Fiche du document numéro 34400

Num
34400
Date
Samedi Juin 2024
Amj
Taille
261295
Titre
La diplomatie multifacette rwandaise
Sous titre
Analyse d’une stratégie de rayonnement extérieur
Nom cité
Résumé
Rwanda, led by Paul Kagame since the end of the genocide, continues to be active on the world stage. The vitality of this small state and its leader reflects a global foreign policy strategy. By highlighting its successes in various fields (economic, military, etc.), the country is developing a communications strategy that serves as a framework for its global diplomatic action. In recent years, Rwanda’s foreign policy has evolved significantly. It now presents itself as an influential and emerging power on the African continent. The Rwanda Patriotic Front (RPF) regime is doing everything possible to export its model through the creation of a “national brand”. The aim of this study is to provide an analysis of recent developments in Rwanda’s foreign policy and actions. The aim of the analysis is therefore to outline the vitality of Rwandan foreign policy and the tools deployed today to strengthen its international reputation and influence on the continent. In addition, the author attempts to show how the country is trying to take advantage of the potential offered by the African continent, and its strategies for seizing the best possible opportunities.
Source
Type
Article de revue
Langue
FR
Citation
La diplomatie multifacette rwandaise

Analyse d’une stratégie de rayonnement extérieur
Samia Chabouni
Dans Annuaire français de relations internationales 2024, pages 279 à 293
Éditions Éditions Panthéon-Assas

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ISBN 9782376510673
DOI 10.3917/epas.ferna.2024.01.0279

LA DIPLOMATIE MULTIFACETTE RWANDAISE
A nalyse d ’ une

stratégie de rayonnement extérieur
par

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Le Rwanda dirigé par Paul Kagame depuis 2000, fait preuve d’une grande
activité en Afrique et à l’échelle internationale. Le dynamisme de ce petit
État et de son dirigeant, est un reflet de l’omniprésence d’une stratégie
de politique étrangère. En établissant des partenariats stratégiques
avec des pays africains, il compte relever les défis structurels du pays.
Autrement dit, il adopte une approche internationale pour résoudre des
problématiques d’ordre interne.
Le Rwanda est largement salué pour sa croissance économique, sa
sécurité et sa bonne gouvernance. Effectivement, ce pays enclavé, dépourvu
de ressources naturelles mais à forte densité démographique, a réussi son
processus de reconstruction après le génocide (1).
Cet article examine les dernières évolutions de la politique étrangère et
les succès diplomatiques du Rwanda en prenant en compte les réalisations
qui renforcent sa crédibilité ainsi que les développements géopolitiques
récents. Son objet est, plus particulièrement, d’exposer le dynamisme de la
politique étrangère rwandaise, ainsi que les outils déployés aujourd’hui pour
renforcer sa réputation internationale et son influence sur le continent.
Il s’agit aussi de démontrer comment le pays essaie de tirer profit du
potentiel qu’offre l’Afrique et comment il tente de saisir les meilleures
opportunités. Plus généralement, ce papier présente une synthèse des
dernières évolutions de la diplomatie du Rwanda durant ces dernières
années.

(*) Maîtresse de conférences en science politique, habilitée à diriger des recherches à l’Université de Jijel
(Algérie) et chercheure au think tank Thinking Africa.
(**) L’auteure remercie Yann Bedzigui, Georges Berghezan, Cindy Morillas, Ladji Ouattara Jacques
Palard, Julien Rajaoson, ainsi que Albert-Enéas Gakusi pour leurs remarques et corrections.
(1) S. Chabouni, « De la bénédiction à l’isolement : le Rwanda et l’Occident vers une nouvelle rupture »,
dans F. Reyntjens, S. Vandeginste et M. Verpoorten (dir.), L’Afrique des Grands Lacs, Annuaire 2015-2016,
Centre d’étude de la région des grands lacs d’Afrique, Université d’Anvers, Bruxelles, University Press
Antwerp, 2016, p. 279.

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S a m i a CH A BOUNI ( * ) ( ** )

Samia Chabouni

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Pour répondre à ces objectifs, notre analyse s’appuie, d’une part, sur
le concept de reconnaissance en relations internationales, et d’autre part,
nous nous référons au concept du soft power conceptualisé par Joseph Nye,
selon qui « la puissance est la capacité à développer une réelle influence sur
les autres en les amenant à agir selon son propre intérêt. Elle se manifeste
sous la forme du hard power qui use de méthodes radicales telles que la
coercition et la corruption ou du soft power qui s’emploie à convaincre
par la séduction et la persuasion » (2). Autrement dit, le soft power est
une importante dimension de la puissance (3), ce pouvoir d’attraction qui
amène les pays visés à suivre les valeurs politiques et culturelles de l’État
l’exerçant. Le Rwanda est classé 6 e pays du continent avec une note de
31,4/100 dans le Global soft power index 2022 (4). Nous utilisons aussi le
concept de national branding, développé par Simon Anholt qui a reconnu le
lien étroit entre les relations internationales fructueuses et les stratégies de
marketing (5). Ce dernier a inventé le terme « nation branding » pour décrire
le comportement selon lequel les États utilisent des outils de marketing
pour présenter une image positive (6). Ce concept s’applique parfaitement
au cas actuel de l’activisme diplomatique du Rwanda, notamment pour le
développement de la marque « Visit Rwanda » (7). En s’appuyant sur sa
politique étrangère, le Rwanda, à travers des outils de soft power, crée sa
propre marque de nation rwandaise, un « national brand ».
Pour ce faire, le gouvernement rwandais multiplie les partenariats,
s’engage dans des accords bilatéraux, maximise l’investissement, se
comporte même en gendarme en Afrique en apportant son renfort militaire
et véhicule l’image d’un « porteur de solutions » et d’un « faiseur de paix »
au niveau international. Ainsi, le hard power rwandais vient renforcer
son soft power, notamment économique, comme le montrent les cas de la
République centrafricaine (ou Centrafrique [RCA]), du Mozambique ou du
Bénin.
Depuis son accession au pouvoir, Paul Kagame cherche à fabriquer et
renvoyer une image positive sur le pays, encore marqué par le génocide
des Tutsis (commis 30 ans auparavant). Plus encore, il cherche à créer
sa propre marque nationale ou ce que l’on appelle le « Rwandan national
(2) J. S. Nye, « L’équilibre des puissances au xxie siècle », Géoéconomie, n° 65, février 2013, p. 19.
(3) Lord Carnes, « Diplomatie publique et Soft Power », Paris, L’Harmattan, n° 3, mars 2005, p. 63.
(4) C. Gouverneur, « Rwanda. Le modèle autoritaire », Afrique Magazine (AFRIMAG), mars 2023, [https://
afriquemagazine.com/rwandale-modele-autoritaire] ; pour plus de détails, voir : [https://brandirectory.com/
rankings/nation-brands/].
(5) B. Boan, Nation Branding: The Case for Marketing Strategy in International Relations, sous la
direction de N. Buchan, Thèse, University of South Carolina, Columbia, mai 2022, p. 16.
(6) A. Simon, « Beyond the Nation Brand: The Role of Image and Identity in International Relations »,
Brands and Branding Geographies, Exchange: The Journal of Public Diplomacy, vol. 2, n° 1, art. 1, 2013,
p. 6-8.
(7) Visit Rwanda est l’initiative de tourisme et de marketing du Rwanda Development Board (RDB),
un organisme gouvernemental chargé d’accélérer le développement économique du Rwanda en favorisant
la croissance du secteur privé. Visit Rwanda travaille avec des partenaires locaux dans les domaines de la
conservation de la nature, du tourisme et du développement pour créer et commercialiser des expériences
touristiques qui profitent aux touristes, aux communautés locales, à la faune et aux écosystèmes.

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brand », la perception de l’autre dans l’imaginaire politique du décideur et
de son impact sur le sentiment d’appartenance et de la construction de la
nation (8). De plus, il souligne l’interférence entre les facteurs internes et
externes dans le sillage de la stratégie de légitimation.
En prenant en compte les réalisations accomplies ces dernières années
au Rwanda, les choses se précisent de plus en plus. Il s’avère évident
que l’élite rwandaise essaie de se distinguer des autres pays africains en
produisant sa propre marque nationale, voire de reconstruire une nation
telle qu’elle est imaginée par Paul Kagame et son parti, le Front patriotique
rwandais (FPR). Cette image servira la légitimation du pouvoir.
Le régime rwandais joue beaucoup sur l’image et exerce une politique
de séduction depuis environ deux décennies (9). Cette tendance s’est
encore affirmée avec le développement et l’usage accru des moyens de
communications et des outils technologiques. Le pays tente d’occuper tous
les espaces possibles. Après avoir été salué par les États-Unis et plusieurs
pays ouest-européens, et avoir fait l’objet d’éloge de la part de plusieurs
acteurs internationaux, un sentiment de confiance s’est ancré à l’intérieur
du régime, grâce aux différentes réalisations notamment dans les domaines
de croissance économique, de bonne gouvernance et de leadership.
Ces réussites continuent de motiver les autorités rwandaises à aller
plus loin dans leurs ambitions. Cette fois-ci à travers la séduction par les
résultats, en l’occurrence les différents succès déjà effectués sur le terrain,
dans le domaine de la diplomatie sportive et touristique, dans celui de la
diplomatie économique et technologique ainsi que dans les relations du
pays avec deux pays tests, la France et la Grande-Bretagne.

La

d i pl o m at i e s p o rt i v e

:

u n pa s v e r s l ’ é m e r g e nc e d u t o u r i s m e de s a f fa i r e s ?

L’organisation d’évènements sportifs fait partie du soft power et de sa
capacité d’influence et d’attraction. Le sport a toujours été instrumentalisé
par les États parce qu’il permet d’affirmer une cause nationale présente ou
passée par une recherche de la reconnaissance (10).
Le Rwanda a acquis une expérience avérée dans l’organisation
d’événements sportifs internationaux ces dix dernières années. La
stabilité du pays a considérablement contribué à renforcer ses capacités.
L’organisation de ces événements a pour objectif de projeter l’image d’un
pays bâtisseur et ouvert sur le continent. Le pouvoir à Kigali exerce une
(8) Il est à noter que pour renforcer le sentiment d’appartenance à une nation rwandaise, le national
brand est à la fois à usage international et interne.
(9) S. Chabouni, « La dimension sécuritaire de la politique étrangère rwandaise après 1994 : enjeux
régionaux et leadership rwandais dans la région des Grands Lacs », sous la direction de I. Belkacem et
codirigée par R. Otayek, Thèse de doctorat en Sciences Politiques, Université d’Alger 3, 2019, p. 231.
(10) J. Champagne, « La diplomatie sportive du Qatar : instrument d’une nouvelle notoriété internationale »,
Géoéconomie, n° 62, mars 2012, p. 67-80.

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L a diplomatie multifacette rwandaise

Samia Chabouni

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stratégie de « nation branding » pour améliorer sa réputation et constituer
une image de la nation rwandaise telle qu’elle est fabriquée par le Président
et l’idéologie du FPR.
L’État rwandais capitalise sur la diplomatie sportive pour doper le secteur
du tourisme (11). En premier lieu, ce petit pays a signé, en 2018, un contrat
avec le prestigieux club anglais de football Arsenal, pour un montant de
40 millions de dollars sur trois ans : il s’agit d’un accord de sponsoring car
les joueurs porteront sur leurs maillots la marque « Visit Rwanda ». Cela
s’explique d’abord par le rôle personnel du président Paul Kagame qui est
un grand fan de ce club et qui le supporte depuis des années. En deuxième
lieu, en 2019, c’est avec le Paris Saint-Germain (PSG) qu’un accord de
partenariat est trouvé pour « promouvoir le tourisme » au Rwanda. Selon
« une source proche du club français » (12), le contrat permettrait au PSG
de recevoir 8 à 10 millions d’euros de la part du Rwanda.
La réputation de ces clubs au niveau mondial servira certainement et
efficacement à la promotion de cette image tant voulue par le régime. Il est
à noter que sur leur maillot est inscrit « Visit Rwanda », un message fort
et clair qui vise directement le développement du tourisme rwandais et, en
particulier, le tourisme sportif. Plus encore, il s’agit bel et bien de lancer
un appel pour découvrir l’histoire à la fois tragique et rayonnante du pays,
dans le but d’acquérir plus de légitimité et de soutien financier. C’est ainsi
que les joueurs des deux clubs PSG et Arsenal ont commémoré le génocide
des Tutsis en exprimant dans des vidéos et en plusieurs langues, le slogan
du Rwanda postgénocide : « Souvenir, unité, renaissance », et également
« Kwibuka », qui veut dire en kinyarwanda : « Souviens-toi » (13).
En revanche, ceci a suscité une polémique de la part des pays donateurs,
notamment des parlementaires néerlandais, craignant que l’aide au
développement soit utilisée pour financer ce sponsoring (14), ce qui a été
démenti par le ministre rwandais des Affaires étrangères. De nombreuses
controverses accompagnent ainsi ce sponsoring de clubs riches par un pays
qui reste pauvre.
Notons aussi le marathon de la paix de Kigali lancé en 2005 en tant
que course pour amateurs visant à utiliser le sport dans le processus
(11) H. Mba, « Diplomatie sportive comment le Rwanda monte en puissance », Afrik Sport Magazine,
18 mars 2018, [https://afriksportsmagazine.com/diplomatie-sportive-comment-le-rwanda-monte-enpuissance/#:~:text=H%C3%B4te%20de%20plusieurs%20comp%C3%A9titions%20internationales,2022%20
et%202023%20%C3%A0%20suivre].
(12) B. Perrochais, « Le Rwanda signe un accord avec le PSG pour promouvoir le tourisme », France 24,
5 décembre 2019, [https://www.france24.com/fr/20191205-le-rwanda-signe-un-accord-avec-le-psg-pourpromouvoir-le-tourisme].
(13) J. Cadet, « Le Rwanda sponsor, controverse du foot européen », France inter, 9 avril 2021, [https://
www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/dans-les-starting-blocks/le-rwanda-sponsor-controverse-du-footeuropeen-2435925].
(14) P. Boisselet, « Polémique sur le sponsoring d’Arsenal par le Rwanda : Londres réagit », Jeune
Afrique, 29 mai 2018, [https://www.jeuneafrique.com/563591/politique/polemique-sur-le-sponsoringdarsenal-par-le-rwanda-londres-reagit/#:~:text=La%20d%C3%A9cision%20de%20Kigali%20de,n’a%20
%C3%A9t%C3%A9%20utilis%C3%A9e%20%C2%BB].

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de réconciliation (15). Il est l’un des événements sportifs annuels les plus
populaires avec le Tour du Rwanda, la course cycliste la plus réputée du
continent. Il en est à sa 18 e édition et est organisé chaque année par la
Fédération rwandaise d’athlétisme en partenariat avec le ministère des
Sports. Cette épreuve symbolise la résilience du Rwanda après le génocide.
Elle embrasse la cause de la promotion de la paix dans le contexte des
conflits en cours dans le monde (16).
Le Rwanda sponsorise également la coupe du CECAFA, le Conseil des
associations de football de l’Afrique de l’Est et Centrale, devenue, en 2022,
la coupe Kagame interclubs, un tournoi régional de football organisé au
Rwanda depuis 2019 (17). Ce tournoi est disputé entre les clubs du Centre
et de l’Est de l’Afrique (18). Cet événement entre dans le cadre de la
coopération Sud-Sud et le développement des relations interafricaines.
En 2016, la capitale rwandaise avait accueilli la 4 e édition du Championnat
d’Afrique des nations (CHAN 2016) (19). Selon le journal rwandais semiofficiel The New Times, le gouvernement a dépensé 16 milliards de francs
rwandais (près de 20 millions d’euros) en travaux d’infrastructures et frais
d’organisation (20). Cette organisation du CHAN souligne l’importance
accordée au sport en général et au football en particulier.
En outre, le Rwanda est également un acteur important du basketball
sur le continent. En 2021, il accueilli la première édition du championnat
africain de basket-ball, AfroBasket, organisé par la Basketball Africa League
(BAL) (21). L’organisation du 73 e Congrès de la Fédération internationale
de football (Fifa) en 2023, à Kigali est une victoire de plus. Kigali est
désormais la quatrième ville africaine à accueillir cette instance après
Marrakech (2005), Johannesburg (2010) et Port Louis (2013) (22).
(15) « Kigali, une nouvelle date pour le marathon international de la paix », Sport et ville, [https://www.
sportetville.org/kigali-une-nouvelle-date-pour-le-marathon-international-de-la-paix/].
(16) A. Kayinamura, « Kenyans dominate 2023 Peace Marathon as Rwandans Struggle »,
The New Times, 11 juin 2023, [https://www.newtimes.co.rw/article/8179/sports/other-sports/
p h o t o s - ke ny a n s - d o m i n a t e - 2 0 2 3 - p e a c e - m a r a t h o n - a s - r w a n d a n s - s t r u g g l e ? f b c l i d = I w A R 2 8 P pj a _
khIZNwxOKTRBEyBmMR8ct22jcWFQhflEnaOaJuZhZOc0MnTiUE].
(17) A. Billebault, « Le PSG, partenaire officiel du Tourisme au Rwanda », Le Monde, 5 décembre
2019,
[https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/12/05/le-psg-partenaire-officiel-du-tourisme-aurwanda_6021796_3212.html].
(18) Il réunit les champions du Kenya, du Rwanda, de l’Ouganda, de Tanzanie, du Burundi, de Djibouti,
de Zanzibar, d’Éthiopie, du Soudan, du Soudan du Sud et de Somalie.
(19) A. Billebault, « Politique sportive, avec le Chan 2016 : le Rwanda monte en puissance », Jeune Afrique,
15 janvier 2019, [https://www.jeuneafrique.com/294118/societe/politique-sportive-chan-2016-rwandamonte-puissance/].
(20) « Chan 2016, le Rwanda prêt pour accueillir la compétition », Radio Okapi, 15 janvier 2016,
[https://www.radiookapi.net/2016/01/15/actualite/sport/chan-2016-le-rwanda-pret-pour-accueillir-lacompetitiénocideon].
(21) S.-H. Cissé, « Entretien avec le ministre des Sports : le tourisme sportif est bel et bien un atout »,
Le Point, 16 mai 2021, [https://www.lepoint.fr/afrique/rwanda-le-tourisme-sportif-est-bel-et-bien-unatout-16-05-2021-2426614_3826.php].
(22) « Kigali accueillera le congrès électif de la Fifa, le 16 mars 2023 », El Moudjahid, Alger, 25 juin
2022,
[https://www.elmoudjahid.dz/fr/sports/kigali-accueillera-le-congres-electif-de-la-fifa-le-16mars-2023-184754].

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L a diplomatie multifacette rwandaise

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En 2025, c’est à Kigali que devraient se dérouler les championnats du
monde de cyclisme sur route. Le Rwanda serait alors le premier pays
africain à organiser cet événement. La Fédération rwandaise de cyclisme
en a fait l’annonce le 23 septembre 2021, avant l’officialisation par le
congrès de l’Union cycliste internationale (UCI). En 2020, M. Kagame
avait dit à ce propos que « le cyclisme est un sport très important pour
notre pays. […] Nous serons peut-être le premier pays africain à accueillir
cette compétition mondiale » (23). Tout un symbole pour le sport national
rwandais et un succès diplomatique qui sert directement la visibilité du
pays.
Ajoutons que cette politique sportive a beaucoup de retombées,
notamment sur le plan du développement économique du pays avec
l’émergence du tourisme d’affaires, dont témoignent l’ouverture en 2016,
du Kigali Convention Center et du bureau des congrès. Entre 2014 et
2016, le nombre de participants aux conférences était déjà passé de
17 950 personnes à 35 100, tandis que les recettes liées au tourisme
d’affaires étaient passées de 29,6 millions à 47 millions de dollars (24). En
2017, le tourisme d’affaires dans le pays a rapporté 64 millions de dollars.

D i pl o m at i e é c o no m i qu e e t b u s i n e s s d i g i ta l :
R wa n da , l e a de r t e c hno l o g i qu e
Le Rwanda a accueilli, les 25 et 26 mars 2019, l’Africa CEO Forum, société
créée et détenue par Jeune Afrique Media Group, et ses 1 800 participants.
Le thème central en était l’intégration économique africaine. Avec cette
rencontre internationale entre dirigeants et financiers du secteur privé
africain (25), il s’agit d’une initiative qui s’est inscrite dans la continuité
des décisions et propositions portées par la présidence de Paul Kagame
de l’Union africaine en 2018 (26) et qui a abordé les enjeux de la Zone de
libre-échange continentale africaine (ZLEC).
Aujourd’hui, la présence militaire rwandaise au sein de plusieurs pays (27)
lui ouvre la voie aux investissements et à d’excellentes opportunités pour
faire des affaires. Le Rwanda s’évertue à implanter ses entreprises à
(23) « Cyclisme : les mondiaux 2025 au Rwanda une première en Afrique », Le Point, 23 septembre
2021,
[https://www.lepoint.fr/afrique/cyclisme-les-mondiaux-2025-au-rwanda-une-premiere-enafrique-23-09-2021-2444471_3826.php#11].
(24) « Rwanda : développer le tourisme d’affaires », La Banque mondiale, 7 juillet 2017, [https://www.
banquemondiale.org/fr/results/2017/07/06/expanding-business-tourism-in-rwanda].
(25) « Cérémonie d’ouverture de l’Africa Forum à Kigali », Jeune Afrique, 25 mars 2023, [https://www.
jeuneafrique.com/753649/economie/direct-la-ceremonie-douverture-de-lafrica-ceo-forum-a-kigali/].
(26) Pour plus de détails, voir S. Chabouni, « Stratégies diplomatiques rwandaises et ambitions de
Kagame », dans A. Alidou, A. Nyenyezi Bisoka et S. Geenen (dir), « Conjoncture de l’Afrique Centrale », Les
Cahiers africains, n° 95, avril 2020, p. 74-79.
(27) D’abord, il faut savoir que le Rwanda contribue, depuis 2004, au niveau multilatéral dans des
Opérations de maintien de la paix (OMP) dans plusieurs pays africains. Aussi, il s’engage désormais dans le
cadre d’accords bilatéraux où son armée est présente en RCA (Centrafrique) et au Mozambique, et s’apprête
à se déployer en Guinée.

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l’échelle du continent afin d’assurer sa propre sécurité économique, d’une
part, et pour acquérir plus d’influence et de poids sur l’échiquier africain,
d’autre part.
Précisons que le Rwanda de Kagame s’est construit sur la base d’une lutte
armée et sur celle de la victoire de l’Armée patriotique rwandaise (APR).
Ayant mis fin au génocide contre les Tutsis, rebaptisée du nom de Rwandan
Defense Force (RDF, Force de défense rwandaise) en 2002, cette armée est
considérée, à l’intérieur, comme une « armée de libération ». Elle se présente
comme le héros du Rwanda et également comme l’acteur principal de la
reconstruction (28). Cette image glorieuse que porte l’armée rwandaise au
niveau national, a une dimension continentale, voire même internationale.
Ses succès vont au-delà des frontières puisque le régime rwandais élabore
grâce à cette armée une politique étrangère, non seulement active (29)–
dynamique – mais aussi proactive, c’est-à-dire qui s’érige en acteur influent
sur la scène internationale. Le Rwanda postgénocide par le biais de son
armée a l’ambition de s’ouvrir aux investissements, et c’est au Rwandan
Developement Board (RDB) qu’il incombe d’attirer, retenir et faciliter les
investissements dans les différents secteurs de l’économie nationale.
La gouvernance initiée par Paul Kagame a conféré un élan à la coopération
avec les pays africains à travers une approche diplomatique, sécuritaire
et économique planifiée. Différentes transformations socio-économiques
(croissance économique, construction des infrastructures, réduction de la
pauvreté…) ont permis à Kigali de redéfinir son rôle régional et continental.
Les transformations socio-économiques ainsi réalisées suggèrent une bonne
gouvernance du pouvoir, non dénuée, toutefois, de critiques. C’est dans
le sillage des succès engrangés dans le domaine économique que le pays
continue dans sa stratégie communicationnelle et son action diplomatique
globale. La forte croissance économique a permis de franchir la barre de
13 milliards de dollars de Produit intérieur brut (PIB) en 2022. Depuis deux
décennies, le pays connaît une croissance soutenue de 7,2 % en moyenne
annuelle, avec un PIB par habitant qui progresse de près 5 % par an (30).
Cette forte croissance est questionnée par plusieurs économistes, y compris
par ceux de la Banque mondiale qui se font fort critiques car la dynamique
de réduction de la pauvreté s’est affaiblie ces dernières années. Compte
tenu du seuil international de 2,15 dollars (Parité de pouvoir d’achat (PPA)

(28) M.-E. Desrosiers et S. Thomson, « Rhetorical Legacies of Leadership: Projections of Benevolent
Leadership in pre-and post-Genocide Rwanda », dans Journal of modern African Studies, Cambridge
University Press, vol. 49, n° 3, 2011, p. 429-453.
(29) S. Chabouni, « De la bénédiction à l’isolement : le Rwanda et l’Occident vers une nouvelle rupture »,
précité, p. 279.
(30) Y. Rizk, « Face à une récession inédite, Kigali n’a pas dit son dernier mot », Jeune Afrique, 10 février
2023, [https://www.jeuneafrique.com/1415548/economie/face-une-recession-inedite-kigali-na-pas-dit-sondernier-mot/].

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L a diplomatie multifacette rwandaise

Samia Chabouni

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2017), le taux de pauvreté est passé de 75,2 % à 53,5 % entre 2000 et 2013,
puis il a pratiquement stagné (31).
Le gouvernement du Rwanda a l’ambition de devenir un pays à revenu
moyen supérieur d’ici 2035 et un pays à revenu élevé d’ici 2050. Pour y
parvenir, il vise une croissance du PIB/habitant (32) de plus de 9 % jusqu’en
2050, ce qui nécessite une croissance annuelle des exportations de 17 %
jusqu’en 2035 et une croissance de l’épargne et de l’investissement privés
multipliée par deux d’ici 2025 et par trois d’ici 2035.
Le gouvernement prévoit d’y parvenir grâce à une Stratégie nationale
de transformation (NST1) d’une durée de sept ans – 2017-2024 – étayée
par des stratégies sectorielles axées sur la réalisation des Objectifs de
développement durable (ODD) des Nations Unies (33). La croissance devrait
être tirée en premier lieu par le commerce et l’investissement : le Rwanda
doit donc se doter d’une stratégie efficace en ces domaines (34).
L’initiative du programme de diplomatie économique est liée à la troisième
priorité de la NST1, consacrée à la gouvernance transformationnelle, qui est
la suivante : « Renforcer la coopération diplomatique et internationale pour
accélérer le développement du Rwanda et de l’Afrique ». Une sous-section
de cette priorité indique la nécessité de « poursuivre le programme de
diplomatie économique pour assurer l’alignement des affaires étrangères,
du commerce et de l’investissement » (35).
Le Rwanda se présente comme un hub des TIC (Technologies de
l’information et des communications) et s’impose comme un modèle dans
ce domaine sur le continent africain. En effet, Paul Kagame a fait de ce
secteur l’un des principaux piliers de son programme « Vision 2020 » (36)
et ambitionne de faire du Rwanda la Silicon Valley de l’Afrique (37) et un
centre d’innovation moteur. Un projet de centre d’excellence en TIC vise
à résoudre le problème de la pénurie criante de compétences avancées en
technologie pour construire une infrastructure numérique résiliente (38). Le
pays poursuit sa politique d’émergence en tant que leader technologique.
(31) « The word bank in Rwanda », 23 mars 2023, [https://www.worldbank.org/en/country/rwanda/
overview].
(32) Il est estimé, en 2022, à 2 792,4 dollars, [https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NY.GDP.
PCAP.PP.CD?locations=A9].
(33) « Overview: The Word Bank in Rwanda », 21 septembre 2023, [https://www.worldbank.org/en/
country/rwanda/overview].
(34) A. Manzi Rutayisire et R. Saavedra, « Why an economic diplomacy in Rwanda », International
journal on economics finance, and sustainable development, 2022, p. 34, [https://www.neliti.com/
publications/410991/why-an-economic-diplomacy-in-rwanda].
(35) Ibid., p. 36.
(36) Il s’agit d’un programme de développement qui a été lancé en 2000, par le président Paul Kagame.
Il est important de savoir que les objectifs de ce programme n’ont pas été atteints en entier malgré les
différentes avancées observées sur le terrain.
(37) C. Lalanne, « Avec ses ambulances volantes, le Rwanda rêve de devenir la Silicon Valley de l’Afrique »,
L’Express, 16 février 2022, [https://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/avec-ses-ambulancesvolantes-le-rwanda-reve-de-devenir-la-silicon-valley-de-l-afrique_2167817.html].
(38) R. Gras, « Au Rwanda, les discrets atouts de la diplomatie économique de Paul Kagame », Jeune
Afrique, 2 mai 2023, p. 9.

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Les TIC étant jugées comme indispensables pour accélérer la reconstruction
de la nation, et pour avoir une voix qui porte dans la mondialisation (39),
les autorités ont fait le choix de se concentrer sur ce secteur en souhaitant
devenir ainsi le centre d’innovation à la pointe de la Quatrième révolution
industrielle (C4IR) lancée à Kigali, le 31 mars 2021 (40). C’est pourquoi ce
pays attire davantage de bailleurs de fonds et d’investisseurs qui peuvent
contribuer à donner plus de visibilité au niveau international. Kigali
accueille d’ailleurs de grands événements internationaux.
Précisions que l’intervention du Rwanda en République centrafricaine et
au Mozambique a ouvert la porte à de nombreuses opportunités économiques,
notamment pour le compte de la société Crystal Ventures Limited (41)
(CVL). À titre d’exemple, et notamment dans le cadre de l’accord signé
avec le gouvernement de la RCA, un cortège d’hommes d’affaires rwandais
se sont installés à Bangui (42). Des investisseurs rwandais proches du
pouvoir se sont aussi installés à Cabo Delgabo au Mozambique, dans le but
d’investir dans le secteur du graphite, de plus en plus recherché par la
filière des batteries électriques (43). C’est le cas de l’influent businessman
Jean Paul Rutagarama (44), directeur de Dither Limited. Ce dernier était
déjà au cœur d’un projet minier en République démocratique du Congo
(RDC) où il avait conclu un accord avec la société aurifère du Kivu et du
Maniema (Sakima) en juin 2021 (45). Avant qu’intervienne la rupture des
relations entre les deux Présidents, cet accord, signé à l’occasion d’une
double rencontre entre Paul Kagame et Félix Tshisekedi à la frontière entre
la RDC et le Rwanda, prévoyait que Dither se chargerait de raffiner l’or
extrait par la Sakima, dans différentes concessions minières. Précisons que
CVL a aussi créé, en 2021, la société Macefield Ventures Limited (MVL),
chargée d’œuvrer au développement d’activités à l’étranger (46). Macefield
Ventures contrôle des sociétés – ou en détient des parts – dans au moins
cinq pays : la Centrafrique, le Mozambique, la Zambie, le Zimbabwe et la
République du Congo, et projette d’ouvrir des bureaux au Gabon et au
Cameroun. Au Bénin, les équipes de Macefield Ventures ont travaillé à
(39) G. Massang, « Rwanda : Paula Ingabire est la nouvelle ministre des TIC et de l’innovation », Digital
Business, 22 octobre 2018, [https://www.digitalbusiness.africa/rwanda-paula-ingabire-est-la-nouvelleministre-des-tic-et-de-linnovation/].
(40) F. Reyntjens, « Rwanda, Political Chronicales of the African Great Lakes Region 2022 », Antwerp,
2021, p. 68.
(41) Propriété et bras financier du FPR.
(42) P. Pabandji, « Centrafrique : Pourquoi une partie de l’opinion veut voir l’armée Rwandaise quitter
le pays », Jeune Afrique, 12 août 2022, [https://www.jeuneafrique.com/1369159/politique/centrafriquepourquoi-une-partie-de-lopinion-veut-voir-larmee-rwandaise-quitter-le-pays/].
(43) « Sécurité, gaz et graphite : les Rwandais s’installent à Cabo Delgado », Africa Intelligence,
21 septembre 2022.
(44) Directeur général de la compagnie et membre du FPR.
(45) « Or : Kinshasa et Kigali signent un accord d’exploitation », Jeune Afrique, 27 juin 2021, [https://www.
jeuneafrique.com/1194739/economie/kinshasa-et-kigali-signent-des-accords-commerciaux-notamment-surlexploitation-de-lor/].
(46) R. Gras, « Au Rwanda, les discrets atouts de la diplomatie économique de Paul Kagame », précité,
p. 9.

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L a diplomatie multifacette rwandaise

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l’implantation d’une société d’exploitation de granit et de marbre, matières
premières dont regorge le centre du pays. Ce projet devrait être exécuté par
une société béninoise (47). En outre, en avril 2023, les présidents Kagame
et Patrice Talon se sont engagés à renforcer leur coopération militaire, une
coopération qui pourrait inclure un déploiement de troupes rwandaises au
nord du Bénin, menacé par l’activisme djihadiste provenant du Burkina
Faso (48).
Dans le secteur du transport aérien, le Rwanda souhaite devenir la
plaque tournante de la région. Cette ambition a motivé la construction
d’un nouvel aéroport dans le district de Bugesera afin de garantir
l’augmentation de la flotte, tout comme celle du réseau de la compagnie
Rwandair, en vue de renforcer son attractivité dans la région. En sachant
que ce projet est issu d’un accord signé en 2019 entre le Rwanda et le
Qatar, ce dernier s’est engagé à assurer le financement du futur aéroport
à 60 % (49), lequel souhaite positionner Kigali comme hub régional pour
sa compagnie aérienne nationale Qatar Airways (50). Créée en 2002,
Rwandair détient une flotte de douze avions qui desservent environ vingtdeux pays sur le continent. Au fil des années, elle a réussi à compter parmi
les meilleures compagnies aériennes du continent ; elle est à la septième
place du classement (51) mais elle voit en revanche son staff plébiscité dans
le classement thématique du « meilleur personnel aérien en Afrique », où
elle prend la première place devant South African Airways et Ethiopian
Airlines (52). C’est à l’occasion du Qatar Economic Forum qui a débuté le
23 mai 2023, à Doha que ces précisions ont été apportées par le président
Kagame (53).
La présence économique du Rwanda hors de ses frontières, confirme de
plus en plus ses ambitions, incarnées par son leader Paul Kagame, lequel
met l’activisme diplomatique au service du développement économique de
son pays.

(47) Ibid.
(48) V. Avendaño, « Bénin : le gouvernement intensifie sa lutte contre le terrorisme dans le nord du pays »,
Le Monde, 25 janvier 2024, [https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/01/25/benin-le-gouvernementintensifie-sa-lutte-contre-le-terrorisme-dans-le-nord-du-pays_6212989_3212.html].
(49) Le montant estimé à 1,3 milliard de dollars (près de 1,2 milliard d’euros).
(50) B. Augé, « Avec Paul Kagame, le Qatar semble avoir trouvé son interlocuteur privilégié en Afrique »,
Le Monde, 13 décembre 2019, [https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/12/13/avec-paul-kagame-leqatar-semble-avoir-trouve-son-interlocuteur-privilegie-en-afrique_6022761_3212.html].
(51) Selon le classement 2022, publié par l’organisme de consultation britannique Skytrax, sur la
satisfaction des clients des transporteurs aériens, le World’s Best Ailines Rwandair.
(52) M. Songne et N. Fualdes, « Ethiopian Airlines, Royal Air Maroc, South African… les meilleures
compagnies aériennes d’Afrique », Jeune Afrique, 23 septembre 2022, [https://www.jeuneafrique.
com/1379694/economie-entreprises/ethiopian-airlines-royal-air-maroc-south-african-les-meilleurescompagnies-aeriennes-dafrique/].
(53) « Rwanda : les travaux de constructions de l’aéroport de Bugesera atteindront 70 % d’ici fin 2023 »,
Africa 24, 25 mai 2023, [https://africa24tv.com/rwanda-les-travaux-de-construction-de-laeroport-debugesera-atteindront-70-dici-fin-2023/?fbclid=IwAR37YRra06Qb7bD7x6hiJKexShYSIspm7wyYWQG455L3
1J5_r_H-tzVkphI].

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O pp o rt u n i s m e e t pr ag m at i s m e
F r a nc e e t l a G r a n de -B r e tag n e

da n s l e s r e l at i o n s av e c l a

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Si les relations entre le Rwanda et la France étaient assez mauvaises
depuis l’arrivée du FPR au pouvoir, elles ont connu ces derniers temps une
nette amélioration, tout particulièrement depuis le début de la présidence
d’Emmanuel Macron. Les deux chefs d’État se sont rencontrés à plusieurs
reprises en 2018, année au cours de laquelle P. Kagame a présidé l’Union
africaine et où son ex-ministre des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo,
a été élue secrétaire générale de l’Organisation internationale de la
francophonie (54). Cela a favorisé les échanges entre les deux Présidents, et
permis au Rwanda de devenir un État-pivot dans la reconquête du poids de
la France en Afrique centrale.
Après plus de vingt-cinq ans de relations troublées (55), les deux pays
ont scellé leur réconciliation le 27 mai 2021, lorsqu’Emmanuel Macron
s’est rendu au Rwanda, dans le but de tourner la page sur le rôle de la
France dans le génocide de 1994. Au cours de cette visite, le Président
français a prononcé un discours qui s’est voulu historique, reconnaissant
les responsabilités françaises dans le génocide des Tutsis en s’appuyant,
précisément, sur les conclusions (56) et le travail de la Commission
Duclert (57), étroitement associée à l’événement.
Cette visite a néanmoins masqué d’importantes lacunes dans les relations
entre la France et le Rwanda quant à leurs compréhensions respectives
de ce chapitre douloureux de l’histoire. Selon Filip Reyntjens, elle n’a pas
été l’occasion de déboucher sur une « vérité historique » communément
acceptée (58). Quelques semaines après la publication du Rapport Duclert,
le gouvernement rwandais a publié son propre rapport, rédigé par le
cabinet d’avocats américain Levy Firestone Muse LLP. Le rapport Muse
conclut à une plus grande culpabilité de la France, déclarant que la
commission Duclert avait commis une erreur en affirmant que Paris était
restée aveugle à l’imminence du génocide. Néanmoins, Paul Kagame a fait
l’éloge du Rapport Duclert, qualifiant celui-ci de « grand pas en avant ».
Dans son discours, le président Macron a pourtant nié la complicité de
la France et s’est gardé de présenter des excuses. Ceci met un terme aux
(54) S. Chabouni, « Stratégies diplomatiques rwandaises et ambitions de Kagame », précité, p. 80.
(55) F. Reyntjens, « Rwanda », précité, p. 94.
(56) « La France portait une responsabilité «grave et écrasante» dans le génocide, tout en estimant qu’elle
n’était pas complice de ce crime », E. Macron, Discours au mémorial du génocide de Kigali, Rwanda, 27 mai
2021. Durant ce discours, Emmanuel Macron a évoqué la nécessité pour la France de « reconnaître sa part des
souffrances qu’elle a infligées au peuple rwandais ».
(57) C. Evrard, M. Gomez-Perez et al., « Introduction. Au-delà du Rapport Duclert. Décentrer l’histoire
du génocide des Tutsi du Rwanda », Revue d’Histoire Contemporaine de l’Afrique, 2021, p. 1-8.
(58) F. Reyntjens, « Rwanda », précité, p. 94.

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La réconciliation entre le Rwanda et la France et l’attachement
francophone

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affirmations faites depuis de nombreuses années par le régime rwandais
ainsi qu’aux accusations de P. Kagame. De ce fait, il semble que les deux
chefs d’État se soient mis d’accord sur une version commune de l’histoire
– bien qu’elle ne fasse pas l’unanimité – et qu’ils partagent la même vision
de realpolitik, puisque leur attitude révèle, en dépit des divergences, une
volonté partagée de dépasser le passé pour entamer une nouvelle page de
coopération.
Cette évolution dans les relations bilatérales nous pousse à nous
s’interroger sur les intérêts des deux pays au Mozambique. À cet égard,
il n’est pas à exclure que l’intervention militaire du Rwanda dans ce pays
ait fait l’objet d’un accord entre la France et le Rwanda, qui consiste à
sécuriser la région afin de permettre à la société Total d’y poursuivre son
exploitation de pétrole et de gaz (59). En effet, ce rapprochement entre
Paris et Kigali rend cette hypothèse plausible d’autant plus que les deux
capitales consolident leurs liens, en particulier dans le domaine militaire et
du renseignement. On pourrait aussi ajouter que, pour Emmanuel Macron,
la perte du Sahel est en partie compensée par le rapprochement avec le
Rwanda.
À cet égard, le patron du renseignement militaire français, Jacques
Montgros, s’est rendu à Kigali, fin novembre 2022 : un élément de plus qui
confirme la volonté de la France de renforcer sa collaboration militaire avec
le Rwanda (60). En effet, le régime rwandais joue un rôle de « fournisseur
de sécurité et de paix » et d’exportateur de stabilité aux yeux de ses
partenaires occidentaux. En échange, il conforte son immunité politique, ce
qui permet à Paul Kagame de jouir d’un statut de « Président intouchable ».
Tout cela démontre à quel point le régime rwandais par le biais de son
leader se montre pragmatique dans l’élaboration de sa politique étrangère,
comme en témoigne la normalisation de ses relations avec la France.

Les relations entre le Rwanda et la Grande-Bretagne :
Kigali comme porteur de solution
Après le génocide, le Rwanda a procédé à un renversement d’alliance,
en vouant la France et la Belgique aux gémonies et en se rapprochant des
États-Unis et du Royaume-Uni (61). Si ce dernier a eu peu d’influence ou
d’engagement dans la région, malgré son passé colonial et ses relations
actuelles avec l’Ouganda voisin (62), les choses ont beaucoup évolué depuis
lors.
(59) En sachant que le déploiement rwandais a bénéficié d’un soutien de la Facilité européenne de paix,
avec le soutien actif de la France.
(60) « Le Patron du renseignement militaire français à Kigali », Africa Intelligence, 25 novembre 2022,
[https://www.africaintelligence.fr/afrique-est-et-corne/2022/11/25/le-patron-du-renseignement-militairefrancais-a-kigali,109867864-bre].
(61) S. Chabouni, « De la bénédiction à l’isolement : le Rwanda et l’Occident vers une nouvelle rupture ? »,
précité, p. 28.
(62) J. Beloff, « Rwandan’s Foreign Policy Relations Post-Genocide: Shifting from France and UK », The
RUSI journal, juillet 2023, p. 6.

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En effet, avec l’échec de la stratégie française dans la région des Grands
Lacs, après le génocide des Tutsis, la région a connu une reconfiguration
politique : elle s’est davantage dirigée vers le monde anglosaxon. Notons
qu’avant 1994, le Royaume-Uni n’avait pas d’ambassade permanente
au Rwanda, pays qu’il considérait comme faisant partie de la sphère
d’influence de la France dans la région (63). Depuis l’arrivée du FPR
au pouvoir et, surtout lors du mandat de Tony Blair, les relations entre
les deux pays se sont beaucoup développées, dans le cadre, notamment,
de la reconstruction. C’est dans ce contexte que le Rwanda est devenu un
partenaire et un allié privilégié pour Londres. Les excuses de Tony Blair
face à l’inaction de la communauté internationale pendant le génocide, ont
beaucoup aidé à la consolidation des relations, avant qu’il ne devienne l’un
des conseillers du président Paul Kagame.
Très récemment, la Grande-Bretagne a signé un accord controversé
avec le Rwanda pour accueillir sur son sol des migrants et des demandeurs
d’asile de diverses nationalités acheminés du Royaume-Uni, une pratique
contraire, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés
(HCR) (64), à la convention de Genève pour les réfugiés. Ce partenariat
a permis au Rwanda de recevoir 140 millions de livres sterling (65).
Le Danemark a signé, en mai 2021, un accord similaire concernant la
coopération sur les questions d’asile et de migration (66). Parmi les
arguments qui justifient le recours à la relocalisation des demandeurs
d’asile au Rwanda, figure le fait qu’il s’agit, selon la description de Boris
Johnson, de « l’un des pays les plus sûrs au monde, mondialement reconnu
pour son bilan d’accueil et d’intégration des migrants ». Le recours à
ce genre d’accord peut être interprété par cette quête permanente de
moyen de financement. On pourrait qualifier cette nouvelle tendance
d’« opportunisme kagamien », commandée par la recherche de moyens
favorables au développement. Mais, il est à noter que ce projet est bloqué,
car la Cour suprême britannique l’avait déclaré illégal (67). Récemment, le
ministre britannique de l’Immigration, Robert Jenrick, a démissionné (le

(63) D. Beswick, « Aiding State Building and Sacrificing Peace Building? The Rwanda-UK Relationship
1994-2011 », Third World Quarterly, vol. 32, n° 10, 2011, p. 1911-1930 ; P. Uvin, « Reading the Rwandan
Genocide », International Studies Review, vol. 3, n° 3, 2001, p. 75-99.
(64) P. Desorgues, « Le Rwanda signe un accord avec Londres pour accueillir sur son territoire des
migrants acheminés du Royaume Uni », AFP, 14 avril 2022, [https://information.tv5monde.com/info/lerwanda-signe-un-accord-avec-londres-pour-accueillir-sur-son-territoire-des-migrants].
(65) F. Reyntjens, « Rwanda », précité, p. 85.
(66) « Rwanda : le Danemark conclut un accord de principe avec Kigali sur les réfugiés et la migration »,
Afrique Magazine, 11 mai 2021, [https ://afrimag.net/rwanda-danemark-conclut-accord-principe-aveckigali/].
(67) « What is the UK’s Plan to Send Asylum Seekers to Rwanda? », BBC, [https://www.bbc.com/news/
explainers-61782866].

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L a diplomatie multifacette rwandaise

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Samia Chabouni

6 décembre 2023), à la suite de la publication d’une législation d’urgence
controversée sur l’envoi des migrants au Rwanda (68).
Ajoutons aussi que le pays a accueilli le Sommet du Commonwealth du 20
au 25 juin 2022 (69). Bien que la tenue de cette rencontre ait été dénoncée
par des ONG (organisations non gouvernementales) de droits humains et
soit survenue dans un contexte très polémique, elle reste l’un des plus
grands événements jamais accueillis par le Rwanda, avec la présence de
cinquante-cinq chefs d’État et du Prince Charles (devenu depuis le roi
Charles III, après le décès de la reine Elisabeth II) (70).

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Depuis environ une décennie, le régime rwandais élabore une politique
étrangère à la fois active et proactive, diversifie ses partenariats, renforce
ses outils de soft power et déploie une stratégie de national branding afin
de s’imposer sur la scène africaine et internationale. En outre, il combine
le développement de relations multilatérales et bilatérales.
Durant les premières années de son règne, le président Kagame a fondé
sa politique étrangère sur l’usage de la mémoire et de l’Histoire comme
ressource stratégique et comme fondement. Depuis, la politique extérieure
a évolué progressivement, surtout depuis 2015 : elle s’appuie sur l’image
que dégage l’ensemble des réalisations et avancées économiques du pays
ainsi que sur ses succès militaires.
Les récents déploiements militaires de Kigali semblent refléter non
seulement une stratégie visant à garantir les intérêts du Rwanda à
moyen et à long termes, mais aussi celle dédiée à établir des partenariats
stratégiques avec des pays africains. Rappelons que le renfort militaire
au Mozambique a été un succès en termes d’efficacité, ce qui ne manque
pas d’illustrer cette influence tout en témoignant, en même temps, des
ambitions économiques du Rwanda.
La diplomatie rwandaise exploite toutes les occasions présentes sur la
scène internationale en dépit de la nature limitée de ses moyens. Pour ce
faire, elle s’appuie sur les principes fondateurs de sa politique extérieure
postgénocide et sur une surdose de pragmatisme et de volontarisme du
FPR et de son leader politique. Son implication dans les affaires africaines
(68) « Royaume-Uni : le ministre de l’Immigration démissionne après la polémique sur les migrants
au Rwanda », Le Figaro avec l’AFP, 6 décembre 2023, [https://www.lefigaro.fr/international/royaume-unile-ministre-de-l-immigration-demissionne-apres-la-polemique-sur-les-migrants-au-rwanda-20231206]
;
E. Pierson, « Migrants : comment la délocalisation des demandeurs d’asile se systémise au Rwanda », Le Figaro
international, 16 juin 2022, [https://www.lefigaro.fr/international/migrants-comment-la-delocalisation-desdemandeurs-d-asile-se-systemise-au-rwanda-20220615].
(69) G. I. Tounkara, « Le Commonwealth en Sommet au Rwanda malgré les critiques », DW,
20
juin
2022,
[https://www.dw.com/fr/le-commonwealth-en-sommet-au-rwanda-malgr%C3%A9-descritiques/a-62192591].
(70) L. Broulard, « Migrants, RDC, le Rwanda au centre de plusieurs polémiques », RFI, 16 juin 2022,
[ h t t p s : // w w w. r f i . f r /f r / a f r i q u e / 2 0 2 2 0 6 1 9 - m i g r a n t s - r d c - l e - r w a n d a - a u - c e n t r e - d e - p l u s i e u r s pol%C3%A9miques-avant-le-sommet-du-commonwealth].

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rend le Rwanda géopolitiquement et géostratégiquement intéressant. Cet
activisme sert la stratégie de légitimation du pouvoir en place depuis
1994 et justifie, en même temps, l’hégémonie et le leadership portés par
Paul Kagame ainsi que sa quête de puissance. Motivée par l’ambition du
Président, la montée en puissance de la diplomatie rwandaise est également
favorisée par un climat d’instabilité et de faiblesse au niveau régional, tout
particulièrement par la situation en RDC – même si nous ne l’avons pas
développé dans ce papier – ainsi que par la fragilité du cadre international.
Derrière le schéma positif de cette politique étrangère et au-delà de la
fabrique d’une image idéale, il existe un côté sombre en ce qui concerne
les attitudes du régime du FPR, que ce dernier essaie de camoufler par
sa politique étrangère dynamique. Au niveau interne, l’autoritarisme du
régime poursuit ses politiques d’oppression envers l’opposition et exerce
un contrôle absolu sur la population. Au niveau régional et international,
le soutien au mouvement M23 (71) – que le régime nie radicalement –
provoque de la méfiance et nuit donc à la confiance qu’il tente de gagner.
En sachant que le M23 a ressurgi en 2021 et occupait, au début 2024,
de larges portions de la province du Nord-Kivu de RDC, frontalière du
Rwanda.
Le pouvoir à Kigali poursuit néanmoins sa politique et continue d’être
considéré comme « un faiseur de paix » en dépit de son implication dans
la déstabilisation du Congo et du non-respect des droits humains sur son
territoire. Globalement, il continue d’être soutenu par l’Amérique du Nord
et l’Europe occidentale, même si les positions diffèrent d’un État à l’autre.
La longévité au pouvoir du FPR et de son inamovible Président ne semble
pas susciter de fortes réactions, pas plus que le caractère autoritaire
du régime, qualifié de dictature par nombre d’opposants. Au contraire,
la stabilité du régime en place rassure les puissances occidentales et
les investisseurs desquels il acquiert davantage de reconnaissance et
d’immunité politique.

(71) Le M23 est une rébellion à dominante tutsi vaincue en 2013, par l’armée congolaise et une brigade
spéciale de la force de maintien de la paix de l’ONU (MONUSCO), ayant ressurgi en 2021 au Nord-Kivu, grâce
au soutien avéré du Rwanda.

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L a diplomatie multifacette rwandaise

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