Agathe Habyarimana, 82 ans, veuve de l'ancien président rwandais, fait l'objet d'une enquête pour complicité de génocide et de crimes contre l'humanité depuis 17 ans, pour son rôle suspecté dans le génocide des Tutsis. Les parties civiles l'accusent d'avoir été la cheville ouvrière de l'Akazu, le petit cercle d'extrémistes hutu au sein du pouvoir rwandais de l'époque, qui aurait planifié ce génocide.
Pour l’association Ibuka regroupant les rescapés du génocide contre les Tutsis, difficile de comprendre la décision des juges d’instruction français, rapporte notre correspondante à Kigali, Lucie Mouillaud.
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Nous avons appris avec consternation la décision qu’il n’y aura pas d’extension, mais nous avons toujours de l’espoir, il y a toujours des possibilités de faire des appels du côté de la partie civile, mais aussi du côté du procureur. Elle a joué un rôle et elle doit répondre devant la justice », explique Philibert Gakwenzire, président d'Ibuka.
Les juges rejettent l'extension de l'enquête
Parmi les requêtes du parquet rejetées par les juges, l’extension de l’enquête sur les mois précédant le génocide. «
Faire l’impasse sur les événements qui ont précédé le 6 avril, ça n’a pas de sens. Nous pensions que son procès pouvait être un exemple par rapport à d’autres cas similaires de responsables officiels ou officieux qui influent sur les événements sans nécessairement porter une casquette de leader politique au sens formel du terme. Il y avait chez moi comme chez beaucoup de Rwandais concernés, beaucoup d’espoir dans cette procédure », détaille Gasana Ndoba, ancien président de la commission des droits de l’homme au Rwanda et partie civile dans de nombreux procès en Europe.
Un appel contre la décision de justice est encore possible pour le parquet, qui aura alors trois mois pour préparer ses réquisitions.
Trois mois avant un non-lieu ?
Cependant, tout le monde, même les parties civiles, semblent convaincues que la juge d'instruction, qui a décidé de clôturer ce dossier sans inculper Mme Habyarimana, va prononcer dans trois mois un non-lieu définitif. De quoi faire voir rouge les parties civiles, même si elles sont décidées à se battre jusqu'au bout.
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De toute façon, il va y avoir un non-lieu. Je ne m'attends pas à ce qu'elle soit mise en examen par les juges d'instruction. Ça nous coupe les jambes, je ne sais pas comment dire cela autrement. Ça nous décourage quand même parce que le dossier date de 2007, on espérait tout au moins qu'il puisse avancer et maintenant les juges disent qu'il y a eu trop de délais, mais à qui la faute ?, déplore Dafroza Gauthier, une franco-rwandaise qui poursuit depuis 30 ans les génocidaires du Rwanda
. Ce n'est pas la faute des parties civiles. Pour nous, il y a un gros souci. Est-ce que cette personne est protégée, on peut le présumer », s'interroge-t-elle.