Ces initiatives de recherche et de transmission de la connaissance portent sur l’étude renouvelée du génocide des Tutsi, elles s’appliquent à penser l’histoire et la mémoire rwandaises de la France et du monde longtemps niée. Et elles s’inscrivent dans les nouvelles perspectives d’innovation commune avec l’Afrique telles qu’elles s’organisent avec le programme Suds de l’ENS, les actions d’Ibuka-France ou les développements en cours de l’Équipe de recherche.
Le génocide des Tutsi (1964-2024). La longue durée de l’histoire, la recherche au présent, les mémoires éveillées
Dans la nuit du 6 au 7 avril 1994 commence le génocide perpétré contre les Tutsi du Rwanda par l’État criminel du Hutu Power. Les alertes sur les risques de génocide de cette minorité persécutée sont connues depuis février 1964, depuis que le prix Nobel de la paix Bertrand Russel a lancé un appel alarmant. À partir d’octobre 1990, le processus génocidaire prend un caractère de plus en plus systématique et même inéluctable, documenté par de nombreux canaux, et alors que la France soutient militairement et politiquement le régime du « peuple majoritaire » hutu en voie de radicalisation accéléré. En janvier 1994, les massacres antitutsi et ceux des démocrates hutu entrent dans une phase intense.
Le printemps 2024 est celui de la 30
e commémoration de ce génocide en situation capable d’être prévenu, combattu et arrêté. C’est une faillite majeure du système international, de la conscience universelle et d’un pays particulièrement impliqué au Rwanda avant le génocide. La prise en compte de sa longue durée est essentielle pour sa compréhension et de celle de l’effondrement collectif, de même que l’étude de sa phase paroxysmique du 6 avril au 17 juillet 1994 et l’analyse du déni de près de trente ans, particulièrement implacable en France.
Un tournant de connaissance s’est réalisé au printemps 2021, à la faveur de l’engagement de la recherche française et rwandaise, suivi d’une traduction politique au sommet avec les discours des présidents Paul Kagame et Emmanuel Macron à Kigali le 27 mai 2021 mais aussi d’une nouvelle étape dans l’expression et le recueil de la mémoire.
Un rapprochement des sociétés dès lors s’accomplit, en profondeur, comme en témoignent la conception et la réalisation d’un colloque international sur le génocide des Tutsi, organisé au Rwanda en septembre 2022 et à Paris en septembre 2023 : la dernière journée de cette session en France se déroula précisément à l’École normale supérieure rue d’Ulm, conclue par son directeur Frédéric Worms.
Cette rencontre présente pour marquer la 30
e commémoration est organisée par l’École normale supérieure, l’Équipe de recherche « Processus génocidaires, génocides et prévention » et l’association du souvenir Ibuka-France. Elle se lie à celle du 4 avril qu’organisent, sur le même campus Jourdan de l’ENS, l’Association des professeurs d’histoire et de géographie et l’Équipe de recherche. Ces initiatives de recherche et de transmission de la connaissance portent sur l’étude renouvelée du génocide des Tutsi, elles s’appliquent à penser l’histoire et la mémoire rwandaises de la France et du monde longtemps niée. Et elles s’inscrivent dans les nouvelles perspectives d’innovation commune avec l’Afrique telles qu’elles s’organisent avec le programme Suds de l’ENS, les actions d’Ibuka-France ou les développements en cours de l’Équipe de recherche.
Programme
2 avril 2024 – Campus Jourdan, Grand amphithéâtre, 48 bld Jourdan 75014 Paris
9h Présentation
École normale supérieure, Équipe de recherche Processus génocidaires, génocides et prévention, Ibuka-France (Leïla Vignal, Vincent Duclert, Marcel Kabanda)
9H20-12H30 - PRÉSIDENCE MAGNIFIQUE NEZA, DOCTORANTE (CESPRA, EHESS-CNRS)
9h20 De la mémoire à l'histoire
Par Liberata Gahongayire, professeure invitée à l’École normale supérieure (Université du Rwanda)
9h40 Pourquoi la justice ?
Par Aurélia Devos, 1
ère vice-présidente adjointe - Présidente de la 5
ème chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Lille et ancienne chef du pôle crimes contre l’humanité au parquet de Paris
10h00 Pourquoi l'histoire ?
Par Michelle Perrot, professeure émérite à l’Université Paris Cité
10h20 Discussion
10h45 Pause
11h00 Pourquoi les archives ?
Par Vincent Duclert, chercheur titulaire et ancien directeur du Centre Raymond Aron (ÉRE, CESPRA/EHESS-CNRS)
11h15 Pourquoi le témoignage ?
Par Amélie Faucheux, docteure de l’EHESS (vidéo)
11h30 Pourquoi la création documentaire ?
Par Sarah Mallégol, documentariste
11h45 Discussion
12h10 Pourquoi la pensée philosophique ?
Par Frédéric Worms, professeur et directeur de l’École normale supérieure
12h30 Conclusion
Gilles Gressani, Groupe d'études géopolitiques et Le Grand Continent
14H-18H - PRÉSIDENCE VINCENT DUCLERT
14h00 Mémoires rwandaises
Par Marcel Kabanda, président d'Ibuka France
14h20 Mémoires d’exil
Par Dafroza Gauthier, co-présidente du CPCR (en vidéo-conférence)
14h35 Mémoires franco-rwandaises
Par Raphaële Anfré, artiste peintre
14h55 Mémoires africaines
Par le professeur Jean-Pierre Karegeye (en visio-conférence)
15h10 Mémoires d'un couple de justes, Jean et Marguerite Carbonare
Par Chantal Morelle, docteure en histoire, professeur de classes préparatoire honoraire (ÉRE)
15h30 Mémoires de journalistes
Par Jean-François Dupaquier, Jean-Christophe Klotz et Yann Plougastel, journalistes
16h15 Mémoires scolaires du génocide des Tutsi et des responsabilités françaises
Par Marie-Neige Coche, professeure au lycée Alain, Le Vésinet
16h35 Discussion
17h00 Conclusion
Leïla Vignal, Directrice du département Géographie et Territoires (ENS)
17h10 Pause
18H-20H - PRÉSIDENCE RAPHAËLE ANFRÉ
Images, textes et voix, avec Jean-Christophe Klotz et Sarah Mallégol
Extrait de Retour à Kigali. Une affaire française - Un long-métrage documentaire de Jean-Christophe Klotz, 2019
Extrait de KUMVA. Ce qui vient du silence - Un long-métrage documentaire de Sarah Mallégol, 2023
Échanges entre Sarah Mallégol, Jean-Christophe Klotz et le public
4 avril 2024 – Campus Jourdan, Grand amphithéâtre
16h00-21h00
Pourquoi et comment enseigner le génocide des Tutsi ?
Ouverture : Philippe Prudent, secrétaire général de l’ Association des Professeurs d’Histoire et de Géographie (APHG) et rédacteur en chef de la revue
Historiens et Géographes), Fabien Salesse, secrétaire général de l’APHG, Valérie Theis, École normale supérieure
Enseigner avec des ressources (16h30-18h)
Discutant : Fabien Salesse
Les ressources archivistiques, présentées par Vincent Duclert (ÉRE, chercheur titulaire et ancien directeur du Centre Raymond Aron CESPRA/EHESS-CNRS)
Les ressources audiovisuelles, présentées Sandrine Weil (ÉRE, docteure de l’EHESS), sur les rushes tournés par les « soldats de l’image » de l’ECPA
Images et mémoriaux Rémi Korman (maître de conférences à l’Université catholique d’Angers)
Le sujet du viol subi et perpétré, par Juliette Bour, doctorante à l’EHESS (CESPRA)
Le sujet de la résilience des rescapés, par Magnifique Neza, doctorante à l’EHESS (CESPRA)
L’APHG, Historiens et Géographes, le génocide perpétré contre les Tutsi (18h-18h30)
Discutante : Isabelle Ernot (professeure agrégée, ancienne directrice scientifique de l’Union des Déportés d’Auschwitz)
Des ressources disponibles, Vers le nouveau site de l’APHG, présentés par Fabien Salesse,
Pause / buffet
Enseigner avec des projets (19h-20h45)
Discutant : Vincent Duclert
Un jardin du souvenir au lycée Marseilleveyre, par Daniel Micolon (professeur agrégé honoraire)
La semaine des génocides au lycée Maulnier, par Bénédicte Gilardi (professeure documentaliste, en vidéo)
Organiser une rencontre hors-les-murs, Yveline Prouvost, professeure agrégée (en vidéo)
Parler aux élèves de fiction historique par Pierre Lépidi, auteur de
Murabeho, Rwanda, l'énigme des gendarmes français assassinés à Kigali. Les oubliés de l'histoire (Jean-Claude Lattès)
L’art et la méthode de l’enquête. La dernière mission (« Opération 955 ») par Éric Émeraux, ancien chef de l’Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité et les crimes de haine (OCLCH) de 2017 à 2019, auteur de
La traque est mon métier (Plon, 2020)
Enseigner la résilience, par Régine Waintrater, psychanalyste, Université Paris Cité
Conclusion (20h45-21h00)
Joëlle Alazard (présidente de l’APHG), Philippe Prudent, Liberata Gahongayire (historienne rwandaise invitée à l'ENS)
NB. Toutes les ressources présentées lors de cette rencontre seront mises à disposition des professeurs sur le site de l’APHG ainsi que des compléments vidéo dont : Une analyse de Jean-Pierre Chrétien, directeur émérite au CNRS, et Organiser une rencontre hors-les-murs sur le sujet du génocide et sa 30e commémoration (Yveline Prouvost, professeure agrégée).