Fiche du document numéro 4568

Num
4568
Date
Samedi 15 mai 2010
Amj
Auteur
Taille
99774
Titre
Le 13 mai 1994 à Bisesero au Rwanda, raconté dans le Wall Street Journal et Le Monde.
Nom cité
Type
Blog
Langue
FR
Citation
Ils se sont tus devant le TPIR. Des dizaines de témoins assermentés qui se sont succédés pour venir témoigner sur le massacre de Bisesero dans les affaires Alfred Musema, Elizaphan Ntakirutimana/Gérard Ntakirutimana, Clément Kayishema/Obed Ruzindana, Mika Muhimana, Eliézer Niyitegeka et Omar Serushago n'ont pas tout dit sur la journée du 13 mai 1994.

Ils se sont tus devant les enquêteurs de la « Commission d'enquête citoyenne »
lancée notamment par l'association Survie[1] en 2005. Ils n'ont pas raconté en
détail les évènements de la journée du 13 mai 1994.

Ils se sont tus devant la Commission Mucyo. Devant cette commission « chargée
de rassembler les éléments de preuve montrant l'implication de l'État français
dans la préparation et l'exécution du génocide perpétré au Rwanda en 1994 »,
ils ont curieusement évité de tout dire sur cette journée du 13 mai 1994.

Ils se sont tus devant les centaines de journalistes qui se sont succédés
depuis 16 ans au Rwanda. Aucun n'a réussi à les faire parler, à les faire
témoigner sur la journée du 13 mai 1994.

En avril 2009, puis en février 2010, ils ont finalement parlé.

Des dizaines de « témoins » ont fiévreusement attendu leur tour devant la
caméra installée par un journaliste français dans les collines de Kibuye.
Pendant « soixante-dix heures d'interview filmées » et durant « trente heures
de tournage de reconstitutions sur le terrain », ils ont expliqué en détail,
longuement, comment, le 13 mai 1994 « les soldats français avaient pris
position sur une colline et tiraient sur les Tutsis », comment ils « visaient
directement les hommes, les femmes et les enfants qui prenaient la fuite. »

La grande majorité de ces « témoins » sont des tueurs, des exterminateurs, des
barbares qui ont tué de leurs mains des dizaines, voire des centaines d'hommes,
femmes, vieillards, enfants, parce qu'ils étaient Tutsi. Pour des motifs
certainement malheureux, quelques rescapés, après n'avoir jamais dit un mot sur
le sujet pendant 16 ans, reprennent ces toutes nouvelles histoires racontées
par les assassins de leur famille. Les Interahamwe de Bisesero nous expliquent
aujourd'hui que ce sont les militaires français qui organisaient le génocide,
eux, les pauvres bougres n'étaient que des exécutants.

La journaliste Anne Jolis du Wall Street Journal a pompeusement titré son
article : « Rwanda's Genocide: The Untold Story », le journal Le Monde a plus
prudemment classé son : « Rwanda, le 13 mai 1994 par Serge Farnel » dans les
pages « opinions. »

Le même journaliste nous présentait, en janvier 2007, un scoop tout aussi
extraordinaire. Serge Farnel écrivait ce jour-là « c'est la première fois
qu'une Européenne témoigne, en son nom et à visage découvert, de la
participation physique des soldats français au génocide des civils tutsis.
Autre révélation de ce témoignage, prépondérante dans la démonstration de la
vérité : des soldats tricolores arrêtaient les Tutsis au moins deux jours avant
l'attentat contre l'avion de Habyarimana. A un moment - avant le déclenchement
de l'opération Amaryllis - où les militaires français n'étaient pas censés se
trouver au Rwanda.»

La fameuse « Européenne » une dénommée Nicole Merlo nous raconte donc qu'elle a
vu « des Rwandais et des Français à toutes les barrières [...] ils avaient les
mêmes costumes militaires que les Rwandais.» Devant l'insistance du
journaliste, Madame Merlo se fait plus précise, elle a vu ces militaires
français en tenue rwandaise « faire sortir les Tutsis des taxis » le 4 avril
1994, au barrage de giti cy'ikinyoni, à l'entrée de Kigali.

Pas nous. Nous sommes de nombreux Rwandais, à être passés au même endroit le
même jour, nous avons bien vu des militaires rwandais mais aucun Français. Des
militaires français, certains noirs, qui contrôlaient les papiers de citoyens
rwandais au lieu-dit giti cy'ikinyoni, on en a vu... mais c'était en février
1993.

Les histoires sensationnelles rapportées par Monsieur Farnel, je n'y crois pas. Et je suis loin d'être la seule, parmi les Rwandais.



[1] Publiée en 2005 sous le titre L'horreur qui nous prend au visage. L'Etat
français et le génocide au Rwanda (Karthala)

Publié par KAGATAMA

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