Fiche du document numéro 33401

Num
33401
Date
Dimanche 3 juillet 1994
Amj
Hms
13:00:00
Auteur
Taille
29237832
Sur titre
Journal de 13 heures [5:33]
Titre
L'avance des troupes du FPR s'accélère et les soldats gouvernementaux sont bien isolés pour tenter une véritable résistance
Sous titre
Le général Dallaire nous a révélé qu'il assurait depuis deux jours la liaison entre les forces françaises et le FPR.
Nom cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Lieu cité
Mot-clé
Mot-clé
Mot-clé
Mot-clé
ZHS
Résumé
- In Rwanda, France is trying to free itself from a trap that could close on its troops: it involves establishing a humanitarian cordon protecting refugees from the fighting and the two armed forces present.

- The Secretary General of the United Nations agrees. It remains to materialize this intention. And it’s urgent because things have changed a lot for the French army in less than a week.

- On June 24 when the French soldiers entered Rwanda, they had the happy surprise of being welcomed like heroes. It was 10 days ago. Today things have changed a lot.

- The establishment the day before yesterday, almost by force, of a Tutsi refugee camp scattered in the middle of the mountains aroused tensions. For the military it was only a matter of accomplishing their humanitarian mission by protecting exhausted civilians, the subject of daily massacres.

- But for the Hutu government which controls the area, this is the first concrete sign that Operation Turquoise could hamper their policy. What will their reaction be? Will the warm welcome give way to hostility, or even retaliatory actions? On the French military side, we chose to display our serenity. Colonel Jacques Rosier: "We came to protect people who are threatened or massacred to prevent this from continuing. We are doing our job. I think that the government authorities have other fish to fry. There is still the front which is not not far".

- Indeed the front line is advancing quickly. The Rwandan Patriotic Front is threatening in the West but also in the South. Butare, former capital of the Tutsi kingdom, could soon fall. A situation which would then pose a second problem for the French military: caught in the crossfire, each of the two camps could be tempted to resort to provocations. This morning, at Bukavu airport, the tension was perceptible for the first time.

- The advance of the Rwandan Patriotic Front troops is accelerating and the government soldiers are well isolated to attempt real, effective resistance.

- Welcome to Sabyinyo hill, near Nyabisindu, advanced post of the FAR, the Rwandan Armed Forces. Make no mistake: the Patriotic Front is only a few hundred meters away as the crow flies, a kilometer at most, on the hill opposite.

- For three weeks the government forces have occupied this position and in three weeks, the company lost around fifty men: 11 died, the others were wounded.

- So we reassure ourselves as best we can by saying that the RPF recruits barely trained children, that they are afraid of government forces and that they will be able to sweep them away whenever they want. We reassure ourselves but without really believing it, in this makeshift camp without means, without logistics, without heavy weaponry, and we hope for an end to the fighting. A FAR soldier: "We love peace because we know the deep meaning of this word. So we must stop all kinds of massacres so that all the Rwandan people are united, a single population instead of making ethnic segregation."

- When the company commander asks for two volunteers to scout, no one rushes. He must himself designate them to move towards this front which until now has only gone backwards.

- In Kigali there is information that the Patriotic Front troops have completely surrounded the Rwandan capital. It may not be that simple.

- Giles Rabine: "The boss of the Blue Helmets himself, Canadian General Roméo Dallaire, told us this morning that he did not have the means, either in men or in observation means, to confirm or deny the encirclement of Kigali by RPF forces. The impression we have here is rather that, for several days, neither side has managed to gain a decisive advantage in Kigali, despite the very violent fighting that we experienced again last night and this morning since a Blue Helmet, a Russian officer, was wounded in Kigali. General Dallaire revealed to us that for two days, after seeing General Lafourcade, he had been acting as liaison between the French forces and the RPF. This liaison consists of telling the RPF what operations France is planning, who is going where, to do what, with what machines, how many men and for how long. Thus, first application, the French are currently evacuating 600 children from the Terre des hommes orphanage in Butare in the southwest of the country. There was a real risk of contact with FPR fighters. This evacuation received the green light last night from the RPF staff".
Source
Fonds d'archives
INA
Type
Journal télévisé
Langue
FR
Citation
[Daniel Bilalian :] Au Rwanda… la France essaie de se dégager d'un piège qui pourrait se refermer sur ses troupes : il s'agit de constituer un cordon humanitaire protégeant les réfugiés des combats et des deux forces armées en présence.

Le secrétaire général des Nations unies est d'accord. Reste à concrétiser cette intention. Et c'est urgent car les choses ont bien changé pour l'armée française en moins d'une semaine. Philippe Boisserie.

[Philippe Boisserie :] Le 24 juin lorsque les militaires français sont entrés au Rwanda, ils ont eu l'heureuse surprise d'être accueillis comme des héros [on voit Marin Gillier debout sur sa jeep entrer dans un village avec d'autres militaires français sous la clameur des habitants]. C'était il y a 10 jours. Aujourd'hui les choses ont bien changé [on voit des villageois remettre des fleurs aux militaires français].

L'implantation avant-hier [1er juillet], quasiment par la force, d'un camp de réfugiés tutsi éparpillé en pleine montagne a réveillé les tensions [diffusion d'images du sauvetage des rescapés de Bisesero par les militaires français]. Pour les militaires il ne s'agissait que d'accomplir leur mission humanitaire en protégeant des civils à bout de forces, objet de massacres quotidiens [on voit des médecins militaires français en train de soigner des rescapés sur la colline].

Mais pour le gouvernement hutu qui contrôle la zone, c'est le premier signe concret que l'opération Turquoise pourrait entraver leur politique [on aperçoit sur les hauteurs de la colline des miliciens en train d'observer l'opération de sauvetage ; les plans suivants montrent respectivement un hélicoptère Puma dans le ciel puis une jeep militaire dévaler à toute vitesse la colline]. Quelle sera leur réaction ? L'accueil chaleureux laissera-t-il la place à l'hostilité, voire à des actions de représailles ? Du côté des militaires français on a choisi d'afficher sa sérénité [on voit deux militaires français demander à un enfant de rejoindre le groupe de rescapés].

[Philippe Boisserie interroge le colonel Jacques Rosier qui se trouve dans un hélicoptère à l'arrêt [on aperçoit assis derrière lui le lieutenant-colonel Jacques Hogard] : - "Euh, on n'a pas d'problème métaphysique, hein. On est venu proté…, protéger les gens, euh…, menacés ou massacrés, euh, pour éviter qu'ça…, ça perdure. Bah…, on fait notre travail". Philippe Boisserie : - "Avez-vous eu des contacts avec les… autorités gouvernementales, euh, hutu ?". Jacques Rosier : - "Non, non, non. Non, non. Absolument pas, non. Personnellement, non". Philippe Boisserie : - "Vous n'savez pas comment ils réagissent à cette opération ?". Jacques Rosier : - "Non, mais… je pense qu'ils ont de…, d'autres chats à fouetter, hein. Y'a quand même le front qu'est pas loin, hein".]

En effet la ligne de front avance à grand pas. Le Front patriotique rwandais est menaçant à l'Ouest mais aussi au sud. Butare, ancienne capitale du royaume tutsi, pourrait bientôt tomber. Une situation qui poserait alors un deuxième problème aux militaires français [diffusion d'images de jeunes réfugiés] : pris entre deux feux, chacun des deux camps pourrait être tenté d'avoir recours à des provocations. Ce matin, sur l'aéroport de Bukavu, la tension était pour la première fois perceptible [gros plan sur des enfants recroquevillés dans un talus, non loin d'un hélicoptère en action].

[Daniel Bilalian :] Vous l'avez compris l'avance des troupes du Front patriotique, euh, rwandais s'accélère et les soldats gouvernementaux sont bien isolés pour tenter une véritable, euh, résistance qui soit efficace. Comme l'ont constaté d'ailleurs nos envoyés spéciaux Benoît Duquesne, Jean-Louis Normandin.

[Benoît Duquesne :] [Le reportage s'ouvre sur l'image d'un soldat des FAR en train de danser, assis, sur de la musique zaïroise] Bienvenue sur la colline de Sabyinyo, près de Nyabisindu, poste avancé des FAR, les Forces armées rwandaises. Ne vous y trompez pas : le Front patriotique n'est qu'à quelques centaines de mètres à vol d'oiseau -- un kilomètre tout au plus -- sur la colline en face.

Depuis trois semaines les forces gouvernementales occupent cette position et en trois semaines, la compagnie a perdu une cinquantaine d'hommes : 11 sont morts, les autres ont été blessés [on voit des soldats des FAR en train de marcher en colonne dans la brousse ; certains portent un béret noir, d'autres un béret rouge].

[Benoît Duquesne interroge un soldat des FAR au béret noir parmi un petit groupe de militaires : Le soldat [il a la mine dépitée] : - "Y'a beaucoup de blessés". Benoît Duquesne : - "Et vous êtes, euh, combien ? Il en reste 80 sur le terrain, c'est ça ?". Le soldat : - "Nous sommes 80". Benoît Duquesne : - "C'est dur alors ?". Le soldat : - "Pardon ?". Benoît Duquesne : - "C'est dur ?". Le soldat [il semble très triste] : - "C'est dur". Benoît Duquesne : - "C'est une guerre qui fait beaucoup de blessés et beaucoup d'morts dans vos…, dans vos troupes…, parmi vous ?". Le soldat : - "Parmi nous ?" [on entend une rafale de tirs provenant de la colline d'en face ; le soldat et ses camarades tournent la tête en direction des tirs].

Alors on se rassure comme on peut en disant que le FPR recrute des enfants à peine entraînés, qu'ils ont peur des forces gouvernementales et qu'ils pourront les balayer quand ils le voudront. On se rassure mais sans y croire vraiment -- dans ce camp de fortune sans moyens, sans logistique, sans armement lourd -- et on espère la fin des combats [on voit des soldats des FAR en train de marcher puis faire une pause devant une bananeraie].

[Un autre soldat des FAR : "Nous, nous aimons la paix car, euh, nous savons la signification profonde de ce mot. Alors, euh, il faut qu'on arrête toute sorte de massacres afin que tout le peuple rwandais soit uni, soit une seule population au lieu de…, de faire le…, la ségrégation ethnique".]

Quand le commandant de la compagnie demande deux volontaires pour partir en éclaireur, personne se précipite [on voit le commandant en train de faire un geste de la main mais aucun de ses soldats ne réagit]. Il doit lui-même les désigner pour aller vers ce front qui jusqu'à présent n'a fait que reculer [on voit le commandant désigner deux hommes].

[Daniel Bilalian :] À Kigali, la capitale du Rwanda, l'information court selon laquelle, euh…, les troupes du Front patriotique auraient complètement encerclé la capitale rwandaise. Ce n'est peut-être pas aussi simple que cela.

[Daniel Bilalian interroge à présent Giles Rabine en duplex de Kigali.]

Daniel Bilalian : Giles Rabine vous êtes sur place, Giles ?

Giles Rabine : Oui, écoutez Daniel le patron des Casques bleus lui-même, le général canadien Roméo Dallaire, nous disait c'matin qu'il n'avait pas les moyens ni en hommes ni en…, de…, en moyens d'observation de confirmer ou d'infirmer l'encerclement de Kigali par les forces du FPR [une incrustation "par téléphone, direct, Giles Rabine, Kigali" s'affiche en haut et en bas de l'écran]. L'impression qu'nous avons, nous, ici -- pour autant qu'on puisse se faire une impression tant les lignes de front, les tranchées sont imbriquées --, c'est plutôt que, depuis quelques jours, aucun des deux camps n'a réussi à prendre un avantage décisif à Kigali, malgré les très violents combats que nous avons encore connus cette nuit et c'matin puisqu'un Casque bleu, un officier russe, a été blessé c'matin à Kigali [diffusion d'images d'archives montrant notamment le général Dallaire, un plan large sur la ville de Kigali et des soldats du FPR].

Daniel Bilalian : Alors un mot peut-être d'une médiation du commandant des Nations unies de Kigali entre, euh…, les troupes du FPR et la France.

Giles Rabine : En effet le patron des Casques bleus, le général Dallaire, nous a révélé qu'il assurait depuis deux jours, après avoir vu le général Lafourcade, la liaison entre les forces françaises et le FPR. Cette liaison consiste à dire au FPR quelles opérations la France envisage, qui va où, pour faire quoi, avec quels engins, combiens d'hommes et pendant combien d'temps [diffusion d'images d'archives montrant des soldats du FPR]. Ainsi, première application, les Français sont en c'moment en train d'évacuer les 600 enfants de l'orphelinat de Terre des hommes à Butare -- dont parlait Philippe Boisserie à l'instant -- au sud-ouest du pays. Il y avait là un vrai risque de contact avec des combattants du FPR. Eh bien cette évacuation a reçu cette nuit le feu vert de l'état-major du FPR.

Daniel Bilalian : Merci Giles.

Haut

fgtquery v.1.9, 9 février 2024