Fiche du document numéro 35538

Num
35538
Date
Mardi 9 décembre 1997
Amj
Auteur
Taille
4724068
Titre
Note à l'attention de M. Paul Michel, conseiller technique au cabinet de Madame le garde des Sceaux
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Cote
AN MIN JUSTICE (9-8)
Type
Lettre
Langue
FR
Citation
OBJET : Plainte avec constitution de partie civile des chefs d'assassinat et de destruction
d'un bien par une substance explosive ayant entraîné le mort, entrave à la
circulation d'un aéronef, acte de terrorisme ayant entraîné la mort d'une ou
plusieurs personnes, complicité, déposée par Madame Sylvie MINABERRY, fille
du pilote de l'avion du Président Rwandais ayant explosé en vol, au RWANDA,
le 6 avril 1994.

REF: 97-1749.T3 T26.

J'ai l'honneur de vous adresser sous ce pli, copie du rapport relatif à la plainte avec
constitution de partie civile visée en objet établi le 3 novembre 1997 par le service central de
lutte anti-terroriste.

L'analyse développée dans ce document par le procureur de la République près le
tribunal de grande instance de Paris apparaît globalement pertinente.

Etant observé que la compétence de la juridiction française se trouve juridiquement acquise, seule la circonstance de terrorisme attachée aux faits dénoncés par la plaignante pourrait, en effet, être source de discussion, l'explosion ou la destruction en vol d'un aéronef entraînant la mort de chefs d'Etat étrangers dans un contexte d'insécurité générale et de graves
troubles politiques internes affectant leurs pays n'emportant pas d'évidence la qualification d'acte de terrorisme.

De fait, le décès ou l'élimination physique de personnes à l'étranger s'inscrivant dans le cadre de luttes de pouvoir ou d'affrontements territoriaux ou ethno-politiques de type militaire (coups d'Etat, putschs militaires, guerres civiles, conflits locaux ou régionaux, massacres interéthniques..) ne sauraient, au risque par un tel systématisme d'établir de facto une compétence universelle au profit de la juridiction parisienne spécialisée, s'apparenter automatiquement à la notion d'entreprise terroriste entendue par le législateur et les praticiens
français comme recouvrant des pratiques individuelles ou collectives visant à terroriser et intimider des populations innocentes à des fins politiques.

Toutefois, la contestation de la circonstance de terrorisme alléguée par la partie civile conduirait, en l'espèce, à renvoyer sa plainte à la compétence territoriale de la juridiction brestoise.

Or, force est de relever que l'explosion ou la destruction en vol, le 6 avril 1994 au RWANDA, du Falcon 50 transportant notamment les présidents de la République du RWANDA et de celle du BURUNDI, Messieurs Juvénal HABYARIMANA et Cyprien NTARYAMIRA, est identifiée comme l'élément déclencheur de la guerre civile rwandaise et du génocide interethnique massif qui l'a accompagnée.

C'est pourquoi, certains commentateurs et observateurs considèrent que
l'élucidation de ce "crash" aérien serait susceptible d'éclairer les mécanismes et manipulations qui auraient pu présider aux origines du conflit rwandais et permettre d'en identifier les véritables instigateurs, le lien de cause à effet immédiat entre ce qui est considéré comme un "attentat" et le début de la guerre civile rwandaise étant communément admis.

À cet égard, il y a lieu de rappeler que les causes et origines du déclenchement
du conflit et du génocide rwandais ont fait l'objet de nombreux débats et polémiques dont certains ont été plus spécifiquement relatifs aux conditions de la disparition des présidents rwandais et burundais précités (cf : controverse relative à la récupération par l'ex-capitaine BARRIL de la boite noire du Falcon présidentiel détruit le 6 avril 1994) et aux assassinats de deux militaires de la gendarmerie nationale et de l'épouse de l'un d'eux dans les premiers jours du conflit à KIGALI vraisemblablement exécutés par des soldats du F.P.R. (Front
Patriotique Rwandais), le 8 avril 1994 (cf : communiqué de presse de l'observatoire des libertés.)

(4) Outre plusieurs autres responsables politiques et militaires rwandais et burundais et le père de la plaignante, deux militaires français se seraient selon la partie civile, également trouvés à bord du Falcon présidentiel en provenance de DAR EL SALAAM

Dès lors, en raison de la spécificité et de l'extrême complexité caractérisant le
contexte dans lequel s'inscrivent les faits incriminés et du niveau des enjeux nationaux et internationaux qui s'attachent à la mise en oeuvre du présent vecteur judiciaire, il peut effectivement apparaître plus opportun, conformément aux propositions qui m'ont été transmises, que ce dernier puisse être confié à la juridiction parisienne spécialisée plus adaptée à la gestion de ce type de contentieux particulièrement sensible et autorisant, par ailleurs, un
meilleur suivi des évolutions de ses travaux par la Direction des affaires criminelles et des grâces via le parquet général et la 14éme section du parquet de Paris.

Cependant, sous réserve des difficultés qui s'attacheraient éventuellement à la
lisibilité de cette démarche en raison de son caractère différé, il pourrait être également envisagé, si la présence de deux militaires français dans l'aéronef détruit était confirmée et que la domiciliation de ceux-ci ou de l'un d'entre eux était déterminée dans le ressort du tribunal de grande instance de Paris, que, sans reconnaître en opportunité la compétence de la juridiction parisienne relativement à la présente plainte avec constitution de partie civile
sur le seul fondement de la circonstance de terrorisme, le parquet de Paris puisse requérir d'initiative l'ouverture d'une information judiciaire concernant l'ensemble des faits considérés dont ont été victimes 3 ressortissants français, information judiciaire qui serait alors confiée, selon les modes de désignation communs, à un magistrat instructeur parisien non spécialisé.

Je vous saurai gré de bien vouloir me faire connaître votre sentiment sur les deux perspectives précédemment énoncées, le parquet général près la cour d'appel de Paris demeurant dans l'attente de l'appréciation de la direction des affaires criminelles et des grâces.

Le Directeur des Affaires
Criminelles et des Grâces

Marc MONARD.

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