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Une attaque particulièrement meurtrière a eu lieu dans la commune de Kivumu, dans la préfecture de Gisenyi: des hommes armés de fusils et de machettes ont attaqué, dans la nuit de dimanche à hier, l'internat de l'école secondaire de Nyamyumba. Treize personnes, dont onze enfants de 11 à 17 ans, ont été tués et trois ont été blessés. Certaines victimes sont très gravement blessées par balles, filles et garçons confondus. Une quarantaine de personnes ont été tuées dans cette région depuis la semaine dernière.
Par ailleurs, l'assassinat samedi à Nairobi (au Kenya) de Seth Sendashonga, ancien ministre de l'Intérieur, ex-membre du Front patriotique rwandais (FPR) et fondateur des Forces de résistance pour la démocratie (FRD), continue à susciter émotions et hypothèses. Human Rights Watch et la FIDH (Fédération internationale de défense des droits de l'Homme) ont ainsi salué la disparition de cet homme de principes et de courage rappelant que, dirigeant d'un mouvement étudiant opposé à la dictature d'Habyarimana, il avait quitté le Rwanda en 1975.
Originaire de la préfecture de Kibuye, il s'installa à Nairobi comme économiste, travaillant pour une agence des Nations unies. C'est de là qu'en 1991, il rallia le FPR, démontrant ainsi que des opposants hutus pouvaient collaborer avec des exilés tutsis.
La troisième voie
Seth Sendashonga fut le premier ministre de l'Intérieur du gouvernement d'union nationale: tâche difficile pour ce Hutu dont certains membres de la famille avaient été impliqués dans les massacres à Kibuye. Une tâche pénible aussi, qui l'amena à protester à maintes reprises contre les exactions commises par l'armée.
Plus tard, après avoir quitté le gouvernement en août 1995, Sendashonga indiqua qu'il avait adressé plus de 700 lettres au général Kagame (ministre rwandais de la Défense)! Depuis son exil à Nairobi, Sendashonga dénonçait régulièrement le comportement de l'armée, et avait créé, avec l'ancien Premier ministre Twagiramungu, en exil à Bruxelles, le FRD se présentant comme une « troisième voie ».
Il avait été victime, en février 1996, d'un attentat, dont fut accusé un diplomate rwandais à Nairobi, et aujourd'hui, toute l'opposition hutue accuse, à l'unanimité, le FPR d'avoir envoyé un autre commando aux trousses de l'ancien ministre.
La réalité pourrait être moins simple. L'avocat d'Obed Ruzindana, l'un des accusés au Tribunal d'Arusha, a déclaré que Sendashonga avait accepté de s'exprimer en faveur de son client. Par ailleurs, Sendashonga n'avait jamais approuvé les attaques de type génocidaire et des extrémistes hutus le qualifiaient de traître.
D'autant que, ces dernières semaines, il avait mené des contacts discrets avec ses anciens compagnons du FPR, des contacts qui auraient pu le ramener au pays et symboliser une volonté d'ouverture à Kigali. Sa mort risque de bloquer une fois de plus la « troisième voie » qui commençait à s'entrouvrir.
COLETTE BRAECKMAN