Fiche du document numéro 34245

Num
34245
Date
Mardi 13 septembre 2022
Amj
Taille
108079
Titre
L’Université du Rwanda décimée
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Nom cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Mot-clé
Source
Type
Conférence
Langue
FR
Citation
L’Université du Rwanda décimée


Dr Raphaël Nkaka
Université du Rwanda


Alors que dans de nombreuses parties de la préfecture de Butare, le génocide a tardé a commencer , dans les communes de Gikongoro limitrophes, des tueries, des incendies et des pillages ont commencé immédiatement, dés le 7 avril 1994.
Dans la commune de Ngoma, aujourd’hui dans le district de Huye, province du Sud, il a fallu plus de deux semaines avant que le génocide contre les Tutsi ne commence à être perpétré, étant donné que le préfet Jean-Baptiste Habyalimana n’a pas soutenu le plan du génocide. Le préfet a conscientisé la population à ne pas se mêler des tueries mais plutôt à accueillir et assister les Tutsi qui fuyaient les massacres dans d’autres parties du pays, notamment à Kigali. Du fait de son comportement, le préfet Jean-Baptiste Habyalimana a été finalement déclaré ennemi de l’État, démis de ses fonctions et arrêté et envoyé a Gitarama ou il sera sévèrement torturé et tué quelques jours plus tard, le 11 avril 1994.
Le 19 avril, le président intérimaire Théodore Sindikubwabo est venu ici, à Butare, pour participer à la cérémonie d’investiture du nouveau préfet, Sylvain Nsabimana, après l’élimination du préfet Jean-Baptiste Habyalimana qui s’était opposé au déclenchement du génocide. Lors de cette cérémonie, dans son allocution, le président Théodore Sindikugwabo a mobilisé tous les Hutu à éliminer tous les Tutsi, et à se débarrasser de quiconque interférerait avec ce plan. C’est ce genre de personnes qu’il qualifia de « Ntibindeba », c'est-à-dire les « cela ne me concerne pas » a travers un extrait suivant de son discours :
« Uwumva avuga ati ‘’ ntibindeba’’, jye nifitiye ubwoba, natubise. Abashinzwe kumudukiza nibamudukize » [Celui qui dit moi cela ne me concerne pas, (ou) cela me fait peur, il n’a qu’ a quitter les lieux. Que ceux qui ont la tâche de nous en débarrasser le fassent.]

C’est à ce moment que le président intérimaire Théodore Sindikubwabo a prononcé le fameux verbe ambigu « gukora » qui signifie travailler dans le langage ordinaire, mais qui, dans le contexte du génocide veut dire « massacrer les Tutsi ». Le président a tenu à « clarifier » cette ambiguïté créée dans les termes suivants :
« Ndifuza ko mwajya mutwumva, [ntibyumvikana] imvugo yacu ku buryo iba yavuzwe. Mukumva impamvu tuba twavuze dutyo, buri jambo mukarisesengura, mukumva impamvu riba ryavuzwe rityo. Ni uko turi mu bihe bidasanzwe »
[Je souhaite que vous appreniez à nous comprendre. [inaudible] notre discours tel qu’il a été dit. Et vous comprendrez pourquoi nous avons dit ceci. Ainsi vous analyserez chaque propos, vous comprendrez pourquoi il a été dit comme cela et non autrement. C’est que nous vivons des moments extraordinaires »]

À partir du 21 avril 1994, des étudiants, des enseignants et d’autres membres du personnel de l’Université nationale du Rwanda sont torturés à mort, avec la participation d’étudiants et d’enseignants extrémistes hutu. Le personnel enseignant et administratif ainsi que les étudiants ont joué un rôle dans l’élaboration des listes désignant des collègues Tutsi pour les sortir de leurs cachettes, et ont participé activement dans les massacres. Certains noms sont souvent repris dans les témoignages comme ayant activement participé dans le génocide, ici au campus. Il s’agit notamment de Amandin Rugira Pacifique, Nyirimana Innocent, Setakwe Claver, Karabaranga Isaïe, Murangwa Innocent, Mutwewingabo Bernard, Kampire Therese, Dr Munyemana Sosthene, Gatabazi Martin .
Concernant ce site, lors de la commémoration du génocide perpétré contre les Tutsi, en 1995, les rescapes du génocide qui venaient de rentrer au campus se sont mobilisés pour donner une sépulture et enterrer en toute dignité les corps des victimes du génocide qui étaient dans des fosses communes. Parmi ces victimes, il convient de citer quelques noms d’étudiants, de jeunes garçons et de jeunes filles : dans la faculté d’agronomie, il y avait notamment Batsinda Alphonse, Gasasira Eugene, Gatwaza Emile, Mugenzi Théophile, Safari Aimable ; dans la Faculté de droit, il y a notamment Dusenge Jeannette, Uwimana Françoise, Uwera Jaqueline, Cyiza Clémence, Rutayisire Claudine.
Les autorités de l’Université en collaboration avec AERG, Association des Etudiants Rescapés du Génocide et AGEUNR, Association Générale des Etudiants de l’Université Nationale du Rwanda ont fait le nécessaire pour réaliser cette tâche d’inhumation dans la dignité en préparant ce site afin d’enterrer les victimes qui reposent dans ce mémorial aujourd’hui. Au total, 422 corps d’étudiants, d’enseignants et de cadres administratifs de l’Université, répartis selon les facultés et services sont enterrés ici. Certains reposent sous cette pierre tombale.
Ce génocide a eu des signes avant-coureurs. Au mois de février 1973 les Tutsi, étudiants et employés, ont été chassés de l’Université. L’Etat et l’idéologie s’étaient ligués contre eux.

©Raphaël Nkaka

[Notes :]

Discours du président intérimaire Dr Sindikubwabo à Butare, le 19/4/1994, Archives de Radio Rwanda
Ibid. En expliquant le rôle de l’ambiguïté de ses propos, le président a rendu la tâche facile aux futurs chercheurs et aux tribunaux.
https://www.rba.co.rw/post/The-significance-of-doctors-and-nurses-role-in-the-Genocide-against-the-Tutsi

Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024