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Pour la première fois depuis leur retraite au Zaïre, un groupe d'une cinquantaine de soldats des anciennes Forces armées rwandaises a lancé hier une attaque contre un petit village de pêche situé dans le sud-ouest du pays sur les bords du lac Kivu. Cette offensive que plusieurs organisations humanitaires installées au Rwanda interprètent comme le début d'une contre-offensive des vaincus d'hier a été repoussée au terme de deux heures de combat par les forces gouvernementales. La mission des Nations unies pour l'assistance au Rwanda (Minuar), qui a confirmé l'information, n'était pas en mesure hier de dresser un bilan des combats, mais a seulement signalé la disparition de six pêcheurs rwandais du village de Nyamasheke. Le gouvernement de Kigali et les responsables militaires de l'Armée patriotique rwandaise ont refusé de commenter et même de confirmer l'incident.
Le porte-parole du gouvernement, François Rutaysire, s'est pour sa part contenté de déclarer qu'il n'y avait «pas matière à s'inquiéter car il s'agit là de bandits qui ne défendent aucune cause». «Ils n'ont rien à offrir aux réfugiés de Goma et de Bukavu» (les deux villes zaïroises sur les bords du lac Kivu autour desquelles s'entassent près d'1,2 million de réfugiés), a-t-il précisé en tentant de minimiser ce que la Minuar qualifie déjà d'«opération insurrectionnelle des Forces armées rwandaises réfugiées au Zaïre». Selon le major général canadien Guy Tousignant, commandant de la Minuar, cette attaque pourrait marquer le début d'«une campagne insurrectionnelle consolidée et minutieusement planifiée».
De source humanitaire onusienne, on estime généralement à 40.000 le nombre de soldats des anciennes FAR réfugiés dans les camps du Zaïre depuis la victoire de la rébellion du Front patriotique rwandais en juillet. Ils sont pour la plupart soupçonnés d'avoir participé, avec des milliers de miliciens hutus du parti de l'ancien président Habyarimana, au génocide de plus d'un demi-million de Tutsis, membre de l'ethnie minoritaire au Rwanda et redouteraient par-dessus tout de se voir isolés de la masse innocente des réfugiés hutus au Zaïre, comme l'ont réclamé samedi plusieurs chefs d'Etat de la région.