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Protée
Rwanda
Littérature post-génocide, écritures itinérantes : témoignage ou
engagement ?
Jean-Pierre Karegeye
Volume 37, Number 2, Fall 2009
Avec le génocide, l’indicible
URI: https://id.erudit.org/iderudit/038452ar
DOI: https://doi.org/10.7202/038452ar
Article abstract
This article rethinks the “nature” of literary production after the genocide of
Tutsi. The title of the African writers’ project “Writing by Duty of Memory”
echoes Primo Levi. Karegeye shows how post-genocide literature in Rwanda is
necessarily at the crossroads of witnessing and “engagement”. In this inquiry,
he revisits older texts and engages with several writers concerned with
“post-genocide literature”.
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Département des arts et lettres - Université du Québec à Chicoutimi
ISSN
0300-3523 (print)
1708-2307 (digital)
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Karegeye, J.-P. (2009). Rwanda : littérature post-génocide, écritures itinérantes :
témoignage ou engagement ? Protée, 37(2), 21–32.
https://doi.org/10.7202/038452ar
Tous droits réservés © Protée, 2009
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RWANDA
LITTÉRATURE POST-GÉNOCIDE, écritures itinérantes :
TEMOIGNAGE ou ENGAGEMENT ?
Jean-Pierre Karegeye
Introduction
Les œuvres fictionnelles sur le génocide au Rwanda ont institutionnalisé les lieux
d’intersection où habite l’objet testimonial, hors d’un genre exclusif. Si les frontières
entre la littérature engagée et la littérature du témoignage sont perceptibles en tant que
moment historique dans les mouvements littéraires du xxe siècle, elles apparaissent
plutôt fluides, mouvantes dans la littérature africaine francophone post-génocide.
Des préfaciers français, comme Sartre et Breton, et des auteurs africains se sont
empressés de qualifier de littérature engagée ou révolutionnaire la littérature africaine
francophone anticoloniale et antiraciste. Quels sont les lieux de rencontre ou de
rupture entre l’engagement et le témoignage ? Faut-il se tourner vers le style ou vers la
thématique ? Au xxe siècle, la littérature engagée semble liée au nom de Sartre tandis
que celle du témoignage renvoie à Primo Levi.
La littérature engagée suggère une prise de position d’un écrivain sur des situations
sociopolitiques. L’art est mis au service d’une cause. Le concept d’engagement renvoie
à un mouvement, en relation avec l’existentialisme et la lutte marxiste, dans lequel le
texte littéraire implique la responsabilité de l’écrivain : on parle de littérature engagée
ou d’écrivain engagé. La littérature du témoignage, quant à elle, renvoie, à partir des
années 1940, aux textes sur l’Holocauste et suggère que le narrateur, dans le rôle de
victime qui témoigne, est le double de l’écrivain. Les textes des écrivains, victimes
et témoins du racisme, comme Richard Wright, Aimé Césaire et Mongo Beti, jugés
« révolutionnaires », auraient pu s’inscrire à l’intérieur des littératures du témoignage.
Peut-on témoigner, en dehors des génocides, de la colonisation, des dictatures, du
sida et des guerres africaines ? Inversement, les romans de témoignage post-génocide
portent-ils l’idée de littérature engagée ?
1. Engagement sartrien et littératures négro-africaines
La notion d’écrivain engagé chez Sartre rappelle l’importance de réaliser l’unité
existentielle du moi, à la fois citoyen et écrivain, en abordant des questions sociales
dans les textes littéraires. L’écriture de Sartre est non seulement objet d’art, mais aussi
témoignage de la condition humaine. Sartre arrive à concilier les exigences esthétiques
avec les horizons d’attente de la société. La Deuxième Guerre mondiale, l’occupation
allemande, la lutte marxiste et le racisme, entre autres, donnent à penser le drame
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de l’humanité en termes de responsabilité chez
Sartre. L’écrivain parle non seulement en tant que
« prisonnier » de guerre ou anti-collaborateur, mais
aussi comme intellectuel qui s’interroge sur le rôle
et la place de l’écriture perçue comme action. Sartre
envisage une littérature qui défend un idéal et prend
position. L’écrivain en situation ne s’enferme pas
dans un travail esthétique sur le langage qui n’aborde
pas de façon palpable les questions sociopolitiques
du moment. L’engagement de l’écrivain est lié au rôle
donné à la littérature par le philosophe existentialiste.
Sartre estime que l’écriture renvoie essentiellement
au sens. Ce sens est en relation avec la société et fait
de la littérature un reflet de la société (Sartre, 2002 :
14-24) 1.
La conception de la littérature comme reflet
du réel exige non pas une simple description de
la société, mais une implication véritable dans le
changement et l’avenir de la société : « L’écrivain
engagé sait que la parole est action : il sait que dévoiler
c’est changer et qu’on ne peut dévoiler qu’en projetant
de changer » (ibid. : 28). Changer le monde comme
tâche intrinsèque de l’écriture définit la responsabilité
de l’écrivain. Ce dernier ne doit pas être insensible
aux situations qui l’entourent, et il est appelé à créer
un monde qui ne soit pas injuste (ibid. : 68). L’écrivain
engagé n’est pas seulement celui qui tient sa plume,
c’est aussi celui qui s’engage sur le terrain :
La liberté d’écrire implique la liberté du citoyen. On n’écrit
pas pour des esclaves… Et ce n’est pas assez que de les défendre
par la plume. Un jour vient où la plume est contrainte de
s’arrêter et il faut alors que l’écrivain prenne des armes. Ainsi,
quelles que soient les opinions que vous ayez professées, la
littérature vous jette dans la bataille ; écrire c’est une certaine
façon de vouloir la liberté ; si vous avez commencé, de gré ou
de force vous êtes engagé. (Ibid. : 72)
L’engagement de l’écrivain se lit dans plusieurs
questions contemporaines. Il conduit Sartre à
diverses manifestations : à la mémoire des victimes du
nazisme, contre la guerre en Algérie et au Vietnam
et contre le racisme en Afrique du Sud. C’est donc
à partir de ces notions de responsabilité et de choix
libre accompagnant l’écriture que Sartre s’attaque
aux écrivains ou intellectuels qui n’ont pas dénoncé
l’occupation allemande et l’idéologie nazie. La
littérarité d’un texte est-elle liée à l’engagement
de l’écrivain ? Ou encore, l’antisémitisme ou la
collaboration d’un écrivain affectent-ils la littérarité
de ses textes ? Qui condamne-t-on chez Drieu La
Rochelle ? L’écrivain ou l’homme ?
Sartre, intentionnellement, ne fait pas de
distinction entre l’œuvre et l’auteur. La liberté est
une notion qui embrasse la totalité du réel. On le
comprend mieux dans cet avertissement des Temps
modernes : « La revue n’accepte les manuscrits ni des
condamnés à mort pour fait des collaborations ni des
indignes nationaux » (cité dans Winock, 1999 : 592).
Michel Winock mentionne la réplique de Paulhan qui
s’interroge sur la relation entre la forme d’un texte et
un casier judiciaire 2. Le mot « dit » ou « tu » est, pour
Sartre, une action. Il est aussi responsable de ce qui
arrive à l’humanité :
Chaque parole a des retentissements. Chaque silence aussi. Je
tiens Flaubert et Goncourt pour responsables de la répression
de la Commune, parce qu’ils n’ont pas écrit une ligne pour
l’empêcher. Ce n’était pas leur affaire, dira-t-on. Mais le procès
Calas, était-ce l’affaire de Voltaire ? La condamnation de
Dreyfus, était-ce l’affaire de Zola ? 3
Sartre aborde des questions relatives à
l’antisémitisme ou à l’Holocauste à partir de sa
situation d’écrivain engagé. Ainsi s’insurge-t-il contre
le linceul qui couvre l’Holocauste :
Va-t-on parler des Juifs ? Va-t-on saluer le retour parmi nous
des rescapés, va-t-on donner une pensée à ceux qui sont morts
dans les chambres à gaz de Lublin ? Pas un mot. Pas une ligne
dans les quotidiens. (1954 : 86) 4
Ainsi, deux rôles semblent définir l’écrivain : celui
qui se dégage à partir du contenu social injecté aux
mots et celui qui pousse l’écrivain à agir, au nom de la
littérature, dans un espace qui peut être extratextuel.
Un écrivain est en effet un homme libre dans la cité,
qui représente et témoigne des enjeux de la condition
humaine du dedans et du dehors du texte, au nom de
ce même texte.
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La parole de Sartre est une intercession alors que
la victime, dans un récit testimonial, s’empare de la
parole. Outre la position de celui qui parle, une des
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différences entre ces deux modes peut être d’ordre
chronologique. Si c’est un homme de Primo Levi n’a
été publié qu’en 1947, après un premier refus, et ce
n’est que dix ans plus tard qu’il sera révélé au public 5.
Tentant de clarifier les deux notions, Michel Deguy
voit une sorte d’« aggiornamento » de la littérature qui
pointe vers un autre objet, le témoignage :
Au thème de l’engagement et de sa problématique, qui
furent au centre (au barycentre) du champ de la réflexion de
l’« intellectuel et de son temps » au siècle dernier, et encore plus
thématiquement, si je puis dire, au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale sous le règne de Jean-Paul Sartre, a succédé
le motif, ou la problématique, du témoin et de son témoignage.
(2004 : 123)
L’esclavage est une des composantes décisives du triste destin
de nos peuples. Il n’est pas le seul. Le racisme en était la
conséquence la plus immédiate… Reconnaissons que nous ne
sommes pas les seules victimes du racisme. Les juifs, au cours
de cette guerre, ont connu des souffrances organisées et portées
à un niveau jamais imaginé auparavant. C’est avec émotion
que nous nous inclinons ici devant la mémoire de toutes
les victimes du racisme hitlérien. Mais il n’est pas interdit
de remarquer que l’antisémitisme n’a ni les mêmes origines
ni toujours les mêmes caractères que le racisme anti-nègre.
Les juifs ne passent pas communément pour des barbares
indésirables dans le circuit de la vie internationale, ou
simplement dans le contexte d’une vie moderne où les Blancs
et les Noirs vivraient en paix, sans références à la couleur de la
peau. (1956 : 10)
Le poète français évalue l’importance de la
littérature du témoignage à partir des références à
Primo Levi et à Paul Celan devenues encore plus
nombreuses que celles à Sartre et à Camus. Parmi
donc les différences constatées, il y a l’éclipse
de l’auteur qui parle/agit singulièrement pour et
l’émergence de la figure du témoin qui se transforme
en auteur : « [l]a citation d’un auteur et la citation
d’un témoin se confondent, le témoin “ devient ”
l’auteur… » (ibid. : 122). L’engagement est tourné vers
l’avenir alors que le témoignage est une prise de
parole sur les événements du passé (ibid. : 124-125).
Mais ces distinctions n’ont pas empêché
l’entrecroisement de l’engagement et du témoignage,
dessinant ainsi l’identité complexe des littératures
dites « négro-africaines » dans la deuxième moitié
du xxe siècle. Ces littératures se reconnaissaient sur
les thèmes de prise de conscience du Noir sur sa
situation, de cri de liberté, de retour aux sources, etc.
Leurs enjeux, d’après Lylian Kesteloot, ne consistent
pas à savoir si ces littératures étaient engagées, mais
bien « dans quelle mesure la littérature doit rester
engagée » (1992 : 9).
Le Premier Congrès international des écrivains et
artistes noirs qui s’est tenu à Paris-Sorbonne, en 1956,
porte l’ambiguïté d’une littérature bicéphale renvoyant
tantôt au témoignage, tantôt à l’engagement. Méditant
sur la colonisation et le racisme dans son discours
d’ouverture, Alioune Diop, de Présence Africaine, met
en corrélation la condition du Noir et celle du Juif :
Alioune Diop semble affirmer que l’esclavage et
la colonisation chez les Noirs et l’Holocauste chez
les Juifs proviennent d’une matrice commune, le
racisme. Sous forme de « concurrence des victimes », il
soutient que la situation des Noirs serait plus radicale
car leur humanité est mise en cause. Dans les deux
situations, on retrouve les topoï du témoignage, à
savoir « souffrances », « victimes », « mémoire ». L’idée
du témoignage est renforcée par la convocation des
événements du passé : « esclavage », « racisme hitlérien »,
si l’on se réfère à la différence proposée plus haut par
Michel Deguy. L’idée des souffrances du passé rythme
le début du discours :
[…] nos souffrances n’ont rien d’imaginaires. Pendant des
siècles, l’événement dominant de notre histoire a été la traite
des esclaves. C’est le premier lien entre nous, congressistes, qui
justifie notre réunion ici. Noirs des États-Unis, des Antilles et
du continent africain. (Ibid. : 9)
Le texte semble répondre aux critères du
témoignage. La fin du discours, cependant, révèle
une sorte de cohabitation entre témoignage et
engagement :
Que l’on ne se fasse pas d’illusion. Nous vivons une époque
où les artistes portent témoignage et où ils sont tous plus
ou moins engagés. Il faut en prendre témoignage contre le
racisme et l’impérialisme de l’Occident. Et cela durera tant
que les tensions qui déséquilibrent le monde ne céderont la
place à un ordre dont l’instauration serait l’œuvre librement
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bâtie des peuples de toutes les races et de toutes les cultures.
(Ibid. : 17 ; c’est nous qui soulignons)
décrire l’inscription de l’écrivain africain dans l’histoire de son
continent […]. (2007 : 62)
Cette conclusion cite deux fois le mot
« témoignage » et une fois le participe « engagés ». Dans
le premier cas, les congressistes ont conscience du
caractère de témoignage qu’ils donnent à leurs actes et
textes. On a l’impression que les deux mots se valent
en se complétant, comme le suggère le connecteur
« et », dans la mesure où les mêmes œuvres littéraires
et les mêmes actions des artistes s’appliquent sur
les mêmes situations, racisme et impérialisme.
Les deux « genres » habitent de part en part les
mêmes textes. Le syntagme propositionnel « portent
témoignage » s’inscrit dans la forme traditionnelle du
témoignage, tandis que l’adverbe « contre », contenu
dans « témoignage contre le racisme », suggère un
style d’engagement. Il ne s’agit pas de témoigner de
sa souffrance. L’emploi du futur dans « cela durera »
concorde avec la notion d’engagement.
Les lieux archéologiques qui régissent le sens du
témoignage ne sont pas établis clairement, tandis que
les liens avec l’engagement sartrien sont revendiqués
et repensés autrement, c’est-à-dire à travers de
nouvelles dynamiques axées sur la dénonciation
de la déshumanisation du Noir et sur l’affirmation
de la (des) culture(s) noire(s). En d’autres termes,
les littératures négro-africaines débordent le cadre
historique et se libèrent des attaches existentialistes
pour s’enraciner dans d’autres paradoxes, comme
on le voit dans le Cahier d’un retour au pays natal de
Césaire (1947) ou encore depuis le Fanon des Damnés
de la terre (1961). Donc, si Jean-Paul Sartre a préfacé
L’Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de
langue française en 1948, de son célèbre « Orphée
noir », ainsi que Les Damnés de la terre en 1961, Fanon
ne s’est pas empêché de reprocher plus tard à Sartre
d’avoir détruit l’« enthousiasme noir » (1985 : 96).
À quoi renvoie l’engagement chez les écrivains
et artistes négro-africains en 1956 ? L’écrivain
camerounais Patrice Nganang s’interroge sur la
présence de Sartre en littérature africaine :
Comment y échapper ? Prenons le concept d’engagement qui
plus que tout marque l’évidence de la présence sartrienne dans
la pensée africaine, autant qu’il est utilisé par la critique pour
Comment entrer dans l’histoire du continent ? Outre
que l’usage de Sartre est pris avec précaution comme
on le verra plus tard, les modalités de l’inscription
de l’histoire africaine par l’écrivain ne font pas
l’unanimité.
La communication de Léopold Sédar Senghor
« L’Esprit de la civilisation ou les lois de la culture
négro-africaine » (1956), inspirée de sa négritude
exaltante de la « culture africaine/noire », a soulevé
plusieurs réactions négatives dont celle, pondérée, de
l’Américain Richard Wright et celle, plus virulente,
du Haïtien Jacques-Stéphen Alexis. Le premier veut
qu’on reconnaisse l’éclatement de cette culture et les
spécificités de l’« American Negro », aux prises avec des
civilisations industrielles. Le second accuse Senghor
de se livrer à des « déclarations d’amour à la culture »
(1956 : 71) 6, sans allusions aux problèmes africains des
indépendances et de la formation des nations. Bref,
Senghor prônerait un « monde noir » en désuétude,
sans aucun regard sur l’avenir. Alexis reprochera aussi
à Senghor d’employer un singulier dans « culture
noire », omettant de prendre en compte les variantes
de chaque groupe géographique ou historique. La
réplique de Senghor à Alexis va se fonder sur la notion
d’engagement pour justifier le retour aux sources :
Et c’est pourquoi, justement, nous avons commencé par faire
l’inventaire de la culture noire (appl.) Voilà le problème ! Il
n’est pas question d’un « art pour l’art ». Je vous ai montré que
la littérature négro-africaine était une littérature « engagée »
et incarnée. Pendant l’occupation, j’ai recueilli des chants de
Résistance, par les paysans sérères. Aujourd’hui encore, il y
a des poèmes contre le colonialisme. Aujourd’hui encore, on
montre comment l’Argent, comment la civilisation capitaliste
se fonde sur l’Argent. Seulement, si les œuvres qui traitent de
cela ne répondaient pas à l’esthétique négro-africaine, elles ne
pourraient pas être goûtées… Voilà les raisons pour lesquelles
nous avons commencé à faire l’inventaire de l’Afrique noire.
(Ibid. : 72)
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La défense de Senghor s’approprie l’idée de
littérature engagée appliquée à la défense des
cultures africaines. Le rejet de l’art pour l’art chez
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Senghor est une défense contre les accusations faites
à propos des « déclarations d’amour à la culture »
du passé. D’où la thèse de Senghor qui consiste
à (dé)montrer l’engagement de ses textes. Il est
intéressant de constater que le « témoignage contre »
devient ici engagement à travers les « poèmes contre
le colonialisme ». Le rejet du capitalisme renvoie au
lien que les premiers écrivains entretenaient avec la
lutte marxiste, se rapprochant ainsi de l’engagement
sartrien.
À Wright qui ne semble pas à l’aise avec l’idée
d’une culture africaine du passé qui englobe des
Noirs du monde entier, Senghor répond en citant
l’un de ses poèmes, et en estimant que l’engagement
est un pont jeté entre des peuples noirs éparpillés sur
plusieurs continents :
Je me rappelle que, lorsque nous avons découvert Wright, nous
avons été frappés par ses poèmes : « Je suis noir, et j’ai vu des
milliers et des milliers de mains noires fraternellement unies
avec des mains blanches. » Ce poème, si on l’analysait, était
un poème « engagé », était un poème image, était un poème
rythme. Wright, sans s’en apercevoir, était dans la ligne négroafricaine ! (Ibid. : 74)
coloniale se perçoit comme victime révoltée, c’est-àdire une victime qui témoigne, en écrivain engagé,
contre la déshumanisation du Noir, palpable à travers
les conséquences de l’esclavage et de la colonisation.
Tout compte fait, chez Sartre comme chez les écrivains
noirs, la notion de littérature comporte un caractère
altruiste dans « témoigner ou s’engager pour », alors que
le témoignage, dans le contexte des génocides, vient
de la victime qui parle, par « devoir de mémoire », pour
soi et pour les siens disparus.
2. Écrire par « devoir de mémoire »
et responsabilité de l’écrivain
Un groupe d’auteurs africains s’était rendu au
Rwanda, de juillet à août 1998, avec pour mission
d’« Écrire par devoir de mémoire ». L’opération avait
été décidée en novembre 1995, le jour même où
les écrivains réunis à Lille venaient d’apprendre la
pendaison de Ken Saro Wiwa, au Nigéria, par la
junte militaire. Chez ces écrivains, la littérature postgénocide tenait d’une prise de conscience qui oblige
collectivement. À l’initiative, entre autres, de Nocky
Djedanoum et Wole Soyinka, ces écrivains organisent
un festival de littérature africaine « FestAfrica » au
Rwanda, auquel participent le Sénégalais Boubacar
Boris Diop, le Tchadien Koulsy Lamko, le Guinéen
Tierno Monénembo, le Malgache Jean-Luc
Ragarimana, le Djiboutien Abdourahman Waberi,
l’Ivoirienne Véronique Tadjo, la Burkinabée Monique
Ilboudo et deux dramaturges Rwandais Jean-Marie
Vianney Kayishema et Kalisa Lugano. Revenus en
2000 au Rwanda, pendant dix jours, ces écrivains,
en majorité francophones, ont présenté leurs œuvres
au public. Quelques autres écrivains, pour la plupart
d’origine européenne, canadienne, belge et française,
représenteront le génocide en dehors d’un contexte
organisé 8. Cependant, de part et d’autre, tous les
écrivains du génocide des Tutsi ont ressenti un
malaise à parler d’un génocide non vécu, de surcroît
au travers d’œuvres fictionnelles, chez certains.
L’écrivain qui « témoigne » du génocide des Tutsi
n’est pas nécessairement la victime qui parle pour soi.
Comment définir, dès lors, la mission de l’écrivain ?
L’un des initiateurs du projet, le Tchadien Nocky
Djedanoum, s’explique :
Les Actes du Premier Congrès sont importants
pour comprendre l’appropriation du langage de
l’engagement par des auteurs négro-africains. En plus
d’un engagement compris comme dénonciation, prise
de conscience, révolte, combat, mise de l’avant des
valeurs noires depuis Batouala (1921) de René Maran,
Senghor associe l’engagement à la (aux) culture(s)
africaine(s). La ligne de partage ne serait pas aussi
claire. Le va-et-vient entre l’engagement revendiqué
et le témoignage assumé conduit à affirmer que le
témoignage était envisagé non sous la forme d’un
nouveau registre, mais comme un attribut d’une
littérature engagée à tendance holistique.
Qu’est-ce que la littérature ? comprend certaines
références proches du témoignage. Sartre se demande,
par exemple, si l’on veut écrire à propos « des papillons
ou de la condition des Juifs » (2002 : 31) et, vers la fin
de son ouvrage, il renchérit la mission de l’écrivain :
« C’est notre tâche d’écrivain que de représenter le
monde et d’en témoigner » (ibid. : 284 ; c’est nous qui
soulignons) 7. Donc l’artiste africain de la période
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comme « oreilles» et « yeux ». Le « si possible » atténue
la confiance de la romancière en sa capacité de relayer
la parole du survivant. C’est du côté de l’engagement
que la fiction dissipe le doute :
Face aux guerres et aux conflits qui se répètent sur le continent
africain, face particulièrement à ce terrible génocide du
Rwanda, pouvons-nous nous limiter au seul acte de création ?
N’avons-nous pas une obligation morale à nous impliquer
plus, à nous impliquer autrement ? Pourquoi sommes-nous
devenus aphones face à nos propres tragédies ? À la suite
des voix fortes qui ont contribué à la décolonisation et
accompagné (pour certaines) l’après-indépendance, les voix des
intellectuel(le)s africain(e)s ont perdu de leur vigueur. Il est
vrai que les longues années de dictatures, avec leur lot d’exils,
n’ont pas été propices à l’expression d’opinions contradictoires.
(Ibid. : 240)
Poser les pieds et les yeux sur cette terre de recueillement et
de mémoire. Entendre et écouter le Rwanda avec nos propres
oreilles, voir le Rwanda avec nos propres yeux… Malgré la
douleur profonde, des enfants, des femmes et des hommes,
rescapés du génocide ou non, nous ont ouvert la porte de leur
mémoire. Ils ont raconté pour nos oreilles et nos yeux cette
mémoire tragique. Poser un acte de mémoire après ce que nous
avons entendu, écouté et vu. Quelle responsabilité ! Comment
représenter cette mémoire le plus rapidement possible ? Nous y
avons répondu sans prétention par la littérature, le théâtre, la
danse et le cinéma. Nous ne voulions pas plus nous enfoncer
de nouveau dans nos silences complices. Nous avons pris nos
responsabilités devant l’histoire… Nous allons questionner la
mémoire et cheminer contre l’oubli, et par conséquent contre
les révisionnistes et les négationnistes. (2000 : 7)
Le projet fait écho au témoignage, comme on le
voit avec les verbes « écouter » et « voir », et le mot
« mémoire », tout en suggérant un certain engagement
de l’écrivain, visible dans le mot « responsabilité ».
Le choix du titre « Écrire par devoir de mémoire »
relève du vocabulaire de la littérature de l’Holocauste.
La tendance des écrivains qui ont participé à cette
opération a été de reconnaître un double héritage :
engagement et témoignage. Les deux facettes
d’une même écriture se justifient dans la mesure
où l’écrivain-témoin, d’une part, s’inscrit dans
une tradition littéraire africaine aux prises avec de
multiples formes de violence et, d’autre part, s’investit
dans un domaine dominé par des études sur la Shoah.
Monique Ilboudo du Burkina Fasso, auteur du
roman Murekatete, le reconnaît : « Le projet Rwanda,
écrire par devoir de mémoire a, dès le départ, été placé
sous le double signe du devoir de mémoire et de
l’engagement » (ibid. : 70). Cependant, la dimension
de témoignage est la partie difficile à assumer par un
tiers :
Mais puisque j’étais là, j’ai décidé, non de tenter de
comprendre ce qui, à mon avis, dépasse l’entendement, mais
d’ouvrir grandes mes oreilles, grands mes yeux pour écouter,
pour regarder et pour témoigner si possible. (2009 : 236)
Ainsi donc l’engagement des écrivains au
Rwanda découle-t-il d’une certaine continuité avec
la dénonciation du système colonial chez Mongo
Beti, des dictatures dans La Vie et demie de Sony
Labou-Tansi (1979) ou Les Crapauds-brousse de Tierno
Monénembo (1979). Abdourahman Waberi est
beaucoup plus sceptique envers la capacité du tiers à
témoigner. Il le dit dans sa préface à Moisson de crânes :
Cet ouvrage s’excuse presque d’exister. Sa rédaction a été très
ardue, sa mise en chantier différée pendant des semaines et
des mois. N’était le devoir moral contracté auprès de divers
amis rwandais et africains, il ne serait pas invité à remonter
à la surface aussi promptement après deux séjours au pays des
Mille Collines. (2000: 13)
Le problème réside dans le rôle du tiers comme
dans la forme d’écriture. La fiction semble présenter
des limites. Moisson de crânes n’est devenu possible que
par la parole donnée. L’auteur hésite quant au rôle
qu’il joue. L’hésitation est si profonde qu’il n’est plus
prêt à recommencer :
Il y a quelques mois, Monsieur Nocky Djedanoum, directeur
du festival lillois « Festafrica » et organisateur du projet
« Rwanda : Écrire par devoir de mémoire » en 1998, m’a
demandé si je serais prêt à participer à un projet similaire
pour rendre compte de la tragédie du Darfour. Ma réponse
a été clairement négative. Il n’est pas judicieux de réitérer
l’expérience rwandaise à chaque fois qu’une crise de grande
On retrouve les caractéristiques du témoignage dans
les formes verbales « j’étais là », « écouter », « regarder » et
« témoigner », ainsi que dans des syntagmes nominaux
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cet auteur que le Rwanda laissera le plus de taches
ensanglantées. Le témoignage ou l’engagement
trouvent de nouveaux accents. Boris Diop propose
une relation intrinsèque entre l’oeuvre de création
sur le génocide et le destin de l’écrivain : « Ce séjour
au Rwanda, chacun de nous l’a intégré à sa propre
existence, avec discrétion ou au contraire en hurlant
à chaque occasion sa colère » (ibid. : 34). Il illustre ses
propos, en note infrapaginale, en citant le cas du
poète tchadien qui avait décidé de rester au Rwanda
de 1998 à 2002 en enseignant à l’université et en
créant un centre universitaire des arts (ibid.).
Nous pourrions penser à une sorte de littérature
engagée. Mais, en même temps, l’écrivain qui a visité
le Rwanda intègre la dimension du témoignage à
travers laquelle la fiction colle à la réalité. L’autre
rencontre est celle de l’écrivain avec soi-même :
Le plus important a sûrement été une autre rencontre, celle
de chacun de nous avec soi-même. Il est aisé de comprendre
que tant de souffrances ne puissent se refermer sur elles-mêmes
du jour au lendemain. Au-delà du devoir de mémoire, ce
voyage au bout de l’horreur s’est révélé une formidable leçon
d’histoire. (Ibid. : 33)
envergure éclate en Afrique. De plus, l’honnêteté veut que je
confesse que si j’avais su ce qu’était le Rwanda, je n’y serais
probablement pas allé. En tout cas, je ne me serais sans doute
pas engagé aussi spontanément. (2009 : 231)
Le malaise est si profond qu’on penserait à une
démission de l’écrivain. Les deux dimensions de
témoignage et d’engagement sont donc mises en
cause. On constate en fait le refus de la demande
excessive d’une écriture qui redresserait le désordre
social. Faut-il dès lors faire le procès du projet « Écrire
par devoir de mémoire » ? Loin de là ! La forme verbale
« je confesse » renforce ce que l’auteur avait déjà écrit
dans sa préface du livre rwandais : « ce livre s’excuse
presque d’exister ». À regarder de plus près, ce qui
paraît être la crise au Rwanda ou au Darfour est en
soi la crise de l’écrivain provoquée par l’incapacité de
dire l’indicible. Les excuses, la confession, le refus de
reprendre l’expérience rwandaise au Rwanda ou au
Soudan, à titre d’écrivain, témoignent plutôt d’une
prise de conscience des limites de la fiction ou de ce
que l’auteur va appeler « mon petit métier » :
Le Rwanda a transformé quelque chose en moi : je dirais
même pour utiliser un gros mot qu’il y a eu une « montée
en humanité en moi ». Ces deux mois m’ont permis, malgré
l’incapacité à dire le réel, de monter en graine, de m’interroger
sur mon petit métier. Par exemple, aujourd’hui je travaille sur
Walter Benjamin, je sais que sans l’expérience rwandaise,
je n’en serais pas là. Mon dernier roman, Aux États-Unis
d’Afrique, est lié au Rwanda aussi de manière souterraine.
C’est une espèce de revisitation de l’Afrique en tant que
continent, et même en tant que signe au sens sémiologique du
terme en même temps qu’un retour sur le panafricanisme qui
a mis fin à mon tête-à-tête avec Djibouti, mon pays d’origine.
(Ibid. : 232-233)
L’histoire qui complète la mémoire insiste sur
la réalité de la situation à décrire et son effet sur les
écrivains. L’œuvre se trouve aussi « infestée » par la
réalité. Le style de Boris Diop change quand il s’agit
d’écrire sur le génocide. Dans son roman Murambi : le
livre des ossements (1999), il choisit intentionnellement
une écriture dépouillée et l’explique :
Au bout de quelques jours, nous avons tous senti que la
seule façon de restituer cette détresse dans sa profondeur
était de faire le pari de la simplicité. À la lecture de nos
ouvrages sur le génocide, on s’aperçoit très vite qu’ils ont
en commun le dépouillement et la pudeur. Quels genres
d’écrivains aurions-nous été si nous étions revenus du
Rwanda gonflés par la vanité et seulement désireux de
montrer que nous avions du talent pour les pirouettes et les
métaphores ? (2007 : 33)
Le pessimisme se tourne en optimisme. La
transformation est du côté de l’écrivain. L’opération
d’écriture à laquelle il participe est une façon de
se réconcilier avec l’Afrique. L’« incapacité à dire le
réel » rejoint l’écrivain sénégalais Boubacar Boris
Diop lorsqu’il confie : « être allé au Rwanda m’a fait
comprendre qu’il fallait surtout y voir du désespoir
et le sentiment, quasi informulable, de ma propre
impuissance » (2007 : 27). C’est principalement chez
Engagement ou témoignage, la littérature postgénocide est identifiable par son style dépouillé et
par l’implication de l’écrivain. D’autres écrivains
et critiques qui n’ont pas participé à ce projet
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s’interrogent sur le sens et la pertinence de cette
nouvelle littérature.
Fanon, Ngugi wa Thiong’o et Sara-wiwa. Pour résumer
l’engagement de l’Africain ultérieur à l’« Expédition
rwandaise », on peut dire qu’il quitte le seul monde du
texte pour s’actualiser de plusieurs façons :
Nous voyons des intellectuels devenir guérilleros, des écrivains
mettre leurs plumes et leurs vies au service d’une révolution,
et la littérature s’identifier avec les droits d’un groupe qui
se considère opprimé par un autre. Une telle implication
exige que l’artiste prenne une position éthique et exerce une
grande autorité morale qui réduit la fonction de l’art à de la
propagande, et fait passer avant tout le reste la volonté de
mettre en échec ce qui est considéré pour être mal. (Ibid.)
3. De la littérature post-génocide
Manthia Diawara, dans son article « La littérature
africaine et l’expédition rwandaise », se montre
sceptique sur les horizons du projet « Écrire par devoir
de mémoire » qu’il analyse à partir d’un engagement
qui serait politique et ne tiendrait pas compte des
autres formes de violence. Ce projet, d’après lui,
présenterait surtout le risque de pérenniser le statut
de la victime. Répondre à ces défis consiste à revenir
sur le rôle de la victime :
L’Expédition rwandaise des écrivains africains soulève un
certain nombre de questions importantes pour les artistes
et intellectuels africains vivant en Afrique et à l’étranger
aujourd’hui. Il y a d’abord la question de l’implication
politique vue comme un devoir moral pour l’artiste, à une
époque de violations massives des droits humains, non
seulement au Rwanda, mais aussi en Sierra Leone, au Soudan,
en République Démocratique du Congo et en Côte d’Ivoire.
Que peut faire le poète ou l’intellectuel sous la menace d’un
régime répressif dans un pays isolé d’Afrique auquel le reste
du monde tourne le dos ? Enfin, si l’artiste s’implique, pour
qui écrit-il ou écrit-elle ? J’aborde ici cette question du statut
de l’artiste et de l’intellectuel public en Afrique, et celle de
l’accueil et de la légitimité que ces artistes et intellectuels
rencontrent dans le public, car ce sont, je crois, les questions
posées par l’Expédition rwandaise. (2002 ; texte en ligne)
La nouveauté est de voir un projet qui embarque
collectivement des Africains. Mais, en même temps,
le professeur guinéen formule quelques griefs contre
le projet parmi lesquels le risque de faire des Tutsi des
victimes permanentes, chez certains écrivains celui de
s’être identifiés aux victimes tutsi, mais surtout celui
d’avoir forgé un parallèle avec les victimes juives :
Je fus donc surpris de découvrir que certains écrivains de
l’Expédition Rwanda ont fait un parallèle avec le modèle
israélien pour décrire l’expérience tutsi au Rwanda. Pour le
génocide, ils ont utilisé des expressions comme « holocauste »,
« Shoah tutsi », « solution finale », « plus jamais », « diaspora
tutsi », « négationniste et révisionniste ». Les écrivains furent
aussi influencés par les travaux sur l’holocauste d’écrivains
juifs comme Primo Levi et Elie Wiesel. Finalement, ils ont
permis que leurs écrits justifient le point de vue que les Tutsi
sont les victimes permanentes, même si un gouvernement
dirigé par des Tutsi occupe le pouvoir. Cette logique de
victime permanente tutsi mobilise tout le pays contre un seul
ennemi – les extrémistes hutu au Rwanda et en RDC – au
détriment de la reconstruction de la nation, de la paix et de la
réconciliation. (Ibid.)
Diawara se met à répondre aux questions en
estimant que le sens de l’engagement dans ces
textes s’inscrit dans une continuité en littérature
africaine inaugurée, dans un premier temps, par la
négritude dans sa lutte contre le racisme et contre
la colonisation de l’Afrique. Le deuxième moment
d’engagement, d’après lui, est marqué par Les Damnés
de la terre de Fanon en tant que document définitif sur
la décolonisation et la violence des droits de l’homme.
Le troisième moment concerne des écrivains qui ont
mis leurs vies en danger en dénonçant des dictatures
africaines, se condamnant, pour certains comme
Ngugi wa Thiong’o, à l’exil.
Cette littérature qui a précédé le phénomène
rwandais se voit résumée chez Diawara par Césaire,
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En plus de s’opposer au lien qui serait forgé avec
Israël, il reprend la critique récurrente qui blâme
le fait de penser le génocide des Tutsi à partir des
catégories de l’Holocauste. Diawara quitte aussi le
monde du texte pour exprimer ses réserves vis-àvis du pouvoir de Kigali. Ses prémisses limitent sa
conclusion. Il est vrai que l’idée d’engagement met le
critique en droit de questionner une œuvre littéraire
ou un écrivain en rapport avec les enjeux de la
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reconstruction d’un pays et d’un pouvoir politique.
La grande faiblesse de l’analyse de Diawara est d’avoir
oublié d’inclure la dimension du témoignage au projet
« Écrire par devoir de mémoire ». Le témoignage a sa
propre économie basée sur la victime qui parle de
sa souffrance. Or, Diawara s’enferme dans le « je »
de l’écrivain engagé et ramène le « je » du narrateur
victime à l’« intention » de l’auteur. Pourtant, le
témoignage est non pas une lutte, mais une histoire
qu’on raconte et qui se suffit à elle-même.
La littérature africaine post-génocide est enracinée
dans un double héritage d’engagement et de
témoignage. Elle est engagée dans sa relation avec les
œuvres africaines ; elle est en dialogue avec des œuvres
étrangères parce qu’elle a comme objet un génocide
sans précédent en Afrique. La convocation de Levi et
de Wiesel relève justement de l’inscription de cette
littérature dans le champ du témoignage. Ce que
Diawara dit de Levi ou de Wiesel pourrait être dit de
l’engagement. En d’autres termes, en quoi Sartre est
plus légitime que Levi dans la littérature relative au
génocide 9 ?
Le projet « Écrire par devoir de mémoire » a
accouché d’une littérature post-génocide qui se
donne comme un retour de l’écrivain sur soi, un
procès d’une écriture qui, par essence, vient toujours
longtemps après les événements. Mais cette littérature
qui précède le génocide est un tournant dans la
mesure où l’après-génocide, comme lieu d’écriture
ou de nouveaux paradigmes, expose la fragilité de
la circonscription, par les sciences humaines et
sociales, d’un objet d’étude qui les déborde. Dès
lors, le génocide s’écrit à partir d’un trou, d’une
faille, qui oblige à opérer un tournant pour pouvoir
réévaluer les cadres théoriques des champs littéraires.
Il s’ensuit que le génocide entraîne irrésistiblement
la reconstruction ou la refondation de la littérature
africaine dans son itinéraire, sa thématique, son
écriture ainsi que son identité. Cette littérature postgénocide, est-elle rwandaise ou ivoirienne, européenne
ou américaine ? Est-elle témoignage ou engagement ?
Toujours est-il que le génocide s’est collé, entre autres,
au domaine littéraire :
On ne peut plus aujourd’hui écrire en Afrique, comme si le
génocide de 1994 au Rwanda n’avait jamais eu lieu. Pas
parce que la temporalité et avec l’histoire ne connaissent pas
la régression. Le génocide qui eut lieu dans les Grands Lacs
en 1994 n’est pas seulement la culmination sur le continent
africain du temps de la violence qui, au Rwanda même, avait
déjà plusieurs fois, bien avant, fait son apparition dans des
tueries, des massacres, et même dans des génocides. Tragédie
la plus violente que l’Afrique ait connu ces derniers temps, il
est aussi le symbole d’une idée qui désormais fait corps avec
la terre africaine : l’extermination de masse perpétrée par des
Africains sur des Africains. C’est en tant que tel qu’il entre
dans le domaine de la philosophie africaine, car peut-on encore
sérieusement penser en Afrique de nos jours, en excluant l’idée
de l’autodestruction ? Peut-on encore écrire l’histoire africaine
à partir du cocon de la culture de l’innocence ? À partir d’une
généalogie de la victime seule ? Peut-on encore parler d’un
espace « spécifiquement africain » de l’humain ? Un fait est sûr,
aujourd’hui, l’idée génocidaire est de plus en plus investie dans
la pratique de la politique, autant que le concept du génocide
s’est installé dans l’imagination des artistes, comme barrière,
comme limite ; et surtout pas seulement pour ces écrivains-là
qui, quatre années après les massacres, sous la férule d’un
festival littéraire, sont allés visiter les collines sanglantes du
pays de la mort, pour produire des œuvres exprimant une
« réaction africaine ». (Nganang, 2007 : 24-25)
L’écrivain camerounais Patrice Nganang n’a pas
fait le déplacement de Kigali à l’époque. Il considère
le drame du génocide au Rwanda comme une
métaphore, ou mieux la somme des crises africaines.
Le génocide est pour lui un nouveau point de
départ de plusieurs domaines, en plus de celui de la
littérature. L’une des caractéristiques de cette nouvelle
littérature est, par-delà l’Afrique, de poser le problème
humain de la violence. En outre, elle s’inscrit dans
un espace africain et met ainsi à nu « l’extermination
des Africains par des Africains » et, par là, elle ouvre
le procès de l’Afrique innocente appelée à assumer
ses contradictions et ses tragédies. Comment situer
une telle perspective dans la négritude « engagée » et
exaltante des valeurs traditionnelles africaines chez
Senghor ?
Le Nigérian Wolé Soyinka a toujours été critique
vis-à-vis de la négritude. Il s’était insurgé contre un
mouvement qui se limitait à une Afrique précoloniale
et idyllique. Il est parmi les premiers intellectuels
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africains à avoir dénoncé le génocide dès mai 1994 10.
Dans une interview, il reviendra sur le cas du Rwanda
en rapport avec le génocide :
Je veux bien qu’on parle de la négritude, mais alors comment
expliquer les massacres au Rwanda ? Est-ce de la négritude ?
Vous voyez, c’est de tels problèmes douloureux que nous
devons affronter, que la négritude devrait évoquer ! Et non
l’atmosphère romantique et idyllique qui l’entourait au
moment de son apparition. (2001 ; texte en ligne)
Nganang présente comme « prologue du génocide des
Tutsi Rwandais » (2009 : 90).
Alain Mabankou du Congo Brazzaville s’engage
dans une écriture qui ne s’essouffle pas : ses narrateurs
racontent sans le moindre point du début à la fin.
Dans Verre cassé, une référence au génocide est
faite par « des coupe-coupe hérités d’une saison de
machettes au Rwanda » (2005 : 15). Reprenant le
recueil de témoignage de Jean Hazfeld, Une saison de
machettes (2003), Mabanckou, tout en le paraphrasant,
s’intéresse aux œuvres sur le génocide. Dans sa
communication au colloque « Génocide des Tutsi et
reconstruction des champs du savoir » tenu à Kigali du
23 au 25 juillet 2008, l’auteur réfléchit sur le rôle des
écrivains africains et sur ce que les récits de génocide
apportent à la littérature :
[…] mon sort est désormais lié à celui d’une génération
d’écrivains dont la plume a vu le jour avec le génocide des
Tutsi au Rwanda. En 1994, mon problème n’était pas alors
de savoir comment écrire après ce génocide mais comment
écrire pendant cette barbarie qui endeuillait le pays des Mille
Collines pratiquement quelques mois avant la publication de
mon premier livre, Au jour le jour, un recueil de poèmes qui ne
fut lu que par quelques-uns de mes amis…
(2008 ; texte en ligne)
Le génocide au Rwanda est une mise en cause
d’une certaine négritude, donc d’une certaine forme
d’engagement. L’engagement ou la négritude chez
Soyinka ne devraient pas être une dénonciation de
l’Occident ou un retour nostalgique aux traditions
africaines. L’écrivain nigérian invite à affronter des
problèmes contemporains. Une autre caractéristique
de cette littérature serait donc de prendre conscience
des problèmes qui déchirent l’Afrique et d’en
accepter la responsabilité. Répondant à une question
spécifique sur le Rwanda, Wolé Soyinka renchérit :
Pour moi, il est toujours important de reconnaître son propre
rôle et sa propre responsabilité, parce que nous ne pouvons
pas continuer à blâmer le monde extérieur pour toutes
nos guerres. Mais le cas du Rwanda est très complexe. La
politique coloniale belge, la politique coloniale française qui
consistaient à manipuler les consciences des Hutu et des
Tutsi, à les monter l’une contre l’autre, tout cela a contribué
à alimenter le génocide. [...] Mais une fois que cela a été dit
et fait, c’est finalement nous qui « fauchons » nos propres
frères. C’est nous qui avons pris les machettes et qui avons tué,
c’est nous qui avons organisé les massacres. […] En somme,
les responsabilités sont partagées. Nous ne devons jamais,
jamais nier notre propre culpabilité dans un tel crime contre
l’humanité. (Ibid.)
Alain Mabanckou rejoint son collègue camerounais
sur l’idée d’une nouvelle génération d’écrivains.
En réalité, ce n’est pas le fait d’être né après les
indépendances africaines ou d’écrire avant ou après
le génocide qui importe, mais le fait qu’un génocide
change le cours de la littérature africaine 11. La relation
entre le génocide et l’écrivain reste complexe :
Quatorze années après ce génocide des Tutsi au Rwanda,
l’écrivain d’Afrique noire francophone n’est donc certainement
pas encore en mesure de cerner ce que les sociétés africaines
attendent de lui. En réalité nous assistons à une
recomposition du statut de l’écrivain et de sa perception
dans nos sociétés. Cet écrivain sait désormais que son rôle
dans la reconstruction des savoirs, dans la pérennité de la
mémoire est plus que jamais murmuré sur toutes les lèvres.
On lui demande donc de s’exprimer, de dénoncer. C’est une
commande sociale. Et s’il ne l’exécute pas – ou si l’on croit
qu’il ne l’a pas exécutée –, c’est sa création qui se trouve mise
en cause. (Mabanckou, 2008 ; texte en ligne)
Il y a chez Soyinka et Nganang une convergence
d’idées. Nganang, dans sa réflexion sur le génocide,
se demande si l’inscription du génocide en littérature
n’a pas inventé un nouveau genre littéraire en Afrique
et si elle n’a pas jeté un sort sur une « génération »
d’écrivains nés après les indépendances aux prises avec
des violences d’un État contre le citoyen africain. La
littérature créée serait une littérature du témoignage
qui inclurait la fiction sur la guerre du Biafra que
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La demande d’engagement vient de la société
qui donne l’ordre. Or, c’est ce qui est difficile à
exiger d’un écrivain qui se veut maître de son texte.
Mabanckou recourt à sa dimension d’humain pour
se sentir concerné tout en reconnaissant que le rôle
de l’écrivain est entamé et qu’il ne peut pas ne pas
tenir compte de la demande sociale. Les termes
de l’engagement sont redéfinis dans le cadre du
génocide :
Il n’y a pas de littérature neutre… Chaque écrivain est par
voie de conséquence un engagé – voire un enragé. En célébrant
la vie, il s’engage dans son époque. En remuant le passé, il
s’engage dans son époque. En écoutant le murmure de l’autre
monde, il s’engage dans son époque. (Ibid.)
interrompre et accaparer par les récits intemporels et
utopiques de la fiction.
Cette littérature, outre qu’elle a le Rwanda comme
espace réel, reconfigure la notion géographique
d’identité d’une œuvre en traversant plusieurs genres,
plusieurs continents et plusieurs langues. Elle est
en même temps rwandaise, sénégalaise, française,
belge, canadienne, américaine, francophone et
anglophone. On pourrait considérer, du point de
vue de l’engagement, que cette littérature établit
une complicité entre l’auteur et son œuvre. Du
point de vue du témoignage, l’auteur témoigne en
tant que tiers, mais aussi à travers la création de ses
personnages.
L’engagement consiste donc à « faire face au
moment présent » en invitant l’écrivain à dialoguer
avec sa société. Ce « moment présent » marque la triade
« écrivain-œuvre-société ». Ce « moment présent » fait
basculer l’œuvre vers un avenir proche qui s’exprime
au présent : « je m’engage ». La dimension testimoniale
consiste à rétablir les liens entre le présent et son
arrière-plan fondamental et blessé qu’on voit dans
« remuer le passé ». Le défi de l’expression littéraire est
donc de situer l’œuvre au carrefour de l’engagement
et du témoignage. L’écrivain africain de la période
post-génocide incorpore une nouvelle dimension à
l’engagement qui s’entrecroise avec le témoignage,
la réceptivité. Cette dernière accompagne désormais
l’acte d’écrire traduit par l’écoute : « En écoutant le
murmure de l’autre monde, il [l’écrivain] s’engage
dans son époque » (ibid.). Celui qui écrit est celui qui
écoute. En d’autres termes, écouter ou recueillir pour
écrire fait du texte littéraire une œuvre de réceptivité.
En somme, la littérature africaine post-génocide
s’empare d’un événement qui a eu lieu et en fait son
objet d’étude. Elle s’inscrit dans la dynamique de
l’engagement et tente, dans la mesure du possible,
de rendre compte de la parole du rescapé. Cette
parole est la même et l’autre. Elle est la même dans
la mesure où la littérature veut rendre témoignage
par procuration. Elle est autre en ce sens que le
témoignage du survivant prend une forme nouvelle au
contact des modalités de la fiction. L’histoire « vraie »
du survivant et le lieu fixe du Rwanda 94 se laissent
Notes
1. Sartre dit entre autres : « L’écrivain peut vous guider et s’il vous
décrit un taudis, y faire voir le symbole des injustices sociales,
provoquer votre indignation » (2002 : 16). Et ailleurs, il poursuit :
« L’écrivain “engagé” sait que la parole est action » (ibid. : 28).
2. Il écrit et cite la lettre de Paulhan à Etiemble du 8 avril 1953 :
« Quelle bonne idée, ironise Paulhan, d’obliger chaque collaborateur
à une revue de montrer d’abord son casier judiciaire ! Son livret
scolaire, pourquoi pas ». Winock poursuit librement la citation liée au
commentaire : « Paulhan se demande toujours pourquoi un “indigne
national” serait incapable d’écrire un très beau poème ou un bon
roman. La prison d’Oreste s’y prête assez bien » (1999 : 592).
3. J.-P. Sartre dans une présentation des Temps modernes, cité par Annie
Cohen-Solal et repris dans E. Traverso (1997 : 217-218).
4. Emmanuel Levinas parle de l’apport de l’existentialisme
sartrien contre l’antisémitisme dans ce qu’il appelle « expériences
fondamentales du monde moderne » pour la cause de l’homme (2000 :
122).
5. Le premier témoignage de Primo Levi, Si c’est un homme, n’est
publié qu’en 1947 à 2 500 exemplaires chez Da Silva après un refus des
éditions Einaudi qui le publieront finalement en 1956. La première
traduction française ne date que de 1961, deux ans après la traduction
en anglais (source : « Vie de Primo Levi », dans Levi, 1995 : 86-87). Levi
confie : « Si c’est un homme a eu une carrière difficile. Il n’a été connu
que dix ans après avoir été écrit » (ibid. : 57).
6. L’expression « déclarations d’amour » revient avec une variante :
« déclarations verbales ».
7. Les mots « témoin » et « témoignage » sont récurrents dans le texte.
8. Le premier récit fictionnel sur le génocide des Tutsi, Yolena du
Congolais Pius Ngandu Nkashama, a été publié en mai 1995.
9. Diawara écrit par exemple : « Le problème de l’implication a toujours
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existé par rapport à la littérature et à l’art africains. Le premier poète de
la Négritude à s’être engagé fut Aimé Césaire lorsque, dans Cahier d’un
retour au pays natal, il affirma son identification avec le Congo contre
le colonialisme belge, et rendit hommage à la dignité et à l’héroïsme
de “ceux qui n’ont jamais rien inventé” par opposition aux inventeurs
d’armes de destruction massive et à ceux qui commettent pogroms et
autres crimes contre l’humanité au nom du progrès. Les poètes de la
Négritude ont risqué leur réputation pour la liberté de l’Afrique, leur
poésie tirant sa force du mouvement de décolonisation et de la lutte
contre le racisme. En France, où vivait la majorité de leur lectorat, les
poètes de la Négritude ont vu leur légitimité renforcée par le soutien de
Sartre, Breton et d’autres, intellectuels et artistes de l’époque » (2002 ;
texte en ligne). On ne reprocherait pas à Chambers de s’inspirer de
Levi pour parler du Sida.
10. Le 11 mai 1994, Los Angeles Times reportera de lui ceci : « All notions
of sovereignty with respect to Rwanda should be completely forgotten
and we should just go in and stop the killing ».
11. Pius Ngandu Nkashama et Boubacar Boris Diop ont écrit sur le
génocide et sont nés dans les années 1940.
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