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Le 9 décembre, la justice française rendra sa décision sur le procès de Charles Onana. Jugé pour contestation de crime contre l’humanité, des associations l'accusent de propos négationnistes tenus dans l'un de ses ouvrages sur le génocide des Tutsi au Rwanda. Quels sont les enjeux de ce procès ? Avec Hélène Dumas, historienne, chargée de recherches au CNRS au Centre d’études sociologiques et politiques Raymond Aron.
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L'écrivain franco-camerounais Charles Onana et son éditeur Damien Serieyx sont jugés pour contestation de crimes contre l'humanité pour des propos parus dans le livre Rwanda. La vérité sur l'opération Turquoise. L'issue de ce procès pourrait marquer une avancée jurisprudentielle majeure sur le négationnisme.
Un ouvrage issu d'une thèse de doctorat
Hélène Dumas rappelle le contexte dans lequel a été rédigé cet ouvrage. Ce dernier est issu d'une thèse de doctorat en sciences politiques soutenue à l'Université Lyon 3 en 2017. Les propos qui sont visés par la plainte se trouvent dans le prologue, lorsque le texte a été édité en 2019. Elle précise : "on lui reproche notamment de placer le terme "génocide", entre guillemets, prenant ainsi ses distances avec la qualification juridique et historique de ce qui s'est produit au Rwanda entre avril et juillet 1994, c'est-à-dire le génocide des Tutsi. On lui reproche également de prétendre que la planification du génocide des Tutsis serait la plus grande escroquerie intellectuelle du 20ᵉ siècle".
Le recours à une rhétorique négationniste
Pour justifier une telle position, Charles Onana reprend, selon Hélène Dumas, une rhétorique négationniste qui consiste à assimiler "l'histoire officielle" à un simple outil de propagande au service du gouvernement actuel du Rwanda. Il adosse également son propos à l'idée qu'il y aurait d'autres génocides dans la mesure où la situation de guerre aurait conduit à des exactions des deux côtés, poursuit Hélène Dumas. Interrogée sur l'origine de ce discours, elle répond "qu'on en retrouve les prémices pendant le génocide lui-même puisqu'il s'agit pour les responsables du gouvernement intérimaire qui orchestre l'extermination des Tutsi à l'époque de faire accroire au monde qu'il s'agit au fond d'une banale guerre interethnique et que finalement Hutu comme Tutsi serait également coupable et que l'État rwandais n'aurait aucune responsabilité".
Une responsabilité de l'université ?
D'après Hélène Dumas, la démarche consiste à brouiller les repères pour laisser penser que, "si l'histoire finalement est beaucoup plus complexe et nébuleuse qu'il n'y paraît, la France n'aurait finalement pas soutenu le mauvais côté
", occultant toute responsabilité de l'État français. Surtout, "comment des instances universitaires ont-elles pu mener jusqu'à la soutenance une thèse promue par un auteur qui avait publié beaucoup de libelles avant de produire cette thèse, des libelles franchement négationnistes ?
s'interroge-t-elle. L'éditeur se défend en disant que ce texte était issu d'une thèse doctorale, donc cela lui a paru sérieux
".