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Base de données France Génocide Tutsi
Lettre d'information , 6 avril 2024, v1
La base de données France Génocide Tutsi (FGT) rassemble plus de 17 000
documents concernant essentiellement le rôle de la France dans le
génocide des Tutsi au Rwanda en 1994. Elle est consultable par un site
web mis à jour mensuellement (copie en
). Un moteur de recherche permet
des recherches par date, auteur, titre, noms de personnes, noms de
lieux, cotes et donne accès au texte extrait du document. Il existe aux
trois adresses suivantes:
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# Nouvelles archives
La publication du rapport au président de la République de la commission
présidée par Vincent Duclert (Duclert, 26/03/2021) s'est accompagnée de
l'ouverture des archives consultées. Ont été publiés deux inventaires
des documents cités ou consultés (Douat, 26/03/2021), un état des
sources (Duclert, 10/05/2021) et un exposé méthodologique (Duclert,
07/04/2021). Des documents de ces archives ont été chargés sur FGT.
Le rapport Muse en anglais (19/04/2021), commandé par le gouvernement
rwandais, a été atténué pour permettre la venue à Kigali d'Emmanuel
Macron (27/05/2021). Toutefois, publié peu après le rapport Duclert, il
lui reproche de ne pas se prononcer sur la responsabilité réelle de
l'État français. Il affirme que celui-ci a permis un génocide
prévisible. Ce rapport n'a pas été accompagné de la publication
d'archives.
L'instruction de la justice française sur l'attentat du 6 avril 1994 qui
a causé la mort des Présidents rwandais et burundais s'est terminée par
un non-lieu (Herbaut, 21/12/2018) en faveur des Rwandais incriminés par
le juge Bruguière (17/11/2006). Des pièces de ce dossier sont
accessibles sur FGT.
# Le rapport Duclert
La commission Duclert a produit un volumineux rapport qui conclut à un
« *ensemble de responsabilités lourdes et accablantes* » de la France
(Duclert, 26/03/2021, p. 973). L'Élysée et principalement l'état-major
particulier sont mis en cause. Suite à cet énorme travail, poursuivi
dans un livre de Vincent Duclert, *La France face au génocide des Tutsi*
(Duclert, 2024), plusieurs questions se posent. Y a-t-il eu complicité
de génocide ? « *Si l'on entend par là une volonté de s'associer à
l'entreprise génocidaire*, écrit le rapport page 971, *rien dans les
archives ne vient le démontrer* ». La commission a-t-elle eu accès à
toutes les archives ? Elle est limitée aux archives françaises. Dans son
exposé méthodologique, elle reconnaît les limites de son travail, en
particulier elle n'a pas eu assez de temps pour travailler sur le rôle
de Paul Barril (Duclert, 07/04/2021, p. 36). La Direction générale de la
Sécurité Extérieure (DGSE) écoutait les communications de Paul Barril en
1993-1994, les comptes rendus étant archivés au Fort de Vincennes. Les
documentalistes de la DGSE auraient nié l'existence de telles archives.
Sur l'engagement de mercenaires pour mener une stratégie indirecte
pendant le génocide (Quesnot, 06/05/1994), Duclert se rattrape dans son
livre de 2024 en analysant le rapport du colonel Rwabalinda sur sa
visite au général Huchon le 9 mai 1994 (Rwabalinda, 16/05/1994). Il n'en
conteste pas l'authenticité (Duclert, 2024, pp. 421-426). Un des aspects
importants du rapport Duclert a été de délier les langues. Ainsi le
colonel Galinié a ouvert ses archives personnelles. Des fonds d'archives
sont absents ou très lacunaires comme celui de l'état-major particulier.
Des fax portent la mention à détruire après lecture (Huchon,
27/10/1990). Pierre Joxe aura essayé de faire cesser la pratique de
« l'ordre par la voix » qui ne laisse pas de trace écrite (Duclert,
26/03/2021, p. 737). Hubert Védrine ne remettra pas cette note au
Président « *par peur de déplaire* » (Joxe, 02/1993).
# Antoine Anfré
Les conséquences directes de la commission Duclert sont politiques: la
visite d'Emmanuel Macron à Kigali (Macron, 27/05/2021) et la nomination
d'Antoine Anfré comme ambassadeur. Ce jeune diplomate à Kampala puis au
Quai d'Orsay en tant que rédacteur Rwanda fut un peu trop lucide. Il est
mis au placard pour des notes qui ont déplu à Paul Dijoud (Duclert,
26/03/2021, pp. 844-850) et à la gauche au pouvoir, non affranchie des
clichés coloniaux et racistes. Sur le livre d'or du mémorial de Gisozi,
Anfré écrit: « *Le génocide des Tutsi n'aurait pas eu lieu si nous
avions eu une autre politique* » (Anfré, 19/07/2021). Tout est dit.
Devant la télévision rwandaise, Anfré revient sur ses ennuis de carrière
(Nsengimana, 17/09/2022). La presse française n'en a fait aucun écho.
# Incapacité à penser le génocide ?
Le génocide, c'est-à-dire l'élimination des Tutsi, est pourtant annoncé
dès octobre 1990 (Martres, 15/10/1990 ; Galinié 24/10/1990).
L'aveuglement devant les massacres et face à l'intention affichée de
liquider les Tutsi s'avère profitable à la France car la Belgique, plus
soucieuse des Droits de l'homme, retire ses troupes. La France supplante
ainsi l'ancienne puissance coloniale et devient le principal soutien du
régime. Le texte publié par le chef d'état-major des Forces armées
rwandaises (FAR) définissant le Tutsi comme l'ennemi (Nsabimana,
21/09/1992), certainement connu des militaires français puisqu'écrit en
français, est traité un peu vite par la commission de recherche
(Duclert, 26/03/2021, pp. 911, 950). Il ne se trouve pas dans les
archives françaises ! C'est pourtant ce texte, connu depuis la
commission d'enquête internationale de janvier 1993 (FIDH, 08/03/1993),
qui fera conclure par le rapporteur spécial de la commission des Droits
de l'homme de l'ONU qu'il y a génocide (Degni-Ségui, 28/06/1994).
L'importance de ce texte est soulignée plus tard (Duclert, 2024, pp.
214-215). Bien avant qu'Alain Juppé reconnaisse publiquement le génocide
des Tutsi (18/05/1994) et s'abstienne d'en tirer les conséquences,
l'ordre d'opération Amaryllis évoque l'élimination des Tutsi (Germanos,
08/04/1994), la DGSE, le massacre de tous les Tutsi (DGSE n° 18502/N,
11/04/1994) et la Direction du renseignement militaire, les FAR qui s'en
prennent sans discrimination à la partie tutsi de la population (DRM
n° 1212, 12/04/1994). Il ne s'agit pas d'une incapacité à penser le
génocide mais d'un refus délibéré de parler de génocide. À l'ONU,
l'ambassadeur Mérimée empêche que le mot soit mentionné dans la
déclaration du président du Conseil de sécurité le 30 avril. Il fait
étendre la responsabilité des massacres au Front patriotique rwandais
(FPR) mais se révèle incapable d'en fournir des preuves (Kovanda, Pres.
Statement., 28-29/04/1994 ; Quesnot, 02/05/1994). Le mépris,
l'indifférence devant les massacres et le racisme dominent la pensée
politique. Ainsi François Mitterrand confie à son fils : « *Dans ce type
de conflit ne cherche pas les bons et les méchants, il n'existe que des
tueurs potentiels* » (J.-C. Mitterrand, *Mémoire meurtrie*, p. 154).
# Habyarimana craignait de passer en jugement
Le Président Habyarimana laisse entendre qu'il pourrait renoncer à la
présidence mais qu'il voudrait être assuré de ne pas être poursuivi en
justice ainsi que sa famille (Martres, 30/03/1993 ; Bunel, 26/04/1993).
Il s'est acharné à faire éclater les partis selon lui pro-FPR afin
d'être assuré d'une majorité à l'Assemblée nationale (Marlaud,
03/01/1994, 04/02/1994).
# Informés d'un possible coup d'État
Les militaires français savaient quelle serait la conséquence de
l'accord d'Arusha concernant la fusion des deux armées : « *Cet accord
sur l'armée est une sévère défaite pour les gouvernementaux. Je pense
qu'une partie de l'armée (la partie efficace) ne l'acceptera pas et
qu'il faut redouter ses réactions qui peuvent aller jusqu'à la tentative
de coup d'état* » (Delort, 10/06/1993). « *Le problème des pourcentages
tels qu'ils ont été acceptés par la délégation rwandaise à Arusha
pourrait ne pas être accepté par les FAR. Ils peuvent paraître comme une
véritable provocation et annoncer une réaction violente de refus des
forces armées, voire une déstabilisation interne conduite par les chefs
militaires* » (DRM, 25/06/1993).
# 28 ans de fausses accusations
La justice française a été dans l'incapacité de démontrer l'implication
du FPR dans l'attentat du 6 avril 1994 contre le Président Habyarimana
(Soulard, 15/02/2022). Au vu de l'ordonnance qui accusait Paul Kagame et
ses proches (Bruguière, 17/11/2006), il paraissait clair que la justice
française était instrumentalisée pour dissimuler un crime d'État
français (Kapler, Morel, « Un juge de connivence », 05/03/2008).
# L'évènement central
Le 2 avril 1994, alors que le Président Habyarimana demandait à
Jacques-Roger Booh-Booh de prévenir le secrétaire-général de l'ONU qu'il
allait mettre en place le 8 avril les institutions prévues par les
accords d'Arusha, Joseph Nzirorera lui dit: « *On ne se laissera pas
faire, monsieur le Président* » (Nshimiyimana, *Prélude...*, 1996,
p. 38). Les organisateurs du génocide ont provoqué cet attentat contre
l'avion d'Habyarimana pour bloquer l'application des accords de paix
d'Arusha et en accuser les Tutsi. On voudrait mettre de côté cette
question des auteurs de l'attentat pour la bonne raison que le génocide
des Tutsi était préparé au niveau de l'intention depuis 1990 et de
l'exécution depuis 1992. Mais l'omission de cet évènement biaise
profondément l'analyse des responsabilités. L'historiographie du
génocide reste estropiée si elle passe ce fait sous silence. Un ensemble
de preuves mettent en cause des dirigeants français.
# Le DAMI ?
Les suspicions sur des membres du Détachement Militaire d'Assistance et
d'Instruction (DAMI) se sont limitées à un interrogatoire de Pascal
Estevada (Piwowarczyk, 21/03/2002) et l'enquête sur l'adjudant Claude
Ray alias Régis, suspecté par Filip Reyntjens (*Trois jours...*,
02/08/1995), s'est limitée à ses états de services. Membre du DAMI
revenu au Rwanda (Exec. solde, 03/12/1993), il était basé à l'EM-FAR
(Répertoire tél., 03/01/1994). Du 6 au 12 avril 1994 il gardait la
famille du Ltc Maurin (Tauzin, 15/04/1994). Le fait que le commandant du
1 RPIMa attendait un ordre « *d'un probable parachutage sur Kigali* » le
7 avril, fait penser à un coup monté (Tauzin, *Je demande justice...*,
2011, p. 91).
# Barril, Denard, Ollivier ?
Même si les responsables français auraient fait appel à des mercenaires
des groupes Paul Barril, Bob Denard ou Patrick Ollivier (Smith, *Ces
messieurs Afrique*, p. 91 ; DGSE 14/11/1995), on ne s'improvise pas
tireurs de missile sol-air et leur présence était forcément connue par
les FAR et leurs conseillers militaires français qui écoutaient toutes
les communications (Cohen, *Mitterrand et la sortie de la guerre
froide*, Intervention du gen. Quesnot, 02/1998). Plutôt que d'être
interrogé sur sa présence au Rwanda au moment de l'attentat, c'est Paul
Barril qui *de facto* a dirigé l'enquête du juge Bruguière. La mise en
évidence des mensonges de l'ex-numéro 2 de la cellule antiterroriste de
l'Élysée n'a pas déterminé les magistrats à l'interroger plus avant. Les
commanditaires rwandais de l'attentat sont connus par la déposition de
Jean Birara (Artiges, 26/05/1994), le lieu de départ des tirs au bord du
camp militaire de Kanombe l'est aussi depuis 1994 (DGSE n° 18502/N,
11/04/1994). La Mission d'information parlementaire de 1998 (MIP)
camouflera ce document. L'expertise du juge Trévidic le confirmera
(Oosterlinck, 05/01/2012). Les militaires français présents dans le camp
n'auraient pas eu vent de la préparation de cet attentat ? Les
magistrats ont oublié de leur poser la question.
# La boîte noire à Paris ?
La MIP a su que l'avion présidentiel Falcon était muni de deux
enregistreurs CVR et FDR (Rannou, 15/06/1998) mais ne l'a pas publié. Le
commandant de Saint-Quentin s'est précipité sur les lieux du crash avec
les CRAP rwandais quelques minutes après l'explosion (Fiche Min. Déf.,
07/07/1998). Ils ont cherché et trouvé la boîte noire (DGSE, 04/07/1994
; *Jeune Afrique*, 21/04/1994 ; Smith, 29/07/1994 ; Rap. Mutsinzi,
20/04/2009, pp. 53-55). Le Gouvernement intérimaire rwandais (GIR)
promet que les résultats de l'analyse de la boîte noire seront versés
dans l'enquête (Minafet Kigali, 15/04/1994). La boîte noire du Falcon
aurait été envoyée à Paris pour analyse (DGSE, 04/07/1994 ; Haesendonck,
05/05/1994). Une boîte noire trouvée dans le hangar du Falcon a été
retrouvée à l'ONU à New-York, ce n'était pas le CVR du Falcon (Nair,
OIOS, 2004). C'était celui d'un avion Concorde d'Air France (Gautier,
15/12/2004). De Saint-Quentin a envoyé des telex qui ne sont pas aux
archives. De même un rapport sur le crash du Falcon a été fait par les
militaires français mais jamais transmis à la justice (Lefort,
24-31/08/1998).
# Missiles
Deux conteneurs de missiles sol-air ont été trouvés par les FAR dès le 7
avril 1994 (Fiche Rens., 23/10/1996) et non le 25. Un an après, les FAR
sont incapables de dire s'il s'agit de SA 7 ou de SA 16 (FAR,
*Contribution...*, 12/1995). L'identification des missiles fournie par
le colonel Bagosora et reprise par la MIP et le juge Bruguière est donc
probablement fausse. Une fiche du ministère français de la Défense
affirme que les missiles étaient des SA 16 « *d'après les débris de
missiles retrouvés sur les lieux de l'attentat* » (Min. Déf. Fiche, 1998
; MIP, Annexes, p. 281). Ces débris n'ont jamais été présentés à la
justice. Des experts britanniques ont analysé des traces de la tête de
missile sur l'avion. Elles ne correspondaient pas à un SA 16 (Warden,
27/02/2009).
# Mistral ?
Les experts commis par le juge Trévidic écartent le missile Mistral
parce qu'il n'est pas disponible à l'exportation en 1994 (Oosterlinck,
05/01/2012, pp. 137, 172). Ceci est faux. La France a vendu des Mistral
à l'Afrique du Sud par l'intermédiaire du Congo (Krop, 09/03/1989). La
vente a été interrompue. Que sont devenus ces missiles payés mais non
livrés ? La France avait même déjà fourni des Mistral au régime de
l'apartheid pour essai sans doute en Angola (DOD-SANDF, 21/07/1987).
Selon l'attaché de défense US, l'armée gouvernementale rwandaise, qui a
probablement abattu l'avion du Président, disposait en avril de 15
missiles Mistral (CIA, 13/07/1994). L'information est transmise à la
MINUAR (Annan, 01/09/1994 ; Malagardis, 31/05/2012).
# Tués le 6, le 7 ou le 8 avril ?
Les incohérences concernant la date de l'assassinat des gendarmes Didot
et Maïer et de l'épouse de Didot trahissent les autorités françaises de
Kigali qui ont eu plusieurs versions sur la cause de leur mort. Ils
auraient été tués le 6 avril (Thomas, 13/04/1994), le 7 avril (Cussac,
19/4/1994) ou le 8 avril (Thomas, 13/04/1994 ; Vessière 05-09/07/1994).
Ce Michel Thomas, médecin militaire à Bangui, déclare à l'officier de
police judiciaire qu'il n'est pas l'auteur de ces certificats (Kaelben,
24/05/2012). Ce sont des faux.
# L'inavouable ?
Les autorités françaises détiennent depuis 1994 une enquête sur les
causes de la chute de l'avion du Président Habyarimana (Lefort,
31/08/1998) ainsi que des pièces qui ont été prélevées sur les lieux du
crash (enregistreurs CVR et FDR, débris de missiles). Tant qu'elles ne
remettront pas ces pièces à la justice, les autorités françaises ne
feront que pleurer des larmes de crocodile.
# Pas complice ?
En dépit des accords d'Arusha, l'ambassadeur Marlaud organise des
livraisons d'armes (TD 145-150, 15-17/02/1994). D'après lui, les
Français ont plus à craindre du FPR que de la garde présidentielle (TD
305, 07/04/1994). Il rencontre le colonel Bagosora au lieu du nouveau
chef d'état-major des FAR (TD 308, 07/04/1994). Plusieurs ministres qui
dirigent le génocide se réfugient à l'ambassade de France (TD 320,
08/04/1994). Le nouveau gouvernement est, selon l'ambassadeur de France,
le plus conforme possible aux accords d'Arusha (TD 326, 08/04/1994). En
plein dans les massacres perpétrés par les FAR et les milices, il
transmet à Paris une demande de soutien militaires aux FAR (TD 363,
11/04/1994).
# Amitiés franco-belge
Les autorités françaises ont tout fait pour que la Belgique n'envoie pas
de militaires au Rwanda au début du génocide. À l'ONU, l'ambassadeur
Mérimée s'adresse au représentant de la Belgique en se faisant le
porte-parole du représentant du Rwanda (Noterdaeme, 08/04/1994). À
Kigali, l'ambassadeur Marlaud fait de même avec son collègue Swinnen
(Marlaud, TD 330, 09/04/1994, TD 343, 345, 10/04/1994 ; Cussac,
10/04/1994). 493 hommes de la brigade paras belge peuvent enfin atterrir
à Kigali le 10 avril 1994 (Op. Silver Back, 15/04/1994). Environ 500
autres restent à Nairobi (Marchal, *Rwanda: la descente...*, 2001,
p. 249). Toute la journée du 11, les paras-commando belges resteront
bloqués sur l'aéroport à part un seul convoi d'évacuation à l'école
française.
Le 14 avril, avant de décoller, le C-130 du Commandement des opérations
spéciales (COS) en est empêché par des tirs de mortier sur la piste.
Tous les témoignages désignent les FAR, mais le lieutenant-colonel
Maurin accusera les Belges (Maurin, 19/04/1994 ; Balch, 08/09/1998).
# Intox
FGT retranscrit les paroles des journaux télévisés de 1994 concernant le
Rwanda. On y voit comment la confusion a été entretenue dans l'opinion
publique en inversant très souvent les tueurs et leurs victimes (Givord,
12/10/2023).
# Hôtel Mille Collines
La note poignante de Thérèse Pujolle à Jean-Marc Simon à propos de
l'attaque du convoi de réfugiés de l'hôtel Mille Collines le 3 mai 1994
donne la preuve que l'état-major des FAR est en liaison avec ses
correspondants français qui semblent être Bruno Delaye à l'Élysée et des
militaires français (Pujolle, 03/05/1994).
# Turquoise à Kigali
L'objectif était de débarquer le COS à Kigali, sur trois points en une
nuit (COS, 16/06/1994). Kigali était bien prévu dans la planification
(Lanxade, 17/06/1994 ; Janvier, 20/06/1994).
# Pays hutu
La maladresse trahit la pensée des plus hauts responsables militaires
français. Certes, ils n'écrivent pas qu'on va liquider les derniers
Tutsi, mais que la zone du Rwanda où pénètre l'avant-garde française est
le « *pays hutu* » (Germanos, 22/06/1994, 26/06/1994). Pour eux, les
Tutsi n'existent déjà plus. Ils ont entériné le génocide.
# Cynisme
Le jour où Paris rend hommage à la résistance des Tutsi à Bisesero en
inaugurant une place Aminadabu Birara (RFI, 13/05/2022), on apprend que
l'instruction des six plaintes de Rwandais contre l'armée française se
termine sur un non-lieu (18/10/2023).
# Pas 3 jours, mais 4
Les officiers français envoyés pour faire cesser les massacres mais qui
ont assisté au massacre des derniers Tutsi de Bisesero pendant quatre
jours ne sont pas poursuivis. Quatre jours, car le journaliste Sam Kiley
a informé la colonne du capitaine Éric Bucquet le 26 juin (Amanpour,
26/06/1994 ; Saint-Exupéry, 27/06/1994). Qu'a fait de cette information
le capitaine Bucquet, devenu général de corps d'armée, directeur de la
DRSD, ancienne sécurité militaire, jusqu'en 2022 ?
# Rosier rencontre les chefs des tueurs
Parmi les premiers débarqués, le colonel Rosier, commandant du
détachement du COS, rencontre les principaux organisateurs du génocide.
Le colonel Anatole Nsengiyumva, chargé du « ratissage » des Tutsi de
Bisesero (Rosier, 23/06/1994), les ministres de la Défense du GIR,
Augustin Bizimana, et des Affaires étrangères, Jérôme Bicamumpaka
(Rosier, 25/06/1994), le préfet de Kibuye qui organise les massacres
(Rosier, 26/06/1994).
# Rosier refuse de secourir les Tutsi
Le 27 juin, le lieutenant-colonel Jean-Rémy Duval alias Diego, informé
par des religieuses de Kibuye, rencontre des Tutsi à Bisesero alors
qu'ils sont attaqués. Ils lui demandent protection. Il les abandonne
mais fait son rapport au téléphone et par fax (Duval, 27/06/1994 ;
Saint-Exupéry, 29/06/1994). Aux archives, son fax est daté du 29. Un fax
du PC Turquoise du 27 annonce que des Tutsi sont attaqués dans la région
de Bisesero (PCIAT, 27/06/1994). Rosier et Lafourcade prétendent que
Duval ne les a pas informés avant alors que Rosier avait envoyé un
transmetteur, le sergent Combette, pour suivre Duval. Nous apprenons
maintenant que le fax de Duval était en panne (Duclert, 2004, p. 298).
Rosier déclare qu'il n'a pas à désarmer les miliciens alors qu'ils
massacrent les Tutsi (Smith, « Dialogue difficile... », 27/06/1994).
# Rosier fait croire que les Tutsi sont des combattants du FPR
Le 27 juin au soir, Rosier fait dire par les journalistes que 2 000
combattants du FPR sont arrivés sur les hauteurs dominant le lac Kivu
(c'est Bisesero), qui vont couper en deux la zone gouvernementale (Amar,
France 2, 27/06/1994).
Le 28, il décide d'évacuer les Sœurs de Kibuye en hélicoptères plutôt
que les Tutsi de Bisesero, alors qu'elles sont protégées par le
détachement de Duval. Le sergent Meynier raconte à Rosier la
reconnaissance de la veille à Bisesero, mais celui-ci reste impassible
(Seriacouty, 28/06/1994).
Une note du COS du 28 juin fait état de renseignements provenant du
lieutenant-colonel Nsengiyumva. L'opération des FAR de la veille a été
interrompue [par la reconnaissance de Duval]. Elle est reportée au
lendemain 29 juin, jour de la visite du ministre François Léotard.
Pendant que celui-ci inspectait les troupes françaises, on entendait des
coups de feu dans la montagne (Lesnes, 01/07/1994). Les massacres
continuaient, au vu et au su des Français.
Le 30 juin, c'est le journaliste Sam Kiley accompagné de Michel Peyrard
et Benoît Gysembergh de *Paris Match* qui mènera Olivier Dunant et
Thierry Prungnaud aux champs de cadavres de Bisesero alors que Gillier,
leur chef, était passé à côté le matin sans rien voir (Kiley, 06/2019).
# Sartre crache dans la soupe
Dans son ordre d'opération du 1 juillet, le colonel Sartre, commandant
du dispositif Nord Turquoise, écrit que des éléments du COS ont
rencontré des Tutsi dans la région de Bisesero (Sartre 01/07/1994).
Lafourcade et Rosier le nient jusqu'à ce jour. En 2021, Sartre se décide
à rompre le silence (Sartre, 30/03/2021, 12/2021).
# Des Rwandais jetés depuis des hélicoptères
Dans un CRQ (Compte rendu quotidien) à Romuald (le colonel Rosier), on
lit: « *Suite à un mauvais largage de l'HM* [hélicoptère militaire],
*les prisonniers déposés dans la forêt de NYUNGWE ont été signalés par
des paysans et dans GIKONGORO on dit que les Français lancent les
rwandais d'HM* » (COS, 07/07/1994). Le rapport Mucyo n'était pas de
l'affabulation.
# Désarmement des FAR ?
Les forces gouvernementales (FAR) se replient au Zaïre avec armes et
bagages (Quesnot, 18/07/1994). De nombreuses forces rwandaises en armes
passent à Goma (Gérard, 18/07/1994). 14 000 soldats des FAR sont repliés
à Bukavu avec quelques hélicoptères, une dizaine d'AML, des canons et
des mortiers (DGSE, 28/07/1994). À Goma, un accord avec les autorités
zaïroises tolère le passage de 20 000 soldats des FAR armés (Reucherain,
08/08/1994).
# Mercenaires
Dans le cadre de la stratégie indirecte proposée par le général Quesnot,
des mercenaires français ont été mobilisés pour voler au secours des
FAR. Les accusations contre Paul Barril ont été confirmées par la
perquisition ordonnée par le juge Trévidic (GPB, 06/05/1994). Il a signé
un contrat avec le GIR (Barril, 28/05/1994). L'identification de Robert
Martin à Bob Denard a apporté la preuve que celui-ci était intervenu au
Rwanda (Crétollier, 02/2018). Il ne s'en cachait pas (Denard, *Corsaire
de la République*, 1998, p. 422) et le juge Bruguière avait comme témoin
Jean-Marie Dessales (Bruguière, 17/11/2006), qui accompagnera Denard aux
Comores en 1995. La DGSE en informait les plus hautes autorités (« Les
Mercenaires Invisibles », 24/03/2022). Qui dit Denard dit Foccart.
L'entourage de Mitterrand, qui incluait Barril, communiquait donc avec
celui de Jacques Foccart et de Chirac. Cet accord obligé par la
géopolitique doit conduire à réviser la liste des commanditaires de ces
actions secrètes au Rwanda lors du génocide des Tutsi.