Fiche du document numéro 35022

Num
35022
Date
Vendredi 18 avril 2025
Amj
Taille
679742
Titre
RDC : Les milliards de dollars évaporés des mines katangaises
Sous titre
La hausse de la production et des prix ne bénéficie pas aux caisses de l’État.
Nom cité
Lieu cité
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
“La production de cuivre est en constante progression et le prix de cette matière première a atteint des sommets. Mais cela ne profite pas aux caisses de l’État central. Cela ne profite pas non plus au Katanga, que ce soit à Kolwezi, dans la province du Lualaba, ou à Lubumbashi, dans le Haut-Katanga, il n’y a aucun effet de cette double hausse”, explique un expert minier joint par téléphone ce jeudi à Kolwezi.

“Nous sommes les provinces qui produisons le plus de richesse pour le pays mais nous n’en tirons aucun bénéfice. La plupart des habitants du Haut-Katanga vivent sans électricité, sans eau courante, sans infrastructure routière et sans hôpitaux. Nous sommes condamnés à regarder nos richesses pillées à longueur de journée, à voir passer des camions surchargés de nos terres riches en minerais”, explique un membre de la société civile. Tous ont requis l’anonymat. “Le harcèlement, des militaires, le plus souvent des membres de la garde républicaine qui dépendent directement de la présidence de la République, n’est pas un vain mot ici. C’est le Far West, la loi de l’arme feu est toujours de vigueur ici”, poursuit l’un d’eux.

Nos témoins ont suivi l’élaboration du rapport du Centre de recherche en finances publiques et développement local (CREFDL) paru ce mois d’avril 2025. Le CREFDL est une asbl qui regroupe des experts congolais qui s’intéressent à la gouvernance financière et à son impact sur le développement des communautés locales.

Le CREFDL a procédé à une analyse technique des revenus du secteur extractif, pour les années 2020-2022. Ces chiffres démontrent une croissance importante de la production dans un contexte d’envolée des prix des matières premières. La valeur de cette production en République démocratique du Congo de 2020 à 2022 est estimée à 71,3 milliards de dollars. Une manne dont le gouvernement n’a capté que 12,5 milliards de dollars, soit 17,53 %. Ce qui signfie, selon les chiffres de l’asbl, que 58,7 milliards sont introuvables.

Le rapport pointe aussi le fait qu’entre 2020 et 2022, les recettes du secteur extractif (mines et pétroles) ont atteint un dépassement de 209 % par rapport aux prévisions budgétaire. Une augmentation qui ne se marque absolument pas dans les rentrées dans les caisses de l’État.

Où passe l’argent ?

Une autre structure, la plateforme des organisations pour la promotion et la défense des droits économiques, sociaux et culturels en RDC (DESC/RDC) a également rédigé un rapport sur la production extractive à la Gécamines dont le titre a le mérite de la clarté : Détournements, rétrocommissions et impunité. Ce rapport s’intéresse en particulier à la Générale des carrières et des mines (Gécamines), héritière de l’Union minière du Haut-Katanga, société dont la création remonte en 1906.

Ce rapport propose notamment un tableau édifiant sur la production des principales matières premières par la Gécamines de 1967 à 2024. Un tableau qui reprend la production du cuivre, du cobalt et du zinc sur trois grandes périodes. La première court de 1968 à 2001, la seconde de 2002 à 2017 (l’ère Joseph Kabila), la dernière va de 2018 à 2024 (sept années sous la présidence de Félix Tshisekedi).

L’amélioration des techniques a permis une hausse de la production au fil des ans, à l’exception des premières années très compliquées après les deux guerres du Congo sous le règne Kabila.

Sur la première, le Zaïre a produit en 34 ans 10 millions de tonnes de cuivre dont le prix oscillait entre 1 200 et 2 000 dollars la tonne, soit un chiffre d’affaires de 19 milliards de dollars. Sous l’ère Kabila, de 2002 à 2017, la production a flirté avec la barre des 7,5 millions de tonnes de cuivre qui se vendait entre 5 000 et 7 500 dollars la tonne, soit 41 milliards de dollars en 16 ans. Les premières années de Félix Tshisekedi, avec une demande soutenue ont vu la production dépasser les 13 millions de tonnes pour un prix de vente qui ne cesse de croître et qui dépasse désormais les 9 000 dollars, soit un chiffre d’affaires en 7 ans de 129 milliards de dollars.

Des chiffres qui donnent le tournis “mais il faut surtout constater que malgré ces rentrées pharaoniques sous Tshisekedi, rien ne se construit”, explique un des auteurs de cette compilation de chiffres. “Tout est détourné au profit d’une famille, d’un clan, d’une mafia, poursuit-il avant de poursuivre. Sous la colonisation, et c’est un Congolais qui fait cette observation, la Belgique avec une production moindre, des tarifs bien moins favorables et évidemment des coûts aussi moins élevés, a quand même construit l’essentiel des infrastructures que nous connaissons encore dans ce pays mais aussi de très beaux bâtiments et infrastructures chez vous. Nous, nous sommes condamnés à constater le gaspillage et l’enrichissement d’une classe sur le dos de la population congolaise”.

L’appétit minier de la famille présidentielle

Dans son travail sur l’exploitation des biens de la Gécamines, la plateforme des organisations pour la promotion et la défense des droits économiques, sociaux et culturels en RDC (DESC/RDC) s’est aussi plongée sur les bénéficiaires des exploitations illégales des mines et des remblais appartenant à la Gécamines. Comme les interlocuteurs que nous avions rencontrés dans un pays d’Afrique au mois de février dernier, ce rapport largement distribué cible particulièrement la famille présidentielle qui exploite une quinzaine de sites miniers.

“Et ce ne sont que les sites qui sont dans le portefeuille de la Gécamines”, explique un spécialiste des mines installé dans le Grand-Katanga. “C’est toujours le même scénario, ils envoient la garde républicaine pour accaparer le site. Ces militaires sécurisent l’endroit et la production passe aux mains des membres de la famille présidentielle. C’est aussi simple que ça”, explique-t-il en ajoutant que ce document circule depuis un peu plus d’un mois et que “personne ne l’a démenti ou remis en cause d’une quelconque façon”.

“Les Tshisekedi sont tellement certains de leur impunité qu’ils se cachent à peine. Ils exploitent ces gisements le plus souvent avec la complicité de sujets chinois. Des images ont fait, il y a quelques mois, le tour du monde sur les réseaux sociaux. On y voyait un ministre congolais tenter de s’introduire sur un site qui avait été confisqué par un membre de la famille présidentielle. Ce ministre s’est fait rosser comme un malpropre. Aujourd’hui encore, ce site est entre les mains d’un frère du président. “

Tous Belges

Dans le tableau confectionné par le DESC/RDC, ce sont donc plusieurs membres de la famille présidentielle qui sont cités comme bénéficiaires de l’exploitation de site appartenant à la Gécamines. Des frères, l’épouse, un cousin, un fils, une fille. La liste est impressionnante. “Ils sont tous du premier cercle de la famille présidentielle et ils sont aussi tous de nationalité belge”, poursuit notre interlocuteur.

“Le pillage est systématique. Ils n’investissent rien, ils se servent de la main-d’œuvre existante et des engins qu’ils ont dérobés. Ceux qui ont tenté de s’y opposer ont été molestés par la garde républicaine. Cette exploitation n’est que du bénéfice. Surveillez les réseaux sociaux et vous verrez comment des jeunes qui survivaient en Belgique sont soudainement devenus des milliardaires qui font la fête dans des jets. Regardez la flotte automobile de certains des frères. Certains bolides italiens circulent sur vos routes sans qu’il ne soit inquiété. Ni ici ni en Belgique”, ajoute un des auteurs de ce rapport.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024