Fiche du document numéro 34906

Num
34906
Date
Samedi 15 mars 2025
Amj
Taille
283974
Titre
Olivier Nduhungirehe, ministre rwandais des affaires étrangères : « Nous n’avons pas de soldats sur le sol congolais »
Sous titre
Alors que Kigali est accusé d’appuyer militairement les rebelles du M23 dans l’est de la RDC et que des négociations doivent s’ouvrir mardi 18 mars en Angola, le chef de la diplomatie rwandaise a répondu au « Monde Afrique ».
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Lieu cité
Lieu cité
Mot-clé
Mot-clé
M23
Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Olivier Nduhungirehe, le ministre rwandais des affaires étrangères, à Sotchi, en Russie, le 9 novembre 2024. STRINGER / AFP

Depuis que le Mouvement du 23-Mars (M23) a pris le contrôle de Goma, fin janvier, et de Bukavu, en février, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), les condamnations internationales contre le Rwanda se multiplient. Plusieurs rapports des Nations unies ont démontré l’appui militaire qu’apporte Kigali à ce groupe armé, estimant qu’entre 3 000 et 4 000 soldats rwandais combattent à ses côtés.

Olivier Nduhungirehe, le ministre rwandais des affaires étrangères, justifie les positions de son pays, plus de trois ans après la reprise du conflit et alors que l’Angola a annoncé qu’il accueillerait des négociations directes entre la RDC et le M23 mardi 18 mars.

Joao Lourenço, le président angolais, a annoncé que des pourparlers directs entre la RDC et le M23 vont avoir lieu. Ce serait la première en trois ans que Kinshasa et le groupe rebelle discutent directement. Considérez-vous que c’est une bonne nouvelle ?

Nous avons toujours dit qu’il fallait des négociations directes entre le gouvernement congolais et le M23, afin de s’attaquer aux causes profondes de la crise. Ce mouvement a repris les armes pour s’opposer à la persécution et la discrimination des Congolais rwandophones et en particulier des Tutsi, alors que des membres de cette communauté ont encore récemment été lynchés et que d’autres ont été victimes de cannibalisme. Ces problèmes doivent être réglés : les rwandophones doivent pouvoir vivre en paix et en sécurité en RDC.

Si les médiations ont toutes échoué jusqu’à présent, c’est parce que le président congolais refusait de discuter directement avec le M23. Donc ce dialogue serait une bonne chose. Mais je reste prudent : par le passé, Félix Tshisekedi a fait de nombreuses promesses qu’il n’a pas tenues. Je ne croirai à ces négociations que lorsque je verrai Félix Tshisekedi et le M23 assis autour d’une même table.

Félix Tshisekedi refusait jusque-là de discuter avec le M23 parce qu’il considère que c’est un groupe « terroriste ». Qu’est-ce qui, selon vous, a pu infléchir sa décision ?

Depuis la prise de Goma par le M23 [fin janvier], il y a une pression militaire sur le terrain qui s’est ajoutée à la pression diplomatique pour que ces négociations aient lieu. J’imagine que c’est ce qui l’a fait fléchir.

Plusieurs rapports des Nations unies affirment qu’environ 4 000 soldats rwandais combattent au côté du M23 en RDC, en violation du droit international. Reconnaissez-vous leur présence ?

Ces rapports rédigés par un groupe d’experts des Nations unies sont fallacieux. Croyez-vous vraiment que ces experts se sont rendus physiquement sur le terrain et qu’ils ont vu les 4 000 soldats rwandais ? Pour nous, ce groupe d’experts n’est pas un acteur crédible.

Mais reconnaissez-vous qu’il y a des soldats rwandais sur le sol congolais ?

Nous n’avons pas de soldats sur le sol congolais. Nous n’avons pas conquis de territoire. Le Rwanda a effectué des opérations ciblées le long de sa frontière et proportionnées à la menace qui plane sur nous.

A plusieurs reprises, Félix Tshisekedi a dit qu’il voulait renverser le gouvernement rwandais. En 2022, il a qualifié le régime de « diabolique ». Un an plus tard, il a menacé de bombarder Kigali. Il s’est allié avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), des milices « wazalendo » et l’armée burundaise. Il y avait aussi des mercenaires européens, roumains et français. Nous avons alerté la communauté internationale sur tous ces points. Mais elle a minimisé la posture agressive du président congolais, alors que ses menaces étaient sur le point d’être mises à exécution.

Quels sont les liens qui vous unissent au M23 ? Récemment, Paul Kagame a déclaré qu’il avait de la « sympathie » pour ce groupe armé…

Le M23 combat les FDLR, un mouvement composé d’anciens génocidaires [ayant participé au génocide des Tutsi en 1994] et qui est actif juste de l’autre côté de notre frontière. Ce groupe armé continue de recruter des soldats et bénéficie du soutien militaire et financier du gouvernement congolais. Qui dans le monde n’aurait pas de sympathie pour un mouvement qui lutte contre une force génocidaire ?

L’Europe pourrait-elle accepter qu’un mouvement militaire nazi soit soutenu par un pays européen ? Non. Alors pourquoi, quand cela se passe en Afrique, faudrait-il le tolérer ? La RDC collabore avec un mouvement génocidaire et les Européens continuent de soutenir son gouvernement. C’est le monde à l’envers ! La responsabilité de la communauté internationale sur la situation dans l’est de la RDC est écrasante.

Vous évoquez des menaces sécuritaires, mais la RDC vous accuse de vous enrichir grâce à cette guerre en pillant ses richesses minières. Comment expliquez-vous être l’un des premiers exportateurs mondiaux de coltan alors que vous en avez peu sur votre sol ?

Comment savez-vous qu’il y a peu de coltan sur notre territoire ? Le Rwanda est sur le même roc géologique que la RDC. Nous avons des minerais et des sociétés américaines et européennes qui opèrent au Rwanda. Vous pouvez venir les visiter.

Félix Tshisekedi a proposé aux Etats-Unis de sceller un accord sur l’exploitation de ses minerais. Comment réagissez-vous ?

Rien n’indique que les Etats-Unis sont prêts à accepter cet accord. Les Etats-Unis sont un partenaire du Rwanda et Marco Rubio [le secrétaire d’Etat américain] s’est entretenu avec le président Paul Kagame depuis le début de cette crise. Nous espérons les voir jouer un rôle positif dans la résolution de la crise.

Les 10 et 11 mars, vous étiez à Bruxelles pour rencontrer des responsables de l’Union européenne, qui est divisée sur l’instauration de sanctions contre le Rwanda. Etes-vous inquiet que des mesures de rétorsion puissent vous être imposées ?

Le Rwanda n’a pas peur d’être isolé. Nous avons une responsabilité vis-à-vis de notre population, que nous allons continuer de défendre. Les sanctions qui ont été prises à notre encontre par certains Etats vont en réalité à l’encontre des processus de médiation africains. Ils font croire à Félix Tshisekedi qu’il suffit que des sanctions européennes soient prises pour que le conflit soit réglé. Depuis la chute de Goma, il y a eu plusieurs sommets africains et le président congolais n’y a jamais participé, il a préféré aller demander des sanctions aux Occidentaux.

Après des années de brouille, les liens entre la France et le Rwanda se sont normalisés depuis quatre ans, mais récemment Emmanuel Macron a demandé au Rwanda de « cesser tout soutien » au M23 et de « retirer ses forces » de la RDC… Quelles sont aujourd’hui vos relations avec la France ?

Nos relations sont toujours bonnes, même si nous avons effectivement des divergences sur le conflit dans l’est de la RDC. Emmanuel Macron a tenté une médiation politique destinée à sortir de cette crise. Cette initiative est la bienvenue.

Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024