Fiche du document numéro 34575

Num
34575
Date
Samedi 12 octobre 2024
Amj
Taille
38124
Titre
Génocide des Tutsis au Rwanda : à son procès, Charles Onana accusé de « dépasser les limites de la liberté d’expression »
Sous titre
Les audiences du procès de Charles Onana se sont achevées vendredi 11 octobre devant le tribunal correctionnel de Paris. Le journaliste franco-camerounais y a comparu durant toute la semaine pour contestation de crime de génocide. En cause : son livre paru en 2019, Rwanda : la vérité sur l’opération Turquoise, dans lequel la procureure l'accuse de « minor[er] » et de « banalis[er] » le génocide des Tutsis au Rwanda, en 1994. Lui s’en défend et plaide la relaxe.
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Source
RFI
Type
Page web
Langue
FR
Citation
C'est dans une salle comble, sous tension, et sous la garde de plusieurs policiers, que les audiences du procès du journaliste franco-camerounais Charles Onana pour contestation de crime de génocide se sont achevées vendredi 11 octobre. Pour la procureure, au moins quatre extraits de son livre intitulé Rwanda : la vérité sur l'opération Turquoise constituent « une négation abrupte, frontale, et sans aucun détour » du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994. « Vous avez là tout l'arsenal négationniste », a-t-elle d'ailleurs conclu dans son réquisitoire, estimant que l'auteur avait « clairement dépassé les limites de la liberté d'expression » en « minorant » et en « banalisant » l'existence de la tragédie.

Selon elle, les propos litigieux de Charles Onana témoignent d'une « ​​​​​​​approche réductrice et erronée car elle omet délibérément la finalité [du génocide, NDLR] ​​​​​​​: la destruction totale ou partielle du groupe tutsi ». Dernier à s'exprimer avant la fin des débats, l'auteur franco-camerounais de 60 ans a une nouvelle fois rejeté en bloc l'accusation de négationnisme et dénoncé un procès politique : « Je ne suis pas ici pour la négation du génocide. Je suis ici parce que M. Paul Kagame a décidé que je devais être ici », a-t-il notamment déclaré, provoquant dans la salle quelques murmures de réprobation mais surtout des applaudissements.

« Il crée la confusion et cherche à inverser les rôles »



Charles Onana pouvait compter sur de nombreux soutiens dans la salle, notamment des Congolais qui voient dans ce procès une résonnance avec la guerre en cours dans l'Est de la RDC entre l'armée congolaise et ses alliés d'un côté, le M23 et l'armée rwandaise de l'autre. Pour eux, Charles Onana est un porte-voix des crimes commis depuis 30 ans dans cette région et toujours impunis.

À la sortie, devant certains de ses partisans brandissant des drapeaux congolais, Charles Onana va plus loin en accusant les parties civiles d'être à la solde du président rwandais : « Je sais que [Paul] Kagame avait demandé la tête de la procureure Carla Del Ponte au TPIR [Tribunal pénal international pour le Rwanda, NDLR], et il l'a eue. Il avait demandé à obtenir aussi la destruction de l'enquête du juge Bruguière, et il l'a eue. Aujourd'hui, il demande la tête de Charles Onana, mais il ne l'aura pas ! » Pour les parties civiles, ces propos témoignent, une fois de plus, de ce qu'a été la stratégie de Charles Onana tout au long des audiences : « Il change de sujet. Il crée la confusion et cherche à inverser les rôles entre victimes et bourreaux en prétendant qu'il serait la victime d'un complot », réagit Sabrina Goldman, l'avocate de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra).

Manœuvre de détournement



Au cours de sa plaidoirie, face aux juges, cette dernière avait déjà invité la cour à « ne pas se tromper de sujet » : « Ce que vous avez à juger, ce sont les propos publiés sous la plume de Charles Onana. Ce n'est pas un procès sur l'Histoire (…). On peut dire ce qu'on veut du régime de Paul Kagame ​​​​​​​: ce n'est pas le sujet », avait-elle lancé.

De son côté, Patrick Baudouin, l'avocat de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), dénonce, lui, une manœuvre de détournement : « Durant tout le procès, avec les témoins qu'il a fait citer, Charles Onana a constamment essayé de ne pas évoquer la réalité des reproches qui lui sont faits. En revanche, il nous est reproché de ne pas tenir compte des violations des droits de l'homme commises par le FPR et le régime de Kagame, s'agace-t-il. Bien évidemment, nous combattons les violations massives des droits de l'homme commises par ce régime aujourd'hui. Il est monstrueux de voir le comportement des forces armées rwandaises dans le Nord-Est du Congo en soutien à des milices comme le M23, mais ce n'est simplement pas le même sujet. » Au cours de sa plaidoirie, Me Baudouin avait pris soin de s'adresser aux soutiens congolais de Charles Onana : « Je comprends votre révolte contre Paul Kagame. Mais ne vous laissez pas abuser ! », avait-il déclaré à leur intention.

Dans son réquisitoire, la procureure a invité la cour à rappeler au prévenu et à la « société toute entière l'existence incontestable du génocide des Tutsis ». Celle-ci n'a en revanche pas suggéré de peine, laissant cette question à l'appréciation de la cour en cas de condamnation. Le verdict sera rendu le 9 décembre prochain.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024