Fiche du document numéro 34424

Num
34424
Date
Samedi 18 mai 1957
Amj
Taille
5500841
Titre
Note pour Monsieur le résident du Ruanda au sujet des indications raciales dans les documents officiels
Nom cité
Nom cité
Mot-clé
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Cote
N° 455/A.I.3.
Extrait de
Exposition au Mémorial de la Shoah de Paris : Rwanda, 1994, notre histoire ? (Avril 2019)
Type
Lettre
Langue
FR
Citation
RESIDENCE DU RUANDA
CENTRE ADMINISTRATIF INDIGEME
DU PAYS


NOTE POUR MONSIEUR LE RESIDENT DU RUANDA
AU SUJET DES INDICATIONS RACIALES DANS LES DOCUMENTS
OFFICIELS.

Suite aux arguments repris à la lettre de Monsieur le Commissaire Provincial Leroy dont vous m'avez communiqué la teneur lors de mon dernier passage à Kigali, j'ai l'honneur de vous communiquer mes observations au sujet de la position prise par Monsieur le Commissaire Provincial.

Je m'étonne d'autant plus de cette prise de position qu'au cours d'une conversation avec Monsieur le Vice-Gouverneur Général Harroy celui-ci avait paru favorable au voeu exprimé par le Conseil Supérieur du Pays du Ruanda,

Tout d'abord j'estime que les arguments soulevés par Monsieur le Commissaire Provincial devraient plutôt rendre Le Gouvernement favorable à la thèse du Conseil Supérieur du Pays, l'égalité de droits, la différentiation de moins en moins marquée des caractères somatiques, l'existence de Batutsi appauvris et de bahutu enrichis tous ces éléments prêchent au contraire en faveur d'une suppression des mentions sociales dans les documents officiels.

De plus la mention à inscrire dans ces documents officiels dépend uniquement de la déclaration de l'intéressé et ne repose souvent sur aucun fondement réel, Bien des bahutu se déclarent batutsi et bien des batutsi appauvris n'osent plus se déclarer tels. Äu point de vue politique des bahutu et même certains batwa ont été nommés chefs par les Bami du Ruanda. Par alliance de ces chefs avec des familles Batutsi les différences sociales et raciales se sont applanies au point que toute distinction est devenue impossible. N'empêche qu'aujourd'hui tous les descendants de ces autorités indigènes se disent batutsi.

J'estime qu'il est beaucoup plus logique de porter dans les documents officiels des mentions fixant le profession des intéressés tels que par exemple, agriculteur, éleveur, artisan, commis etc.. Ces renseignements sont beaucoup plus que les mentions anciennes susceptibles de fournir au Gouvernement des indications sur l'évolution de la représentation paysanne et artisanale dens les conseils qu'une pure différentiation sociale ou historique.

Pourrait-on nous préciser à propos de quels problèmes et quelles indications
utiles ces mentions fournissent encore à l'Etat.

La mention Wallon ou Flamand est—elle indiquée dens les documents officiels concernant les belges? Pourtant le Gouvernement belge pourrait également retirer des renseignements utiles de ces mentions. Peut être ne le fait-il pas pour ne pas augmenter les discutions linguistiques.

Le fond du problème est que ces mentions qui ne correspondent plus qu'à une réalité historique et n'ont plus aucun fondement réel, sont exploitées actuellement à des fins politiques par certains journaux et publications dans le but de créer dans le pays des factions opposées et sont montées en épingle par des personnes mal intentionnées comme les termes "prolétaires" et "capitalistes" dans lez pays européens. Nous n'avons que faire de ces oppositions sociales chez nous.

Pourquoi le Gouvernement doit-il avoir l'accord de l'Urundi pour qu'une mesure
générale soit prise.

Une prise de position relative au Ruanda nous suffit, Le problème n'est
pas le même dans les deux pays. Au point de vue politique, en Urundi
les commandements politiques (Abaganwa) sont en grande majorité réservés aux Abezi, Abatare, Abagengwe etc... apparentés avec les Bami de l'Urundi. Au Ruanda
au contraire toutes les fonctions politiques ou autres ont toujours été ouvertes
à tous suivant leurs capacités et leurs mérites.

Devons nous en outre toujours être à la remorque de l'Urund1?

En guise de conclusion je me permets d'ajouter qu'une prise de position nette de la part au Gouvernement dans la question qui nous occupe s'impose d'urgence, en effet les Banyarwanda ont l'impression que la politique de dissension entreprise par certaines publications serait tacitement approuvée par le Gouvernement. En conséquence je crois pouvoir espérer que la prise de position de Monsieur le Commissaire Provincial Leroy ne sera pas définitive et qu'une suite favorable pourra être réservée au voeu unanime de tous les banyarwanda représentés par le Conseil Supérieur du Pays.

Nyanza-Ruanda, le 18 mai 1957,
LE MWAMI DU RUANDA,
Ch. MUTARA RUDAHIGWA,

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