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Le Conseil de sécurité des Nations unies a voté hier la suspension pour un an de l'embargo sur les armes à destination du Rwanda imposé en mai 1994 contre l'ancien régime de Kigali. Le gouvernement rwandais, qui avait saisi le Conseil de sécurité d'une demande de levée définitive de l'embargo, soutenu d'ailleurs dans sa démarche par les Etats-Unis, l'Allemagne et les pays non alignés, avait estimé qu'il n'y avait «pas de raison de maintenir un embargo qui a été adopté contre un gouvernement génocidaire ».
A Kigali, on se déclare satisfait de cette décision qui devrait permettre à l'Armée patriotique rwandaise de faire face aux menaces de reconquête militaire des anciennes Forces armées rwandaises et des miliciens hutus à partir des camps de réfugiés au Zaïre et en Tanzanie, où ils se réarment et se restructurent, comme l'ont récemment révélé des organisations internationales de défense des droits de l'homme.
La France, parmi plusieurs pays européens qui étaient farouchement opposés à toute levée d'embargo, s'est finalement ralliée, dans un esprit de compromis, à cette suspension d'un an qui prendra effet dès le 1er septembre. Paris a en outre obtenu que soient imposées certaines restrictions sur les livraisons d'armes. Ainsi, les armements devront être acheminés « par des points d'entrée désignés » que Kigali devra communiquer à l'ONU. Le texte demande également que les armes ne soient pas réexportées et que Kigali marque et enregistre toutes ses importations afin d'en informer périodiquement l'ONU. L'embargo devrait, au terme de cette année probatoire, être définitivement levé à partir du 1er septembre 1996, «à moins que le Conseil de sécurité n'en décide autrement », à la lumière d'un rapport qui sera établi par le secrétaire-général de l'ONU, Boutros Boutros-Ghali.
Par la voix de son représentant à l'ONU, Hervé Ladsous, la France s'était violemment élevée contre la démarche rwandaise, estimant que la situation au Rwanda « ne favorise pas » les retours de réfugiés. « Les arrestations encore nombreuses, les conditions de détention dramatiques et l'absence quasi totale de dialogue entre les réfugiés et les autorités de Kigali ne peuvent guère inciter les Rwandais expatriés à rentrer chez eux », avait-t-il notamment plaidé. Une attitude constante de Paris, jugée inadmissible à Kigali en raison de l'appartenance des représentants autoproclamés des réfugiés aux formations politiques de l'ancien régime hutu et aux instances dirigeantes de l'ancienne armée rwandaise, responsables du génocide qui a fait plus de 500.000 victimes Tutsis et opposants hutus. Le Rassemblement pour le retour des réfugiés et la démocratie au Rwanda (RDR), que Paris considère comme un interlocuteur indispensable pour inciter les réfugiés à retourner au Rwanda, en dépit d'une appellation en apparence anodine, regroupe en son sein les anciens tenants du pouvoir. Outre nombre de responsables du MRND -- le parti de l'ancien président Habyarimana, en exil au Zaïre --, on y retrouve le général Augustin Bizimungu, chef d'état-major des forces armées rwandaises et responsable de la plupart des atrocités commises l'an passé par la garde présidentielle, le colonel Théoneste Bagosora, chef de cabinet de l'ancien ministre de la Défense, accusé d'avoir armé et organisé les miliciens en vue du génocide, et quelques autres idéologues hutus qui ont trouvé refuge en Belgique et en France.