Fiche du document numéro 33439

Num
33439
Date
Lundi 8 janvier 2024
Amj
Taille
29821
Titre
« Papa, qu’est-ce qu’on a fait au Rwanda ? » : l’histoire d’une faillite française
Nom cité
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
C’est un devoir de mémoire. Alors que le Rwanda s’apprête à célébrer, à partir du 7 avril, le 30e anniversaire du génocide des Tutsi, Laurent Larcher, journaliste à La Croix, se tourne vers les jeunes générations pour expliquer les mécanismes de cette folie meurtrière qui a fait près d’un million de morts au printemps 1994. Mais dans Papa, qu’est-ce qu’on a fait au Rwanda ? La France face au génocide (Seuil, 160 pages, 17 euros), l’historien de formation ne s’arrête pas là. En s’appuyant notamment sur les récits bouleversants d’Anne-Clarisse ou d’Etienne, rescapés des massacres, il explique avec pertinence à sa « très chère fille » pourquoi « le Rwanda est une croix que chaque Français doit porter ».

En mars 2021, une commission d’historiens réunie autour de Vincent Duclert, nourrie par un accès sans précédent aux archives de l’Etat (Elysée, ministère de la justice, Quai d’Orsay, direction générale de la sécurité extérieure…), a conclu à « un ensemble de responsabilités, lourdes et accablantes » de la politique française dans ce génocide. « Après la Shoah, c’est la seconde fois que notre pays est associé à une extermination de masse, écrit Laurent Larcher à sa fille. Nous ne pouvons pas tourner cette page comme si de rien n’était. A ton tour de savoir. Ces choses-là ne doivent pas être oubliées, l’identité et le rôle de ceux qui ont failli au Rwanda non plus… Cette histoire, leur histoire, est aussi ton histoire. »

Nombreuses alertes



Celle-ci commence par l’arrivée des colons, allemands puis belges, et l’instauration de deux ethnies distinctes « Hutu » et « Tutsi », là où il n’y avait à l’origine qu’une classification socio-économique entre éleveurs et agriculteurs. « Cette fixation raciale s’est illustrée sur les cartes d’identité inventées et imposées par l’administration coloniale, sur lesquelles était notifiée notamment l’identité “ethnique” de son propriétaire », rappelle le journaliste, également auteur de Rwanda, ils parlent (Seuil, 2019). Il montre ensuite comment cette racialisation de la société rwandaise a poussé la haine à son paroxysme et conduit aux premières tueries de masse à la fin des années 1950. Il prouve également comment, après l’indépendance et la signature d’accords de défense, « la France a soutenu un régime qui préparait l’extermination d’une partie de sa population ».

Pourtant, les alertes sur la dérive extrémiste du régime présidentiel de Juvénal Habyarimana ont été nombreuses. Elles provenaient de Jean Carbonare, membre de la Fédération internationale des droits humains, qui, dès janvier 1993, annonçait au journal d’Antenne 2 l’ampleur des massacres à caractère génocidaire perpétrés contre les Tutsi. Elles émanaient aussi du général Jean Varret, à la tête de la coopération militaire, du diplomate Antoine Anfré… Pourquoi ont-elles été ignorées ? « C’est une histoire inouïe où la mort de centaines de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants a moins compté que la défense de nos intérêts », répond l’auteur à sa fille.

« Papa, qu’est-ce qu’on a fait au Rwanda ? La France face au génocide », de Laurent Larcher. Seuil, 160 p., 17 €.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024