Fiche du document numéro 34813

Num
34813
Date
Jeudi 30 janvier 2025
Amj
Taille
248802
Titre
En RDC, les mercenaires européens abandonnent Goma
Sous titre
Plusieurs centaines d’étrangers avaient été recrutés par Kinshasa pour défendre Goma au côté de l’armée, sous la discrète supervision d’un ancien militaire français.
Nom cité
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Lieu cité
Mot-clé
M23
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation


La percée rapide des rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, dans la province congolaise du Nord-Kivu, a mis en lumière la déroute de l'armée congolaise, incapable de défendre son territoire. Mais aussi celle de ses alliés et notamment de centaines de mercenaires européens, recrutés par la République démocratique du Congo (RDC) pour défendre la ville de Goma.

Mercredi matin, plusieurs dizaines de soldats roumains d'une société militaire privée opérant dans l'est de la RDC ont traversé la frontière avec le Rwanda pour se rendre aux autorités de ce pays. Une longue file d'hommes, en civil ou en treillis militaire, encadrés de soldats rwandais, ont quitté la RDC à pied via le poste-frontière de Gisenyi. Selon Kigali, 288 ressortissants roumains se sont présentés au poste-frontière. Le ministère rwandais de la Défense a précisé que les mercenaires seraient escortés vers Kigali.

En Roumanie, le ministère des Affaires étrangères a assuré suivre « l'évacuation » de ses ressortissants, promettant de prendre toutes les mesures pour les « mettre à l'abri ». Les mercenaires comptent quatre blessés dans les combats. « L'armée nationale congolaise a abandonné le combat et nous avons dû battre en retraite », a déclaré leur chef, Constantin Timofte, à la télévision publique roumaine.

Deux sociétés militaires privées



Les membres de cette petite armée envoyée depuis deux ans au Nord-Kivu, dans l'est de la RDC, appartiennent à deux sociétés militaires privées, Ralf et Agemira, qui sont indirectement liées à la France. Le gros des troupes – 800 ou 900 hommes – est sous contrat de la Ralf, une association d'anciens membres de la Légion étrangère française, dirigée par le Franco-Roumain Horatiu Potra.

Reconverti dans la sécurité privée dès les années 1990, celui-ci remplit d'abord des missions pour le compte de l'ancien gendarme Paul Barril, assure la sécurité de l'émir du Qatar, remet sur pied la garde présidentielle en Centrafrique… Avant de se lancer dans le commerce de diamants puis de fonder sa propre « SMP ». En novembre 2022, Ralf a signé des accords avec le gouvernement de la RDC, par l'intermédiaire de la société Congo Protection. Des centaines d'anciens militaires et policiers sont recrutés en Roumanie, des ingénieurs et des mécaniciens en Biélorussie et en Bulgarie, des pilotes en Algérie…

Le reste des auxiliaires étrangers, une vingtaine de personnes, était employé par la société Agemira, une compagnie enregistrée en Bulgarie mais fondée par le Français Olivier Bazin. Cet ancien gendarme reconverti dans les « affaires » officie désormais dans la maintenance et la vente d'équipements militaires. Olivier Bazin, alias « colonel Mario », gravite surtout dans les réseaux sombres de la Françafrique depuis plus de trente ans, comme négociant en matières premières et en influences auprès des dirigeants africains.

En 2013, au procès du cercle de jeu parisien Concorde, dans lequel il avait été relaxé, il avait admis devant les juges « avoir été un agent de renseignement non officiel au Darfour pour le compte du Quai d'Orsay, avoir aussi tenu un casino – 30 m2, pas plus – à N'Djamena (Tchad) ou avoir négocié, en 2002 à Paris, des lingots d'or pour le compte d'Ali Bongo, fils d'Omar Bongo, alors président du Gabon ».

Une mission dirigée par un ancien colonel de l'armée française



Après la fin d'une mission au Mali, Bazin a signé, toujours en 2022, un contrat avec Kinshasa pour la remise en état de la flotte aérienne congolaise, deux Soukhoï russes et trois hélicoptères, ainsi que de quelques pistes d'aéroports, mais surtout pour conseiller l'état-major à Goma sur l'organisation et la stratégie militaire à conduire face aux rebelles du M23… Une mission dirigée par Romuald Létondot, ancien colonel de l'armée française, parachutiste qui, au cours de ses trente-six ans de carrière, a servi en Côte d'Ivoire, au Togo, en Afghanistan et au Rwanda.

Sur le papier, l'arrivée de ces mercenaires européens à Goma avait été présentée par le président Tshisekedi aux chancelleries étrangères et à la mission des Nations unies pour le Congo (Minusco) comme celle d'un bataillon d'« instructeurs », des « coachs », chargés de « soutenir » les Forces armées de la RDC (FARDC) dans la défense de Goma. Était prévue l'organisation de formations pour certaines unités, y compris à des situations de combat… mais pas en conditions réelles.

Pourtant, quelques mois plus tard, les anciens légionnaires roumains se retrouvent en première ligne dans les combats contre le M23, qui progresse. Ils repoussent dès juin 2023 un premier assaut des rebelles soutenus par le Rwanda sur l'aéroport de Goma… Cette fois, leur présence n'a pas suffi.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024