Fiche du document numéro 34669

Num
34669
Date
Jeudi 21 novembre 2024
Amj
Auteur
Taille
130797
Titre
Procès en appel de Philippe Manier à la Cour d’assises de Paris - Jour 12
Sous titre
Compte rendu de l’audience du mercredi 20 novembre 2024
Nom cité
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Source
Type
Page web
Langue
FR
Citation
La matinée entière de ce douzième jour d’audience a été consacrée au témoignage de M. Lameck NIZEYIMANA. Il avait 18 ans en 1994. À la suite du génocide, il a été condamné par la juridiction Gacaca à 8 ans de prison. Lors de ses dépositions, il a témoigné contre une cinquantaine de personnes. En effet, il explique que le nombre des Hutu présents aux barrières était très élevé, et qu’au-delà de ces individus, il avait également été témoin de nombreux autres événements qui lui ont permis d’obtenir plus d’informations et de noms qu’il a ensuite divulgués. Il était important pour lui de témoigner car en tant que chefs de la gendarmerie de Nyanza, BIRIKUNZIRA et BIGUMA avaient alors la vie des habitants entre leurs mains et étaient les premiers responsables du génocide à Nyanza. Le témoin explique que donner ce témoignage le « libère » et permet de rendre justice aux victimes Tutsi.

Il a reconnu BIGUMA sur les planches photographiques et lors de la confrontation en visioconférence. Il explique qu’il arrive facilement à identifier BIGUMA car il habitait proche du camp de gendarmerie et il l’y voyait jouer au volley. De plus, BIRIKUNZIRA et lui étaient reconnaissables à leurs pistolets portés en ceinture à la cuisse.

Au sujet de BIGUMA, il le qualifie de « méchant » du fait de son zèle à tuer les Tutsi et les Hutu qui s’opposaient aux massacres. Il donne une explication très éclairante sur le surnom « BIGUMA » qui signifie « celui qui t’arrache la nourriture alors qu’elle est devant toi ». Il explique que les relations entre Hutus et Tutsis étaient bonnes jusqu’en 1990 a Nyanza, et que la situation est restée calme a Nyanza dans les premiers jours suivant l’attentat du 6 avril. Il mentionne ensuite deux réunions d’importance. La première a eu lieu en 1991, au stade, et a été organisée par le préfet. Lors de cette réunion, le préfet a appelé au calme et a exhorté à ne pas attaquer ni les Tutsi ni leurs biens. La deuxième réunion s’est tenue au début du génocide, à l’école Espanya de Nyanza, et a été organisée par le préfet en présence de BIGUMA ainsi que de tous les dirigeants administratifs et politiques de l’époque. Lors de cette réunion, le préfet HABYARIMANA a appelé au calme, mais il a été contredit par le capitaine de police BIRIKUNZIRA, qui a affirmé que les Tutsi devaient être tués et qu’il avait un plan pour les éliminer. Après cette réunion, le préfet a été tué et les Tutsi ont commencé à fuir. Le témoin n’a pas pu accéder à la réunion, mais ses frères y étaient présents.

Selon lui, l’un des premiers événements survenus à Nyanza, dont il a eu connaissance, est l’attaque de la maison du bourgmestre GISAGARA, président du parti PSD, qui s’opposait aux tueries, survenue huit jours après l’attentat du 6 avril. Bien que sa maison fût protégée par des policiers municipaux, les gendarmes ont attaqué en ouvrant le feu. Le bourgmestre a réussi à s’échapper. C’est, selon lui, à la suite de cet incident que les Hutu et les Tutsi ont commencé à passer leurs nuits dans les collines, par crainte des attaques des gendarmes.

Il affirme que le 20 avril 1994, BIRIKUNZIRA avait convoqué une réunion réunissant tous les conseillers de secteur, les responsables de cellule et le sous-préfet Gaëtan KAYITANA, au bureau communal de Nyabisindu. À la suite de cette réunion, les Tutsi ont commencé à fuir. Le conseiller de secteur lui a alors demandé, ainsi qu’à d’autres jeunes, de se rendre à la barrière de Rukari. Cette barrière est érigée le 23 avril au matin. Ils ont d’abord été postés à la barrière avec des machettes, gourdins et bâtons. Ce jour-là, BIRIKUNZIRA et BIGUMA arrivent à la barrière en voiture et leur donnent l’ordre de tuer tous les Tutsi qu’ils rencontrent. BIGUMA aurait alors dit que « le but primordial était de tuer les Tutsi, de manger leurs vaches, d’incendier leurs maisons et de piller leurs biens ». Il aurait alors ordonné d’exécuter un Tutsi afin de montrer l’exemple. Puis les Hutu présents à la barrière ont achevé le Tutsi à coups de gourdins et de bâtons. BIGUMA aurait alors ajouté que c’était bien comme cela qu’ils devaient tuer ces « serpents Tutsi ». Il aurait ensuite demandé d’aller chercher une autre famille Tutsi et demandé aux gendarmes de les abattre. Suite à ce jour, ils ont alors commencé à piller, bruler les maisons et tuer les Tutsi qu’ils trouvaient. Il explique qu’à ce moment, il a compris que ces ordres lui donnaient la possibilité de tuer les Tutsi en toute impunité, sans avoir le risque d’être par la suite inquiétés par les gendarmes. Eux étaient environ 80 personnes à la barrière, présents jour et nuit et ne s’absentant que pour aller manger pendant 2h maximum. Il affirme que les gendarmes ne restaient pas à la barrière, mais que BIGUMA venait et contrôlait l’activité des barrières et félicitait ceux qui tuaient sans pitié.

Selon lui, environ soixante Tutsi ont été tués à cette barrière, et il en a personnellement exécuté cinq. Les corps ont été enterrés autour de la barrière, jetés dans des fosses de toilettes ou dans les caniveaux. Par ailleurs, il précise qu’une autre barrière, celle du stade, a été installée dans le but d’empêcher les Occidentaux de recueillir des preuves de violations des droits de l’Homme.

Il a été présent lors d’une réunion à la mi-mai organisée par BIRIKUNZIRA en contre bas du bureau communal. Il explique BIGUMA et d’autres autorités étaient présents. Cette réunion avait pour objectif de féliciter les Hutu qui avaient tué de nombreuses personnes. Au cours de cette réunion BIRIKUNZIRA aurait prononcé les paroles suivantes : « Si le serpent est enroulé autour du baratier, il faut casser les deux ensemble », pour signifier que les Hutu qui protégeaient des Tutsi devaient eux aussi être tués. Il a également observé de nombreuses camionnettes transportant des Tutsis ainsi que des Hutus modérés vers la gendarmerie, d’où ils ne sont jamais revenus.

Il est relevé que devant le TPIR, le témoin aurait dit que la réunion se serait déroulée le 28 avril. Il explique que la date du 28 avril correspond selon lui au jour où il serait allé demander une pièce d’identité au conseiller du secteur et qu’il aurait vu à ce moment l’adjudant-chef ordonner aux gendarmes de tuer les Tutsi dans un champ d’avocatier. Le président a relevé une autre incohérence. Le témoin avait précédemment mentionné qu’une dizaine de Tutsi avaient été tués au TIPR, mais il parle maintenant d’une trentaine de victimes ce jour-là. Il explique cette différence par le stress qu’il ressentait à ce moment-là. Il affirme en outre avoir vu l’accusé à Nyanza jusqu’à l’arrivée du FPR.

Au début de mai 1994, il raconte être allé plaider la cause de son grand-frère, emprisonné à la prison de Nyanza pour avoir, en tant qu’agent communal, falsifié des pièces d’identité de Tutsi en y apposant le cachet « Hutu ». Lors de sa visite, il a vu son frère ainsi que des Tutsi enfermés dans un cachot. On lui a expliqué que les détenus étaient sortis la nuit pour être emmenés et tués dans des fosses communes, et c’est là que son grand-frère a trouvé la mort. Il aurait aussi vu un véhicule transporter des Tutsi jusqu’à la gendarmerie et précise qu’il n’a jamais revu ces personnes.

La défense relève qu’il aurait dit avoir assisté au meurtre du bourgmestre NYAGASAZA, ce qu’il réfute. Il dit que les faits lui ont été rapportés. La défense insiste sur le fait que Monsieur KAMONYO prétend que ce témoin a été acheté par le gouvernement pour mentir au sujet de son implication dans la fourniture d’essence utilisée pour incendier les maisons des Tutsi. Cependant, le témoin maintient fermement son témoignage et rappelle qu’il a témoigné pour la première fois en 1996, bien avant la création des juridictions Gacaca.

Le deuxième témoin de la journée à avoir été entendu est Monsieur Alfred HABIMANA, qui a participé au génocide, il était notamment présent à la barrière de Rwesero puis à la barrière de Kuciapa. Il confirme ses déclarations précédentes, lors desquelles il a expliqué qu’à la suite de l’attentat, les gendarmes ont ordonné la mise en place d’une barrière afin de contrôler les Tutsi, et que les Tutsi arrêtés ont été mis dans une maison afin d’être tués. Il indique qu’ils étaient nombreux à la barrière, et qu’ils ont tué une dénommée Epiphanie à cette barrière. Selon lui, les gendarmes qui leur ont ordonné de tenir cette barrière étaient « BIGUMA et BARAHIRA ». Il « pense » avoir vu l’accusé à la barrière, mais précise qu’il ne le connaissait pas, mais qu’il y avait beaucoup de militaires donc il pense qu’il y était. Il a aussi entendu que l’accusé passait en voiture aux barrières. La défense souligne qu’en 2017, le témoin a dit avoir vu BIGUMA. Le témoin explique alors qu’il l’aurait vu arriver à bord d’un véhicule, qu’à ce moment-là il ne le connaissait pas, mais que les gens avec lui lui auraient dit qu’il s’agissait de BIGUMA.

Monsieur Hamza MINANI, qui tenait un commerce ambulant, a été la troisième personne de la journée à témoigner. Il connaissait l’accusé avant 1994 en tant que gendarme à Nyanza. Il explique qu’avant le génocide, l’accusé se rendait à un bar prendre un verre régulièrement, ce bar se tenait à côté de son commerce. Il ajoute qu’au tout début du génocide, dans ce bar, « il s’est tenu une réunion préparant les massacres et BIGUMA était présent ». Il précise que lors de cette réunion, il y avait la CDR. Une seconde réunion aurait aussi eu lieu. Il confirme que le 22 avril à 11h, il y a une attaque au domicile de Monsieur RUBANGURA. Il explique avoir entendu des tirs et avoir accouru pour voir ce qu’il se passait. C’est à ce moment-là qu’il aurait vu au domicile de RUBANGURA, BIRIKUNZIRA accompagné de deux adjudants BIGUMA et CYITSO. Il affirme que BIGUMA et CYITSO sont deux personnes différentes. Il confirme que l’accusé et BIRIKUNZIRA seraient entrés dans la maison et auraient fait sortir la mère, la sœur et les deux enfants de la sœur. Ces derniers auraient été remis aux militaires afin d’être conduits à la gendarmerie. Il ne les a jamais revus et n’a pas su ce qu’ils étaient devenus. Il confirme avoir vu BIGUMA à bord d’une camionnette rouge avec BIRIKUNZIRA se rendre au domicile de la seconde épouse de Monsieur BASHUNGA. Les gendarmes avaient pris sa fille avec eux afin de leur indiquer où était le domicile de cette épouse. Ils l’ont fait sortir de la maison et l’ont abattue, sa fille a alors couru vers lui et a été abattue. Il précise que c’est l’accusé qui aurait donné l’ordre de tuer ces deux personnes.

Interrogé sur ses précédentes déclarations, il confirme que le 22 avril au soir une barrière à BIGEGA a été érigée sur ordre de BIGUMA, et que le matin du 23 avril ce dernier serait revenu avec une voiture de marque Toyota et aurait désigné, un dénommé Moïse, responsable de la barrière, il lui aurait alors donné un fusil. Il affirme que l’accusé contrôlait les barrières et qu’il y serait notamment venu contrôler un registre dans lequel était noté le nom des Tutsi tués et de ceux qui n’avaient pas encore tués.

Le Président de la Cour relève que dans une autre audition, le témoin affirme que la barrière a été érigée le 23 avril. Il explique alors « qu’en principe le génocide a commencé le 22 avril et la barrière a été mise en place le 23 ». Le 22 avril au soir, l’accusé aurait rassemblé la population Hutu et ordonné d’ériger la barrière. Ce n’est que le lendemain que la barrière aurait été mise en place et c’est à ce moment-là que l’accusé aurait donné un fusil au responsable de la barrière.

Concernant l’attaque de la colline de Nyamure, le témoin confirme que depuis la barrière de BIGEGA, il a vu passer une Toyota rouge de la gendarmerie ainsi qu’un véhicule jaune. Il précise y avoir vu BIRIKUNZIRA, BIGUMA, CYITSO, d’autres gendarmes, armés de fusils, et des Interahamwe, armés de machettes et de gourdins. Il ajoute qu’ils se seraient arrêtés à la barrière et qu’à ce moment-là BIRIKUNZIRA aurait dit « nous allons travailler à Nyamure car là-bas il y a des Tutsi ». Il indique avoir vu la voiture de marque Toyota revenir. Ils chantaient « exterminons-les ».

Enfin, le témoin a été interrogé par la défense. Maitre DUQUE relève que celui-ci avait dit connaitre l’accusé car il lui achetait des beignets lorsqu’il rendait visite à sa famille, alors que sa famille n’habite pas là. Le témoin précise qu’il ne visitait pas sa famille, mais une dame de sa connaissance. Elle relève en outre qu’il aurait dans ses précédentes auditions, ne pas avoir assisté aux meurtres de Monsieur BASHUNGA et de sa fille. Il répond alors n’avoir jamais dit être absent, car il était présent. A cet égard, le Président de la Cour souligne que lorsqu’il lui avait été donné lecture des procès-verbaux, il avait que cela ne correspondait pas exactement à ce qu’il avait dit. La défense précise que la Cour n’est pas saisie des faits concernant ces deux meurtres.

De même concernant l’attaque au domicile de Monsieur RUBANGURA, la défense soulève qu’il a dit : « ils ont pris sa maman, sa sœur et ses 2 neveux, ils les ont conduits à la gendarmerie, cela on me l’a raconté ». Le témoin confirme de nouveau qu’il était bien présent sur les lieux. Il lui est alors demandé si on ne lui aurait pas raconté que les personnes avaient été conduites à la gendarmerie. Il répond alors avoir assisté à cette scène, et qu’il « imagine » qu’ils sont partis à la gendarmerie.

Enfin, Maître GUEDJ lui demande si le fusil à la barrière a été remis par BIGUMA à Moïse, ce que le témoin confirme. L’avocat lui oppose alors une ancienne audition dans laquelle il aurait dit que c’était BARAHIRA qui lui aurait remis l’arme. Le témoin a rétorqué cela et précise qu’il avait simplement dit que BARAHIRA était sur la barrière. Il est ensuite précisé qu’en 2016, le témoin avait dit que BIGUMA avait remis l’arme et qu’en 2019 il avait parlé de BARAHIRA et s’était juste après repris en disant BIRIKUNZIRA.

Madame Marie-Claire KAYITESI, rescapée du génocide, a ensuite témoigné. Elle explique qu’avant le génocide, une partie de sa famille était déjà persécutée, ses oncles avaient dû partir pour le Congo. Elle-même n’a pas pu poursuivre ses études au Rwanda. Elle explique qu’en mars 1994, lorsque le dirigeant du parti de la CDR a été tué, les Tutsi originaires de Butare ont été menacés à Gikongoro car la CDR avait son siège à cet endroit. Sa famille a été menacée d’être tuée, c’est pour cela que son père les a envoyés à Nyanza. Ils se sont logés dans la maison d’un commerçant qui s’appelait Vincent MUREKEZI. Le 7 avril, elle, sa fratrie et sa mère étaient dans ce local commercial tandis que son père était resté à Gikongoro. Elle a essayé de joindre son père, c’est comme cela qu’elle a appris que le 10 avril ce dernier avait été tué. Lui et des voisins, à qui des coups de couteau avaient été assénés, ont été enterrés vivants dans une fosse. Sa mère a alors décidé d’envoyer un de ses frères dans la famille de son père, à 30-40 minutes de Nyanza, il a été tué là-bas avec toute la famille de son père. Un autre de ses petits frères a été envoyé à l’orphelinat de Nyanza, il y a survécu. Elle explique quant à elle être restée, avec sa mère et quatre de ses autres frères et sœurs, cachés chez le commerçant. Ce commerçant avait été amené au Burundi par des gendarmes qui auraient alors décidé de s’approprier la propriété et les nombreuses boissons alcoolisées qui s’y trouvaient. Néanmoins, un jour les Interahamwe ont cassé un mur de la maison, les gendarmes souhaitant répliquer sur les Interahamwe, les ont alors trouvés cachés. Sa mère leur a dit que le propriétaire les avait laissés là, les gendarmes ont alors dit qu’ils reviendraient le lendemain pour étudier leur cas. Elle et sa famille ont alors décidé de se rendre chez des voisins Hutu de leur connaissance, ils se sont cachés dans leur four à pain pendant plus de deux semaines. Lorsqu’ils étaient cachés, ils ont appris que sa sœur avait été tuée à Kibeho, et que la famille de sa mère avait aussi été tuée à Bigega dans le cadre de la politique de pacification. Néanmoins, un jour ce voisin leur a dit qu’il ne pouvait plus les cacher car il avait été annoncé que les Hutu qui cachaient des Tutsi seraient tués aussi ainsi que leur famille. Comme ils étaient encerclés de barrières, ils ont décidé de revenir dans la maison du commerçant qui avait été saccagée par les gendarmes. Ils sont restés là jusqu’à la fin du génocide. Elle indique que quasiment aucun membre de sa famille paternelle et maternelle n’a réchappé au génocide et que la politique de pacification montre que cela avait été bien préparé.

Madame Immaculée KAYITESI, rescapée du génocide est la dernière témoin de la journée à avoir été entendue. Elle indique être la présidente de l’association AVEGA. Elle explique que quand elle est née, sa famille maternelle et paternelle a été déportée. Elle explique que dès 1990 les Tutsi ont été persécutés, les intimidations à l’égard de sa famille ont commencé à ce moment-là. Son domicile a été fouillé, des articles de journaux visant son père ont été publiés, il était dit que son père envoyait les enfants dans les rangs des inyenzi. Son mari, Monsieur Narcisse MAKUZA, professeur au collège Saint-Esprit était persécuté. Le 25 octobre 1993, les gendarmes lui ont tiré dessus à Rwesero. Elle n’a jamais pu obtenir justice. Elle affirme qu’une investigation n’a été menée par la compagnie de Nyanza. Elle indique qu’en 1994, après l’attentat, elle a commencé à dormir dehors. Sa famille paternelle a été exterminée le 10 avril. Elle explique que s’est tenue une réunion à l’Espanya, rassemblant des autorités telles que le commandant BIRIKUNZIRA et des gendarmes. Elle ajoute que le soir du 16 avril BIGUMA et MUNYENZI l’auraient vu dehors, et lui auraient demandé pourquoi elle ne dormait plus chez elle, ils lui auraient aussi dit de ne pas s’inquiéter, qu’il ne fallait plus dormir dehors car ils allaient être protégés. Elle précise qu’elle connaissais BIGUMA car elle habitait à Nyanza et que ce soir-là celui-ci lui aurait notamment dit que son père lui avait donné des cours à l’école.

Le Président de la Cour a alors demandé à l’accusé s’il se souvenait l’avoir croisée. Il dit ne pas s’en rappeler, qu’il n’a jamais vu la témoin et ajoute qu’il avait entendu parler de son père comme enseignant mais qu’il ne l’avait jamais eu car il n’enseignait pas dans sa région. Ensuite, la témoin explique l’emplacement des différentes barrières qui ont été érigées à Rwesero. Elle explique avoir survécu en se déplaçant la nuit ou quand il pleuvait beaucoup, et en se cachant dans plus d’une dizaine d’endroits. Elle parle aussi de la politique de pacification, et souligne que certaines personnes qui étaient cachées avec elle y ont cru et se sont fait tuer. En outre, elle indique qu’aux barrières les gendarmes tuaient pour montrer l’exemple aux autres, « pour pousser les gens à ne plus avoir peur ». Elle met en avant les traumatismes des femmes qui ont été violées et auxquelles le Sida a été inoculé. Elle explique vouloir que justice soit faite.

Enfin, l’accusé a été interrogé, il a été invité à réagir aux différents témoignages de la journée. Concernant les propos du premier témoin, il « trouve qu’il y a des incohérences dans les déclarations de Lameck », il se demande si « c’est comme cela » qu’il sera jugé. Il conteste les déclarations faites par Lameck NIZEYIMANA, ainsi que celles d’Alfred HABIMANA, et de Hamza MINANI. Il affirme que ce sont tous des « menteurs ». Le Président de la Cour lui demande comment il explique cette association « presque de malfaiteurs » à son encontre. Il répond alors qu’il y a une pression qui pèse sur les témoins et ajoute ensuite que « le régime rwandais sème la terreur sur les opposants à l’extérieur, et là maintenant quand je dis que le régime rwandais met la pression sur les témoins vous ne voulez pas me croire ».

Interrogé sur ses actions politiques, il dit avoir manifesté à Rennes contre la venue de l’ambassadeur rwandais en France ainsi qu’à Paris. Néanmoins il est soulevé qu’il a affirmé depuis le début du procès ne pas être allé à la manifestation de Paris, ce à quoi il répond que ce sont ses enfants, qui ont manifesté lui n’étant pas disponible, que par conséquent quand ce sont ses enfants y sont c’est comme si lui y était. Interrogé ensuite sur le meurtre du mari de Madame Immaculée KAYITESI, l’accusé affirme qu’il n’a jamais été informé de la disparition de son mari.

La journée s’est alors achevée par une observation de la Défense. Maître GUEDJ a affirmé qu’en « demandant à Monsieur MANIER ce qu’il a pensé des témoins qui ont déposé ce matin, c’est une façon d’oublier que LAMECK a menti que c’est un témoigneur professionnel, c’est oublier qu’Alfred a menti, et que HABIMANA n’a jamais vu l’accusé ». Il reprend alors une phrase qui aurait été prononcée par l’avocat général « c’est drôle BIGUMA est partout mais on ne sait pas ce qu’il a fait » et fini par ajouter « vous donnez à ces témoignages une valeur qu’ils n’ont pas. Vous en tant que juridiction, jurés vous avez relevé ces contradictions ».

Par Ella Grappin, Stagiaire Commission Justice Ibuka France

et Vaïtéa Baillif, Bénévole

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024