeraie et j’ai abouti à l’hôpital où j’ai rencontré
des gens de ma connaissance dont une dame de Gitarama du
nom de Nyiraminani. Je lui ai dit ce qui était arrivé à ma
famille. Elle m’a dit : « Oui, beaucoup de gens sont morts, j’en
ai entendu parler. Tu vois, on est en train d’amener ici
beaucoup de blessés ». Je suis reparti à la caserne et en ai parlé
à des gens, parmi lesquels une fille de ma famille, mariée à un
militaire du camp. Et je lui ai dit ce qui s’était passé, que je
revenais du quartier et que les gens là-bas avaient été
exterminés. Elle a éclaté en sanglots et a couru s’enfermer
dans sa chambre, et moi je suis retourné sur ma position. Le 9
ou le 10, ils sont venus récupérer les corps, celui de
Ntaryamira a été expédié au Burundi, et moi je suis retourné
au camp reprendre le travail habituel. On m’a alors chargé de
diriger les cuisines, et d’expédier de la nourriture aux
militaires sur terrain. Néanmoins j’étais curieux de savoir
comment les choses se déroulaient sur terrain. Ainsi chaque
jour, je passais à Remera et je voyais beaucoup les militaires
de notre compagnie qui massacraient des gens…Je me
souviens avoir sauvé une jeune personne, qui est
malheureusement morte plus tard dans la caserne faute de soin.
Car les blessés civils, personne ne s’en occupait. L’enfant avait
reçu une balle dans le ventre. C’est un sergent de notre
00 :08 :59
00 :09 :00
Q
R
compagnie qui lui avait tiré dessus.
La victime était un civil ?
Oui. C’était un civil…Là-bas à l’IAMSEA (Institut Africain et
Mauricien des Statistiques et d’Economie Appliquée), le temps
est arrivé où…c’était le 12 ou le 13, ils sont allés faire sortir
les étudiants, avec mission de les évacuer, mais aussi certains
visaient à tuer des gens. Une fois les étudiants dehors, un 1er
Sergent du nom de Mpiranya, originaire de Gisenyi, a dit :
« Gisenyi, Ruhengeri et Byumba, placez-vous de ce côté-là. »
Ils se sont séparés. Le reste, tous ceux-là qu’il appelait les
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00 :09 :50
Q
R
Banyenduga, il les a alignés et leur a tiré dessus.
C’était des étudiants ?
Il y avait des étudiants, mais aussi des membres de leurs
00 :09 :53
Q
familles qui étaient venus leur rendre visite.
Il n’a pas cherché à savoir s’il y avait des tutsi pour ne tuer que
R
ceux-ci ?
Pas du tout. Lui il a séparé simplement Ruhengeri, Gisenyi et
00 :09 :56
Byumba et tous les autres il les a massacrés systématiquement.
Je suis arrivé sur les lieux le jour même du massacre. Cette
jeune personne était venue rendre visite à son grand frère
étudiant. Je l’ai trouvée au milieu de la route, elle avait
beaucoup saigné. J’ai essayé de lui administrer les premiers
soins mais cela était impossible vu qu’elle avait perdu
beaucoup de sang. Alors, comme j’avais un véhicule, j’ai
voulu la prendre pour l’amener à l’hôpital. J’étais accompagné
par un garçon originaire de Cyangugu, lui aussi était de notre
camp des Banyenduga et il a paniqué. Il m’a dit : « Ne touche
pas à cette blessée Gonzague ; laisse-la. Tu vois, Mpiranya est
assis là, et il est devenu comme fou. Si tu embarques cette
blessée, il va te tuer. » Et c’était vrai que je voyais Mpiranya,
assis à quelques distances, avec son fusil entre les jambes,
pointé sur nous. Mais j’ai dit : « Tant pis, qu’il me tue si ça lui
chante, mais je ne peux supporter que cette enfant meure
devant moi. » Je me suis approché de la blessée, je l’ai
touchée, et Mpiranya ne m’a pas tiré dessus. Je l’ai retournée
et il m’est apparu que la balle s’était logée dans le ventre.
Aussitôt une voiture est arrivée, j’ignore si elle transportait des
Interahamwe ou d’autres personnes. Il commençait à faire nuit
et je n’ai pas pu bien en voir les occupants. Ils m’ont
demandé : « C’est ta blessée ? ». J’ai répondu : « Oui ».
« Donne-la nous, nous te l’amenons à l’hôpital. J’ai eu un peu
peur, me disant : « Si c’était des interahamwe et qu’ils
l’amènent pour l’achever… ». J’ai demandé : « Vous allez la
conduire à Kanombe ? » Ils m’ont dit que oui. Alors j’ai
demandé à l’un des jeunes militaires qui m’avait accompagné
pour la distribution des rations de partir avec ces gens-là, dans
leur voiture. Je lui ai recommandé : « Ôte la sécurité ton arme.
Si un interahamwe ou l’un de ces passagers se montre agressif,
fracasse-lui la tête, même si cette enfant n’a pas de chance de
s’en sortir, qu’au moins personne ne la torture. Ils l’ont
amenée à l’hôpital effectivement, mais personne ne s’en est
occupé pour l’opérer. Elle est restée trois ou quatre jours ainsi
et puis l’on est venu me dire : « Ta fille là est décédée ».
00 :11 :52
Q
R
C’était donc une fille ?
Oui, c’était une fille. Elle était élève en cinquième année
00 :12 :02
Q
secondaire. Tu comprends qu’elle était une grande jeune fille.
Quel était le nom du neveu de Habyarimana qui t’avait
recommandé de quitter les lieux où avait été massacrée ta
00 :12 :10
00 :12 :13
00 :12 :18
R
Q
R
famille ?
Il s’appelait Joseph.
Tu sais ce qu’il est devenu ?
Joseph a fui comme tout le monde, avec les militaires. Plus
tard, il paraît qu’il est revenu, mais je n’ai pas tellement suivi
ses aventures car je commençais à être occupé. Il serait revenu
assez tôt et se serait réfugié chez son beau-père à Ruhengeri,
puis est reparti je ne sais où. Quoi qu’il en soit, il vit encore.
J’ignore s’il est au Rwanda ou à l’extérieur du pays, mais il est
00 :12 :48
(voix off
vivant.
Il est en prison.
de Pascal)
00 :12 :49
00 :12 :50
R
Q
Ah ! Il est en prison !
Au moment où les Bagosora, Nsengiyumva et autres sont
venus vous dire que vous devez garder le corps de
00 :13 :06
R
Habyarimana, quelle attitude avaient-ils ?
Ça se comprend que c’était la tristesse. Ils étaient en deuil et
donnaient l’impression d’être désemparés. Tu comprends,
c’était leur homme, le royaume leur appartenait, c’était toutes
des personnalités qui dirigeaient des départements très
importants, ils ne pouvaient donc pas ne pas être tristes en se
disant : « Nous sommes foutus ». Car en réalité, la puissance
du pays, c’était le président. C’est lui qui partait à l’étranger
ramener les armes et les munitions et là ils devaient se
00 :13 :51
00 :13 :59
Q
demander comment ils allaient faire.
D’après toi, en ce moment-là, qui te semblait être le chef de
R
tout ce monde ? Bagosora, Anatole ou n autre ?
Parmi les militaires, en ce moment-là…? …C’était bien sûr
Bagosora, il avait d’ailleurs un grade plus élevé que celui
00 :14 :06
00 :14 :11
Q
R
d’Anatole, car il était même colonel.
Il n’était que colonel, et à la retraite en plus !
Même s’il était pensionné, il restait toujours actif, en service.
En ce moment-là il portait ses insignes. Sauf qu’ordinairement
déjà, un senior officer ne remet jamais ses tenues militaires. Il
les porte quand il veut. En plus, il travaillait à la primature…tu
comprends qu’il avait déjà une place importante. On voyait
00 :14 :41
Q
bien qu’il était le chef de ce groupe.
C’était donc lui qui te semblait diriger cette équipe qui était
00 :14 :44
00 :14 :45
R
Q
avec lui ?
Oui.
Et durant tout ce temps, à quoi étaient occupés les soldats
00 :14 :50
R
français qui vivaient dans le camp ?
En ce moment là, il n’y avait pas de Français avec le groupe de
Bagosora. Lorsque le corps a été amené, aucun Français ne
00 :14 :56
00 :14 :59
Q
l’accompagnait.
C'est-à-dire que les Français là, qui étaient partis avec les
R
CRAP, tu ne las as pas vu revenir ?
Je les ai revus lors de l’évacuation. Ils son intervenus bien sûr,
mais ils paraissaient très occupés par des trucs trop personnels
à eux. Je ne peux pas l’affirmer, mais ils me semblaient
occupés à préparer leurs propres réactions. Car ils avaient leurs
bureaux à part, séparés du commandement du camp et aussi de
notre unité. Tu les voyais circuler sans arrêt avec des allers et
00 :16 :31
Q
venues. Je ne les ai pas revus de près durant ces moments-là.
Après la chute de l’avion, tu n’as pas appris qu’ils sont allés à
l’épave chercher quelque chose comme la boîte noire par
00 :16 :44
R
exemple ?
J’ai entendu dire que la boite noire, les Français l’avaient
récupérée. Mais je ne peux pas affirmer s’il s’agissait de
l’équipe qui vivait avec nous ou si c’était ceux-là qui
travaillaient avec les états-majors. Sauf que moi aussi j’ai vu
une pièce là ramassée sur le lieu du crash mais ce n’était pas
une pièce importante. C’était juste un petit morceau d’aile. Je
l’ai vue posée sur une table, elle avait la taille d’un mètre carré
00 :16 :16
00 :16 :17
Q
R
environ.
Sur la table de qui ?
Sur une table, au bureau de notre commandant. C’était chez le
00 :16 :24
Q
S4.
Tu dis avoir entendu que les Français avaient récupéré la boîte
00 :16 :28
R
noire. Comment tu as appris cela ?
Cela a été beaucoup dit les deux jours qui ont suivi le crash.
Les gens disaient que c’était la boîte noire qui allait démontrer
comment s’était déroulé le crash, et d’autres répliquaient :
« Où est-ce qu’ils vont la trouver alors que les Français l’ont
Q
emportée ? ». J’ai entendu ça.
Ils disaient qu’ils l’avaient emmenée, qu’elle n’était plus là-
00 :16 :47
00 :16 :52
R
Q
bas à Kanombe ?
Elle n’y était plus.
As-tu entendu parler du capitaine Barril ? Ce nom ne te dit
00 :17 :03
00 :17 :05
R
Q
rien ? Paul Barril ?
Non. Je n’en ai jamais entendu parler.
C’est l’un de ceux qui ont prétendu avoir la boîte noire mas on
00 :16 :45
ne sait pas vraiment.
Tu nous as parlé du cessez-le-feu d’Arusha et d’une certaine
scène qui a eu lieu entre Ntabakuze et les Français ? Peux-tu
nous redire cela ?
Problème de son jusqu’à 18 :30
00 :18 :30
Q
Revenons sur la question, le son est mieux maintenant :
00 :18 :46
R
Comment tu as perçu les choses à cette époque ?
L’accord d’Arusha comprenait aussi le volet « cessez-le-feu ».
Avant, il y avait eu plusieurs cessez-le-feu, qui n’étaient pas
respectés des deux côtés, mais la plupart du temps c’était l’Etat
Rwandais qui les outrepassait. Car même nos commandants
nous disaient que les accords d’Arusha ne nous concernaient
pas nous les militaires, que nous continuerions à nous battre
jusqu’au dernier. Cela nous effrayait un peu et nous nous
posions cette question : « Ce monsieur qu nous dit ça alors que
les politiciens prétendent négocier et nous ramener la paix,
cela va nous mener où ? » Le dernier cessez-le-feu datait de
1993 et demandait que les soldats remettent les armes dans les
magasins d’armement. La MINUAR venait d’entrer en
fonction et c’était elle qui devait contrôler les magasins
d’armement. Mais les unités les plus d’élite n’ont jamais
désarmé, y compris nous-mêmes, les GP etc. Ils ont fait encore
un truc, surtout chez les militaires mariés, car eux avaient
pleine liberté de vivre à l’extérieur des casernes. On leur a dit
00 :20 :39
00 :20 :41
Q
R
de ramener leurs armes à la maison, chez eux.
Ils rentraient avec ?
Ils rentraient avec. Je me souviens que, à cette époque où il
aurait fallu rendre les armes, l’artillerie a été emmenée à
Kabaya, les armes d’appui quoi ! Tous les canons ont été
emmenés là-bas, les canons 105, 122 et à Kanombe, il n’est
resté que les mortiers. Les Français aussi allaient là-bas parfois
pour rendre visite aux soldats, car c’était eux les instructeurs.
Ils allaient voir si les armes marchaient bien…l’entretien…, et
ils revenaient. Ils venaient aussi à la caserne inspecter les
mortiers car ceux-là aussi, ils en faisaient l’instruction. Je vous
ai dit que j’ai été blessé en 1993, le 9 mars. J’ai été amené à
l’hôpital de Kanombe par hélicoptère où je suis resté trois
00 :22 :17
00 :22 :18
Q
R
mois, je crois.
À quel endroit avais-tu été blessé ?
J’avais été touché aux fesses. Une balle a atteint une fesse, l’a
traversée et s’est logée dans l’autre, sans en sortir. Les
médecins ont été obligés de m’opérer l’autre fesse pour en
retirer la balle. Je suis donc resté quelques mois à l’hôpital,
puis je suis allé en convalescence à la caserne. Mes camarades
m’ont souvent proposé de m’emmener en promenade, pour
faire fonctionner à nouveau mes membres, disaient-ils. Ils
avaient même réussi à m’entraîner à reboire alors que depuis
l’hôpital j’avais cessé. Un jour alors j’ai pris une Guinness
avec eux - j’aimais beaucoup la Guinness- on a oublié de
rentrer, on est rentrés bien tard dans la nuit. Normalement, la
règle était que si l’on rentrait tard, on devait éviter de passer
devant le commandement. Il y avait une petite route qui
contournait le camp et c’est par là qu’il fallait passer. Sinon,
l’officier de garde avait le droit de t’intercepter et te demander
d’où tu venais à cette heure avancée de la nuit. Alors, on a
utilisé le couvert du bois là-bas. Mais arrivés devant le
commandement, j’y ai trouvé un véhicule des Français, un
véhicule militaire. Il était là et la porte du poste de
commandement était ouverte. On a utilisé le couvert du bois et
sommes passés par le lieu où il y avait une piste pour
hélicoptères, puis on a contourné par la cantine. On est alors
arrivés près des bureaux de la quatrième compagnie, celui du
00 :24 :23
00 :24 :25
Q
R
S4 et de l’état-major.
C’est quoi le S4 ?
S4, c’est le département chargé des matériels militaires, les
uniformes, les vivres, c’est la logistique quoi. Le magasin de
00 :24 :45
00 :24 :46
Q
R
notre unité se trouvait également par là.
Magasin d’armements ?
Oui. Le magasin d’armements. J’y ai trouvé trois coureurs en
00 :25 :00
00 :25 :02
Q
R
train de charger des caisses de munitions dans un véhicule.
Quel genre de véhicule ?
Une Benz 1113. C’est ces camions que nous utilisions. Je me
suis dit : « Ces munitions qu’ils sont en train de charger à
minuit, ça s’est très louche ? ». Je suis revenu sur mes pas et ai
cherché un autre couvert pour ne pas me faire découvrir. J’ai
dit au garçon qui se trouvait avec moi : « Viens, on va faire un
détour par la clôture et la route, comme ça personne ne nous
verra. » Nous le fîmes ainsi. Au bloc, les soldats dormaient,
personne ne pouvait donc me voir et savoir ce que je faisais. Je
me suis assis sur la barza du bloc (dortoir) et ai continué à
observer. Le chargement a duré jusqu’à 1h30. Et puis j’ai vu le
véhicule des Français venir et contourner le camion, et puis ils
sont sortis ensemble en convoi. Je ne sais pas où ils se
rendaient mais comme la nuit les bruits portent loin, j’ai pu
déduire que le convoi sortait de Kanombe et se dirigeait vers la
ville. Je suis allé au lit, sans rien dire à personne car telle que
l’opération avait été réalisée, il apparaissait que c’était un
grand secret et le dévoiler m’aurait coûté la vie. Je ne l’ai dit à
personne jusqu’à la fin du génocide. Je n’en ai parlé que plus
tard, après la guerre, en évoquant avec d’anciens camarades les
00 :26 :46
Q
souvenirs de l’époque.
Donc ce camion ou ces camions chargés d’armes sont partis
00 :26 :54
00 :26 :54
R
Q
escortés par le véhicule des Français ?
oui. Ils sont partis ensemble
Qui était le responsable Rwandais qui était présent lors de ce
00 :27 :04
R
chargement ? Était-ce le commandant du camp ou un autre ?
Non. C’était un commandant de bataillon. Kanombe comptait
plusieurs unités. il y en avait une dizaine. Chaque unité avait
son commandant. Et puis, le commandant du camp avait le
00 :27 :25
00 :27 :27
Q
commandement général de toutes les unités.
Ntabakuze était-il avec ces coureurs qui chargeaient les
R
munitions ?
Oui bien sûr. Je l’ai vu qui se tenait à l’entrée du dépôt, mais
lui ne m’a pas vu. Les autres non plus d’ailleurs. Eux se
trouvaient sous l’éclairage et ne pouvaient pas me voir dans
00 :27 :41
00 :27 :46
Q
R
l’obscurité.
Ces Français, tu connaissais leurs noms ?
Je ne me rappelle pas l’équipe des Français qui se trouvaient là
pour le chargement, mais je pense qu’il y avait un certain
00 :28 :03
00 :28 :04
00 :28 :07
00 :28 :08
Q
R
Q
R
Reffalo.
Ce Reffalo, il avait quel grade ?
Capitaine.
Il était dans ce groupe ?
C’est lui qui dirigeait cette délégation. La délégation comptait
00 :28 :18
00 :28 :21
Q
R
d’habitude un officier et deux sous-officiers.
Ils restaient longtemps ?
Ils avaient un mandat de deux ou trois ans, renouvelable.
00 :28 :30
00 :28 :33
00 :28 :37
Q
R
Q
C’était un mandat court.
Te souviens-tu la date à laquelle s’est déroulé ce chargement ?
Je ne me rappelle pas bien la date mais ce devait être en juin.
Ou plutôt en juillet. Je crois que tu nous as déjà dit la date du 9
R
Q
juillet 93.
C’était en juin ou en juillet, je ne me rappelle pas bien.
Mais tu nous as dit que cela se passait du temps où la
R
MINUAR était déjà arrivé !
En ce moment-là ? …en ce moment-là, la MINUAR était déjà
00 :28 :40
00 :28 :43
00 :28 :47
au Rwanda. Le contrôle des magasins d’armements, c’est les
soldats de la MINUAR qui l’effectuaient. C’est eux qui en
avaient les clés. Ils venaient tous les jours et parmi eux il y
avait des Bangladeshi que les Rwandais aimaient bien. Je les
28 :06
29 :07
Q
R
voyais, ils venaient à la caserne.
Pour quelles raisons les Rwandais les aimaient-ils ?
Je l’ignore vraiment. Des fois, ils descendaient à la poudrière
là où il y avait le grand stock de l’armée. Ils circulaient
29 :20
Q
beaucoup par là. Ils étaient donc là à l’époque.
Les CRAP et les Français, durant cette période de cessez-lefeu, ont-ils suspendu leurs activités ou ont-ils continué à
29 :32
R
opérer ?
C’est là plutôt qu’ils ont intensifié leurs activités. Là ils ont
vraiment été très actifs. Car à un certain moment, le cessez-le-
feu a semblé bien tenir. Il était instauré une zone neutre entre
les deux armées, qui était contrôlée par la MINUAR. C’est en
ce moment-là que les CRAP ont renforcé leurs actions. Tous
les jours ils partaient en opération. Des fois, ils restaient plus
d’une semaine. Ils ont alors surtout opéré dans Ruhengeri et
Byumba. Lorsqu’ils revenaient, ils nous disaient qu’ils avaient
passé la nuit dans Cyeru, à Kigezi et d’autres positions très
avancées. Parfois même, ils dépassaient les positions du FPR
30 :42
Q
et vous racontaient qu’ils avaient été derrière ses lignes.
Que faisaient-ils des informations qu’ils ramenaient ? En quoi
30 :52
R
les CRAP et les Français collaboraient-ils ?
En général, ils se déplaçaient ensemble. Presque tous les trajets
qu’ils faisaient, ils étaient avec les Français qui étaient par
ailleurs leurs instructeurs. Peut-être que par moments ils
n’allaient pas ensemble jusqu’au bout, peut-être qu’ils les
laissaient à tel ou tel endroit, mais au départ ils quittaient
ensemble la caserne. Car souvent ils partaient avant que nous
nous soyons couchés, nous les voyions partir, il n’y avait pas
de secret. Ils prenaient le camion, car ils étaient seulement un
peloton et pouvaient tous être embarqués dans la Benz, les
Français partaient devant. Très souvent, ils étaient ensemble.
Lorsqu’ils revenaient, les jeunes se plaignaient. Ils vous
disaient avoir passé plusieurs jours sans se coucher, sans
manger. « Nous étions dans un très mauvais endroit »,
disaient-ils alors. Ils nous racontaient les comportements des
gens de là-bas, dans le nord. Souvent ils se rendaient sur les
lieux étant informés. Tu les entendais dire qu’ils avaient été
dans un lieu où il y avait beaucoup de sympathisants du FPR
qui refusaient de faire allégeance au pouvoir. Et ils disaient :
32 :25
32 :26
32 :26
Q
R
Q
« Nous les avons cassés ».
« Nous les avons tués ? »
Oui. Ils disaient : « Nous les avons tués. »
Cela veut-il dire qu’ils avaient pour mission de tuer aussi des
32 :27
R
civils ?
Exactement. C’était cela, le plus souvent. D’accord, la 1ère
mission aurait dû être d’aller en observation même si c’était
pendant le cessez-le-feu, mais surtout c’était pour éliminer des
civils. Même ici en ville c’était comme ça, ce n’était pas
uniquement sur terrain où nous nous battions. Ici en ville, des
gens étaient tués, mais c’était gardé secret. Mais au début du
génocide, ils nous ont tout dit. Ils nous racontaient que tel avait
été tué par tel. Il y avait un jeune de notre unité, il était garde
de corps de Ntabakuze et il nous a raconté qu’il avait eu pour
33 :18
33 :23
33 :28
33 :34
Q
R
mission d’éliminer ce monsieur du Bugesera, Gahima.
Ils l’ont tué Gahima ?
Il a péri dans le génocide. La mission n’avait pas encore réussi
Q
R
lorsque celui-ci est survenu.
C’est-à-dire qu’on leur désignait des cibles à éliminer ?
Parfaitement. Surtout ces personnalités des partis opposés au
MRND. Pour le FPR, il ne leur était pas facile de reconnaître
ses membres pour pouvoir les éliminer, tandis que, en ce qui
était du MDR, du PL et du PSD, ils opéraient partout dans le
33 :56
34 :05
Q
pays, leur action ne se limitaient pas qu’au front.
Que disait-on des bombes qui explosaient ici et là en ville de
R
Kigali ? Ne vous disaient-ils pas qui en était à l’origine ?
Ok. Des fois ils imputaient ces actes au FPR, mais plus tard ils
n’ont pas hésité à s’en vanter. Ils en parlaient aussi. C’était
surtout les GP qui en étaient responsables, aussi ces garçons du
CRAP de notre compagnie, ainsi que d’autres soldats
sélectionnés dans d’autres unités, car toute unité comportait
des militaires que l’on pourrait qualifier d’agents des
renseignements ou des personnes de confiance pour le régime,
34 :44
Q
auxquels ils confiaient des missions secrètes.
Connaissais-tu le colonel Nsabimana qui avait été promu chef
34 :51
34 :51
34 :54
R
Q
R
d’état-major ?
Castar ?
Oui. Castar.
Je le connaissais. Il m’a même rendu visite lorsque j’ai été
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35 :03
Q
R
blessé.
Quel genre de relations entretenait-il avec les Français ?
Castar avec les Français ! Castar, la plupart de son temps, il le
consacrait l’armée. Lui-même était militaire. Lui était surtout
absorbé par la stratégie militaire, par la guerre. Alors ses
rapports avec les Français concernaient surtout les armes
d’appui. Les armes d’appui que nous utilisions leur
appartenaient. Par exemple, lorsque nous partions en OPS,
puisque avant de venir à Kanombe, il était commandant de
35 :38
35 :39
35 :52
35 :59
Q
R
Q
R
l’OPS Mutara.
C’est quoi l’OPS ?
OPS ? OPS, c’est…Opération Secteur…
Ça ne fait rien ; tu nous en parleras lorsque tu te rappelleras.
Je finirai par me rappeler…Castar était d’abord affecté au
Mutara…Sinon c’est lorsqu’il avait besoin d’appui qu’il voyait
les Français pour décider de la façon de lui en fournir, du lieu
d’installation des armes etc. Autrement, il n’y avait pas
36 :21
36 :23
36 :27
Q
R
Q
beaucoup de relations entre eux et lui.
C’était seulement pour les armes d’appui ?
L’appui feu, c’était tout.
Après la chute de l’avion de Habyarimana, mis à part les
rumeurs qui étaient véhiculées par la RTLM et Radio Rwanda,
vous, dans l’armée, qu’en pensiez-vous, quelles informations
36 :51
R
aviez-vous là-dessus ?
En vérité oui, il était difficile de savoir la vérité sur le
responsable de l’attentat et de préciser aussi à partir de quel
secteur il avait été lancé, quel responsable avait dirigé
l’opération... C’était la confusion. Souvenez-vous que la
MINUAR venait de s’implanter, conformément aux accords
d’Arusha et ils s’étaient partagés les secteurs. Je crois que c’est
les Français qui gardaient l’aéroport. Kigali Est, le secteur où
l’avion s’est écrasé revenait, je crois, aux Belges et à ce groupe
chargé du contrôle des magasins d’armements. Ils s’étaient
partagés les secteurs.
Alors ils ont dit que c’était le FPR qui l’avait descendu. Nous
répliquions : « Le FPR aurait fait comment pour déjouer la
surveillance des Blancs en qui on a confiance et qui ont un
matériel de détection performant ? » C’était vraiment
incompréhensible. Chacun supputait à sa façon mais l’on
évitait d’exprimer un avis divergeant de celle des autorités, car
alors c’eut été l’élimination pure et simple. Si tu avais osé dire
que tu penses que c’est un coup des proches du président, là tu
38 :29
Q
serais mort la nuit même, comme les autres ennemis.
Cela veut-il dire qu’il y en avait qui ont pensé aussitôt qu’il
38 :35
38 :37
R
Q
s’agissait d’un coup des proches de Habyarimana ?
Quoi qu’il en soit, il y en avait, oui.
Car, tel que tu le dis, on imagine qu’il y en a qui ont dû le
38 :42
R
penser, toi ou d’autres !
C’était possible car nous, on avait déjà vu pas mal de choses
bizarres, des signes précurseurs. Par exemple la mort de
Mayuya, personne n’aurait jamais osé imaginer que Mayuya
pouvait mourir assassiné, sur la trahison des gens de sa
famille. Et cela faisait penser que la mort de Habyarimana était
également possible. Cela était possible. Mais aussi on se posait
la question : « Est-ce que, au Rwanda nous avons des experts
en missiles ? » De surcroît nous n’avions pas de missiles. En
tous cas, notre unité n’avait que des armes antiaériennes
39 :34
Q
ordinaires, nous n’avions pas de missiles.
Les Français ne vous ont pas formés à (utilisation des
39 :37
R
missiles ?
Non. Sauf ceux qui ont été formés en dehors du pays. Sinon au
Rwanda il n’y avait pas de missiles pour qu’ils pussent
39 :42
Q
s’entraîner à leur tir.
Vous aviez des militaires qui avaient été formés au tir aux
39 :45
R
missiles à l’extérieur ?
Oui. Des militaires étaient envoyés à l’extérieur, en formation
aux armes et aussi aux missiles. Mais comme nous, nous n’en
avions pas, il n’y avait pas besoin que les Français viennent
nous en parler.
39 :56
40 :02
Q
Et personne parmi les proches de Habyarimana n’a émis
R
l’hypothèse qu’il aurait été tué par des Français ?
Non….Ils disaient que peut-être les commanditaires avaient
achetés tels, avaient donné de l’argent aux Belges ou à d’autres
40 :11
Q
etc.
Tu nous as dit une fois que les Belges ne se déplaçaient jamais
40 :20
R
tout seuls. Est-ce vrai ? Peux-tu nous redire cela ?
D’habitude en ce temps-là, les soldats de la MINUAR, surtout
ceux-là qui contrôlaient les secteurs, étaient la plupart du
temps accompagnés de gendarmes rwandais. J’ignore si c’était
dans le cadre de les orienter ou de leur servir d’interprètes dans
les rencontres avec la population, mais le plus souvent leur
40 :51
40 :52
Q
R
équipe comptait un ou deux gendarmes rwandais.
Et les Français ?
Les Français eux circulaient tout seuls, c’était des cow-boys.
Même la nuit, ils allaient tout seuls. Alors le jour, c’était
encore plus facile. Les Français n’avaient besoin de personne
Q
R
pour les accompagner.
Et les Bangladeshi ?
Les Bangladeshi eux, ceux-là de l’équipe de contrôle des
41 :28
Q
magasins d’armements, circulaient librement, seuls.
Eux n’étaient pas chargés de contrôle de secteur à l’extérieur
41 :30
41 :33
41 :41
R
Q
R
de Kigali ?
Non.
As-tu vu des Français durant le génocide ?
Moi je n’allais plus beaucoup sur terrain et donc je n’ai vu les
41 :08
41 :11
Français qu’à Kanombe à cette époque dont j’ai parlé…mais je
pense, je me rappelle bien, ceux-là qui vivaient avec nous à
Kanombe, ils sont repartis avec la femme de Kinani
(Habyarimana) le jour de son évacuation. Car je me rappelle
qu’on l’a croisée à l’aéroport lorsqu’elle déménageait de
Kanombe, avec plein de matériels et les Français étaient
42 :24
Q
l’escortaient. Ils doivent avoir quitté ensemble le pays.
Oui. On sait que c’est eux qui l’ont évacuée. Les CRAP et
autres militaires qui collaboraient avec les Français, mis à part
le service aux armes d’appui, ne vous ont-ils pas rapporté des
cas où les Français auraient tué personnellement des gens,
42 :55
R
durant toutes ces années de guerre où ils étaient présents ?
Sauf dans la zone Turquoise. Là j’ai entendu des histoires
comme ça. Je suis personnellement allé jusqu’à Cyangugu du
temps de Turquoise. C’est d’ailleurs là que s’est arrêtée ma
fuite. Je ne me suis guère approché d’eux, car j’étais déçu et
pensais que cela ne me servirait plus à rien. On n’avait plus
confiance en eux. Mais ceux qui sont restés proches d’eux à
l’époque rapportaient les choses différemment. Certains
disaient que les Français s’étaient retournés contre les
interahamwe et les tuaient. Il y en a même qui ont grossi la
chose et affirmé que qu’ils balançaient des gens dans la forêt
de Nyungwe, du haut des hélicoptères. J’entendais ces choseslà. Ce que je sais très bien, c’est qu’une fois sinon deux, je les
ai vus à Kamembe embarquer des véhicules rwandais de luxe
dans leurs avions, qu’ils emmenaient de l’autre coté à
l’aéroport de Bukavu. Ils semblaient aussi participer aux
Q
R
Q
R
pillages.
Ils embarquaient ces véhicules dans leurs avions ?
Oui.
Les véhicules du gouvernement ou ceux des citoyens ?
Les véhicules des citoyens ordinaires. Tout véhicule de luxe en
Q
R
Q
R
bon état, ils le prenaient.
Dans leurs avions ?
Oui.
Ils étaient comment, leurs avions ?
Ils avaient de gros avions militaires, des avions de combat,
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Q
R
Q
plusieurs sortes. Mais la plupart, c’était des Hercule.
Des Hercule C130 ?
Oui. Des C130.
Donc, ils embarquaient des véhicules abandonnés par leurs
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44 :17
44 :18
R
Q
R
propriétaires ?
Oui.
Est-ce qu’ils les amenaient à leurs propriétaires ?
Il y en avait ceux dont se disputaient les interahamwe et
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44 :00
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44 :03
lorsque les Français voyaient qu’ils allaient en venir aux
mains, ils les confisquaient et les ramenaient à l’aéroport, puis
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Q
les embarquaient eux aussi, comme de vulgaires pillards.
Mis à part ces véhicules qu’ils transportaient par avion, il n’y
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44 :36
R
Q
R
en avait pas qu’ils prenaient par voie terrestre ?
Par la route ?
Oui.
Bien sûr qu’ils en prenaient. Ils en utilisaient. Tu vois, à cette
époque ils effectuaient beaucoup d’allers et venues entre
Kamembe et l’aéroport de Kavumu. Ce sont deux lieux bien
pproches, et alors ils utilisaient aussi les véhicules…je veux
dire ces véhicules de luxe, tous terrains, qu’ils avaient
45 :03
Q
récupérés ici.
Cela veut-il dire qu’eux aussi ont récupéré des véhicules,
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R
Q
même ici à Kigali ?
Parfaitement. Ils en ont pris beaucoup.
Et quel a été leur rôle dans la destruction et le pillage de la
ville de Cyangugu, le démantèlement des usines, les
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R
pillages… ?
Non cela je ne l’ai pas suivi. Tu comprends, nous aussi c’était
un peu comme si l’on se cachait. Et quelqu’un, te voyant te
cacher, pouvait soupçonner que tu ne voulais pas fuir avec les
autres…, ou alors quelqu’un qui avait particulièrement une
dent contre toi pouvait profiter de l’occasion pour te régler ton
compte. C’était une période de désordre au cours duquel
chacun pouvait agir à sa guise, et en conséquence, là-bas en
ville, on tâchait de ne pas trop se montrer. Moi par exemple,
45 :59
Q
je vivais à Ntendezi.
Tu ne t’es jamais arrêté dans la ville de Gikongoro ou le camp
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R
de Murambi, dans cette même zone Turquoise ?
Je ne suis pas passé par Gikongoro en fuyant. J’y suis passé à
mon retour. Sinon j’ai débordé Kibuye, d’ailleurs avant
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Q
R
Q
l’arrivée de Turquoise là-bas.
Es-tu allé directement à Cyangugu ?
Oui. Je suis allé directement à Cyangugu.
Donc, la Zone Turquoise…
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R
J’y suis passé à mon retour, mais je n’ai pas fait attention à ce
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46 :30
Q
R
à ce qui s’y déroulait.
Tu retournais où ?
Revenir ? J’étais à Butare lorsque le nouveau gouvernement a
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Q
été mis en place.
Tu es retourné vite. Donc tu n’as pas beaucoup suivi ce qui se
R
passait dans la zone Turquoise ?
On n’a pas beaucoup suivi ce qui se passait dans Turquoise.
46 :37
Nous voyions seulement les Français aller et venir sans cesses
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Q
avec leurs véhicules, mélangés à des réfugiés.
Tu n’as pas entendu parler de batailles entre les Français et le
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47 :03
R
Q
R
Q
FPR, que ce soit à Butare ou à Kibuye ?
Les Français et le FPR ?
Oui.
Cela je ne l’ai pas bien suivi.
…Lorsque vous étiez encore dans l’armée, est-ce que vus
n’avez jamais entendu parler de ces histoires de culture de
47 :26
R
chanvre dans la forêt de Nyungwe ?
Tout ce que je sais, c’est que à l’époque de Turquoise, cette
opération s’attachait beaucoup à Nyungwe. Et pourtant là il
n’y avait rien. Ce n’était même pas pour aider les réfugiés, car
il n’y avait qu’eux en ce moment-là. Il n’y avait pas
d’ouvrages à protéger. Mais on ne parlait que de Nyungwe.
Les avions survolaient Nyungwe et y atterrissaient, les
véhicules militaires ne cessaient de tourner dedans,
traversaient cette forêt pour aller à Kibuye. Nyungwe était plus
Q
R
Q
surveillée que le reste.
Par les Français ?
Oui.
Comment pouvaient-ils y atterrir ? Y avait-il un terrain
48 :00
R
d’aviation ?
Les hélicoptères …les hélicoptères pouvaient y atterrir et ils en
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Q
R
avaient pas mal.
Donc, ils semblaient avoir un grand intérêt pour Nyungwe ?
Oui. Ils avaient un attachement particulier pour Nyungwe,
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comme s’ils en attendaient quelque chose de précieux.
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Q
Mais vous ne saviez pas quoi ? C’était seulement leur attitude
R
Q
Q
qui vous faisait penser cela ?
Oui.
Intervention parasite sans importance (Pascal).
Une question que je ne voudrais pas oublier : ces Français, y
en avait-il qui décédaient au cours de ces années où ils sont
restés au Rwanda ? S’il en mourait, c’était de quoi et comment
48 :55
R
leurs corps étaient-ils rapatriés ?
Le temps que j’ai passé avec eux, je ne connais aucun de leurs
militaires qui soit décédé. Si l’un d’entre eux devait mourir, ce
serait au front. Le seul que j’ai vu blessé, c’était très léger et ce
ne devait même pas être une balle mais plutôt un éclat d’obus.
Il était devant moi et je l’ai vu se jeter à terre, à plat ventre.
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Q
R
Q
R
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Oui c’était au milieu des bombes, sinon…
Où étiez-vous en ce moment-là ?
Nous nous trouvions à Shonga.
C’est où Shonga ?
C’est dans Byumba, au Mutara.
C’était quelle date ?
Il y a deux dates que je n’arrive plus à différencier. Je crois
que c’était…je crois qu’il y a une date du 15 où l’on est allés
là-bas et l’on y a perdu quelques officiers, même qu’en ce
moment-là notre commandant d’unité a été blessé ; il y aussi la
date du 21, les deux dates sont d’octobre 1991. je ne me
rappelle pas alors ce français quand…mais ce devait être le 21,
car lorsque l’éclat l’a atteint, nous arrivions devant une
position située à un endroit où il y avait plein de rochers, les
inkotanyi se trouvaient en bas en face, dans une bananeraie sur
la frontière. Il fut blessé mais légèrement, si bien que personne
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Q
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Q
R
Q
R
n’a dû l’aider, il a couru vers sa jeep et est parti.
Il s’est sauvé quoi ?
C’est ça oui.
Il vous a abandonnés ainsi ?
Oui. Il est retourné à l’OPS.
Tu nous as parlé des « coureurs ». C’est quoi ?
Le coureur, c’est…comme un secrétaire particulier. C’est
quelqu’un qui est chargé des secrets de telle ou telle autorité.
Dans l’armée, c’était le secrétaire du commandant tel, du chef
51 :15
Q
du peloton…
Durant le génocide, quelle était l’attitude de vos comandants ?
Vous donnaient-ils leur avis sur ce qui se passait ? Que
51 :42
R
disaient-ils des massacres qui se déroulaient ?
Pour la mort des gens dans ce temps-là… ! Ça se disait mais
sous deux axes. Ce n’était pas le même entendement suivant
qu’il s’agissait de la mort d’un tutsi ou d’un hutu. Quand un
hutu mourait c’était la désolation. Ils se demandaient alors
‘’Pourquoi le nôtre est mort’’. Quand un tutsi était tué, c’était
normal. C’était connu, c’était le complice des inkotanyi. On
n’a pas beaucoup évoqué cela mais même en 1992, une lettre a
été diffusée par l’état-major, une circulaire dont le titre était :
« Qui est l’ennemi des inkotanyi ? » Ils disaient alors que
52 :34
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Q
R
c’était…
L’ennemi des inkotanyi ou celui du Gouvernement Rwandais ?
L’ennemi du Rwanda plutôt ! Ils ont dit qui il était, et où l’on
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Q
R
le trouvait.
Ils disaient que c’était donc qui l’ennemi ?
Je me rappelle. Ils disaient : « L’ennemi du Rwanda est le tutsi
où qu’il soit, à l’extérieur ou à l’intérieur du pays. » Et ils
donnaient les lieux où on le trouvait en grand nombre :
Nyamata, Rwamagana, ailleurs je ne me rappelle plus, ils ont
Q
cité trois lieux. C’était une très longue lettre.
On sait que cette lettre avait été préparée par Castar et qu’il l’a
53 :22
R
fait circuler à travers toutes les unités.
Parfaitement. On nous l’a lue dans notre unité à Kanombe, je
53 :26
Q
me rappelle.
Ils vous l’ont lue ? C’est pourquoi je t’ai demandé tout à
53 :17
l’heure quelle impression il te donnait, je voulais justement en
53 :35
R
arriver à cette question puis elle m’a échappée.
Tu sais, il y a eu beaucoup de choses et il est très difficile de
pouvoir dire tout ce que l’on a traversé à l’époque. Mais cette
lettre, je me rappelle bien, elle nous a été lue par notre
commandant de compagnie, qui s’appelait Rusingizandekwe,
commandant de la deuxième compagnie dont j’étais. Nous
étions assis quelque part comme ça et il nous l’a lue. Cette
lettre, cela se comprend, a contribué à diviser aussitôt les
militaires en deux camps, car nous avons compris que…sauf
que cette division ne pouvait pas s’afficher au grand jour.
Premièrement, dans notre armée…tu le sais, les tutsi n’étaient
pas autorisés à s’engager dans l’armée ; cela je crois que tu le
sais. Si étant tutsi, tu étais attiré par l’armée, tu devais faire un
truc : changer ta carte d’identité. Que physiquement tu sois
identifié comme tutsi, tant pis, mais que cela ne soit pas
mentionné dans les papiers. Cela n’empêchait pas que, au vu
du physique, on te traitât de tutsi, comme ces Français dont j’ai
déjà parlé. Et il est arrivé un temps où cela se disait
ouvertement : tel est un tutsi de Gitarama et tel est un hutu de
Gitarama. Ils combinaient les deux. Alors en ce moment,
perplexes, nous nous sommes demandé : « Comment allonsnous faire cette guerre ». Des fois on s’asseyait ensemble -tu
sais la communauté c’est quelque chose de bien- avec les
jeunes Bakiga qui étaient avec nous, et on parlait. Car je me
rappelle qu’en 1992, nous avons envoyé 200 jeunes, parmi
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Q
R
Q
R
eux, aucun ressortissant de Gitarama.
Vous les avez envoyés où ?
A la formation GP.
Ils n’en acceptaient pas un seul de Gitarama ?
Car les GP, ils prenaient les meilleurs soldats de toutes les
unités, surtout ils sélectionnaient les meilleurs coureurs, les
meilleurs tireurs, ainsi que les meilleurs commandos. 1992, je
me souviens en novembre, car c’est en novembre que nous
sommes allés à Bigogwe, juste je me rappelle car j’en ai
ramené un sac de pommes de terre pour cette famille dont je
vous ai parlé et qui a été exterminée plus tard. C’était mon
cadeau de la Bonne année. On était partis faire la formation du
DAMI donnée par les Français. Il y avait un mois que nous
avions envoyé les deux cent jeunes à la GP. C’est alors que j’ai
dit à quelques garçons Bakiga qui restaient avec nous : « Vous
vous moquiez de nous et voilà que vous restez avec nous, rien
qu’avec des Banyenduga. Qu’est-ce qui vous arrivera le jour
où nous nous mutinerons ? Que pourrez-vous y faire alors que
presque tous les vôtres sont partis là-bas à la GP ? » Peu après,
ils sont venus chercher dans notre unité des gardes de corps
pour les ministres et les députés, sauf que je pense que les
ministres et les députés choisissaient eux-mêmes leurs gardes
de corps, car tu voyais que la plupart du temps les ministres
prenaient des soldats de chez eux. Je me rappelle qu’il y avait
deux ou trois garçons de notre compagnie qui sont allés chez
Rwagafirita, qui étaient comme lui originaire de Kibungo.
Ceux qui sont allés chez Nzirorera étaient bien entendu des
Bakiga comme lui, ainsi de suite. Tu comprends que c’était le
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Q
R
moment de diviser les soldats par ethnie ou par région.
Ça veut dire que la GP était uniquement composée de Bakiga ?
Dans toute l’histoire de la GP, pas un seul Munyagitarama un
originaire de Gitarama) n’en a fait partie. Le seul à qui cela est
arrivé était un garçon de chez moi, c’était en 1992. il n’y est
resté que deux semaines. Au retour il m’a dit : « Gonzague, on
m’a mis à un endroit … ! Sauf que je ne pourrai y tenir. Je vais
abandonner et rentrer chez moi…il était chauffeur-mécanicien.
Tu comprends qu’il avait été accepté seulement pour ses
capacités professionnelles. Il avait été major de la promotion
des mécaniciens qui venait de terminer sa formation. Je ne sais
pas comment ils se sont trompés et l’ont recruté. Et d’ailleurs,
il n’aurait pas servi à grand-chose, car il était confiné au
garage. Sinon personne d’autre de Gitarama, de toute l’histoire
de la GP, n’a été recruté dans ce corps. Les choses ont
continué ainsi en 92, 93, mais entre-temps, il se passait
beaucoup d’autres événements car chaque fois que nous
allions sur terrain, au retour nous tenions des réunions,
examinions nos pertes humaines, comment s’était déroulée
l’opération et alors je me rappelle en 1992, un premier sergent
a posé une question au major Ntabakuze. Mais cela partait
d’une discussion au sujet des accords d’Arusha. Alors un
officier a demandé à Ntabakuze : « Mon major, Kagame
viendra comme ça et vous vous assiérez ensemble au Mess, il
demandera une Primus et vous un Mutzig, et cela sera
vraiment possible ? » Ntabakuze lui a répondu : « Moi je ne
suis pas un officier comme Kagame. Moi je suis un officier du
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Q
R
Gouvernement. Lorsqu’il viendra, il sera inférieur à moi. »
Quel genre d’officier il sera ?
Il a dit qu’il n’était pas du même rang que lui. Qu’un officier
de la forêt, ça n’existe pas. « Ça c’est une armée de guérilla où
ils s’accordent eux-mêmes des grades. » Alors ils ont continué
à l’échauffer et finalement un premier-sergent lui a dit :
« Comment est-ce possible que nous continuions à nous rendre
sur terrain nous battre contre l’ennemi, en laissant derrière
nous ses complices qui restent en se moquant de nous ? » Là il
voulait faire comprendre que certaines familles tutsi…il y en
avait en effet dont il était connu qu’elles étaient tutsi, comme
je l’ai déjà dit. D’autres n’étaient pas connues, mais aussi il y
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1 :00 :33
Q
avait des soldats qui avaient épousé des femmes tutsi, de force.
Des femmes tutsies ?
Oui. Je dis de force parce que personne ne pouvait obtenir un
accord officiel pour épouser une fille dont la carte d’identité
mentionnait qu’elle était tutsie. Tu pouvais passer outre, forcer
et l’épouser, sans passer par l’accord de l’armée. Seulement
dans ce cas, à moins de parvenir à tricher ou de disposer d’un
appui important, tu ne pouvais bénéficier d’un logement à la
caserne. Ce premier-sergent a alors dit : « Moi je ne
retournerai pas au front en laissant ces gens ici qui se moquent
de nous et qui se réjouissent quand nous avons des pertes ».
Cela nous a choqués. Nous nous sommes dit qu’un jour
viendrait où nous nous entretuerions, où il massacreraient nos
gens, et finalement c’est ce qui est arrivé au début du
génocide. Certaines personnes tentaient de trouver refuge au
camp militaire et ont été refoulées. Cela était évident que
c’était planifié ainsi. Il y a eu une circulaire de l’état-major qui
ordonnait de faire sortir du camp toutes les familles qui s’y
étaient réfugiées, y compris celles de militaires. Ce qui s’est
passés c’est qu’il y avait des gens qui étaient recherchés et
étaient attendus à l’extérieur où ils étaient immédiatement
massacrés. Ceux qui parvenaient à s’échapper, ils les
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Q
poursuivaient dans leurs familles, sur leurs collines.
Qui dirigeait l’état-major à cette époque où ils chassaient ces
1 :02 :07
R
familles ?
C’était durant le génocide, c’était…
Fin de la cassette n° 93.
Cassette n° 84
00 :10
Q
3/3
Tu dis qu’en ce moment-là, ils ont chassé les familles des
militaires du camp ainsi que d’autres personnes qui s’y étaient
R
réfugiées, pour pouvoir tuer ceux qu’ils voulaient tuer ?
Ok. Cela n’a pas été ordonné expressément, mais en réalité
00 :31
Q
c’est ce que nous ressentions.
Tu as dit que l’ordre venait de l’état-major. Qui en était le
00 :39
R
chef à l’époque?
Cela se comprend qu’au début du génocide, le chef de l’état-
00 :21
major était le général Bizimungu Augustin. Il venait d’être
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01 :01
Q
promu à ce poste.
Qu’en avez-vous pensé dans l’armée, du Gouvernement
R
Intérimaire, lorsque celui-ci a été formé ?
Les militaires étaient divisés en deux camps. Il y avait une
partie qui avait le cœur à réfléchir sur la guerre contre
l’ennemi, il y avait aussi une partie qui ne songeait qu’à la
guerre ethnique. Nous, je veux dire le camp de ceux que l’on
appelait les Banyenduga, après la mort de Habyarimana, on a
compris qu’il allait y avoir la guerre ethnique, qui ne serait pas
une guerre militaire ordinaire. Car nous voyions cela et aussi
nous recevions des informations à ce sujet. Par exemple, s’ils
en étaient arrivés à former des Interahamwe, à distribuer des
fusils aux civils de manière cachée, à envoyer des militaires
vivre à l’extérieur des casernes pour s’occuper de la sécurité
de certains civils, c’était évident que cela aurait des mauvaises
conséquences. Plus particulièrement alors, avec le début du
génocide, car l’on disait que l’avion de Habyarimana venait
d’être descendu par les tutsi. Nous nous attendions à une
guerre ethnique. Nous nous y préparions mais en même temps
nous nous disions : « Qu’est-ce qu’il va se passer si une guerre
ethnique vient se greffer à l’autre ? » De toute façon, les
Bakiga n’étaient pas plus nombreux que nous. Ils étaient plus
nombreux dans le commandement, sinon ils ne l’étaient pas au
niveau de la troupe. Si nous pouvions nous unir tous, moins
Gisenyi, Ruhengeri et Byumba, nous étions beaucoup plus
nombreux dans l’armée. Sauf que le commandement était à
eux, car tous les officiers, 99% leur appartenaient. Le chef de
peloton était un Mukiga, le commandant de compagnie pareil,
ainsi que leurs adjoints, le commandant de bataillon
également, S3, S4, S5, tout quoi. Ceci veut dire que tout
commandement qui serait donné serait absolument exécuté car
03 :35
Q
de cette manière ils tenaient l’armée.
En ce temps là du génocide, vu les relations entre les Français
et le Rwanda et étant donné leur faible ou forte puissance sur
place, étaient-ils capables d’empêcher le génocide d’avoir lieu,
04 :00
R
ou de l’arrêter une fois lancé ?
Tel que je voyais les choses, en tant que militaire dans une
position de pouvoir observer la situation, je voyais que, le
génocide tout d’abord, si l’on analyse bien l’histoire et
l’actualité de l’époque, le génocide avait été inculqué aux
gens. Dans cet enseignement du génocide, les Français, en tant
que formateurs militaires durant la guerre, c’étaient eux le
cœur de l’armée, leur responsabilité…ils auraient pu dire :
« Arrêtez de faire ça, ou si vous n’arrêtez pas, vous vous
débrouillerez tout seuls. » En ce cas, le génocide n’aura pas eu
lieu. S’ils avaient réagi comme ça surtout là avant, au temps où
les partis s’agitaient. Car c’est là que la tendance s’est
manifestée le plus, faisant comprendre qu’il allait y avoir des
changements au Rwanda. D’accord, avant, la guerre entre le
Rwanda et le FPR avait commencé bien avant l’autorisation
des partis, mais si cette guerre avait éclaté dans un pays uni, où
les gens seraient unis, elle n’aurait peut-être pas duré
longtemps, car ils auraient pu prendre des décisions
communes. Mais particulièrement, l’armée avait une forte
relation avec la France. Parce que les Français, à propos de ce
que je te disais sur la Coopération Technique Militaire, c’est
eux qui étaient en avant surtout dans le domaine de
l’armement et de l’instruction. Parce même la plupart des
militaires envoyés en stage à l’étranger l’étaient en France. La
gendarmerie, elle, ce n’était qu’uniquement en France
qu’étaient envoyés ses membres. Nous aussi les para
commandos, c’était en France. L’autre pays d’accueil des
élèves militaires, c’était la Belgique. la Belgique n’avait plus
qu’un tout petit rôle, les Belges n’avaient en charge que le
camp de Bigogwe, les allemands s’occupaient de la
technologie seulement, ils enseignaient la conduite et la
technique automobile, le Génie militaire, les mines( minage ou
déminage ?), les ponts et autres. Concernant alors la question
des Français, s’ils l’avaient voulu, ils auraient pu prendre une
décision et dire à l’armée rwandaise : « Étant donné tout ce
que l’on voit, pour telle ou telle raison, nous vous demandons
d’arrêter la guerre ». En moins d’une semaine, ils auraient
arrêté. Car les Français était puissants. Nous écoutions la
radio, surtout durant le génocide. Quand nous n’avions plus de
munitions, Kantano disait (la RTLM) : « Tenez bon, les avions
français, je les vois qui amènent de grandes quantités de
munitions… » On comprenait que les Rwandais étaient
confiants dans la France comme puissance militaire, pour leur
protection. La France était leur confidente et le cœur de leur
armée. Alors si la France l’avait voulu, il n’y aurait pas eu du
07 :14
Q
tout de génocide.
Quel était le comportement des soldats Français dans la vie
quotidienne, dans leurs rapports avec les gens, dans les bars ou
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R
ailleurs ?
La plupart du temps, eux…moi j’étais un petit militaire, j’étais
caporal et le petit militaire n’était pas autorisé à sortir quand il
le voulait, n’importe quand. Ainsi un petit militaire ne voit pas
beaucoup de choses. Quand tu as un petit moment de libre…
moi par exemple, je faisais un saut à Remera et Kicukiro
durant peu d’heures et je rentrais à la caserne. La bière, j’en
prenais à Kajagali ou à la cantine. Et puis, je ne buvais presque
pas encore à l’époque et la plus grande partie de mon temps
libre, je la passais dans une famille amie. Et durant la guerre
spécialement, j’y allais souvent pour me montrer à eux, pour
qu’ils n’aient pas peur que j’aie été tué ou blessé aux combats,
ainsi que pour leur communiquer les informations que nous
avions. Car cela était bien connu- on aurait dit qu’un sorcier
leur avait transmis le secret- je me souviens qu’ils nous
disaient souvent que « si quelqu’un… », sauf aussi qu’il y a
normalement, dans les organisations militaires…d’habitude,
tel que c’était organisé depuis longtemps, nous étions
organisés sur la manière de protéger la résidence au cas où il y
aurait un problème quelconque. Car toujours dans l’armée on
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Q
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Q
R
t’apprend comment tu dois t’attendre tout le temps à la guerre.
La résidence de qui ? La vôtre ?
La Résidence du président.
On vous avait appris comment protéger cette résidence ?
C’était quelque chose de connu depuis très longtemps, depuis
qu’il habitait là. La protection de la résidence nous incombait à
nous, les paras commandos. Alors nous nous en répartissions
la protection par unités. C’est-à-dire que si le clairon alerte
sonnait et que l’on disait : « Rendez-vous à la résidence », tu
savais à l’avance ton dispositif que tu devais rejoindre. Tu es à
l’entrée principale, ou à celle du bas à côté des fermes, ou dans
la bananeraie. Nous connaissions bien les lieux.
Alors, durant la guerre, ils nous disaient que si jamais quelque
chose touchait la résidence de Habyarimana, aucune personne,
aucun tutsi car bien sûr les hutu ne seraient pas visés, aucun
tutsi ne survivrait dans Nyarugunga. Nous, on pensait que
c’était une blague. Nous disions qu’aucun avion ne viendrait
au Rwanda pour tirer sur la résidence. « Pourquoi ils racontent
que nos gens-là mourront, pourquoi mourront-ils ? », nous
nous demandions. Pour nous, c’était une blague. Mais
n’empêche que lorsque je visitais des familles par là-bas, je
leur en parlais. Je leur rapportais que l’on nous disait qu’en cas
d’une quelconque attaque chez le président, que c’est eux qui
habitaient le voisinage qui en paieraient le prix en premier. je
les prévenais que le jour ou ils entendraient ne fût-ce qu’un
simple coup de feu en cet endroit, qu’ils ne devaient plus rester
dans leur maison mais plutôt se mettre à courir au loin pour se
sauver. On en parlait ainsi souvent. Alors, ce que tu me
demandais au sujet du comportement des Français, là je
voulais te faire comprendre que nous ne sortions pas
beaucoup. Eux, dès qu’ils le voulaient car personne ne leur
donnait des ordres, ils faisaient des sorties lointaines. Nous
apprenions qu’ils fréquentaient le quartier de Remera chez de
jolies filles. Là où ils connaissaient une jolie fille ils s’y
rendaient, ils allaient suffisamment loin que nous ne pouvions
pas suivre leurs activités extérieures. Normalement il y a un
mess des sous-officiers et celui des officiers. Mais les sousofficiers français avec leur valeur de Blancs, ils ne
fréquentaient pas le mess des sous-officiers mais plutôt celui
des officiers. Parfois aussi ils venaient à la caserne, auprès des
sous-officiers rwandais et ils discutaient avec eux sans
problèmes, mais là même au mess, ils buvaient leur Mutzig
assez tranquillement, à l’aise, il n’y avait pas de discussions
11 :41
Q
politiques en public.
Donc un sous-officiers Français avait la valeur d’un officier
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R
rwandais et il prenait sa bière au mess des officiers ?
Il allait où il voulait sans problème. La plupart du temps, ils se
trouvaient au mess des officiers. Nous les croisions là lors de
nos rondes. Avant, c’est la guerre qui a fait que l’on a changé,
d’habitude, l’on affichait les programmes des gardes pour
l’entrée du camp, la poudrière en bas dans munitions, chez le
commandant du camp, en haut dans le TRANSE ( ?) et
reconditionnement et tout le pourtour du camp, aussi la
patrouille du camp des officiers. C’est comme s’il y avait une
double garde. La patrouille du camp des officiers -le mess était
à côté sur la route- tournait en suivant la route, entrait dans le
camp des officiers, faisait le tour des résidences des souslieutenants et des lieutenants, continuait plus bas chez les
capitaines, commandants, majors et colonels, car leurs
habitations se suivaient dans l’ordre de leur grades. On
13 :02
Q
trouvait les jeeps des Français garés là, et eux, au mess.
Tu as dit quelque chose qui m’a rappelé une question : tu as dit
qu’on vous avait dit que les gens qui étaient voisins avec
Habyarimana allaient tous être tués s’il arrivait quelque chose
à la résidence du président, et que vous preniez cela pour de la
blague. Alors l’on dit, certains chercheurs disent que les
habitants de Masaka d’où sont partis les missiles qui ont abattu
l’avion du président ont été exterminés et pourtant parmi eux il
y avait beaucoup de personnes originaires de la région de
Habyrimana, des Bakiga. Qu’en sais-tu ? On dit qu’ils ont été
13 :46
R
tués juste après l’explosion de l’avion.
Tu comprends, après la chute de l’avion, je t’ai dit que je l’ai
vu être descendu, je ne l’ai pas vu toucher le sol car à partir
d’une certaine altitude les arbres me dissimulaient les
étincelles. J’ai suivi sa chute jusqu’à ne plus le voir. Tout de
suite après, il y a eu rassemblement des soldats et c’est là que
l’on a commencé à entendre des tirs, et c’est là que l’on a
commencé aussi à s’inquiéter que les gens à l’extérieur allaient
être éliminés. Vers 23 heures ou minuit, des tirs au fusil
s’entendaient ici et là dans Nyarugunga, Kajagari, Busanza…
et c’est là que les premières victimes ont été tuées. Le
lendemain, nous y voyions cette fois-ci avec nos yeux, on nous
racontait que tel était mort,. Par exemple la femme de l’un de
nos militaires avait été tuée durant la nuit, lorsqu’il venait de la
quitter pour remonter dans le camp voir ce qui se passait.
Donc, Nyarugunga Masaka, Gasogi, là à Gasogi et aussi
ailleurs dans la ville, ça a commencé le matin. Nous suivions
cela le 7. Le 7, les tirs s’entendaient dans Masaka, Gasogi.
C’est dans ces lieux que les gens sont morts en premier. Les
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Q
habitants de ces lieux ont été parmi les premiers tués.
Ce qui est cependant surprenant, c’est que Masaka était surtout
habitée par des Bakiga. C’était un paysannat, une nouvelle
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R
terre habitée par des migrants du Nord.
Oui. Il y avait une majorité de Bakiga bien sûr. Mais aussi,
quelques gens originaires de ce lieu. C’est comme
Nyarugunga. Là également, il y avait surtout des Bakiga, mais
tout de même aussi pas mal de gens d’autres régions.
Beaucoup de ceux qui ont été tués là-bas, nous-mêmes ne
savions pas auparavant que c’était des familles de tutsi. Nous
15 :43
Q
l’avons su après leur mort.
Concernant Masaka, on abandonne la question. Ce que l’on
sait, c’est qu’il y a eu plus de 3.000 morts et que la grande
majorité, c’était des hutu. Et qu’ils ont été exterminés durant
cette nuit et le jour suivant par les membres de la GP. Si tu ne
16 :00
R
te rappelles pas, laissons cela de côté.
Non. Sur ce point je ne sais rien. Concernant ce qui se passait
là, je ne sais rien. Je ne suis allé que jusque en bas du camp
pour évacuer une famille, comme d’autres qui y avaient des
familles l’ont fait. Mais peu auparavant, je suis allé chercher
de l’eau à l’usine, mais il n’y avait plus trop de violences.
Sinon, la mort des gens de Masaka, je n’en ai rien su.
Seulement, on nous disait que le lance-missile était installé làbas et même en nous montrant un petit champ de roseaux que
l’on disait être le lieu exact où était positionné le lance-missile.
Ils disaient aussi qu’ils avaient récupéré là les deux lance-
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16 :58
Q
missiles.
Ils les ont réellement récupérés, ces deux lance-missiles ? Ils
R
vous l’ont dit, ainsi que la date de leur récupération ?
Ils les ont ramenés très vite, dans les premiers jours, pas audelà du 09. ils ont dit que le coup avait été bien préparé et
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Q
qu’ils y avaient vu un socle de béton pour le les lance-missiles.
Est-ce qu’un lance-missile a besoin d’une assise solide pour
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R
Q
R
servir ?
Oui.
Vous les ont-ils montrés, ces lance-missiles ?
Non. On ne nous les a pas montrés. Ils en ont parlé mais
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Q
personne ne les a vus.
Alors ils disaient qu’ils les avaient mis où ? S’ils les avaient
17 :34
R
récupérés, ne les ont-ils pas entreposés dans le camp ?
Peut-être qu’ils les ont amenés à l’état-major. Car les jours
suivants, Kanombe était aussi bombardé et l’état-major ne
pouvait plus vraiment compter sur Kanombe. Même certaines
munitions étaient évacuées vers d’autres camps dans Kigali et
en provinces. Car Kanombe figure parmi les premiers à avoir
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Q
été pilonné.
Elle veut (Cécile) te demander, car les Français ont plusieurs
corps d’armées, sans seulement se limiter au paras et à la
CTM, il existe l’infanterie, l’artillerie, plusieurs régiments
différents, elle veut savoir si tu sais à quels corps d’armées
appartenaient les militaires français, également si tu as entendu
parler de barrages tenus par les Français tel que celui de la
Nyabarongo et ailleurs au Rwanda, et des viols qu’ils
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commettaient sur les filles.
Je n’ai pas bien compris la première question.
La première c’est : À quel corps d’armée français
appartenaient les militaires français qui se trouvaient au
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Q
Rwanda ?
Corps d’armée pour parler de grades ?
Comme on dit : « Marines, paracommandos, régiments
R
d’infanteries et autres… ».
Avant la guerre de 90, il y avait des paracommandos.
Normalement, les paracomandos sont inclus dans l’infanterie.
Car l’avion, c’est uniquement pour les transporter sur les lieux
sinon ils font partie de l’infanterie. Ensuite après 90, quand la
guerre a démarré, il s’y est ajouté d’autres qui s’occupaient
d’enseigner l’artillerie. Ça aussi, c’était un corps à part, car on
sait que les armées fortes ont plusieurs départements. C’est les
deux que l’on a vu au Rwanda ; il y avait l’artillerie et
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R
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l’infanterie.
Il n’y avait pas de marines ?
Non.
Ou ceux que l’on appelait des légionnaires ?
Des légionnaires ?
Ce sont des militaires non originaires de France, qui ne sont
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R
pas d’origine française.
Ah ! Ceux-là oui, eux aussi sont venus. Il y avait parmi eux
des noirs et l’on s’amusait à les étiqueter en disant : « Celui-là
est un Akanyenduga (originaire du Nduga), Akanyakibungo
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Q
R
(originaire de Kibungo) etc. »
À quelle époque ?
En 1992. À cette époque, ils étaient dans le DAMI. On
apprenait beaucoup de choses dans le DAMI. Des techniques
commandos, des combats sans armes, du judo. C’est cela
qu’ils nous apprenaient. Je me rappelle il y avait un Français
noir que j’ai vu à Bigogwe, je pense. Il y avait des gens de
couleurs différentes. Je ne sais pas si c’était eux les
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Q
légionnaires.
Leur présence sur les barrières, les contrôles d’identité et
autres qui les faisaient ressembler à des agents de sécurité.
21 :33
R
Qu’en sais-tu ?
À l’époque, ceux d’entre eux qui étaient chargés de sécurité
n’ont presque pas dépassé la ville de Kigali. Car je me rappelle
qu’il y en avait aussi à l’aéroport. Quand nous étions sur
Kigali, des fois nous allions sauter en parachutes et nous les
voyions, c’est eux qui ouvraient l’entrée de l’aéroport, alors
nous et eux, on était des camarades militaires, ils ne pouvaient
rien nous faire. Quant aux civils, il pouvait arriver que certains
d’entre ces militaires, en raison du caractère de chacun,
brutalise l’un ou l’autre, mais la brutalité due à la guerre…ça
oui, au début de la guerre en 1990, ils brutalisaient les gens
pour les effrayer et les pousser à quitter les routes, ne pas
rester à discuter mais après cela s’est tassé. Tu voyais qu’il ne
restait que des gens qui avaient d’autres occupations plus
sérieuses, qui oeuvraient pour des intérêts secrets, propres à
eux, qui ne se montraient pas à l’extérieur. Ceux que l’on
voyait à l’extérieur, c’est ceux qui s’occupaient de
22 :47
Q
l’instruction.
Les histoires de viols de femmes et de filles, tu n’en as pas
entendu parler ?
22 :58
R
Non. Je n’en ai pas entendu parler. J’ai plutôt entendu parler
de viols commis par les soldats congolais. Sinon, des Français,
23 :12
Q
je n’en ai pas beaucoup entendu parler.
Tu as dit que les Français gardaient l’aéroport. Lors de la chute
23 :23
R
de l’avion de Habyarimana, ils s’y trouvaient toujours ?
Oui. Non. Je crois…mais…c’est vrai, durant le génocide, c’est
eux qui gardaient l’aéroport. Ils n’avaient jamais quitté
Q
l’aéroport.
Ils se trouvaient où exactement ? Sur la piste ? Dans la tour de
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R
contrôle… ?
Dans la tour de contrôle, dans l’aérogare, dans le parking, à
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23 :50
Q
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l’entrée, partout, dans tous les coins on les y trouvait.
Ils étaient donc partout ?
Aucun lieu où on ne les trouvait. Ils étaient partout. Et tout
Q
avion qui arrivait, tu les voyais tourner autour.
Le jour de la mort de Habyarimana, cette nuit-là ou le jour
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24 :00
suivant selon les versions qu’ils veulent en donner, il y a deux
Français, qui habitaient à Kimihurura, non loin de la GP et du
CND, chargés des transmissions, et qui sont morts cette nuit24 :27
24 :30
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Q
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là. As-tu appris cette chose là ?
Qui enseignaient les transmissions ?
Oui. En tous cas, ils s’occupaient des transmissions.
Les services des transmissions se trouvaient à Kimihurura, là,
non loin de l’état-major de la Gendarmerie. Mais je ne sais
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rien de leur mort.
Mais, au département des transmissions, ils y étaient aussi ?
Oui. Ils y étaient. C’était eux les formateurs aux transmissions,
de nos militaires. la plupart du temps, nos militaires allaient
même en France pour s’initier aux transmissions.
Fin ITW Gonzague.