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Au terme de six semaines et demi de procès en appel, la cour d’assises de Paris a confirmé mardi soir la peine de réclusion à perpétuité prononcée en première instance contre Philippe Manier, ancien gendarme rwandais, qui était rejugé pour son implication dans le génocide des Tutsi.
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Philippe Hategekimana, 67 ans, naturalisé Français sous le nom de Philippe Manier, a été reconnu coupable de génocide et crime contre l’humanité pour quasiment tous les chefs d’accusation qui pesaient à son encontre.
« Vous avez été le bras zélé du génocide par votre action déterminée mais aussi déterminante », a déclaré le président, ajoutant que sans lui, « les faits n’auraient pas atteint une telle ampleur ».
« Vous restez une énigme pour nous », a continué le président en s’adressant à M. Manier. « Vous n’avez pas montré de regret, pas de déni, pas d’introspection. Vous ne vous êtes présenté que comme la victime d’un complot ».
Le verdict énoncé par la cour après 13 heures de délibéré est conforme aux réquisitions du Parquet national antiterroriste (Pnat) vendredi.
Debout pour entendre la décision de la cour dans le box des accusés, M. Manier n’a pas réagi à l’annonce de la peine.
Juste avant que la cour ne parte délibérer mardi matin, il avait déclaré que « la situation au Rwanda était un cauchemar sans fin. Le génocide à l’encontre des Tutsi a été une réalité atroce. Pour moi, le cauchemar continue. Je suis un homme brisé car innocent de ce dont on m’accuse ».
Naturalisé français en 2005, Philippe Manier, qui a toujours nié toute implication dans le génocide, était poursuivi pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation des crimes de génocide et autres crimes contre l’humanité, génocide et crime contre l’humanité.
Surnommé Biguma à l’époque des faits, l’ancien adjudant-chef était accusé d’avoir participé ou encouragé le meurtre de dizaines de Tutsi en avril 1994 dans la préfecture de Butare (sud du Rwanda), dont celui du bourgmestre de Ntyazo qui résistait à la mise en œuvre du génocide dans sa commune.
Selon l’accusation, M. Manier avait notamment ordonné et supervisé l’érection de plusieurs « barrières », des barrages routiers « destinés à contrôler et à assassiner les civils tutsi ».
L’accusation reprochait également à M. Manier d’avoir participé en donnant des ordres, voire en étant directement impliqué sur le terrain, à plusieurs massacres.
Il s’agit du massacre de la colline de Nyabubare, où 300 personnes ont été tuées le 23 avril 1994, celui, quatre jours plus tard, de la colline de Nyamure où s’étaient réfugiés des milliers de Tutsi, et celui de l’Institut des sciences agronomes du Rwanda, où des dizaines de milliers de victimes ont été recensées.
« Caractère vertigineux »
Le génocide au Rwanda a fait plus de 800.000 morts selon l’ONU, essentiellement des Tutsi exterminés entre avril et juillet 1994.
« La justice a été rendue, la vérité judiciaire a été rendue et nous en sommes satisfaits », s’est réjoui Alain Gauthier, président du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR).
Même satisfaction pour l’association Ibuka, partie civile au procès: « La cour a retenu le caractère vertigineux et surtout l’impact sur l’histoire de l’humanité », a salué Me Mathilde Aublé.
La défense avait soutenu tout au long du procès que M. Manier était une cible politique et que la justice française n’était pas apte « à juger des affaires aussi complexes ».
« Ce qui est regrettable, c’est que Philippe Manier a été condamné sur la base d’une preuve incomplète et insuffisante », a déclaré son avocat, Me Emmanuel Altit, à l’issue du délibéré.
« Nous avons démontré qu’il n’y avait rien dans le dossier à l’exception de témoignages contradictoires et fabriqués », a-t-il renchéri.
Les avocats de Philippe Manier ont annoncé leur intention de se pourvoir en cassation.
Le 30 octobre dernier, Eugène Rwamucyo, un ex-médecin rwandais, a été condamné à Paris à 27 ans de réclusion criminelle, notamment pour complicité de génocide. Il a fait appel.