Citation
Bonjour à toutes et à tous.
Je me présente, je m’appelle Erika Icyitegetse, j’ai 19 ans, je suis née le 9 février 2005 à Paris. Je suis la fille de Solange Umulisa Icyitegetse rescapée du génocide des Tutsi au Rwanda.
Ma mère née le 26 mai 1985 a vécu le génocide en 1994 dans sa chair et dans son cœur. Alors qu’elle n’avait que 8 ans, elle a connu des douleurs qu’aucun enfant de cet 8 âge ne mériterait de vivre. Toute sa famille a été massacrée. Je ne sais pas comment elle a pu se débrouiller toute seule. Je n’ai pas de grands-parents, de tantes, oncles, etc… J’en souffre. Heureusement qu’elle est là. Ma mère est ma seule famille. J’ai grandi uniquement avec elle, sans figure paternelle. Elle était encore très jeune lorsque je suis venue au monde. Mais elle a toujours su s’occuper de moi jusqu’à présent malgré tous les traumatismes qu’elle a pu connaître.
En effet, les Tutsi ont vécu des choses horribles, tous sans exception. Beaucoup y ont laissé la vie, plus d’un million dont une très grande proportion d’enfants. Les rescapés vivent avec des séquelles ou sont traumatisés à vie.
Je suis née en France. Je suis française et j’en suis fière. Mais depuis toute petite, je sais aussi que je suis rwandaise. Je remercie Maman de m’avoir fait connaître cette deuxième dimension de mon identité. Depuis petite, elle m’a parlé de son histoire, de sa famille et du génocide. J’ai baigné dans une double culture, française et rwandaise. Je suis fière de mes origines rwandaises, du pays de ma mère. J’ai toujours vécu en France. Mais par ma mère et ses copines, j’ai le sentiment d’avoir baigné également dans la culture de leur pays d’origine. Grâce à ses copines, j’ai le sentiment que notre famille était très grande. Elles nous ont évité la solitude.
Aux côtés de maman, j’ai assisté, à plusieurs reprises, aux cérémonies de commémoration du génocide et j’ai entendu les témoignages de rescapés. Quand j’étais encore très jeune on me disait souvent de sortir de la salle quand c’était le moment des témoignages, soit-disant pout éviter que je sois choquée et traumatisée. À 19 ans, j’ai pu lire le témoignage de ma mère, quel choc, j’ai tellement pleuré. Je comprends totalement pourquoi on ne me laissait pas écouter cela. Ces histoires et ces paroles peuvent être traumatisantes pour un jeune enfant.
Aujourd’hui je vous transmets ce que je ressens en tant qu’une enfant de rescapée. Je sais que dans le futur, il sera de mon devoir de transmettre cette histoire à mon tour. Je sais qu’un jour celles et ceux qui ont connu le génocide ne seront pas là pour en témoigner. Mais je serai là pour le faire afin que ce qui s’est passé en 1994 au Rwanda ne s’oublie pas. Je suis prête.
J’invite tous les jeunes de mon âge à prendre conscience du devoir qui sera demain le nôtre et à s’y préparer en écoutant les témoignages de leurs parents et de leurs familles, et en lisant tout ce qui s’écrit sur le génocide des Tutsi du Rwanda. Nous devons témoigner de leur souffrance et de leur courage. J’estime que c’est mon devoir, que c’est notre devoir.
Aujourd’hui c’est la 30ème commémoration. Nous sommes ici réunis pour commémorer, pour nous souvenir. J’espère que cette pratique va se perpétuer de générations en générations.
Merci a vous de m’avoir écouté et vous prie d’excuser les maladresses que vous avez pu constater. C’est ma première fois.
Erika