Fiche du document numéro 34571

Num
34571
Date
Mardi 8 octobre 2024
Amj
Auteur
Taille
80517
Titre
Procès de Charles Onana à la 17ème chambre du Tribunal correctionnel de Paris - Jour 1
Sous titre
Procès du 7 au 11 octobre 2024 pour négationnisme du génocide perpétré contre les Tutsi. Compte rendu de l’audience du 7 octobre 2024
Nom cité
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Source
Type
Page web
Langue
FR
Citation
Charles Onana à Montréal en 2023. (Wikicommons)

Le procès de Charles ONANA et de Damien SERIEYX a débuté ce Lundi 7 octobre à 13h30 à la 17ème chambre du Tribunal correctionnel de Paris. L’audience a débuté par un point sur les conseils des parties, puis par l’appel des témoins. Le tribunal s’est ensuite retiré afin d’établir un planning d’audition des témoins, et a ainsi ajouté deux demi-journées au planning. Les audiences de Jeudi et de Vendredi débuteront donc à 9h30. Les prévenus ont été appelés à la barre par la Présidente du tribunal, qui leur a exposé les faits qui leur sont reprochés. Ensuite, la Présidente a lu son rapport rappelant les éléments de procédure ainsi que le contexte intrinsèque des propos incriminés. Elle a ainsi rappelé le contenu de la plainte avec constitution de partie civile, puis présenté l’ouvrage litigieux.

Charles ONANA a ensuite été appelé à la barre. Il a d’abord déclaré n’avoir aucun intérêt à nier le génocide au Rwanda, n’étant pas rwandais. Il n’aurait jamais voulu nier le génocide, il aurait simplement constaté les points d’ombres, notamment concernant l’attentat du 6 avril 1994. Il ajoute qu’il faut lire son ouvrage dans son entièreté pour comprendre son propos. Il a également déclaré qu’il ne confondait pas la population civile Tutsi, victime de génocide et de massacres, avec les rebelles Tutsi qui menaient des actions militaires violentes. Interrogé par la Présidente, il précise que si le mot génocide est entre guillemets dans son livre, ce serait uniquement car il reporterait les propos du FPR, qui sont les premiers à l’avoir qualifié de tel. Il ne l’a pas précisé dans son livre car on le prend déjà pour un négationniste. Dans ses réponses, il met globalement en avant le fait qu’il est un politologue qui cherche à faire un travail scientifique en questionnant ce que l’on raconte.

Interrogé par les parties civiles sur l’existence d’un plan concerté qu’il qualifie dans son livre « d’escroquerie », il a répondu ne pas être juriste, qu’il n’a pas d’avis personnel, et que de toute façon le TPIR l’a affirmé. Les questions ensuite de la défense se concentrent essentiellement sur sa reconnaissance ou non du génocide. Il a répondu qu’il le reconnaissait sans ambiguïté mais il considère qu’il ne fait l’objet d’aucune discussion et que les enquêtes sont inachevées.

Damien SERIEYX a ensuite été appelé à la barre. Il a affirmé avoir pris la décision de publier l’ouvrage de Charles ONANA car il a estimé qu’il n’y avait aucune étude scientifique sur l’opération Turquoise. Il a trouvé le livre très bien documenté, avec énormément de sources sérieuses. Il a également affirmé que le fait que ce livre soit un condensé de la thèse de Charles ONANA, soutenu en 2017 à l’Université de Lyon III et reçu avec les félicitations, était un élément important dans son choix.

Interrogé sur son travail de vérifications, il a répondu n’avoir fait que des vérifications minimums, n’étant pas historien. Confronté par les parties civiles au fait qu’aucun des passages incriminés ne proviennent de la thèse d’ONANA, il a répondu que les félicitations lui suffisaient.

A 18h, l’audition du premier témoin a débuté. Il s’agit de Luc Marchal, ancien commandant du secteur de Kigali de la MINUAR, et auteur de la préface du livre incriminé. Dans ses déclarations, il a appuyé le fait que le FPR n’avait eu aucune volonté de respecter le protocole sur les zones de conciliation d’armes, dont il avait pour mission de veiller à son respect par les parties. Pour lui, la situation de la population civile Tutsi importait peu au FPR, tant que cela servait ses intérêts.

Interrogé sur l’existence d’une planification du génocide, il a affirmé que certaines décisions judiciaires n’avaient pas reconnu un tel plan. Les parties civiles lui ont fait remarquer qu’il confondait plan concerté et entente en vue de commettre un génocide. Pendant l’interrogatoire, il a appuyé le fait que le FPR avait préparé la guerre et qu’ils auraient largement pu éviter qu’autant de Tutsi soient tués.

Vers 19h30, un deuxième témoin a été auditionné. Ancien journaliste au Rwanda et ancien secrétaire général du gouvernement constitué à la fin du génocide, il a affirmé ne pas avoir vu à quel moment l’ouvrage de Charles ONANA contestait l’existence du génocide. Pour lui, celui-ci aurait simplement affirmé que des Hutus et des Twas avaient également été tués. Il a parlé d’acharnement pour qualifier ce qui arrive à ceux qui évoquent « ceux dont on ne parle pas ». Lors de son interrogatoire, il a affirmé faire une distinction entre le génocide des Tutsi, et les crimes contre l’humanité commis contre les Hutus et les Twas : pour lui, pas de double génocide. Les Tutsi n’ont pas été tués indistinctement, contrairement aux Hutus. Il a ajouté que l’auteur du livre incriminé avait fait ses recherches et en avait tiré des conclusions.

Interrogé par la défense sur la planification du génocide, il a déclaré qu’il n’avait aucune preuve d’un plan concerté, mais qu’il savait que des milices Interahamwe étaient entrainées pour tuer les Tutsi avant même le génocide. Il a ajouté qu’il fallait prendre en compte que Charles ONANA était menacé par Paul Kagame, celui-ci mettant toujours ses menaces à exécution.

Interrogé sur les organisations de défense des droits de l’homme qui ont une « vision partiale » du génocide, il a répondu qu’Ibuka en était un exemple, en ce qu’elle ne se concentre que sur les victimes Tutsi. Maitre Rachel Lindon a réagi en rappelant l’objet social d’Ibuka : l’objet d’Ibuka est de « perpétuer la mémoire de toutes les victimes du génocide perpetré contre les Tutsi au Rwanda ».

Par Léna Jaouen, Stagiaire Commission Justice Ibuka France

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024