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Renonçant à ses obligations d’enquêter et de lutter contre l’impunité, la cour d’appel de Paris a confirmé, le 11 décembre 2024, le non-lieu dans l’investigation sur ce qu’il s’est passé à Bisesero du 27 au 30 juin 1994. C’est-à-dire, rappelons-le, l’abandon de quelque 2000 Tutsis à leurs tueurs par des militaires français, pourtant informés des massacres et mandatés pour y mettre fin.
L’institution judiciaire a soulevé le cœur des parties civiles en acceptant si docilement de trancher une affaire de complicité de génocide, sans même auditionner les autorités militaires et civiles de Paris (considérant contre toute évidence que ces décisions étaient prises exclusivement sur le terrain), et en renonçant aux archives militaires rendues accessibles uniquement aux historien·ne·s de la commission Duclert. Ce déni de justice est aussi caractérisé par une interprétation incroyablement restreinte de la complicité de crime contre l’humanité, que la cour d’appel conditionne ici à l’intention d’aider ou d’assister l’auteur principal. Un choix à rebours des arrêts rendus par la Cour de cassation dans les affaires Papon (1997) et Lafarge (2021), où les protagonistes éponymes ont été juridiquement qualifiés de complices sans que le partage d’intention ne soit retenu. Il faut croire que la justice française a ses raisons (d’État)…
Survie, la LDH, la FIDH et les six rescapé·e·s tutsi·e·s qui avaient porté plainte ont décidé de se pourvoir en cassation. Cette juridiction redonnera, peut-être, un peu de dignité aux interprétations françaises de ce dossier emblématique des compromissions de Paris pendant le génocide des Tutsis.