Citation
Le scandale de la vente de missiles Mistral au
Congo Brazzaville (1987-1993)
Jacques Morel
3 mai 2023, v1.4
Résumé
La vente par la France de missiles sol-air Mistral fabriqués par Matra
au Congo-Brazzaville a fait scandale en 1989. Ce pays n’avait nul besoin de
tels missiles. Très récents, ils étaient en réalité destinés à l’Afrique du Sud
qui soutenait l’UNITA de Jonas Savimbi, dans la guerre civile qui l’opposait à l’armée gouvernementale angolaise soutenue par l’URSS et Cuba.
Cette vente contrevenait à l’embargo des Nations Unies contre le régime
d’apartheid que le gouvernement socialiste français disait respecter. La
presse a désigné Jean-Christophe Mitterrand, conseiller pour les affaires
africaines de son père à l’Élysée, comme l’auteur de cette opération. Le
scandale est étouffé par la mise en examen en 1989 d’un intermédiaire accusé d’avoir contrefait des documents à en-tête du Congo. Il sera déféré au
tribunal en 1993 et relaxé. Un document des services secrets sud-africains
révèle qu’en juillet 1987, leur homologue français, la DGSE, s’était engagée
à fournir trois ou quatre missiles Mistral pour les tester en Angola et en
avait promis vingt autres pour l’UNITA en 1988. Il est très probable que
cette promesse a fait partie des clauses secrètes de l’accord conclu par le
gouvernement Chirac avec l’Afrique du Sud, le gouvernement angolais et
l’UNITA pour opérer un échange de prisonniers, dont le Français PierreAndré Albertini emprisonné par l’Afrique du Sud, le nombre de missiles
promis à l’UNITA passant de 20 à 50. Il est possible que la représentante de
l’ANC en France, Dulcie September, ait appris cette transaction et ait été
assassinée le 29 mars 1988 parce qu’elle voulait la dénoncer publiquement
ainsi que d’autres affaires liées à la coopération militaire entre la France
et le régime d’apartheid sud-africain. Après la défaite de Jacques Chirac
à l’élection présidentielle de mai 1988, Jean-Christophe Mitterrand, qui
dit avoir de bonnes relations avec Jean-Yves Ollivier, négociateur avec
Fernand Wibaux de l’accord avec l’Afrique du Sud, aurait exécuté les
clauses du contrat et entrepris de faire livrer à ce pays les missiles par
l’intermédiaire du Congo de Denis Sassou-Nguesso. La transaction ayant
été éventée, elle a été annullée sur l’ordre de l’Élysée pour couper court
au scandale. Mais le devenir de ces armes invendues et le nom du ou des
pays à qui ils ont été rétrocédés restent des questions sans réponse. Que
l’ex-capitaine Barril ait été informé de cette affaire et en parle dans plusieurs livres rend ces questions encore plus sensibles. D’autre part, cette
1
1
LE MISSILE SOL-AIR MISTRAL
2
transaction entre la France et le régime de l’apartheid, ainsi que les autres
fournitures d’armes, pourraient avoir un lien avec l’assassinat de la représentante de l’ANC à Paris, Dulcie September, le 29 mars 1988, juste avant
l’élection présidentielle, et toujours non élucidé.
1
Le missile sol-air Mistral
Le missile Mistral a été conçu par la firme française Matra à partir de 1980.
La production est lancée en 1986. 1 Il est livré en série à partir du deuxième
trimestre de 1988. 2
« Commandé à 2.300 exemplaires par l’armée française, il a réussi à la fin
de l’année [1988] les essais de tir réalisés par la direction générale de l’armement
avec un score de 99,8% [...] À ce jour, quatre pays dont la France et la Belgique,
(les deux autres n’ont pas été indiqués par la firme) ont passé commande de
Mistral [...] Ce missile est assemblé à Selles Saint-Denis (Loir et Cher) ». 3
Il est mis en service en 1989 dans l’armée française. 4 En 1990, lors de l’opération Daguet contre l’occupation du Koweit par l’Irak, les unités françaises
disposent de missiles antiaériens Mistral. 5
La deuxième version M2 est mise en service en 1997. 6 À la différence des
missiles soviétiques SA-7 ou SA-16 et du Stinger états-unien, le Mistral n’est pas
tiré à l’épaule mais nécessite un trépied de lancement. Il est souvent désigné par
le sigle SATCP (Sol-Air À Très Courte Portée) plutôt que MANPADS (Manportable air-defense systems).
2
La société Matra
Matra comme Mécanique, Aviation, Traction est à l’origine une société appartenant à Marcel Chassagny et à la famille Floirat. Elle est connue pour
fabriquer des voitures de course, après le rachat d’Automobiles Bonnet en 1964.
Son siège est à Romonrantin-Lanthenay. En 1977, Jean-Luc Lagardère devient
PDG de Matra. En 1981, Matra est nationalisée, mais Lagardère obtient que
l’État ne prenne que 51 % du capital. Matra est privatisée en 1988, Lagardère
détenant 6 % du capital puis 25 % en 1992. En 1989, Noël Forgeard est à la tête
de la division Défense-Espace de Matra qui a concu le missile Mistral. 7
1. Jean-Christophe Victor, Missiles SATCP Mistral, Autrement, 1er octobre 1985, p. 141.
https://francegenocidetutsi.org/AutrementArmesOctobre1985P141.png
2. Françoise Vaysse, Matra : haute technologie, petits profits, Le Monde Affaires, 24 octobre
1987. https://francegenocidetutsi.org/MatraPrivatisationRepooussee24octobre1987.
pdf
3. Mistral : Matra décide de porter plainte, AFP, 9 mars 1989. https://
francegenocidetutsi.org/MatraDecidePorterPlainte9mars1989.pdf
4. Wikipédia consulté le 21 janvier 2012. http://fr.wikipedia.org/wiki/Mistral_
(missile)
5. Francis Cornu, Une force française mobile et rapide, Le Monde, 2 octobre 1990, p. 3.
6. Wikipédia consulté le 6 octobre 2017. http://en.wikipedia.org/wiki/Mistral_
(missile)
7. Mistral : Matra décide de porter plainte, op. cit.
3
LES RÉVÉLATIONS DE PASCAL KROP
3
Depuis, Matra et British Aerospace ont mis en commun leur activité missile
tactique avec la création de Matra BAe Dynamics en 1996, qui est à l’origine de
MBDA créé en 2001. Matra Hautes Technologies est le secteur défense de Matra.
Son siège est à Vélizy Villacoublay. En 1999 il sera fusionné avec Aérospatiale
qui devient EADS en 2000. Entre autres missiles fabriqués par Matra Défense,
il y a les missiles air-air R.511, R.530, R.550 et le missile sol-air Mistral.
3
Les révélations de Pascal Krop
L’affaire de la vente de missiles Mistral au Congo-Brazzaville est rendue
publique jeudi 9 mars 1989 par un article de Pascal Krop 8 dans L’Événement
du jeudi. 9 Il y décrit la vente de 50 missiles Mistral au Congo, conclue en octobre
1988 pour « la bagatelle de 50 millions de francs ». Ce missile très récent ne doit
être livré à l’armée française que dans quelques semaines. Des rumeurs mettant
en cause Jean-Christophe Mitterrand, fils du président François Mitterrand et
conseiller aux affaires africaines à l’Elysée, le dossier atterrit au mois de janvier
1989 sur le bureau du général Jean Fleury, chef d’état-major particulier du
président de la République. Celui-ci « note en marge du dossier que si la Belgique
avait déjà commandé à la France huit cents de ces engins, aucun pays africain
ne s’y était en revanche intéressé ». 10
Krop poursuit : « C’est le colonel congolais Emmanuel Ngoueondelé [N’Gouelondelé], directeur général de la sécurité de l’État du Congo qui transmit à JeanLuc Lagardère la demande officielle à l’en-tête du gouvernement de son pays ».
Un certain M. M. « prit contact avec les militaires congolais pour le compte de
Matra ». 11 Trois responsables de l’ambassade du Congo se rendirent chez Matra à Vélizy pour régler les derniers détails techniques. Le 20 novembre 1988, la
CIEEMG a donné son accord. 12 Le 17 décembre 1988, l’autorisation d’exportation de matériel de guerre était donnée. 13 Une avance de plus de 15 millions
de francs a déjà été versée à Matra.
D’où venait alors la « sale rumeur » ? Jointe au dossier du général Fleury
que lui a préparé un de ses conseillers, une fiche de la DGSE relève que « d’après
plusieurs indices concordants, le président congolais Denis Sassou-Nguesso n’a
pas donné son aval à l’achat des missiles Mistral. Il pourrait s’agir d’une vente
d’armes destinée à la réexportation au profit d’un pays figurant sur notre liste
rouge ». 14 Le ministère de la Défense confirme. Louis Gallois, directeur de cabi8. Ancien journaliste d’investigation à L’Événement du Jeudi, Pascal Krop est décédé le
25 juillet 2010.
9. Pascal Krop, Ces missiles qui embarrassent l’Élysée, L’Événement du jeudi, 9 mars
1989. https://francegenocidetutsi.org/MistralCongoKropEdJ9mars1989.pdf
10. Ibidem.
11. Ibidem.
12. CIEEMG : Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériel de
guerre. Elle délivre une autorisation préalable. Les motivations des autorisations ou des refus
sont classées secret défense. Les députés n’ont aucun contrôle sur les exportations d’armes.
13. AEMG : autorisation d’exportation de matériel de guerre. Elle est conditionnée par
l’obtention d’un avis favorable de la CIEEMG.
14. Pascal Krop op. cit..
3
LES RÉVÉLATIONS DE PASCAL KROP
4
net du ministre Jean-Pierre Chevènement, se voit chargé de stopper l’opération
chez Matra.
Contacté par lettre en 2023, Louis Gallois répond : « Vous évoquez dans ce
courrier une affaire dont je dois dire que je ne garde aucun souvenir, au point
que je m’interroge sur le fait que j’aurais eu à en connaître. » 15
Selon le général Fleury, l’URSS aurait été le véritable destinataire. Soupçonné de travailler pour les Soviétiques, le colonel N’Gouelondelé est démis de
ses fonctions par le président congolais Sassou N’Guesso et remplacé par Paul
Oba. 16
Selon une autre hypothèse, émise par le général Mermet, directeur de la
DGSE, les missiles étaient destinés à l’UNITA de Savimbi. 17
Ce M. M., l’intermédiaire de Matra, « aurait été en liaison avec un membre
de la cellule élyséenne et l’Arc International Consultants (ARC), cette DGSE
bis créée par d’anciens membres des services secrets et dirigée par Jean-Louis
Chanas, également ex-lieutenant-colonel de la DGSE, et Gérard Alloncle, ancien
PDG de la société Raymond Gérand ». ARC est proche du colonel Prouteau,
chef de l’ex-cellule antiterroriste de l’Élysée, qui a quitté l’Élysée pour s’occuper
de la sécurité des jeux olympiques d’Albertville mais qui reviendra au Château.
Un conseiller écouté du président aurait dit : « tout cela est malsain. Il ne
faudrait pas que certains ici connaissent le sort de De Broglie ». 18
Pascal Krop revient plus tard dans un livre publié en 1994 sur cette affaire
dans un chapitre intitulé : « Où l’on est effaré de constater que l’Élysée, au
mépris de l’embargo des Nations Unies, favorise la vente de missiles à l’Afrique
du Sud ». 19 Ce « conseiller écouté » du président est François de Grossouvre.
Il pourrait apparaître comme celui qui est à l’origine de l’article du 9 mars
1989. Mais il n’est peut-être pas le seul. En effet Krop écrit : « le 8 mars 1989,
sur la foi d’une fuite commerciale organisée au plus haut niveau, je publie dans
L’Evénement du jeudi... ». 20 Une « fuite commerciale » laisse entendre qu’elle
vient de Matra. Où est situé ce « plus haut niveau » chez Matra ou à l’Élysée ?
Une information provenant de Matra n’est pas à exclure. Mais qu’aurait à gagner
cette firme avec pareille publicité ? Ne serait-ce pas plutôt une manœuvre conçue
à l’Élysée pour protéger le fils du président ?
Le lendemain de la parution de l’article de L’Événement du jeudi, Krop rapporte dans son livre qu’il est reçu au 11 quai Branly par François de Grossouvre
qui lui déclare : « Cette affaire est la plus grave pour le Président. Il est bien
évident que c’est la cellule africaine de l’Élysée, dirigée par son fils, qui a fait
pression pour que la CIEMG donne son accord. En fait c’est moi qui ai donné
l’alerte. Mais avant que votre article ne soit publié personne n’a voulu m’écouter. Tout cela est malsain. Il ne faudrait pas que certains ici connaissent le sort
15. Courriel à l’auteur, 27 mars 2023.
16. Ibidem.
17. Ibidem.
18. Ibidem.
19. Pascal Krop [9, p. 49].
https://francegenocidetutsi.org/KropGenocideFrancoAfricain49-57.pdf
20. Ibidem, p. 53.
4
UNE FUITE ORGANISÉE PAR L’ÉLYSÉE ?
5
de De Broglie ». 21 Krop donne explicitement le nom de M. M., l’intermédiaire
de Matra, Thierry Miallier. Il précise que le général Mermet, directeur de la
DGSE, a découvert que l’acompte avait été payé par l’Afrique du Sud par l’intermédiaire de la Kredit Bank au Luxembourg. Ces missiles étaient en réalité
destinés à l’Afrique du Sud. 22
4
Une fuite organisée par l’Élysée ?
L’enquête de Krop soulève plusieurs questions. Qui l’a informé ? Il semble
que ce soit François de Grossouvre. Mais, le jour même de la parution de son
article, ce 9 mars 1989, un communiqué de l’Élysée sur cette affaire est publié.
Il est repris par le Forum de l’Expansion 23 :
Sur intervention du président François Mitterrand, un contrat
pour la fourniture de missiles sol-air Mistral, fabriqués par Matra, à
la Répubiique populaire du Congo a été annulé et une information
judiciaire a été ouverte, a-t-on annoncé hier à l’Elysée.
Au vu des éléments recueillis après enquête du général Fleury,
chef d’état major particulier, le président Mitterrand a écrit le 28
janvier au Premier ministre, Michel Rocard, pour qu’une enquête approfondie soit diligentée par le ministre de la Défense, Jean—Pierre
Chevènement.
« En conséquence, conclut l’Elysée, l‘autorisation d‘exportation
n’a pas été accordée, une enquête a été ordonnée en relation avec le
gouvernement congolais et une information judiciaire a été ouverte.
»
Dans une dépêche du 9 mars 1989, l’agence Associated Press fait savoir que
cette opération d’achat de missiles par le Congo a été stoppée par l’Élysée et que
la personne incriminée, Thierry Miallier, a été arrêtée deux jours avant, mardi
7 mars. 24
Le même jour l’AFP révèle que Matra a annulé mercredi 8 mars ce contrat
de vente de missiles à la demande de la Présidence de la République française
et déposé plainte contre X, l’intermédiaire présumé étant ce Thierry Miallier.
Les deux gouvernements s’étant alarmés de cette affaire vers le 20 février, « le
président congolais Sassou Ngesso aurait alors indiqué à M. Jean-Christophe
Mitterrand, conseiller de l’Élysée pour les affaires africaines qu’il ignorait tout
21. Ibidem, p. 54. Cette allusion au prince de Broglie est déjà dans l’article du 9 mars 1989.
Krop avait donc déjà échangé avec François de Grossouvre avant.
22. Ibidem, p. 53.
23. Des missiles pour l’URSS via le Congo. L’Élysée bloque un contrat d’armement douteux, Forum de l’Expansion, 9 mars 1989. https://francegenocidetutsi.org/
ElyseeBloqueContratArmementForExp9mars1989.pdf
24. Arrestation d’un homme soupçonné d’avoir joué un rôle d’intermédiaire pour
l’achat de missiles Mistral par une puissance étrangère, AP, 9 mars 1989. https://
francegenocidetutsi.org/DefenseCongoMistral9mars1989.pdf
5
LES RÉSEAUX AFRICAINS DE JEAN-CHRISTOPHE
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d’un contrat entre Matra et la RPC pour l’achat de ces missiles ». 25
Le Monde daté du 10 mars titre Le faux contrat congolais avec dessin de
Plantu à l’appui. « Sur intervention de l’Élysée, écrit le journal, un contrat
d’armes anti-aériennes françaises à destination de la République populaire du
Congo a été bloqué, et une plainte du ministère de la défense a été déposée à l’encontre d’un intermédiaire soupçonné d’avoir usé de faux documents. Ces armes
auraient intéressé, en réalité, un pays tiers placé sous embargo, qui pourrait être
la République sud-africaine ». 26
La presse reprend l’information de l’arrestation de Miallier, le lendemain
10 mars. 27 Le 11 mars, Le Monde écrit que Miallier est placé en détention
préventive par la juge Marie-Paule Morrachini. 28
Le scoop de Pascal Krop du jeudi 9 mars 1989 est-il une fuite organisée dans
le cadre d’une opération de communication conçue depuis l’Élysée pour protéger
Jean-Christophe Mitterrand ? Celui-ci publie un communiqué dont nous n’apprendrons la teneur que plus tard (voir infra). Ce communiqué aurait suivi et
non précédé la parution de l’article. Mais la plainte du ministère de la Défense
serait du 7 mars et Miallier aurait été arrêté le 7 ou le 8 mars selon les sources. Il
est clair que l’Élysée a décidé de faire annuler ce contrat avant l’article de Krop.
Selon ce dernier, le général Fleury est saisi en janvier du dossier. Pour se blanchir, Matra a décidé de déposer plainte et a pu communiquer des informations à
Krop dont le principal informateur est François de Grossouvre. Comme l’affaire
allait sortir dans la presse, l’arrestation de Miallier aurait été décidée suite à
une concertation entre le ministère de la Défense et Matra afin de contrôler les
répercussions.
5
Les réseaux africains de Jean-Christophe Mitterrand
Cette affaire des « Mistral » est évoquée à nouveau plus tard, en 1990, dans
un dossier de quatre pages que Libération consacre au fils du président Mitterrand, Jean-Christophe, conseiller chargé des affaires africaines depuis 1986, ce
25. L’intermédiaire dans la vente de missiles au Congo interpellé à Tignes, AFP, 9 mars
1989. https://francegenocidetutsi.org/IntermediaireMissilesCongoArrete9mars1989.
pdf
26. Le faux contrat congolais, Le Monde, 10 mars 1989, p. 1. https://
francegenocidetutsi.org/FauxContratCongolaisLM10mars1989.pdf ; La France bloque
une vente d’armes supecte à destination du Congo, Le Monde, 10 mars 1989.
https://francegenocidetutsi.org/VenteArmesSuspecteCongoLM10mars1989.pdf
27. Matra porte plainte contre X dans l’affaire des Mistral, Forum de l’Expansion, 10 mars
1989. https://francegenocidetutsi.org/MatraPlainteMistralForumExp10mars1989.pdf ;
L’intermédiaire des ventes de missiles incarcéré, Le Progrès, 10 mars 1989. https:
//francegenocidetutsi.org/IntermediaireVenteMissilesIncarcereLeProgres10mars1989.
pdf
28. Une arrestation en France après l’annulation d’un contrat de ventes d’armes
avec le Congo, Le Monde, 11 mars 1989. https://francegenocidetutsi.org/
ArrestationVenteArmesCongoLeMonde11mars1989.pdf
5
LES RÉSEAUX AFRICAINS DE JEAN-CHRISTOPHE
7
dernier aurait joué un rôle central dans l’affaire des Mistral. 29 :
C’est une des affaires les plus sensibles traitées par Jean-Christophe
Mitterrand depuis sa prise de fonction à la tête de la « cellule africaine ». Fin 1988, la firme Matra reçoit une commande du Congo
pour l’achat de 50 Mistral. Ces missiles sol-air du type « tire-etoublie », d’une valeur d’un million de francs la pièce, constituent ce
qu’il y a de plus sophistiqué sur le marché. A l’époque, même l’armée
française n’en est pas équipée. Le 8 mars 1989, quelques heures après
la publication d’un article par l’Événement du Jeudi, un communiqué de l’Elysée annonce que, « alerté par M. Jean-Christophe Mitterrand sur les conditions dans lesquelles avait été signé un contrat
pour la fourniture de missiles Mistral à la République populaire du
Congo », le chef de l’État a demandé au Premier ministre de stopper
la transaction. Elle avait été enclenchée par une commande portant
la « fausse signature » du chef de la sécurité congolaise, le colonel
Emmanuel N’Gouelondelé.
« Exporter des Mistral au Congo, c’est aussi absurde que de livrer des porte-avions au Burkina-Faso », un pays enclavé au cœur
du Sahel, affirme aujourd’hui Jean-Christophe Mitterrand. Aussi la
DGPSD (l’ex-sécurité militaire) et le Blirta (Bureau de liaison pour
la répression du trafic d’armes) alertent-ils début décembre 1988
l’Elysée sur ce « faux contrat ».
Mais le 17 décembre, l’autorisation de la Commission interministérielle pour l’exportation de matériel de guerre (CIEMG) est accordée. La veille de Noël, le ministre de la Défense refuse cependant
l’ultime signature, l’AEMG (l’autorisation d’exporter du matériel de
guerre). L’enquête « approfondie » annoncée par l’Elysée il y a plus
d’un an n’a abouti qu’à l’inculpation d’un intermédiaire, VRP en
matière d’armement sur le continent africain : Thierry Miallier.
Qui a commandé, et pour quel pays destinataire, les 50 Mistral ? A la seconde partie de la question, une réponse définitive
peut aujourd’hui être apportée. Des sources sud-africaines reconnaissent qu’il s’agissait d’une « opération de ré-exportation » destinée
à l’Afrique du Sud. Qui, en utilisant l’écran congolais, a servi d’intermédiaire ? Introduit à la présidence congolaise, Thierry Miallier
était également en relation, à Paris, avec une société de sécurité, Arc
International Consultants. Celle-ci regroupe d’anciens responsables
de la DGSE (le service d’espionnage). Selon plusieurs sources, Arc
aurait « repris » ce contrat « initié par Pierre Lethier ». Ce dernier,
en rachetant en septembre dernier le mensuel Africa International,
s’est associé avec Jean-Yves Ollivier.
Officier de la DGSE jusqu’en 1984, 30 l’ancien aide de camp de
29. Stephen Smith, Antoine Glaser, Les réseaux africains de Jean-Christophe
Mitterrand,
Libération,
6
juillet
1990.
https://francegenocidetutsi.org/
AuNomDuFilsLibe6juillet1990.pdf
30. En réalité, Pierre Lethier ne quitte la DGSE que début 1988. Voir supra.
5
LES RÉSEAUX AFRICAINS DE JEAN-CHRISTOPHE
8
Pierre Marion, est, depuis son départ des services secrets, « consultant hors contrat de Matra ». Court-circuité par Arc International
et Miallier, il aurait « vendu la mèche », selon une source à Matra.
Pour « ouvrir le parachute », le fabricant d’armes a organisé luimême la « fuite » dans l’Événement du Jeudi.
S’agit-il d’une manipulation pour compromettre Jean-Christophe
Mitterrand ? Des sources a priori bien placées prétendent qu’il aurait couvert le dossier Mistral. Le colonel de gendarmerie Jean-Louis
Esquivier [Esquivié] , numéro deux de la « cellule anti-terroriste et
de sécurité » à L’Elysée, serait intervenu pour obtenir le feu vert des
militaires. Puis, après l’article dans l’Événement du Jeudi, il aurait
servi de « fusible ». Mais, au final, il se retrouve promu général de
division ! 31 Si, quelques semaines plus tard, il a effectivement quitté
l’Elysée pour prendre le commandement du groupement de gendarmerie de la préfecture de Créteil, le colonel Esquivier [Esquivié], un
spécialiste des questions moyen-orientales et nord-africaines, dément
formellement s’être occupé du dossier Mistral. Il parle de « manipulation » par une faction de la DGSE. De son côté, Jean-Christophe
Mitterrand, qui affirme ne pas connaître Jean-Louis Esquivier [Esquivié], parle d’une « machination » contre lui. « Ça a failli me péter
à la figure », dit-il.
Epilogue : dès le 21 avril 1989, les Sud-Africains reviennent à la
charge. Dans une chambre d’hôtel proche de la tour Eiffel, la Direction de la surveillance du territoire (DST), le contre-espionnage
français, surprend trois Britanniques d’Irlande du Nord et un fonctionnaire de l’ambassade sud-africaine, Daniel Storm, en flagrant
délit de trafic d’armes. L’objet de la transaction interrompue : des
pièces électroniques servant au sytème de propulsion du missile solair Blowpipe (sarbacane), la version britannique du Mistral. Trois
« diplomates » sud-africains sont alors expulsés de France. Parmi
eux, le premier secrétaire Louis Steyn, un agent du National Intelligence Service (NIS) sud-africain. Jusqu’à son expulsion, il a été
régulièrement en contact avec Jean-Yves Ollivier, le principal « relais » de Jean-Christophe Mitterrand en Afrique australe.
Cet article confirme que Jean-Christophe Mitterrand est au cœur de ce dossier de vente de missiles destinés en réalité à l’Afrique du Sud. Il aurait été
en lien avec l’homme d’affaires Jean-Yves Ollivier, membre de l’OAS dans sa
jeunesse, devenu spécialiste du contournement de l’embargo des Nations unies
visant le régime de l’apartheid. 32 Un ancien de la DGSE, Pierre Lethier, aurait
« initié » le contrat avec Matra, mais il aurait été « court-circuité » par Miallier
31. Jean-Louis
Esquivié
:
L’ex-gendarme
de
l’Elysée
discrètement
promu,
Libération,
24
octobre
1997.
https://francegenocidetutsi.org/
JeanLouisEsquiviePromuLibe24octobre1997.pdf
32. Ollivier a créé la société de négoce pétrolier Comoil en Afrique du Sud qui œuvre à
contourner l’embargo des Nations Unies. Cf. François-Xavier Verschave [23, p. 388].
6
« CES MESSIEURS AFRIQUE »
9
et une mystérieuse société de sécurité, Arc International. Lethier, qui est aussi
associé avec Jean-Yves Ollivier, aurait « vendu la mèche ».
Cependant l’article n’aide pas à comprendre le nœud de l’affaire en nous
plongeant dans les méandres obscurs de l’entourage de François Mitterrand.
Le colonel Esquivié de la cellule antiterroriste de l’Elysée serait intervenu dans
l’affaire. Écarté de la cellule antiterroriste, il aurait servi de fusible. Mis sous les
verrous, Thierry Miallier apparaît comme le lampiste.
6
« Ces messieurs Afrique »
En 1992, les mêmes auteurs, Antoine Glaser et Stephen Smith, évoquent à
nouveau l’affaire Mistral dans le chapitre Jean-Christophe Mitterrand, le conseiller
de leur livre Ces messieurs Afrique. 33 Ils rapportent que « le 8 mars 1989.
Quelques heures seulement après la publication d’un article de Pascal Krop »
[donc le 9 mars], l’Élysée a publié un communiqué embarrassé : « Ayant été
alerté le 23 janvier 1989 par M. Jean-Christophe Mitterrand, conseiller à l’Élysée pour les affaires africaines, sur les conditions dans lesquelles avait été signé
un contrat pour la fourniture de missiles Mistral à la République populaire du
Congo, le président de la République a aussitôt demandé au général Fleury,
chef d’état-major particulier, de s’informer sur les conditions dans lesquelles ce
contrat avait été conclu. Au vu des éléments recueillis par le général Fleury,
le président Mitterrand a écrit le 28 janvier au Premier ministre pour qu’une
enquête approfondie soit diligentée par le ministre de la Défense, Jean-Pierre
Chevènement. » 34
Selon eux, ce communiqué n’est qu’un « parapluie » rapidement ouvert sur
la tête de Jean-Christophe Mitterrand.
Comme ce dernier le reconnaîtra lui-même « l’affaire des Mistral », sans doute la plus explosive pour lui et... pour son père, a
failli lui péter à la figure ». 35
Les deux auteurs remontent le fil de l’histoire. Le 10 août 1988, deux Congolais, le commandant Jacques Ongotto, de l’ambassade à Paris, et le colonel
Lucien Gouegel, des services de renseignement, rencontrent chez Matra François Desprairies du service des ventes. 36 Ils conviennent de la livraison de 50
missiles Mistral et de 10 trépieds.
Bien que cette vente semble tout à fait insolite – Jean-Christophe Mitterrand
dira que « exporter des Mistral au Congo, c’est aussi absurde que livrer des porteavions au Burkina-Faso » – les autorisations sont accordées le 17 novembre
(CIEEMG) et le 17 décembre 1988 (AEMG).. 37
33. Stephen Smith, Antoine Glaser, Ces Messieurs Afrique. Le Paris-Village du
continent noir, Calmann-Lévy, 1992 [20, p. 222]. https://francegenocidetutsi.org/
GlaserSmithMessieursAfriqueJCMitterrand.pdf#page=9
34. Ibidem, p. 222.
35. Ibidem, p. 223.
36. Stephen Smith, Antoine Glaser [20, p. 223].
37. Ibidem, pp. 223-224.
6
« CES MESSIEURS AFRIQUE »
10
Cependant, une enquête de la Direction de la protection et de la sécurité de
la Défense (DPSD) avec le Bureau de liaison pour la répression du trafic d’armes
(BLIRTA) a été ouverte mais elle est rapidement étouffée.
« François de Grossouvre n’a été mis au parfum que fin décembre par Jean
Audibert, le numéro deux de la “cellule africaine”. Ce dernier l’avait plus ou
moins appris par hasard. Un socialiste de chez Matra, tiers-mondiste dans l’âme
et en délicatesse avec sa direction, Maurice Brugière, lui avait mis la puce à
l’oreille ». 38
Le 19 janvier 1989, François de Grossouvre alerte Pierre Lethier. « Exlieutenant de la cavalerie, il [Lethier] a été l’aide de camp de Pierre Marion à la
DGSE... Jeune premier, promis à une brillante carrière, il “quitte” néammoins
le service de contre-espionnage fin 1988 ». 39 En “disponibilité”, il s’associe en
affaires dans les sociétés Comoil, Minemet France et dans une nébuleuse de
“succursales” de ce groupe lié à Imetal avec l’un de nos “monsieur Afrique” :
Jean-Yves Ollivier, le missi dominici dans l’hémisphère austral ». 40
Depuis ses bureaux au 17 rue Margueritte Paris 17e, Lethier « réussit à
élucider “l’affaire des Mistral” ». 41 Il « établit » que le contrat a été initié par
le marchand d’armes Thierry Miallier. Il appelle le président congolais Sassou
N’Guesso qui nie avoir connaissance de ce contrat et prétend que la signature
du colonel N’Gouendelé est un faux. 42
Chez Matra, on n’ignore rien du vrai destinataire : l’acompte de 15 millions
de francs a été viré par la Kredit Bank du Luxembourg. L’origine des fonds est
l’Afrique du Sud. Pierre Oba, directeur de la Sûreté congolaise et patron de la
garde présidentielle, rencontre le directeur général de la DGSE, François Mermet, dans les bureaux de Pierre Lethier. Il s’explique ensuite avec le directeur
de cabinet, Louis Gallois, du ministre de la Défense, Jean-Pierre Chevènement,
lequel s’est entretenu avec Sassou N’Guesso. Il rencontre également le général
Fleury, chef d’état-major particulier du président de la République, puis, le 21
janvier 1991, Jean-Christophe Mitterrand. 43
« L’Afrique du Sud est pour le moins embarrassée. Déjà, les relations avec la
France sont au plus bas, après l’assassinat de Dulcie September, la représentante
de l’ANC à Paris ». 44 Le 24 janvier 1989, Jean-Yves Ollivier, associé de Lethier,
appelle Pretoria qui « répond par la négative. “Ce n’est pas nous”, cherchent à
faire croire les Sud-Africains ». 45 Mais une semaine plus tard, le général sudafricain « Witkop » Badenhorst fait savoir à Jean-Yves Ollivier que « c’est bien
nous » et ajoute que pour minimiser les pertes en Angola, le National Intelligence
Service (NIS) sud-africain a cherché à se procurer des missiles. 46
38. Ibidem, p. 225.
39. Pierre Lethier écrit qu’il ne passe à la DGSE que les trois premiers mois de 1988 [12,
pp. 103-104]
40. Stephen Smith, Antoine Glaser [20, pp. 224-225]
41. Ibidem, p. 226.
42. Ibidem, p. 226.
43. Ibidem, p. 227.
44. Ibidem, p. 227.
45. Ibidem, p. 227.
46. Ibidem, p. 227.
6
« CES MESSIEURS AFRIQUE »
11
Thierry Miallier est inculpé le 9 mars 1989, le jour même de la parution
de l’article de Pascal Krop. Il sera remis en liberté après deux mois et demi de
prison mais restera inculpé et « ses comptes personnels resteront bloqués pendant
plus de deux ans ». 47
En 1991, exaspéré par les lenteurs de la justice, il « reprend » contact avec la
DGSE qui rédige un rapport auquel les auteurs, Smith et Glaser, ont eu accès.
Miallier menace de communiquer à la justice le nom de toutes les personnes impliquées. Dans son rapport, la DGSE précise que le compte luxembourgeois sur
lequel a été prélevé l’acompte appartenait à l’Afrique du Sud. La juge, MariePaule Morrachini, a également constaté que l’Office français d’exportation de
matériel aéronautique (OFEMA) avait reçu une trentaine de versements à partir
de ce compte. « Ce dernier fait pourrait apparaître si l’affaire débouche sur un
procès. » Le rapport ajoute que Miallier a déclaré « qu’une partie des commissions qu’il a reçues a été versée à un parti politique français ». 48 La transaction
a été filmée par des représentants de l’ambassade d’Afrique du Sud à Paris. Ce
serait pour cette raison qu’un employé de cette ambassade, Nicolas Nvolk, 49 n’a
pas été autorisé par le Quai d’Orsay à revenir en France. Il figurerait sur cette
vidéo, « attaché-case et billets en main... ». Enfin, le rapport note que Miallier
entend citer comme témoin le conseiller du président de la République pour les
affaires africaines et malgaches, Jean-Christophe Mitterrand donc. Miallier s’y
présente comme une « victime expiatoire d’une opération traitée en haut lieu et
dans laquelle il se croyait entièrement couvert ».
Sans surprise, ce « déballage » n’a pas eu lieu. « L’affaire des Mistral » a
été discrètement enterrée. 50
Pourquoi, dans le livre de Smith et Glaser, François de Grossouvre faitil appel à Pierre Lethier ? Les auteurs laissent entendre que c’est celui-ci qui,
en tant qu’officier de la DGSE, avait « alerté l’État français » dans l’affaire
Luchaire de livraison d’obus à l’Iran. Observons que si Pierre Lethier a mis en
difficulté Jean-Christophe Mitterrand, sa carrière dans le privé s’est poursuivie
de manière florissante :
Nonobstant sa « mise en disponibilité » et quoique plus proche de
Jacques Chirac que de François Mitterrand, la promotion de Pierre
Léthier se poursuivra : négociant en pétrole et en charbon, courtier de firmes françaises et de grands groupes étrangers comme le
sud-africain Rennies, il recevra le grade de colonel avec tous les honneurs. 51
La description faite ici dans leur livre Ces messieurs Afrique, paru en 1992,
du rôle de Pierre Lethier est en contradiction avec celle faite par les mêmes
auteurs en 1990 dans Libération. Dans Les réseaux africains de Jean-Christophe
47. Ibidem, p. 229.
48. Ibidem, p. 230.
49. Son nom exact serait Nicolaas Vlok, membre de la section Armscor en poste à Paris.
Cf. Hennie Van Vuuren [24, p. 243].
50. Stephen Smith, Antoine Glaser [20, pp. 222-231]. https://francegenocidetutsi.org/
GlaserSmithMessieursAfriqueJCMitterrand.pdf
51. Stephen Smith, Antoine Glaser [20, pp. 226].
7
L’ENQUÊTE DE LA COMMISSAIRE BRIGITTE HENRI
12
Mitterrand, ils présentaient Lethier comme l’initiateur de ce contrat de vente de
missiles à l’Afrique du sud, mais il a été « court-circuité » et aurait « vendu la
mèche ». Ici, dans leur livre Ces messieurs Afrique, appelé par de Grossouvre,
Lethier élucide l’affaire et démasque Miallier. Les deux auteurs promènent le
lecteur et l’embrouille à souhait. L’aveu de Miallier « qu’une partie des commissions qu’il a reçues a été versée à un parti politique français » laisse entrevoir
qu’au départ avec Lethier les commissions liées à ce contrat n’étaient pas destinées au Parti socialiste ou à l’entourage de François Mitterrand.
Plus tard on verra Pierre Lethier impliqué dans le rachat en 1991 de la
raffinerie Leuna et du groupe Minol d’ex-Allemagne de l’Est à un prix prohibitif
par la société Elf avec versement de commissions au profit de la CDU d’Helmut
Kohl. François Mitterrand et Pierre Bérégovoy ont été informé de cette affaire. 52
7
L’enquête de la commissaire Brigitte Henri
Dans son livre Il faut que vous sachiez..., 53 Brigitte Henri, commissaire des
Renseignements généraux, évoque ce « contrat d’armement douteux annulé par
le président de la République ». Elle obtient d’un certain « Bernie », ancien de la
DGSE, des informations sur la vente de missiles Mistral au Congo par la société
Matra.
Elle explique que les États peuvent passer par des sociétés privées pour négocier des armements. Ainsi, l’Afrique du Sud passe par Vella Process Engineering
Ltd basée au Liechtenstein.
Un premier contrat a été signé en juin 1988 entre Matra et Thierry Miallier.
« L’un des responsables du secteur promotion chez Matra, le colonel Pelet, avait
recommandé ce courtier en matériels militaires à M. Lindemann, responsable du
secteur “contrats” qui, lui-même, l’avait recommandé au responsable de zone, M.
Bertreux ». 54
Ce M. Bertreux, responsable de la zone couvrant le Congo, se dira froissé
que ce dossier ne lui ait pas été confié.
En août 1988, Miallier présente à Bertreux une lettre signée du colonel
« Ogong Belle », responsable du service de sécurité de la présidence du Congo,
indiquant que ce pays souhaite acquérir des missiles Mistral.
En septembre, Miallier revient chez Matra avec deux officiers congolais pour
discuter des aspects techniques des missiles Mistral. Matra demande une garantie financière.
En novembre, Miallier dit à Matra que les Congolais acceptent de verser un
acompte de 30 %. 55 Le contrat de vente est « validé » au consulat du Congo à
Paris en présence du directeur du service de sécurité de la présidence du Congo.
52. François-Xavier Verschave [23, p. 376].
53. Brigitte Henri, Il faut que vous sachiez..., Flammarion, 2010. https:
//francegenocidetutsi.org/BrigitteHenriMistral.pdf
54. Brigitte Henri, op. cit.
55. Article IV du contrat no RC 13/JFB/PF/4676 signé le 28 novembre 1988 entre le Congo
et la société Matra aux termes duquel la société Cedon a versé la somme de 15 984 000 francs
représentant 30 % de la valeur du contrat.
7
L’ENQUÊTE DE LA COMMISSAIRE BRIGITTE HENRI
13
Fin novembre 1988, ce réglement, soit environ 16 millions de francs, est
effectué sur un compte de la BNP à Paris de la société Matra par le débit du
compte détenu par l’État du Congo à la Krediet Bank à Luxembourg. Le total
de la transaction s’élevait à 60 millions de francs.
Dès janvier 1989, avant que l’affaire fuite dans les journaux, le bruit avait
rapidement couru qu’une vente de missiles Mistral aurait été conclue non pas
au profit de l’URSS mais de l’Afrique du Sud. Une enquête a alors été menée
par la DPSD.
M. Forgeat, directeur général de l’armement, chargé de surveiller les activités
de Matra pour le compte de l’État, a été entendu. 56
Une confrontation a été organisée entre Miallier et le directeur commercial
de Matra. La DPSD écrit dans son rapport qu’il n’y a « aucune présomption de
trafic ».
Une source a indiqué à Brigitte Henri qu’un ancien de la DPSD travaillant
chez Matra « n’était pas étranger aux conclusions favorables du rapport ».
Le directeur commercial de Matra a incriminé des réglements de compte
entre agents actuels ou anciens de la DGSE qui auraient répandu des affabulations sur cette vente de Mistral au Congo.
Le 8 février 1989, selon « Bernie », Jean-Christophe Mitterrand se serait
rendu à Brazzaville où Sassou Ngesso aurait démenti avoir été informé de cette
vente de missiles et déclaré que son pays n’avait pas l’intention de se doter de
tels missiles.
Si la CIEEMG et l’AEMG ont donné un avis favorable, la direction des
affaires internationales dépendant de la Direction générale de l’armement et
l’attaché militaire à l’ambassade de France au Congo auraient donné un avis
défavorable à cette vente. 57
Brigitte Henri évoque un possible donneur d’ordre à Bruxelles, sans autre
précision.
Elle apprend plus tard de « Bernie » que cette vente de Mistral a été initiée par Pierre Lethier, ancien aide de camp de Pierre Marion, directeur de la
DGSE, 58 et l’homme d’affaires Jean-Luc [Jean-Yves] Ollivier. Pierre Lethier aurait négocié avec Matra et Thomson le fait d’être le seul à travailler pour eux
sur l’Afrique. Avec Jean-Yves Ollivier, il aurait approché Jean-Christophe Mitterrand par l’intermédiaire de François de Grossouvre. Ensemble, ils auraient
préparé la vente de 50 missiles Mistral à l’Afrique du Sud par le biais du Congo.
Ce pays agissant pour le compte de l’Afrique du Sud qui était sous embargo
pour cause d’apartheid. Le soutien de l’Afrique du Sud à Jonas Savimbi en Angola rendait plausible l’achat de missiles Mistral. « En remerciement, ajoute
Brigitte Henri, le président de ce pays [le Congo] aurait obtenu une ligne de crédit du ministère de la Coopéraion française pour acheter des camions militaires
56. Selon Wikipédia, le directeur de la DGA est Jacques Chevalier de 1987 à 1989 puis Yves
Sillard. N’y a-t-il pas confusion avec Noël Forgeard qui devient directeur des activités Espace
et Défense de Matra en 1989 ?
57. Brigitte Henri, op. cit.
58. Pierre Lethier est chef de cabinet (ou aide de camp ?) du directeur général de la DGSE
Pierre Marion, puis de ses successeurs l’amiral Lacoste et le général Imbot.
8
LA VERSION DE JEAN-YVES OLLIVIER
14
Panhard ». Elle ajoute toutefois que ces informations sont à vérifier.
Le 7 mars 1989, le ministère français de la Défense signale au Parquet de
Paris que les autorités congolaises contestent la transaction.
Toujours en mars 1989, le gouvernement congolais dépose une plainte avec
constitution de partie civile. L’affaire faisant grand bruit, Jean-Luc Lagardère
indique publiquement qu’il tenait l’acompte versé à la disposition des autorités
congolaises.
De mars à mai 1989, Thierry Miallier est placé en détention provisoire.
Le 15 juin 1990, la Cour d’appel de Paris fait lever la saisie de l’acompte
versé à Matra.
Le 13 août 1992, ce remboursement n’est pas fait. André Milongo, Premier
ministre du Congo, adresse une lettre à M. de Galzain, directeur financier de
Matra, lui demandant le remboursement de l’acompte. Cette lettre n’est parvenue que le 14 septembre chez Matra.
Le 12 octobre 1992, Yves de Galzain répond à cette lettre. Il se réjouit que
le Congo reconnaisse la réalité de ce contrat alors que les autorités congolaises
l’avaient contesté. Il rappelle que le délai de livraison était fixé à trois mois
soit au plus tard au 28 mai 1989. Il indique qu’après déduction de l’acompte, il
reste un solde en faveur de Matra d’environ 17 millions de francs. Il propose un
réglement du litige à l’amiable.
Le 7 janvier 1993, M. Mouamba, ministre congolais des Finances, répond
à M. de Galzain. Il indique que l’élection présidentielle et plusieurs changements de gouvernement ont empêché d’examiner le problème. 59 Il remarque
qu’il « s’agissait d’une affaire de Défense à caractère sensible et confidentiel
concernant plusieurs pays » et que les réactions du Congo avaient été uniquement dictées par « des conditions de souveraineté nationale ».
Le même jour, M. Mouamba prie son avocat de retirer sa plainte avec constitution de partie civile déposée en mars 1989.
Le 21 mai 1993, Thierry Miallier obtient en conséquence « un non-lieu ».
Depuis, il s’est recyclé dans les jeux en Afrique en obtenant du gouvernement
tchadien l’accréditation pour créer un pari mutuel urbain pour le compte du
groupe Feliciaggi.
Jean-Yves Ollivier, Pierre Lethier et son frère Philippe seraient associés dans
la société EDI.
8
La version de Jean-Yves Ollivier
Jean-Yves Ollivier évoque lui-même cette affaire dans son livre Ni vu ni
connu publié en 2013. Alors qu’il se trouve en Polynésie le 6 juillet 1990, il est
appelé par l’ancien ministre Robert Pandraud. « Ollivier, on a une merde »,
lui dit-il, et il lui envoie par fax l’article que Stephen Smith et Antoine Glaser
viennent de publier dans Libération où ils accusent Ollivier de manipuler le fils
59. Pascal Lissouba a été élu président de la République du Congo (Brazzaville) en août
1992.
8
LA VERSION DE JEAN-YVES OLLIVIER
15
Mitterrand. 60 Mais « le pire » selon Ollivier est le paragraphe titré « L’affaire
des Mistral ». Ollivier commente :
Libération « révèle » que le véritable destinataire de la commande
passée à Matra était en fait l’Afrique du Sud. Ah ! les fins limiers !
Intrigué par l’étrange commande j’avais déjà établi, un an plus tôt,
que l’Afrique du Sud cherchait à acquérir cette arme antiaérienne
pour sa guerre en Angola. Le but était de briser la maîtrise du ciel
des Cubains, les alliés du gouvernement angolais, en dotant les rebelles de Jonas Savimbi d’un missile fire and forget. La DGSE s’était
prêtée à ce jeu dangereux pour faire pièce aux Stinger livrés par les
Américains. J’avais alors alerté Jean-Christophe Mitterrand qui, devant moi, avait appelé le président Sassou Ngesso, lequel n’était pas
au courant d’une commande de missiles qui aurait été passée par
son pays. C’est ainsi que la procédure d’exportation française avait
été arrêtée. Les militaires sud-africains m’en ont tenu rigueur. 61
L’article de Libération établit un lien avec Ollivier par Pierre Lethier, un
ancien de la DGSE qui lui a été associé à partir de fin 1988. Ollivier se défend
d’être impliqué :
Le journal établit en effet un lien indirect avec moi via Pierre
Lethier mon associé à l’époque. Ancien de la DGSE, Pierre Lethier
aurait « initié » le contrat avant de se faire doubler et de saboter
la transaction, par vengeance, par une fuite dans L’Événement du
jeudi. 62
Ollivier affirme qu’au contraire, c’est lui qui a fait démonter l’affaire :
En réalité, Pierre m’avait mis la puce à l’oreille au sujet de ce
contrat en cours d’exécution. C’est grâce à lui, et grâce à mon étonnement de voir le Congo impliqué dans une affaire étrangère à ses besoins et à ses moyens, que la transaction frauduleuse n’a pas abouti.
Cinquante millions de dollars avaient déjà été versés à Matra, à partir du Luxembourg. L’armurier français a mis dix ans à rembourser
les Sud-Africains en pensant, avec Molière, que “le cocu qui s’afflige
passe pour un sot”. 63
Ollivier se présente comme celui qui, avec Pierre Lethier, a fait démonter
l’affaire.
Le réglement financier de l’affaire ne cesse d’étonner. Il contredit les autres
versions qui affirment que seule une caution avait été versée et a été remboursée
par Matra. Le montant total aurait été de cinquante millions de dollars. Ollivier
confond-il les dollars et les francs ?
60. Stephen Smith et Antoine Glaser, Les réseaux africains de Jean-Christophe Mitterrand,
Libération, 6 juillet 1990.
61. Jean-Yves
Ollivier
[16,
p.
229].
https://francegenocidetutsi.org/
OllivierJeanYvesMistralSeptember.pdf
62. Ibidem, pp. 229-230.
63. Ibidem, pp. 229-230.
9
LA VERSION DE JEAN-CHRISTOPHE MITTERRAND
16
On peut se demander aussi pourquoi l’ancien ministre Robert Pandraud va
alerter Jean-Yves Ollivier à l’autre bout du monde en Polynésie pour un simple
article de journal. Y aurait-il un lien avec le fait que Robert Pandraud, alors
ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur, chargé de la Sécurité, aurait
fait suspendre une enquête de la DGSE sur la piste d’un possible auteur de
l’assassinat de Dulcie September, représentante de l’ANC, à Paris le 29 mars
1988 ? 64
9
La version de Jean-Christophe Mitterrand
Dans son livre Mémoire meurtrie paru en 2001, Jean-Christophe Mitterrand
déclare qu’il a été informé de cette vente de Mistral au Congo un week-end
fin janvier 1989 par un ancien officier de la DGSE qui revenait du CongoBrazzaville. 65 Ce serait donc Pierre Lethier. Il ne savait pas, à l’en croire, ce
qu’était ces Mistral et n’était pas informé de leur vente au Congo. Par l’intermédiaire de Jean-Louis Bianco, secrétaire général de l’Élysée, il prévient son
père. Celui-ci fait une note à Michel Rocard, Premier ministre, le 28 janvier.
Le 8 mars, le contrat est annulé. Notons que l’article de Pascal Krop est du 9
mars 1989. La presse s’empare de l’affaire. L’Élysée fait alors un communiqué
précisant que le président avait fait diligenter une enquête suite à une note de
Jean-Christophe Mitterrand. Une première enquête montrera que la CIEEMG
avait donné son accord contre l’avis de l’attaché de défense auprès de l’ambassade de France au Congo. Mitterrand père envoya son fils à Brazzaville où il fut
reçu par Sassou N’Guesso et Pierre Oba. Après avoir démenti les accusations de
ces derniers, ils se mirent d’accord « pour qu’une synergie entre nos deux pays
permette de découvrir les commanditaires des armes, et d’en identifier le destinataire ». « L’enquête démontrera, poursuit Jean-Christophe Mitterrand, qu’elles
étaient destinées à l’Afrique du Sud alors sous embargo, non dans l’intention
de s’en servir, mais afin de moderniser les missiles d’ancienne génération du
même type qu’elle fabriquait ». 66 Curieuse explication ! Pourquoi 50 missiles
étaient-ils nécessaires, s’ils ne devaient pas servir ? Mais il se garde bien de dire
sur combien de missiles portait le contrat. Par cette justification maladroite, il
tente de cacher la vérité et accroît la suspicion à son égard. Il accuse François de
Grossouvre d’avoir instrumentalisé les journalistes contre lui. « Sur ce dossier,
il m’avait lancé une grenade dégoupillée qu’il tenait dans ses mains ». 67
Par ailleurs, il confie avoir rencontré en 1989 Jonas Savimbi, le chef de
l’UNITA, sur les instances d’Houphouët-Boigny. Selon lui, « favoriser une éventuelle négociation entre les deux partis dans un pays déchiré par une guerre civile
64. Pierre Siramy, 25 ans dans les services secrets. Témoignage, Flammarion, 2010, p. 90.
https://francegenocidetutsi.org/Siramy25ansServicesSecretsSeptember.pdf
65. Jean-Christophe Mitterrand [13, p. 142]. https://francegenocidetutsi.org/
JCMitterrandMemoireMeurtrie.pdf#page=6
66. Jean-Christophe Mitterrand, ibidem, p. 144. https://francegenocidetutsi.org/
JCMitterrandMemoireMeurtrie.pdf#page=7
67. Jean-Christophe Mitterrand, ibidem.
10
LA VERSION DE JACQUES FOCCART
17
depuis vingt ans était un axe majeur défendu par la politique française ». 68
Il dit s’être rendu au « conclave à huis-clos » organisé par Jean-Yves Ollivier en août 1989 dans le désert du Kalahari, qui a réuni des personnalités
d’Afrique du Sud, d’Angola et du Mozambique. « J’avais voulu élucider, écrit
Jean-Christophe Mitterrand, les conditions de libération, du temps de la cohabitation Chirac, d’un enseignant français, M. Albertini, retenu prisonnier dans un
bantoustan sud-africain et dont nous n’avions pas été informés. [...] Echaudé sur
les conditions de la libération des otages du Liban, survenue à la même époque,
quelques jours avant le second tour des présidentielles de 1998, nous voulions
savoir si toutes les promesses françaises étaient connues du nouveau gouvernement socialiste, et respectées. Bien que de droite et proche de Michel Roussin,
Jean-Yves Ollivier avait parfaitement joué le jeu au nom de la continuité de
l’État sans jamais demander quoi que ce soit en échange ». 69
La fourniture de 50 missiles Mistral à l’Afrique du Sud via le Congo était-elle
une contre-partie souscrite par le gouvernement Chirac dans le contrat de libération du Français Albertini que le gouvernement socialiste découvrira plus tard ?
Jean-Christophe Mitterrand écrit ici qu’il voulait savoir, à propos des conditions de cette libération, si « toutes les promesses françaises étaient connues du
nouveau gouvernement socialiste »
10
La version de Jacques Foccart
Jacques Foccart, exécuteur de la stratégie du général De Gaulle visant à
maintenir les ex-colonies africaines sous la coupe française, est écarté par le
président Giscard d’Estaing, mais revient aux affaires en 1986 lors du premier
gouvernement de cohabitation. Le Premier ministre Jacques Chirac le nomme
alors conseiller pour l’Afrique, tentant par là de « bousculer le domaine réservé
du président ». 70 Jean-Pierre Bat, l’archiviste en charge des archives Foccart,
estime qu’« aussi bien avec Guy Penne qu’avec Jean-Christophe Mitterrand
(comme plus tard avec Bruno Delaye), Foccart parvient à travailler convenablement, entretenant des liens directs ». 71 Le bras droit de Foccart dans cette
cellule africaine de Matignon est Fernand Wibaux. Ancien membre du cabinet
de Gaston Deferre, celui-ci caractérise le contact de « fluide » 72 avec la cellule
Afrique de l’Élysée.
À propos de Jean-Christophe Mitterrand, Jacques Foccart déclare : « Nous
avons eu de bonnes relations. Nos points de vue n’étaient pas éloignés ». 73 Et
il ajoute : « En tout cas, certaines opérations auxquelles on a dit qu’il avait été
mêlé ne sont guère crédibles. J’ai du mal à croire tout ce qu’on a raconté et
68. Jean-Christophe Mitterrand, ibidem, p. 146. https://francegenocidetutsi.org/
JCMitterrandMemoireMeurtrie.pdf#page=8
69. Jean-Christophe Mitterrand [13, pp. 106-107]. https://francegenocidetutsi.org/
JCMitterrandMemoireMeurtrie.pdf#page=4
70. Jean-Pierre Bat [5, p. 607].
71. Ibidem, p. 610.
72. Ibidem.
73. Jacques Foccart, Philippe Gaillard [7, p. 305].
11
LA VERSION DU CAPITAINE BARRIL
18
écrit sur la livraison de missiles à l’Afrique du Sud via le Congo ». 74 Il confie
ne pas avoir cherché à en savoir plus auprès de Sassou-Ngesso. Par ailleurs, il
ne fait pas mystère de ses bonnes relations avec le régime de l’apartheid et avec
l’UNITA en Angola. 75
Sur cette vente de Mistral au Congo, Jean-Pierre Bat ne cite aucun document
d’archive, alors que Foccart était aux affaires en 1986-1988. Il écrit que « l’écheveau de cette vente d’armes, avec la brûlante question des montages financiers
inhérents, reste à démêler ». S’il y a à démêler, c’est qu’il dispose de multiples
informations. Pourtant, il n’en fait pas état. Il se limite à répéter que Jacques
Foccart comme Guy Penne « récusent la thèse d’une livraison complice ». 76
Jean-Pierre Bat voit dans les révélations de Pascal Krop une intention de nuire
à la famille Mitterrand. Il confirme que, parallèlement à l’enquête diligentée par
le ministère de la Défense, le « déminage » de cette affaire a été confié à Pierre
Lethier et que l’intermédiaire Thierry Miallier « sert alors de bouc émissaire ». 77
Il n’approfondit pas cette contradiction. Comment le pouvoir socialiste aurait-il
pu confier ce « déminage » à Lethier alors qu’il lui aurait retiré ce contrat au
profit de Miallier ? Jean-Pierre Bat se contente de relever la fragmentation des
décisions qui n’existait pas du temps où son héros, Foccart, régnait auprès du
général de Gaulle.
11
La version du capitaine Barril
On sera surpris d’apprendre que Paul Barril est bien informé de cette vente
de missiles Mistral au Congo. Dans Guerres secrètes à l’Élysée, il raconte que
François de Grossouvre l’appelle un soir à venir le rejoindre d’urgence quai
Branly. Jean Audibert, nommé ambassadeur à Alger, quittait la cellule africaine
de l’Élysée et avait prévenu de Grossouvre que le président allait le mettre en
cause, avec Barril, « dans une histoire de vente de missiles au Congo ». 78
Barril promet à De Grossouvre d’enquêter sur cette affaire et de lui rendre
compte. « L’affaire des missiles Mistral commençait pour moi », écrit Barril.
Voici ce qu’il nous en dit :
Un jeune homme d’affaires français, Thierry Miallier, âgé de 38 ans est incarcéré le 9 mars 1989 par la juge Marie-Paule Moracchini suite à une plainte déposée par le ministère de la Défense pour « escroquerie, faux et usage de faux ».
« Thierry Miallier, écrit Barril, spécialiste de l’Afrique et brillant professionnel, vit de commissions d’intermédiaire perçues dans le commerce international
de l’armement et de l’équipement. Il a travaillé pour Matra. » Selon Barril, le
lieutenant-colonel Jean-Louis Esquivié, dit « Aramis », est aussi impliqué. Il est
évincé de la « cellule » par le président lui-même. 79 Des membres de la société
74. Ibidem.
75. Ibidem, pp. 283-284.
76. Jean-Pierre Bat [5, p. 462].
77. Ibidem, p. 463.
78. Paul
Barril
[3,
pp.
104-105].
https://francegenocidetutsi.org/
BarrilGuerresSecretes104-113.pdf#page=2
79. Resoulignons ce fait curieux car Esquivié a eu par suite une promotion fantastique. Il se
11
LA VERSION DU CAPITAINE BARRIL
19
Arc Consultants International seraient aussi mêlés à l’affaire. Miallier est un
proche de Jean-Louis Chanas (camarade de promotion de Christian Prouteau,
chef de la cellule antiterroriste), de Gérard Alloncle et de Michel Mauchand.
Miallier venait de s’acheter un appartement à Paris « d’une valeur de 1,5 millions de francs ». Et Barril de suggérer que cet achat pourrait représenter la
valeur de la commission qu’il aurait touchée pour la vente des missiles Mistral.
Miallier était aussi proche du président congolais Sassou-Nguesso qui dépêche une délégation au siège de Matra à Vélizy le 15 mars 1989. Miallier est
surtout proche du patron des services de sécurité congolais, le colonel Emmanuel
N’Gouelondelé. Sa signature apparaît sur le « papier à en-tête de la République
populaire du Congo, pour la commande des cinquante missiles ». Ces derniers
sont en fait, selon le ministère de la Défense, destinés à l’UNITA de Jonas
Savimbi. « Même le président Bongo et les services spéciaux d’Afrique du Sud
mettront leur “grain de sel” dans cette transaction à tiroirs ». Le colonel N’Gouelondelé jure devant ses supérieurs qu’il n’a rien signé. C’est un « Batéké », une
tribu influente, car c’est celle d’Omar Bongo au Gabon. Il a été officier d’ordonnance du président Marien N’Gouabi. Il a été proche du colonel Robert, ancien
ambassadeur au Gabon. Il a été formé à l’école de gendarmerie de Melun, où il
a rencontré Jean-Louis Esquivié. N’Gouelondelé serait aussi proche de Alloncle
et de Chanas.
Le général Fleury, chef d’état-major particulier, est chargé d’enquêter par
François Mitterrand. Il remonte à Esquivié qui se serait adressé au ministère de
la Défense pour obtenir la signature de la CIEEMG, en se recommandant de
Jean-Christophe Mitterrand. « C’était faux évidemment ! », écrit Barril. 80 François Mitterrand, mis en garde par François de Grossouvre, en a parlé à son fils
devant Danièle Mitterrand qui « s’indigna haut et fort de pareils soupçons portés
à son fils favori ». On sait que les relations entre Jean-Christophe Mitterrand
et François de Grossouvre sont exécrables. Mais on notera une contradiction :
au départ de l’histoire racontée par Barril, François Mitterrand met en cause
François de Grossouvre. Pourquoi accepte-t-il ensuite sa mise en garde ?
Esquivié « saisi d’une vocation soudaine », demande sa mutation pour le
groupement de gendarmerie de Créteil. 81 Après trois ans d’enquête, Miallier et
N’Gouelondelé bénéficient d’un non-lieu « majestueux ».
En réalité, Miallier a été déféré au tribunal qui l’a relaxé. 82
Barril semble être le seul à affirmer que N’Gouelondelé, citoyen congolais, a
été incriminé par la justice française.
Barril présente l’article de Pascal Krop dans L’Événement du jeudi comme
retrouve général de division en 1997. En 2017, il passe pour être un expert de l’antiterrorisme.
Cf. Jean-Louis Esquivié : Léx-gendarme de lÉlysée discrètement promu, Libération, 24 octobre
1997 https://francegenocidetutsi.org/JeanLouisEsquiviePromuLibe24octobre1997.pdf ;
David Cormier, Attentat contre Charlie Hebdo. Général Esquivié : “Cela me rappelle la rue
des Rosiers”, Le Télégramme de Brest, 7 janvier 2015.
80. Ibidem, p. 108.
81. Ibidem, p. 108.
82. Bruno Steinmann, Le Procureur de la République c/ Thierry Miallier, TGI Paris, 12e chambre correctionnelle, no 1163, 21 mai 1993. https://francegenocidetutsi.org/
SteinmannJugement21mai1993.pdf
11
LA VERSION DU CAPITAINE BARRIL
20
une machination pour compromettre « Papamadit », c’est-à-dire Jean-Christophe
Mitterrand, et affaiblir « Monamimadit », c’est-à-dire François de Grossouvre.
« L’idée consistait à nous faire apparaître, tous deux [Grossouvre et Barril],
comme les auteurs d’une machination tortueuse visant le fils du président Mitterrand ». 83
Jean Audibert aurait mis en garde François Mitterrand en décembre 1988 sur
les « dérives africaines » de son fils. « Sans résultat ». 84 L’Événement du jeudi
s’en prend à nouveau en juin et juillet 1990 à l’affairisme de Jean-Christophe
et de son ami Jean-Pierre Fleury, employeur de son épouse. L’Élysée déposa
plainte contre le journal.
Sur la prière insistante de François Mitterrand et de Gilles Ménage, le président Sassou-Nguesso déposa plainte au nom de la République populaire du
Congo dans l’affaire des missiles Mistral. 85 Il prit comme avocat Me Burguburu, le mari de la secrétaire générale du Conseil supérieur de la magistrature.
Barril termine cet épisode sur la « haine mortelle » qui naquit durant l’été
1990 entre le « le clan », c’est-à-dire Gilles Ménage et la famille Mitterrand,
et François de Grossouvre. Celui-ci est passé du statut de confident à celui
d’ennemi « quand, par médias interposés, il décida d’alerter l’opinion sur les
turpitudes des uns et des autres ». 86 Grossouvre serait donc à l’origine de la
« mise à feu médiatique » et non la cible, comme Barril veut le faire croire deux
pages avant.
Le récit de Barril est loin d’être clair sur le rôle de Grossouvre et du sien
mais il montre qu’il connaît très bien cette affaire de la vente des Mistral au
Congo au point qu’il rapporte que certains l’accusent d’y être impliqué. 87
En 2000, lors de l’affaire de l’« Angolagate » où Jean-Christophe Mitterrand
fut incarcéré, l’ex-capitaine Barril déclara : « Que ce soit avec l’Angola ou la
Côte d’Ivoire, il y a toujours eu des livraisons. Auparavant, les réseaux Foccart
contrôlaient tout ça. C’était l’État à 100 %. Lors de l’affaires des missiles Mistral achetés par la République du Congo-Brazzaville, qui les revendait ensuite à
l’Afrique du Sud, le Président Mitterrand avait déjà tremblé pour son fils JeanChristophe. Quelque 50 millions de francs de commissions avaient été empochés
par les intermédiaires ». 88
Cette somme de 50 millions de francs correspond au montant du contrat.
Est-ce cette somme qui a été détournée ou est-ce que les commissions aux intermédiaires se sont élevées à un montant égal au prix d’achat ?
En 2014, dans son livre Paroles d’honneur, Paul Barril revient encore une
fois sur la vente des missiles Mistral :
François de Groussouvre était l’homme le mieux renseigné de
toute la République. Il avait accès à de nombreuses sources d’information ainsi qu’aux documents secrets de l’Élysée et de la DGSE.
83.
84.
85.
86.
87.
88.
Ibidem, p. 108.
Ibidem, p. 109.
Ibidem, p. 110.
Ibidem, p. 110.
Ibidem, p. 110.
Le Parisien, 23 décembre 2000. Cf. Pascal Krop [10, p. 182].
12
LE SILENCE DE PIERRE LETHIER
21
Le soir venu, il s’empressait de tout rapporter à son ami François
Mitterrand. Une nuit, vers une heure il me téléphone :
« Mon p’tit Paul. Je te vois demain matin, au petit déjeuner.
C’est grave. Le président est très fâché contre moi. »
Le lendemain, j’arrive à l’Alma :
« Es-tu au courant de missiles Mistral qui auraient été vendus à
l’Afrique du Sud ? Le président est fou de colère. »
À cette époque, il y avait un embargo sur l’Afrique du Sud.
« Monsieur, je ne suis au courant de rien. »
Sommé par François de Groussouvre de faire toute la lumière,
j’activais tous les réseaux. Je pris notamment contact avec le général Samuel M’Baye. Il dirigeait les services secrets gabonais. Il était
parfaitement informé de cette affaire de missiles. Il me remit un rapport dans lequel apparaissait le nom de Jean-Christophe Mitterrand.
Le fils du président, alors à la cellule Afrique, était intervenu auprès
du ministère de la défense, par l’intermédiaire d’un officier supérieur
français, pour obtenir un « Certificat d’exportation de matériel de
guerre ». Je rendis mon rapport dans lequel figuraient tous les détails
de l’opération. À son tour, François de Groussouvre rendit compte
au Président et l’affaire fut classée. 89
Dans cette relation, Barril n’est plus mis en cause par le président au départ
mais Grossouvre l’est. Il n’est plus question de vente de missiles au Congo mais à
l’Afrique du Sud. Il n’est plus question d’intermédiaires comme Thierry Miallier.
Barril obtient des éclaircissements sur l’affaire par le chef des services secrets
gabonais. Cela paraît vraiment curieux. Jean-Christophe Mitterrand apparaît
cette fois-ci comme le grand responsable de l’affaire alors que, dans Guerres
secrètes, Barril mettait en doute cette accusation. L’officier qui est intervenu
pour le compte de Jean-Christophe Mitterrand n’est pas cité. Esquivié était
nommé dans la première relation.
Pourquoi Barril rappelle-t-il par trois fois cette affaire de missiles ? En quoi
est-il concerné par ces missiles Mistral ? Quel a été son rôle ?
12
Le silence de Pierre Lethier
Dans Argent secret - L’espion de l’affaire Elf parle, Pierre Lethier raconte sa
vie d’agent secret mais son principal objectif est de régler ses comptes avec Elf,
composée « d’hommes de sac et de corde », suite à ses ennuis judiciaires dus
à sa contribution au rachat par Elf de la raffinerie Leuna en ex-Allemagne de
l’Est. 90 L’affaire des Mistral destinés au Congo est tue. « Je ne puis, pour des
motifs évidents, décrire par le menu les innombrables opérations auxquelles j’ai
participé ». Plus précisément, elle est soigneusement contournée car il ne cache
pas qu’il fut assistant ou directeur de cabinet de quatre directeurs généraux de
89. Paul Barril [4, pp. 41-42].
90. Pierre Lethier [12, p. 251].
12
LE SILENCE DE PIERRE LETHIER
22
la DGSE (Pierre Marion, l’amiral Lacoste, le général Imbot et le général Mermet). Il souligne son admiration pour le général Imbot qui lui fait entièrement
confiance. « Je vais être heureux sous son règne », écrit-il. 91 Quand il était chef
d’état-major de l’armée de terre, « le général Imbot a beaucoup fait pour rendre
à la France une armée de terre moderne et efficace en rabattant la morgue de
ces “industriels de la guerre” que nous maudissions chaque jour à Saint-Cyr
et dont un Gomez et un Lagardère, ennemis jurés, sont les fleurons. 92 Imbot
l’emmène souvent avec lui en mission. 93 Lethier est chargé du dossier angolais
de 1982 à 1987. Avec ses adjoints, il maintient le contact avec Jonas Savimbi
et lui rend visite régulièrement. 94 Avec les Américains, « nous tentons [...] de
mettre en place une négociation afin de dégager un modus vivendi entre les
frères ennemeis ». 95 Mais en 1992, « Savimbi s’engage dans une équipée qui va
entraîner sa perte en 1992 ». 96 Il doit bien connaître Sassou-Nguesso puisqu’en
1990, alors qu’il a quitté la DGSE, le directeur des opérations, Jean Heinrich,
lui demande de « lui faciliter un contact discret avec le président congolais,
à l’époque Sassou N’Guesso ». 97 Il soutient dans son conflit avec Elf, Pascal
Lissouba, élu en août 1992 en remplacement de Sassou-Nguesso. 98 Après avoir
passé « les trois premiers mois de 1988 au côté du nouveau directeur général, le
général d’armée aérienne François Mermet » celui-ci me dit « que je ne opeux
pas conserver mes fonctions. Mon attitude passée à l’égard des casseurs d’assiettes de Chales Pasqua et Michel Roussin me vaut les foudres du Premier
ministre Jacques Chirac ». 99 Il reproche au ministre Pasqua, à Marchiani et à
Michel Roussin, de court-circuiter la DGSE et d’exiger qu’elle soit à leur service 100 dans des affaires comme celle de la libération des otages du Liban. La
DGSE lui attribue un statut spécial équivalent à la disponiblité vers avril 1988
et il s’établit comme « consultant d’affaires ». 101 Il travaille à vendre des avions
pour Aérospatiale et marchande auprès d’Elf sa connaissance de l’Angola et sa
proximité de Savimbi, qu’il critique néammoins. Il ne fait aucune allusion à ses
affaires avec Jean-Yves Ollivier. Il connaît François de Grossouvre à qui il apporte en octobre 1982 la lettre de démission de Pierre Marion, qui n’avait pas
supporté la nomination de Joseph Franceschi à un poste de secrétaire d’État
chargé de la sécurité et devinait que la cellule des « gendarmes de l’Élysée »
serait « bientôt dévoyée ». 102
91.
92.
93.
94.
95.
96.
97.
98.
99.
100.
101.
102.
Ibidem,
Ibidem,
Ibidem,
Ibidem,
Ibidem,
Ibidem,
Ibidem,
Ibidem,
Ibidem,
Ibidem,
Ibidem,
Ibidem,
p. 48.
p. 48.
p. 80.
p. 85.
p. 86.
p. 86.
p. 196.
pp. 211-217.
pp. 103-104.
p. 68.
p. 105.
pp. 44-45.
13
13
LES INFORMATIONS DE « M. SERGE »
23
Les informations de « M. Serge »
Dans un article repris sur Médiapart, Rigobert Ossebi, opposant déclaré à
Sassou Nguesso, évoque « l’opération des 50 missiles Mistral de Matra commandés par la présidence de la République Populaire du Congo en 1989, par Sassou
donc, et qui étaient en réalité bien destinés au pays de l’apartheid ». L’article
est illustré par une photo de Michel Roussin et Jean-Yves Ollivier avec Jonas
Savimbi. 103
Cherchant à rentrer en contact avec cet opposant, nous avons pu avoir une
conversation en février 2014 avec un de ses amis, M. Serge [Serge Berrebi]. En
substance, celui-ci déclare :
- un contrat a sans doute été négocié entre le Congo et l’Afrique du Sud par
l’intermédiaire de Jean-Yves Ollivier, proche de Sassou Nguesso.
- Matra a reçu un acompte de 30 millions de Francs qui n’a pas été remboursé
et est resté à charge du Trésor congolais.
- Les missiles n’ont pas été livrés.
- Emmanuel N’Gouelondelé a des liens de famille avec Sassou. Son fils Hugues
est gendre de Sassou. Il a été maire de Brazzaville et est à cette époque ministre
des Sports.
14
Le colonel N’Gouelondelé
Impliqué dans cette transaction, le colonel congolais N’Gouelondelé-Mongo, 104
directeur général de la Sécurité, a été accusé de vouloir déstabiliser son pays
pour le compte des Soviétiques. 105 Selon certaines sources, il a été effectivement remplacé à ce poste mais pas pour autant poursuivi. Après avoir été chef
d’état-major sous Lissouba, il est actuellement un opposant à Sassou N’Guesso :
N’Gouelondelé-Mongo is former director-general of Congo’s security forces and one of the strongest opponents of President Denis
Sassou-Nguesso. Specializing in internal security, he headed Congo’s
security services between 1978 and May 1988, at which time he was
reaffected to other duties. Although deeply implicated in the Mistral
affair, N’Gouelondelé-Mongo, a Téké from the Plateaux region, was
appointed head of President Lissouba’s military staff, being regarded as reliable. After the return to power of Sassou-Nguesso in 1997,
N’Gouelondelé-Mongo emerged as the president’s most influential
critics. 106
103. Rigobert
Ossebi,
Sassou
NGuesso
et
Jean-Yves
Ollivier
en
mal
de
propagande,
28
novembre
2013.
https://francegenocidetutsi.org/
SassouOllivierEnMalPropagande28novembre2013.pdf
104. Il est appelé colonel Gouelondele dans le jugement de Miallier.
105. Pascal Krop, ibidem, p. 52.
106. John Frank Clark, Historical Dictionary of Republic of the Congo. Traduction de l’auteur : N’Gouelondelé-Mongo est l’ancien directeur général des forces de sécurité du Congo et
l’un des plus puissants opposants au président Denis Sassou-Nguesso. Spécialisé dans la sécurité intérieure, il a dirigé les services de sécurité de 1978 à mai 1988, date à laquelle il a été
15
LES SUITES JUDICIAIRES
24
Selon d’autres sources, il est resté à la tête des renseignements généraux
jusqu’en 1992. En effet, à propos de son fils Hugues, maire de Brazzaville et
gendre de Sassou Ngesso, on lit :
Rien de surprenant pour quelqu’un qui a grandi au cœur du
pouvoir congolais. Le nouveau maire est en effet le fils du général
Emmanuel Ngouelondélé, un fidèle parmi les fidèles du président
Denis Sassou Nguesso : il dirigea notamment les renseignements généraux de 1979 à 1992. À l’arrivée de Pascal Lissouba à la tête du
pays, il devint son chef d’état-major particulier, avec rang de secrétaire d’État, avant de quitter ses fonctions un an plus tard. Hughes
Ngouelondélé est en outre marié à Ninelle Nguesso, troisième fille
du président congolais. Et Michèle, sa sœur cadette, a épousé Edgar
Nguesso, l’un des neveux de Sassou. 107
Emmanuel N’Gouelondelé-Mongo a été attaché militaire à l’ambassade du
Congo à Paris, de 1974 à 1977. Il a dirigé la Sécurité d’État jusqu’en 1992. 108
15
Les suites judiciaires
Le 7 mars 1989 le parquet de Paris ouvre une information judiciaire contre
Thierry Miallier pour faux et usage de faux, tentative d’escroquerie et escroquerie suite à une plainte du ministère de la Défense. La République populaire du
Congo certifie que tout document écrit à ce sujet, au nom de la présidence de
cet État, est un faux. 109 L’Élysée aurait fait bloquer ce contrat. 110
La société Matra qui fabrique les Mistral annonce qu’elle porte plainte contre
X, estimant avoir été « abusée » par l’intermédiaire, Thierry Miallier, interpellé
et faisant l’objet d’une plainte du parquet pour faux et usage de faux, etc. 111
Selon Stephen Smith, le président Sassou Ngesso aurait suivi « les “conseils”
de l’Élysée en constituant Me Burguburu et en engageant une action en justice
contre Thierry Miallier ». 112
affecté à d’autres fonctions. Bien que très impliqué dans l’affaire des Mistral, N’GouelondeléMongo, un Téké de la région des Plateaux, a été nommé chef d’état-major de l’armée par le
président Lissouba, étant considéré comme sûr. Après le retour au pouvoir de Denis SassouNguesso en 1997, N’Gouelondelé-Mongo est apparu comme le critique du président le plus
influent.
107. Yérim Seck, Hughes Ngouelondélé, maire de Brazzaville, Jeune Afrique, 14 novembre
2003.
108. Georges Dougueli, Hugues Ngouélondélé, Jeune Afrique, 15 novembre 2009.
109. La France bloque une vente d’armes supecte à destination du Congo, Le Monde, 10 mars
1989. https://francegenocidetutsi.org/VenteArmesSuspecteCongoLM10mars1989.pdf
110. L’Élysée bloque un contrat d’armement douteux, Forum de l’Expansion, 9 mars 1989.
https://francegenocidetutsi.org/ElyseeBloqueContratArmementForExp9mars1989.pdf
111. Matra porte plainte contre X dans l’affaire des Mistral, La tribune de l’expansion, 10
mars 1989. https://francegenocidetutsi.org/MatraPlainteMistralForumExp10mars1989.
pdf
Cf. Jean-Paul Hébert, Ventes d’armes et corruption, 12 juin 1998. https://
francegenocidetutsi.org/jph200.pdf
112. Stephen Smith, Antoine Glaser [20, p. 228].
16
L’AFFAIRE BLOWPIPE
25
Thierry Miallier, a été mis en détention provisoire par la juge Marie-Paule
Moracchini. 113 Il est accusé d’avoir fabriqué des lettres attribuées aux autorités congolaises et d’avoir imité la signature du colonel N’Gouelondelé les 8
juillet, 14 octobre, 11 et 18 novembre 1988. Et d’avoir transmis ces lettres à
la société Matra. Suivant les termes du contrat final signé le 18 novembre, la
société Matra « s’engageait à fournir à la République Populaire du Congo du
matériel consistant notamment en 50 missiles opérationnels “Mistral” ainsi que
différentes fournitures et prestations pour la somme de 53.280.000 Francs ». 114
Miallier sera remis en liberté après deux mois et demi de prison mais restera inculpé et « ses comptes personnels resteront bloqués pendant plus de deux
ans ». 115
Plus tard, Thierry Miallier s’est rendu à la DGSE où il a menacé de tout
déballer. Il comptait citer comme témoin le conseiller Afrique de l’Élysée, JeanChristophe Mitterrand. La juge Moracchini le renvoie au tribunal par une ordonnance du 31 mars 1992. Le Tribunal de grande instance de Paris a admis
que si les lettres sus-visées avaient été tapées sur une machine lui appartenant
et dans des termes conçus par lui, Miallier n’avait pas imité les signatures ni les
tampons et l’a relaxé le 21 mai 1993. 116
Selon son avocat François Gibault, Thierry Miallier aurait été dénoncé par
Pierre Lethier, furieux de ne pas avoir touché de commission. Le gouvernement
congolais se serait désisté de sa constitution de partie civile. À l’audience, privé
de partie civile, le procureur ne put que requérir la relaxe de Miallier. 117
16
L’affaire Blowpipe
Dans leur livre, Smith et Glaser font le lien avec une autre affaire de missiles mettant en cause le régime de l’appartheid. 118 Le 21 avril 1989, trois Britanniques d’Irlande du Nord et un Sud-Africain, Daniel Storm, fonctionnaire
à l’ambassade, sont arrêtés à Paris par la DST pour trafic d’armes. 119 Quatre
inculpations sont prononcées à l’encontre de ces trois Britanniques et d’un Américain. 120 Ils échangeaient des équipements électroniques pour la propulsion du
missile sol-air « Blowpipe », la version britannique du Mistral. Trois « diplomates » sud-africains sont expulsés par la France, dont le premier secrétaire,
113. Pascal Krop, “Le génocide franco-africain - Faut-il juger les Mitterrand ?”, J.-C. Lattès,
1994, pp. 49-57.
114. Bruno Steinmann, Le Procureur de la République c/ Thierry Miallier,
TGI
Paris,
no 1163,
21
mai
1993.
https://francegenocidetutsi.org/
ThierryMiallierJugement21mai1993.pdf
115. Stephen Smith, Antoine Glaser, [20, p. 229].
116. Bruno Steinmann, ibidem.
117. François Gibault, Libera me, Gallimard, 2014. https://francegenocidetutsi.org/
FrancoisGibaultLiberaMeMistral.pdf
118. Stephen Smith, Antoine Glaser [20, p. 228].
119. Cinq personnes interpellées pour trafic de lance-missiles, Le Monde, 23 avril 1989.
https://francegenocidetutsi.org/TraficLanceMissilesLM23avril1989.pdf
120. Quatre
inculpations
dans
l’affaire
de
lance-missiles
avec
l’Afrique
du
Sud,
Le
Monde,
25
avril
1989.
https://francegenocidetutsi.org/
LanceMissilesAfriqueSud4inculpationsLM25avril1989.pdf
17
LE RÔLE DE LA FRANCE EN AFRIQUE AUSTRALE
26
Louis Steyn, un agent du NIS. 121 Les trois Britanniques faisaient partie d’une
organisation paramilitaire protestante de l’Ulster. Ils avaient volé ces équipements à la firme Shorts de Belfast. 122
Suite à ces arrestations à Paris, le gouvernement britannique a fait expulser
trois diplomates sud-africains. Selon le New York Times, ce missile « Blowpipe »
serait un modèle ancien. Les Sud-africains auraient été intéressés par un nouveau
modèle beaucoup plus rapide produit par la même firme à Belfast. 123
17
Le rôle de la France en Afrique australe
Dans les années 1960, sous la présidence du général de Gaulle, la France a eu
des relations étroites avec le régime de l’apartheid qui régnait dans la République
d’Afrique du Sud (RSA), ainsi qu’avec les régimes « blancs » d’Afrique australe
et avec le Portugal, qui maintenait l’Angola et le Mozambique dans son empire
colonial. Il y eut en fait à cette époque une entente profonde, fondée sur la
défiance commune vis-à-vis de l’hégémonie anglo-saxonne, remontant à Fachoda
pour les uns, à la guerre des Boers pour les autres, fondée aussi sur la politique
française d’indépendance nationale en matière d’armement nucléaire, comme
sur la tentative française de défier le dollar par le recours à l’étalon or dont
l’Afrique du Sud était un des principaux producteurs. 124
Cette coopération s’est concrétisée en particulier dans le domaine militaire.
Durant les « opérations de maintien de l’ordre » en Algérie, des Sud-Africains,
le général Magnus Malan par exemple, ont été invités à se former aux techniques
de lutte anti-guérilla mises au point par l’armée française. 125 De 1962 à 1966,
la France livre à l’Afrique du Sud des matériels anti-guérilla, 30 hélicoptères
Alouette en 1962 puis 50 en 1965-66 et plusieurs centaines d’automitrailleuses
AML Panhard. Puis elle livre des avions Mirage III, des Mirage F1, des hélicoptères Puma. 126 De 1965 à 1974, la France est le premier fournisseur d’armes de
l’Afrique du Sud devant les États-Unis et la Grande Bretagne. La France cède
des licences pour l’automitrailleuse AML (1962) et le Mirage F1 (1971). 127
La vente de Mirage III par Dassault en 1963 fut accompagnée d’un contrat
avec Matra pour des missiles air-air R.530, puis en 1972 pour des missiles
121. La France demande le rappel de trois membres de l’ambassade sudafricaine,
Le
Monde,
30
avril
1989.
https://francegenocidetutsi.org/
RappelDiplomatesSudAfricainsLM30avril1989.pdf
122. South Africa’s Nuclear-Tipped Ballistic Missile Capability, ONU, 10 September 1990,
p. 50. https://francegenocidetutsi.org/SS-23.pdf#page=58
123. Steve Lohr, Britain To Expel 3 South Africans, New York Times, May 6, 1989 ; London
Expels 3 S. Africans Over Weapons Deal, Los Angeles Times, May 06, 1989.
124. Voir la thèse d’Anna Konieczna « L’histoire d’une relation spéciale : les relations entre
la France et l’Afrique du Sud dans les années 1958-1974 », Sciences Po Paris, 19 décembre
2013.
125. Hugo Sada, Les intérêts militaires et stratégiques en Afrique australe in Daniel C. Bach
[2, pp. 178, 286].
126. Ibidem, p. 287.
127. Ibidem, p. 288.
17
LE RÔLE DE LA FRANCE EN AFRIQUE AUSTRALE
27
R.550. 128 En 1964, un système de missile sol-air a été construit en France par
les sociétés Hotchkiss-Brandt, Matra et Thomson-CSF sur des spécifications définies par l’Afrique du Sud. Il porte dans ce pays le nom de « Cactus » mais il
est vendu par la France sous le nom de Crotale. 129 L’Afrique du Sud a assuré
85 % des coûts de développement 130 et le ministre de la Défense Piether Willem
Botha est venu assister à un tir au Centre d’essai des Landes en 1969. 131 Cette
visite n’a suscité aucune controverse dans la campagne pour l’élection présidentielle de 1969, après la démission du général De Gaulle. 132 L’Afrique du Sud
aurait également participé au financement du développement de missiles comme
l’Exocet. 133
La guerre civile au Nigéria où, sous la direction de Jacques Foccart, la France
soutient en sous-main la revendication d’indépendance des Biafrais qui entament
en 1967 une lutte armée contre le gouvernement fédéral nigérian, est aussi un
théâtre d’opération où le régime de l’apartheid coopère avec la France.
En dépit de l’embargo décidé par l’ONU contre le régime d’apartheid, les
échanges commerciaux entre la France et la République sud-africaine (RSA) se
sont maintenus quelle que soit l’orientation politique des gouvernements français, en particulier dans les domaines nucléaire et militaire. Certes, en 1977,
sous Giscard d’Estaing, la réprobation de nombreux pays africains a amené
la France à interrompre les échanges militaires. La livraison de deux avisos et
d’un sous-marin auraient été annulée. 134 En 1981, le gouvernement socialiste
condamne fermement l’apartheid. Pierre Marion, directeur général du SDECE,
ferme le poste du SDECE en Afrique du Sud tenu par le lieutenant-colonel Marc
Hamon. 135 Mais le gouvernement refuse d’appliquer les sanctions économiques
proposées par l’Assemblée générale des Nations Unies. 136 Charles Hernu, ministre de la Défense, déclare que « pas un obus, pas une cartouche, pas un
tournevis militaire [sic] [...] ne sera livré à l’Afrique du Sud », 137 mais l’Aérospatiale continue à entretenir des liens très étroits avec l’Afrique du Sud et
Dassault, société installée depuis 1981 en Afrique du Sud, poursuit ses activi128. South Africa’s Nuclear-Tipped Ballistic Missile Capability, ONU, 10 September 1990,
pp. 47, 49. https://francegenocidetutsi.org/SS-23.pdf#page=55
129. Ibidem, p. 48.
130. Le Monde, 28 décembre 1971.
131. Journey of Mr Botha minister of Defence of the South Africa Republic to the Centre
d’essais des Landes Firing Center from June 8 to 10, 1969, 10 June 1969.
https://francegenocidetutsi.org/358741434-2-PW-Botha-Trip-to-France-Thomson-CSF-1969.
pdf
132. Le Monde, 5 et 14 juin 1969. Cf. Daniel C. Bach, Un système autonome de relations :
la France et l’Afrique du Sud in Daniel C. Bach (dir.) [2, p. 188].
133. South Africa’s Nuclear-Tipped Ballistic Missile Capability, ONU, 10 September 1990,
p. 51. https://francegenocidetutsi.org/SS-23.pdf
134. Hugo Sada affirme qu’on suspend « la fourniture d’un sous-marin de type Agosta et
de deux avisos 69 fabriqués par le chantier naval Dubigeon Normandie », Daniel Bach ajoute
que les deux avisos-escorteurs « seront finalement vendus à l’Argentine ». Cf. Daniel C. Bach
(dir.) [2, pp. 202, 291].
135. Roger Faligot, Jean Guisnel, Rémi Kauffer [6, pp. 373].
136. Hugo Sada, op. cit., p. 236.
137. Dominique Darbon, Les relations franco-sud-africaines depuis 1977 in Daniel C. Bach
[2, p. 254].
17
LE RÔLE DE LA FRANCE EN AFRIQUE AUSTRALE
28
tés. Autre exemple, contrat signé en 1976, deux semaines avant les événements
de Soweto, 138 la construction de la centrale électro-nucléaire de Kœberg par
Spie-Batignoles pour le génie civil, Alsthom pour la partie électrique et Framatome (qui deviendra Areva) pour la partie nucléaire, s’est poursuivie après 1981.
Les réacteurs, de 920 MW chacun, démarrent en 1984 pour le premier, en 1985
pour le second, malgré un sabotage par la branche armée de l’ANC en 1982. La
France approvisionne l’Afrique du Sud en uranium enrichi pour la centrale de
Kœberg. En 1985, un cargo venant de Suède, le Tinemaru, transporte des armes
suédoises et françaises pour l’Afrique du Sud. 139
Le retour de la droite en 1986 est l’occasion d’une nouvelle lune de miel
entre la France et l’Afrique du Sud. Celle-ci, voulant s’équiper d’hélicoptères
Super Puma, négocie avec Aérospatiale un transfert de ces appareils en pièces
détachées via le Portugal. 140 Ainsi, la France a violé l’embargo contre Pretoria
en fournissant entre 1989 et 1994 l’équivalent de 50 hélicoptères Super-Puma.
L’intermédiaire, la société portugaise BSI, voulut réclamer sa commission devant
la justice française. 141 Ce qui a ébruité l’affaire.
La coopération entre la France et l’Afrique du Sud s’est-elle étendue à l’armemement nucléaire ? L’Afrique du Sud a réussi à construire six bombes atomiques, comme l’a reconnu le président De Klerk le 24 mars 1993. 142 La France
a trouvé en l’Afrique du Sud un fournisseur d’uranium « libre d’emploi », c’està-dire non soumis au contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique
(AIEA), donc susceptible d’être utilisé pour des armes nucléaires. À cette fin, le
CEA et la Commission sud-africaine de l’énergie atomique ont signé un accord
en 1964. 143 Cet accord resté secret contenait-il d’autre clause que la fourniture
d’uranium à la France ? La formation d’étudiants et de stagiaires sud-africains
dans des laboratoires de recherche nucléaire en France pourrait laisser imaginer
d’autres domaines de coopération, mais les États-Unis et la Grande-Bretagne
en ont fait de même. 144
L’intérêt de la France pour la RSA est exprimé en termes géopolitiques par
Alexandre de Marenches, directeur du SDECE (ancêtre de la DGSE) de 1970
à 1981. Dans le cadre de la guerre froide, et en particulier de la lutte contre
l’influence soviétique en Afrique, l’Afrique du Sud a été un pivot essentiel et
les puissances occidentales, dont la France, ont fermé les yeux sur le système
d’apartheid. Par ailleurs, la RSA occupe une position stratégique sur la princi138. Daniel C. Bach, Un système autonome de relations : la France et l’Afrique du Sud. Cf.
Daniel C. Bach (dir.) [2, p. 200].
139. Le Monde, 13-14 janvier 1985. Cf. Jean-Paul Hébert, Ventes d’armes et corruption, 12
juin 1998, p. 7. https://francegenocidetutsi.org/jph200.pdf
140. Laurent Léger [11, p. 107].
141. Jean-Paul Hébert, Ventes d’armes et corruption, 12 juin 1998, p. 13. https://
francegenocidetutsi.org/jph200.pdf
142. Laurent Touchard, Quand l’Afrique (du Sud) avait la bombe #3, 19 juillet 2013.
http://www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20130719130812/
france-angola-tats-unis-apartheid-blog-d-fense-quand-l-afrique-du-sud-avait-la-bombe-3.
html
143. Daniel C. Bach, Un système autonome de relations : la France et l’Afrique du Sud. Cf.
Daniel C. Bach (dir.) [2, p. 175-177].
144. Ibidem, p. 177.
17
LE RÔLE DE LA FRANCE EN AFRIQUE AUSTRALE
29
pale route maritime des pétroliers. En outre, son sous-sol renferme des matières
premières nécessaires à l’industrie moderne : or, cobalt, platine, titane, molybdène, etc. 145 En 1977, de Marenches entendait fournir à l’UNITA de Savimbi
deux cents missiles sol-air SA-7 pour faire perdre à l’ennemi cubain la maîtrise
des airs. 146
Jacques Foccart ne cache pas le soutien de la France à l’Afrique du Sud. À
propos de la venue de Piether Botha en France, fin 1986, il déclare : « Je n’ai pas
besoin de répéter que nous avions de meilleures relations que l’Élysée avec les
dirigeants sud-africains. Ni que, dans la coulisse, Houphouët poussait avec obstination au dialogue avec Pretoria. Chirac l’écoutait et moi, j’étais franchement
de son avis ». 147
Maurice Robert s’est fait aussi l’apôtre du maintien des relations avec l’Afrique
du Sud. « Nous pensions, dit-il, avec Mauricheau-Beaupré et quelques-uns de nos
amis, que ce pays, plus que la Russie, les États-Unis ou la Chine, avait un rôle
à jouer dans le développement de l’Afrique, et nous souhaitions le maintien ou
le développement de ses relations avec les pays africains ». 148
17.1
La guerre en Angola
La République sud-africaine soutient l’UNITA de Savimbi depuis le milieu
des années 1970. Dans sa lutte contre le MPLA, soutenu par l’URSS et Cuba,
elle lui procure des armes.
Le pétrole de l’Angola a attiré également l’appétit de la France comme on
l’a vu dans le scandale de l’affaire Elf, société pétrolière qui rétribuait tant
le gouvernement MPLA de Dos Santos à Luanda que l’opposition armée de
l’UNITA dirigée par Jonas Savimbi. 149 De Marenches, directeur général du
SDECE, « éprouve une admiration et une affection sans bornes pour Savimbi ».
S’il parvient au pouvoir, l’influence culturelle française s’étendra selon lui du
Maroc au sud de la Namibie. 150 Il le rencontre en novembre 1977 à Paris. 151
Depuis la fin 1975, des agents du SDECE commandés par Ivan de Lignières
conseillaient Savimbi sur le terrain. 152 Lors de l’affaire de Kolwezi en 1978 contre
les ex-gendarmes katangais du Front national de libération du Congo (FNLC),
Savimbi sera « le bras de la revanche française » en liquidant ces derniers en
fuite les 27 mai et 6 juin. Mais De Marenches reçoit deux mois après de Giscard
l’ordre de cesser de soutenir l’UNITA. Malgré cela, il persistera. 153
Selon Jacques Foccart, la France ne soutenait pas l’UNITA. « Le Quai d’Or145. Christine Ockrent, Alexandre de Marenches [15, p. 229].
146. Jean-Christophe Notin [14, pp. 317-318].
147. Philippe Gaillard, Jacques Foccart, Foccart parle - Entretiens avec Philippe Gaillard,
Fayard, avril 1997, p. 320.
148. Maurice Robert [17, p. 390].
149. François-Xavier Verschave, Noir Silence. Qui arrêtera la Françafrique ? (1) [23, p. 338]
https://francegenocidetutsi.org/NoirSilence1.pdf
150. Christine Ockrent, Alexandre de Marenches [15, p. 225].
151. Roger Faligot, Jean Guisnel, Rémi Kauffer [6, pp. 341-342].
152. Ibidem, p. 339.
153. Ibidem, p. 345.
17
LE RÔLE DE LA FRANCE EN AFRIQUE AUSTRALE
30
say, ajoute-t-il, et tous ceux avec qui j’évoquais les affaires angolaises dans les
milieux officiels à Paris y étaient absolument opposés. Mais j’entretenais un
contact avec Savimbi à la demande d’Houphouët et parce que, avant comme
après l’indépendance, il me paraissait clair que l’UNITA avait une assise régionale importante, telle que l’affaire angolaise ne pourrait jamais se régler sans
elle ou contre elle. [...] Elle était bien équipée et elle contrôlait une grande partie
du pays ». Il dit être intervenu plusieurs fois pour que l’UNITA ne s’attaque pas
aux installations pétrolières d’Elf. 154
L’enclave de Cabinda entre le Congo-Brazza et le Zaïre fait partie de l’Angola
et regorge de gisements pétroliers sous-marins. Le FLEC (Front de Libération
de l’État du Cabinda), en rébellion contre le gouvernement de Luanda, a été
créé par des « séparatistes liés à Elf-Congo » et « était d’abord constitué de mercenaires français (et a eu même pour chef d’état-major un ancien barbouze ». 155
Jacques Foccart ne le dément pas mais précise « si j’ai joué un rôle, il a dû être
bien mince, car je n’en ai aucun souvenir ». 156 Ce soutien dure toujours en 1994
comme en témoigne un ancien de la DGSE, le colonel Thierry Jouan. 157
Cadre de la DGSE, Pierre Siramy ne cache pas que, de 1993 à 1995, « le
Service soutient l’Unita, le mouvement en rébellion contre le pouvoir central
du président José Dos Santos, et son chef Jonas Savimbi, suivant en cela les
directives gouvernementales ». 158
Vendant son expérience de l’Angola à Elf, Pierre Lethier rapporte qu’Alfred
Sirven finançait l’UNITA pendant qu’André Tarallo, de Elf également, soutenait
le gouvernement de Dos Santos. 159
17.2
Les embargos contre l’Afrique du Sud
Pour mémoire, l’embargo décidé par les Nations Unies contre le régime
d’apartheid d’Afrique du Sud fut décidé en trois étapes :
- 7 août 1963 : la résolution 181 (1963) du Conseil de sécurité recommande
de suspendre toute assistance militaire à l’Afrique du Sud ;
- 4 décembre 1963 : la résolution 182 (1963) du Conseil de sécurité recommande à nouveau de suspendre toute assistance militaire à l’Afrique du Sud ;
- 4 novembre 1977 : la résolution 418 (1977) du Conseil de sécurité décide
un embargo sur les armes à destination de l’Afrique du Sud. 160
154. Philippe Gaillard, Jacques Foccart, Foccart parle - Entretiens avec Philippe Gaillard,
Fayard, avril 1997, pp. 283-284.
155. Stéphane Frappat, le choc de la décolonisation portugaise en Afrique centre-australe in
Daniel C. Bach [2, p. 220-221].
156. Philippe Gaillard, Jacques Foccart, Foccart parle - Entretiens avec Philippe Gaillard,
Fayard, avril 1997, pp. 284-285.
157. Thierry Jouan [8, p. 144]. Maria Malagardis, Thierry Jouan. Ce que
l’agent secrète, Libération, 10 septembre 2013. https://francegenocidetutsi.org/
ThierryJouanLiberation10septembre2013.pdf http://www.liberation.fr/societe/2013/
09/10/thierry-jouan-ce-que-l-agent-secrete_930858.
158. Pierre Siramy [19, p. 296].
159. Pierre Lethier [12, p. 130].
160. South Africa’s Nuclear-Tipped Ballistic Missile Capability, ONU, 10 September 1990.
https://francegenocidetutsi.org/SS-23.pdf
18
LA DGSE PROPOSE DES MISTRAL À L’AFRIQUE DU SUD
31
Suite à cet embargo, le gouvernement français annonce l’interruption des
échanges militaires avec Pretoria et suspend la fourniture d’un sous-marin de
type Agosta et de deux avisos 69. 161
18
La DGSE propose des Mistral à l’Afrique du
Sud
La fin du régime d’apartheid en Afrique du Sud a permis la déclassification
de documents. Dans Apartheid, Guns and Money, le chercheur Hennie Van Vuuren, décrit à partir de ces archives déclassifiées le système militaire du régime
raciste, la firme d’achat et de vente d’armes Armscor, les mécanismes de contournement de l’embargo et les mécanismes de corruption autour du commerce des
armes. 162 Il a trouvé dans les documents déclassifiés du renseignement militaire
sud-africain plusieurs documents concernant les relations avec la France
Tout au long des années 1980, des agents du renseignement militaire sudafricain et la DGSE, le service de renseignement français, ont régulièrement organisé des rencontres secrètes au cours desquelles pouvaient se négocier contrats
d’armements et autres faveurs. Un des exemples remarquables découverts concerne
une série de réunions qui ont eu lieu à Paris du 21 au 24 juillet 1987. Ces comptes
rendus de réunions ont été publiés dans un journal sud-africain en 2017. 163 Nous
avons traduit ces texte écrits en afrikaner, langue voisine du néerlandais. 164
18.1
Contacts avec la DGSE, 21 et 23 Juillet 1987
À cette réunion à Paris 165 participent, le général René Imbot, directeur de la
DGSE et Pierre Lethier. Côté sud-africain, le général Jannie Geldenhuys, chef
des forces armées sud-africaines (SADF), Neel Van Tonder, chef des services
de renseignement, head of defence intelligence operations (HDIO) et le général
Marius Oelschig, 166 attaché militaire à Paris. 167 En voici une traduction :
161. Hugo Sada, Les intérêts militaires et stratégiques en Afrique australe in Daniel C. Bach
(dir.) [2, p. 291].
162. Hennie Van Vuuren, Apartheid, guns and money, a tale of profit, [24].
163. Declassified : Apartheid Profits – Pretoria’s beehive in Paris, Daily
Maverick,
13
septembre
2017.
https://www.dailymaverick.co.za/article/
2017-09-13-declassified-apartheid-profits-pretorias-beehive-in-paris/#.
WgQQMXRlBFR https://francegenocidetutsi.org/358742877-3-Meetings-With-French-Military-Intelligence.
pdf
164. Contact avec DGSE - 21 et 23 juillet 1987, Daily Maverick, 21 juillet 1987. https:
//francegenocidetutsi.org/Meetings-With-French-Military-Intelligence-fr.pdf
165. Report on Meeting between DGSE and CSADF, 21 July 1987, DOD/SANDF (DI
Onder Afdeling Inlighting Operasies, Gp 26, Box 13, AMI/IO/311/1/11, Hulpverlening
en samewerking met Ivoorkus, 1, 04/08/86-18/05/90. https://francegenocidetutsi.org/
MeetingsWithFrenchMilitaryIntelligence21Julie1987.pdf
166. Le major Marius Oelschig avait été l’officier en charge des relations avec
l’UNITA. Cf. Truth and Reconciliation Commission (TRC) Report, Vol. 2, section 59,
pp. 15, 88. http://www.justice.gov.za/trc/report/ ; https://francegenocidetutsi.org/
VeriteReconciliationVolume2.pdf
167. Hennie Van Vuuren [24, p. 239].
18
LA DGSE PROPOSE DES MISTRAL À L’AFRIQUE DU SUD
32
CONTACTS AVEC LA DGSE. 21 et 23 Juillet 1987
1. Le contact avec la DGSE a eu lieu à plusieurs occasions :
a) Le soir du 21 Juillet, le chef de la DGSE et un de ses officiers,
Mr. Pierre Lethier ont reçu pour le dîner HSAW, HDIO, le brig.
Oelschig et le brig. Sonnekus.
b) HDIO et le brig. Oelschig ont parlé avec Pierre Lethier à deux
autres occasions, à savoir le 21 Juillet à 17h et le 23 Juillet à 16h30.
2. Missiles antichar MILAN. Le Pres. Savimbi a fait une demande
à la DGSE pour acheter des missiles Milan. Les coûts pour 120 missiles Milan et 30 lanceurs s’élèvent à 51,8 millions de francs (environ
17 millions de rands). Ni L’UNITA n’a les fonds pour ces armes, ni la
RSA n’a la possibilité de les acquérir. Une réponse dans ce contexte
est nécessaire. Le missile est de nouveau fabriqué et est à tout point
de vue utile.
3. Missiles antiaérien MISTRAL. C’est un nouveau missile antiaérien qui est dans la phase finale de développement. On s’attend
à ce qu’il soit supérieur au missile américain Stinger. Les Français
espèrent pouvoir livrer cette année encore 3 ou 4 modèles de test à
la RSA pour les essayer dans le domaine opérationnel. Ils projettent
aussi de livrer l’an prochain 20 missiles des premiers modèles en production à utiliser contre le MPLA. Il y a la possibilité pour la RSA
d’acheter les missiles Mistral à un pays tiers, par exemple le Zaïre
qui pourrait les commander et fournir un certificat d’utilisateur final. Cependant cela signifie que la RSA doit accepter de payer une
commission de 10% à Mobutu et au ministre de la défense du Zaïre,
Likulia. 168
4. Projectiles de canon APILAS [roquette antichar]. La DGSE
demande que la RSA fasse un bilan de l’utilisation en opération des
Apilas pour le fournir aux Français. La DGSE arrangera la livraison
de 100 Apilas à la RSA via le Gabon du 3 au 4 août 1987.
5. Visite des forces spéciales à la DGSE. Mr. Lethier indique que
les 4 membres des forces spéciales pourraient venir en France un
certain temps entre le 1er et le 15 septembre. Ils préféreraient la
période jusqu’au 12 septembre.
6. Visite de HDTI à la DGSE. Mr. Lethier indique que cette
visite ne peut pas se tenir avant octobre/novembre de cette année
et qu’ils sont prêts à discuter avec l’équipe de HDTI des questions
suivantes :
a) Equipement électronique ennemi
b) Equipement de dépistage de matériel d’écoute ennemi utilisé
notamment dans les ambassades
7. Missiles SAM 9. Mr. Lethier dit qu’il est possible d’obtenir ces
systèmes via le BND en Allemagne. Il donnera plus d’informations
lors d’une prochaine visite, probablement entre le 22 et le 24 août.
168. Norbert Likulia Bolongo, général zaïrois, dernier Premier ministre de Mobutu en 1997.
18
LA DGSE PROPOSE DES MISTRAL À L’AFRIQUE DU SUD
33
8. Georges Starckman. (Opération Daisy) La DGSE a réussi à
le dépister en Suisse. Mr. Lethier voit la possibilité d’attirer Starckmann au Maroc avec une "nouvelle transaction". La RSA sera
responsable pour la manipulation suivante de Starckman afin de récupérer les 20 millions de dollars de la RSA qu’il a balancés. Cette
affaire devient extrêmement délicate et sensible, juste gérée par Mr.
Lethier avec HDIO.
Il est question que la DGSE fournisse à l’UNITA des missiles antichar Milan.
Puis le compte-rendu aborde des missiles antiaériens Mistral. Ainsi, lors de
réunions à Paris les 21 et 23 juillet 1987, le général Imbot et Pierre Lethier ont
promis à leurs homologues Sud-Africains trois à quatre prototypes de Mistral à
tester et prévu la livraison l’année suivante, en 1988, de vingt missiles Mistral
destinés à l’UNITA. Le pays tiers envisagé pour contourner l’embargo est le
Zaïre de Mobutu.
Nous constatons que c’est un scénario très voisin qui est mis en œuvre en
1988. Mais la transaction porte sur 50 missiles et non sur 20 et le pays tiers est
le Congo Brazzaville.
L’armée française n’avait pas encore déployé le missile MISTRAL en 1987.
Paris espérait donc que les forces sud-africaines pourraient le “tester” sur le
terrain en Angola où Pretoria était en guerre contre le pouvoir angolais.
Cette transaction doit être éclairée par le contexte. En août 1987 commence
la contre-attaque des forces sud-africaines (SADF) en Angola pour arrêter l’offensive des forces du MPLA (FAPLA) sur les bases de l’UNITA de Savimbi. C’est
la bataille de Cuito Cuanavale qui dure de l’été 1987 à mars 1988. Les FAPLA
comptent dans leurs rangs des Cubains qui disposent de blindés et d’avions de
combat soviétiques. L’UNITA dispose de missiles antiaériens Stinger fournis par
les États-Unis. Les Français auraient voulu démontrer la supériorité de leur nouveau missile Mistral sur le Stinger. L’UNITA et l’armée sud-africaine (SADF)
ne réussirent pas à s’emparer de la ville de Cuito Cuanavale. Dans la bataille
les Migs cubains affrontent les Mirage sud-africains exposés aux missiles sol-air
soviétiques.
La diplomatie états-unienne promeut une négociation visant à l’indépendance de la Namibie contre un retrait cubain d’Angola. Un premier accord est
signé le 20 juillet 1988. Le 22 décembre 1988 sont signés les accords de New
York, organisant l’indépendance de la Namibie et le désengagement progressif
de l’Afrique du Sud, de Cuba et de l’Union soviétique d’Angola. Malgré ces accords, l’Afrique du Sud, les États-Unis et le Zaïre continuent d’intervenir dans
le conflit. Le 1er mai 1991 sont signés les accords de Bicesse, mettant en place
un cessez-le-feu, la démobilisation des groupes armés, leur intégration dans les
Forces armées angolaises et l’organisation d’élections. Celles-ci se tiennent le 29
et 30 septembre 1992 et donnent la victoire au MPLA aux élections législatives
et une majorité relative à José Eduardo dos Santos aux élections présidentielles.
Cependant, l’UNITA considère les élections comme truquées, ne les reconnaît
pas et recommence aussitôt la guerre civile. La guerre ne cessera vraiment qu’à
la mort de Savimbi en 2002.
18
LA DGSE PROPOSE DES MISTRAL À L’AFRIQUE DU SUD
34
D’autres documents des services secrets sud-africains évoque trois autres
rencontres en juillet 1987.
18.2
Rencontre entre HSAW et M. Foccart (22 juillet
1987)
HSAW désigne le général Geldenhuys, chef d’état-major de l’armée sudafricaine. Il rencontre Jacques Foccart, alors conseiller Afrique du Premier ministre Jacques Chirac. 169
RENCONTRE entre HSAW et Mr. Foccart. 22 Juillet 1987.
1. Le but de cet entretien était d’essayer de déterminer si Mr.
Foccart peut aider la RSA à élargir ses contacts avec les États africains.
2. Mr. Foccart a indiqué qu’à ce stade il y a au moins 2 États avec
lesquels la RSA peut coopérer de façon fructueuse sur une base bilatérale, la Côte d’Ivoire et le Gabon. Les autres États africains ne sont
pas encore prêts pour une telle coopération, essentiellement à cause
de l’image de la RSA en Afrique. D’après lui, cette image devrait
être corrigée en donnant des informations sur les aspects constitutionnels les plus importants de la RSA. . De son côté il s’engage à
faire en sorte que de telles informations, qui sont librement disponibles, soient également envoyées aux ambassadeurs français dans
les pays africains, et il peut même essayer de s’en entretenir avec
les chefs d’États. Par exemple il a été impressionné par l’explication
donnée par HSAW du sens des Conseils des Services Régionaux, surtout par le fait que tous les groupes de population ont leur mot à
dire au niveau régional sur les décisions à prendre et sur l’attribution
des fonds pour l’exécution de telles décisions.
3. Selon Mr. Foccart le climat ainsi créé peut finalement conduire
à une meilleure collaboration entre la RSA et les autres pays africains.
4. Mr. Foccart a soulevé un point spécifique en mettant sur le
tapis l’affaire Albertini. Il demande qu’à ce stade la RSA ne libère
pas Albertini, principalement pour les raisons suivantes :
a. Si Albertini était libéré maintenant, le prestige en reviendrait
au Président Mitterand. Le premier ministre Chirac voudrait surtout
éviter cela.
b. Si Albertini était libéré sans qu’aucune contre-partie possible
n’ait été convenue, comme les lettres de créance de l’ambassadeur
Geldenhuys, ou la libération de Wynand du Toit, alors l’image de
169. Report on Meeting between CSADF and Mr Foccart, 22 July 1987, DOS/SANDF
(DI Onder Afdeling Inligting Operasies, Gp 26, Box 13, AMI/IO/311/1/11, Hulpverlening
en samewerking met Ivoorkus, 1, 04/08/86-18/05/90. https://francegenocidetutsi.org/
MeetingHsawFoccart22Julie1987.pdf
18
LA DGSE PROPOSE DES MISTRAL À L’AFRIQUE DU SUD
35
la France qui est impliquée dans des négociations avec l’Angola à ce
propos en serait affectée. 170
18.3
Rencontre entre HSAW et Mrs. Roussin et Ollivier
(22 juillet 1987
HSAW désigne le général Geldenhuys, chef d’état-major de l’armée sudafricaine. Il rencontre Michel Roussin et Jean-Yves Ollivier. 171
1. HSAW commence par expliquer que le gouvernement de la
RSA ne franchit pas des étapes sous la contrainte mais décide luimême ses propres ajustements. Le gouvernement de la RSA est sensible au fait qu’on n’ait pas l’impression qu’il cède aux pressions.
HSAW a en particulier mentionné le point de vue de HouphouëtBoigny qui aimerait aider la RSA, mais qui voudrait obtenir quelque
chose en échange.
2. De son côté Mr. Roussin a remis sur la table le problème d’Albertini. Il a demandé, au nom du premier ministre Chirac, qu’Albertini ne soit pas libéré. Il a demandé de donner l’impression qu’auparavant c’est Mitterand [Mitterrand] qui a rendu difficile la libération
d’Albertini. Les raisons données pour cette demande sont :
a. Si Albertini est libéré, l’honneur en rejaillira sur Mitterand
[Mitterrand], et cela ne sera pas bon pour l’image de Chirac.
b. L’impression sera donnée que la RSA a agi sous la pression.
3. Mr. Roussin dit qu’un représentant de Chirac (probablement
Wibeaux [Wibaux]) ira plus tard (c. a. d. probablement fin août)
chez le Président Sebe avec une lettre du Premier ministre français,
pour discuter de la libération d’Albertini. 172 Il propose cependant
que l’entretien et l’action prévue soient seulement limités au canal
actuel. Chirac craint que si le canal du Ministère des Affaires Etrangères est utilisé, des fuites puissent remonter à Mitterand [Mitterrand].
4. Monsieur Roussin dit aussi que si Albertini est libéré, peu importe la méthode, Mitterand [Mitterrand] n’aura pas d’autre choix
que d’accepter les lettres de créances de l’Ambassadeur Geldenhuys.
On fera crédit à Chirac de la libération tandis que Mitterand [Mitterrand] sera obligé d’accepter les lettres de créance. 173
170. Wynand du Toit est un militaire sud-africain fait prisonner par les forces gouvernementales angolaises lors d’une opération commando dans l’enclave de Cabinda en 1985. Cf. Allan
Soule, Gary Dixon, René Richards, The Wynand du Toit story, H. Strydom Publishers, 1987.
[21]
171. Report on Meeting between CSADF and Mr Roussin and Mr Ollivier, 22
July 1987, DOS/SANDF (DI Onder Afdeling Inligting Operasies, Gp 26, Box 13,
AMI/IO/311/1/11, Hulpverlening en samewerking met Ivoorkus, 1, 04/08/86-18/05/90.
https://francegenocidetutsi.org/MeetingHsawRoussinOllivier22Julie1987.pdf
172. Lennox Sebe est président du Ciskei, un bantoustan où est incarcéré le Français PierreAndré Albertini.
173. Suite à la campagne pour la libération d’Albertini orchestrée par le PCF et des mouve-
18
LA DGSE PROPOSE DES MISTRAL À L’AFRIQUE DU SUD
36
5. Pièces détachées de Mirage. Mr. Roussin a indiqué que lui et
l’entourage du Premier ministre, son chef du cabinet militaire, le
général Norlain, ont discuté de la possibilité de livrer directement à
la RSA les pièces détachées de Mirage, qui actuellement doivent être
obtenues via une tierce partie. Apparemment la directive qui interdit
l’exportation de certaines pièces détachées vers la RSA est écrite de
telle façon que le Premier ministre français puisse exercer son droit
d’interprétation quant à la classification des pièces détachées. Au cas
où on peut convaincre Chirac qu’il peut donner l’ordre à son Service
des Douanes d’interpréter cette directive de la manière dont cela
était fait jusqu’en 1983, alors l’envoi direct de pièces détachées vers
la RSA pourrait se faire. HSAW a indiqué qu’à ce stade le besoin
n’existe pas. Roussin a assuré qu’au cas où ce besoin existerait, il
serait prêt à les aider.
6. Remarques. Après concertation entre HSAW et HDIO, Mr.
Roussin est venu de nouveau les voir le matin du 24 juillet pour
discuter de l’affaire Albertini. Le message qui suit lui a alors été
présenté.
L’opinion de HSAW et de HDIO est que le gouvernement de la
RSA est prêt à soutenir pleinement le "timing" et la méthode de
la libération d’Albertini à condition que le gouvernement français
facilite la libération de Wynand du Toit.
Mr. Roussin a transmis ce message samedi 25 juillet au Premier
ministre français.
Selon Mr. Ollivier qui était présent à cet entretien, le Premier
ministre français a réagi positivement et pense actuellement envoyer
Mr. Wibeaux [Wibaux] chez Dos Santos pour discuter de cette affaire.
18.4
Entretien HDIO - Roussin (24 juillet 1987)
Le 24 juillet, HDIO, c’est-à-dire Neel Van Tonder, chef des services de renseignement, (head of defence intelligence operations) rencontre à nouveau Michel
Roussin. 174 En voici une traduction :
Le but de cet entretien était de faire passer à Roussin le message
suivant. Il y aura un soutien total de la RSA pour la libération
d’Albertini si la libération de Wynand du Toit peut être organisée.
Monsieur Roussin signale que, selon les renseignements qu’ils reçoivent, il existe un plan selon lequel les avions Mirage seraient livrés
ments anti-apartheid, François Mitterrand a refusé d’accepter les lettres de créance de Hendrik
Geldenhuys, ambassadeur d’Afrique du Sud.
174. Report on Meeting between Director Intelligence Operations and Mr Roussin,
24 July 1987, DOS/SANDF (DI Onder Afdeling Inligting Operasies, Gp 26, Box 13,
AMI/IO/311/1/11, Hulpverlening en samewerking met Ivoorkus, 1, 04/08/86-18/05/90.
https://francegenocidetutsi.org/MeetingHdioRoussin24Julie1987.pdf
18
LA DGSE PROPOSE DES MISTRAL À L’AFRIQUE DU SUD
37
à l’Afrique du Sud (RSA) via le Pérou et l’Argentine. Selon les informations, le Pérou, qui a commandé 12 Mirage à un seul siège et 4
Mirage à double commande, mais qu’il ne peut payer, les fournirait
à l’Argentine qui serait prête à les vendre à l’Afrique du Sud. Mr
Roussin demande s’il y a une seule vérité dans cette [ ? ? ?] car l’Argentine a apparemment demandé si la France aura des objections si
ils [l’Argentine] s’impliquent. Monsieur Roussin et les conseillers de
Chirac feront de leur mieux pour exécuter un tel plan si la RSA y
trouve un intérêt.
Si nous récapitulons, La DGSE envisage de fournir aux Sud-africains des
missiles antichar Milan, des missiles Mistral, des roquettes antichar Apilas, des
missiles sol-air SAM 9, des équipements électroniques et de former des membres
des forces spéciales.
À ceci s’ajoute la promesse de M. Roussin de faciliter l’exportation directe
de pièces détachées d’avions Mirage et d’en fournir 16 exemplaires par l’intermédiaire du Pérou et de l’Argentine.
Ces documents des services secrets sud-africains montre que ces fournitures
d’armes, en particulier de missiles Mistral sont discutées en même temps que
la libération d’Albertini. Les interlocuteurs sud-africains, HSAW et HDIO, sont
les mêmes.
La promesse de fournir 20 missiles Mistral à l’UNITA a pu être reprise dans
la négociation. On serait passé de 20 à 50 Mistral pour obtenir que Savimbi
libère des prisonniers cubains afin de satisfaire Dos Santos qui, lui, libérait le
Sud-Africain Wynand du Toit.
Le changement de pays tiers du Zaïre au Congo-Brazzaville peut s’expliquer
par le rôle du président Denis Sassou-Nguesso dans les négociations de paix
entre l’Afrique du Sud et l’Angola que Jean-Yves Ollivier tend à surestimer par
rapport à celui du Département d’État américain.
18.5
La déposition de Martin Steynberg, cadre d’Armscor
Martin Steynberg est cadre financier d’Armscor, en poste à Paris de novembre 1986 à mai 1990. Il gère le projet Adenia de fourniture de 50 hélicoptères
Super Puma d’Aerospatiale à l’Afrique du Sud par l’intermédiaire du Portugal.
Il dit avoir été affronté à des incidents mettant en cause la sécurité des contats
qu’il gérait. Le premier cité concerne l’affaire Blowpipe. Quant au deuxième :
The second incident to which I refer above involved my collection
of a missile from the French company called Matra. It had become
necessary to handle that collection personally and having collected it
in my vehicle, I subsequently delivered the same to an airfield where
a private Jet had been organized to take the missile to South Africa.
In the event, on his return to France the Pilot of the private Jet was
indiscreet about his mission to South Africa and that led to matters
becoming of interest to the Media. 175
175. Martin Steynberg, Further Statement, April 2006. PointeurMartinSteynbergArm-
19
LA LIBÉRATION D’ALBERTINI
38
La date du transport de ce missile de Matra n’est pas indiquée. Il s’agirait
d’un des missiles Mistral promis par le général Imbot à l’Afrique du Sud. Cet
envoi par jet privé aurait eu lieu fin 1987. C’est à vérifier auprès de Steynberg.
18.6
Un cadre de Matra alerte Dulcie September
Selon Rosa Moussaoui, journaliste à l’Humanité :
Jacqueline Derens, traductrice et amie de Dulcie September, se
souvient qu’à l’hiver 1987 un homme se présentant comme un cadre
de Matra, syndicaliste CGT, a pris contact avec elle : « Cet homme
d’une quarantaine d’années était très anxieux. Il risquait sa place. Je
crois qu’il n’a même pas voulu me dire son nom. Il voulait informer
Dulcie d’un contrat illégal avec Pretoria. J’ai transmis l’information.
J’ignore si elle l’a rencontré par la suite. » 176
S’agirait-il de Maurice Brugière, cadre de Matra, déjà cité ? 177
19
La libération d’Albertini
La libération d’Albertini a lieu le 8 septembre 1987 sur l’aéroport de Maputo
au Mozambique. Albertini sort de sa prison le 7 et est accompagné par M.
Hendrick Geldenhuys l’ambassadeur sud-africain dont Mitterrand avait refusé
de recevoir les lettres de créance. 178 Négociée par Jean-Yves Ollivier, l’opération
d’échanges de prisonniers comprend :
- Pierre-André Albertini ;
- Klaas de Jonge (1937-2023), néerlandais retenu à Pretoria ;
- Wynand du Toit, commando sud-africain fait prisonnier par l’Angola ;
- 135 soldats angolais prisonniers de l’UNITA.
C’est Jean-Marc Simon, membre du cabinet de Jean-Bernard Raimond, ministre des Affaires étrangères, qui est envoyé chercher Albertini dans « ”l’avion
personnel” de M. Jacques Chirac ». 179 Mais la mission de ce diplomate a été
beaucoup plus importante. Il prend en fait le relais de Fernand Wibaux. Celui-ci
l’informe de la teneur de l’accord conclu avec le président Dos Santos, comme
l’écrit Jean-Marc Simon :
scor.pdf. Traduction de l’auteur : Le deuxième incident auquel je fais référence ci-dessus
concernait la récupération d’un missile de la société française dénommée Matra. Il était devenu nécessaire que je m’occupe personnellement d’aller le chercher et après l’avoir récupéré
dans mon véhicule, je l’ai ensuite livré à un aérodrome où un jet privé avait été prévu pour
emmener le missile en Afrique du Sud. Mais, à son retour en France, le pilote du jet privé a
commis des indiscrétions à propos de sa mission en Afrique du Sud et cela a suscité l’intérêt
des médias.
176. Rosa Moussaoui, Qui a tué Dulcie September ?, L’Humanité, 30 mars 2023. https:
//francegenocidetutsi.org/DulcieArmerApartheidHumaMag30mars2023.pdf
177. Stephen Smith, Antoine Glaser [20, p. 225]. https://francegenocidetutsi.org/
GlaserSmithMessieursAfriqueJCMitterrand.pdf
178. Pierre-André Albertini [1, p. 242].
179. Pierre-André Albertini [1, p. 243].
20
UN DEAL NÉGOCIÉ EN ÉCHANGE DE LA LIBÉRATION D’ALBERTINI ?39
Les Angolais accepteraient de libérer Du Toit, m’annonce-t-il,
contre une centaine de membres des FAPLA 180 détenus par Jonas
Savimbi. Celui-ci, qui a bien compris ce que son image aurait à gagner d’une telle opération, se contenterait d’une mesure humanitaire,
le rapatriement des dépouilles d’un certain nombre des ses éléments
tués dans les combats contre les forces gouvernementales. Dans ces
conditions, les Sud-Africains nous remettraient Albertini. 181
On peut douter que Jonas Savimbi, qui est un chef de guerre, « se contenterait » du rapatriement de cadavres de ses hommes en échange de la libération
d’une centaine d’adversaires prisonniers. En revanche, la promesse de livraisons
d’armes antiaériennes dernier cri pour se défendre des Migs cubains serait d’une
toute autre valeur à ses yeux.
Avec Jean-Yves Ollivier, Jean-Marc Simon doit régler les dernières modalités
des libérations. Les autorités sud-africaines et angolaises veulent traiter avec un
représentant du gouvernement français. Il rencontre Pik Botha, 182 ministre des
Affaires étrangères avec le général Neels Van Tonder en Afrique du Sud. De là il
part pour Luanda rencontrer le ministre de l’Intérieur angolais Kito Rodriguez
qui leur remet Wynand du Toit. C’est Michel Roussin qui pilote les opérations
depuis Paris. Ils rejoignent enfin Maputo au Mozambique le 7 septembre 1987
où vont s’opérer les échanges sous le contrôle du ministre Jacinto Veloso qui
assure la coordination. 183
20
Un deal négocié en échange de la libération
d’Albertini ?
Jean-Yves Ollivier, qui a négocié en secret la libération du coopérant français
Albertini, emprisonné en Afrique du Sud pour ses liens avec l’ANC, évoque luimême cette affaire de missiles Mistral dans son livre Ni vu ni connu. La livraison
de missiles a-t-elle été une contrepartie de la libération d’Albertini ?
À défaut de prouver ce fait, nous pouvons vérifier d’abord si le calendrier de
la libération d’Albertini est compatible avec celui défini lors des rencontres des
deux services secrets et si les acteurs sont les mêmes.
Jean-Yves Ollivier écrit que ces négociations ont été « les sept mois les plus
fous de ma vie ». 184 Comme Albertini a été libéré le 8 septembre 1987, les
démarches pour le faire libérer (ainsi que d’autres) ont commencé en février
1987. La rencontre les 21 et 23 juillet des représentants de la DGSE avec les
services de renseignement militaire sud-africain se situe dans cette période.
180. FAPLA : The People’s Armed Forces of Liberation of Angola, branche armée du MPLA,
mouvement pour la libération de l’Angola.
181. Jean-Marc
Simon
[18,
p.
69].
https://francegenocidetutsi.org/
JMSimonSecretsDafriqueApartheid.pdf#page=6
182. Le surnom de Roelof Botha est Pik (pikkewyn = pingouin). Précision de Georges Lory.
183. Jean-Marc
Simon,
ibidem,
pp.
70-82.
https://francegenocidetutsi.org/
JMSimonSecretsDafriqueApartheid.pdf#page=7
184. Jean-Yves Ollivier [16, p. 185].
21
L’ASSASSINAT DE DULCIE SEPTEMBER
40
Certains acteurs se retrouvent dans la négociation des Mistral pour le Congo
et dans celle pour la libération d’Albertini :
- Jean-Yves Ollivier joue un rôle central dans la libération d’Albertini. Il
paraît aussi très concerné par l’affaire des Mistral. Il explique l’affaire suite au
coup de téléphone de Robert Pandraud à propos de la publication d’un article
de Smith et Glaser dans Libération le 6 juillet 1990. 185
- Pierre Lethier s’entend avec les Sud-Africains pour leur livrer des missiles
Mistral et c’est lui qui est chargé par François de Grossouvre de « démonter »
l’affaire des Mistral.
Dans son livre Ni vu ni connu, Jean-Yves Ollivier insiste sur ses liens avec
Michel Roussin et Jacques Foccart. Ce dernier étant conseiller de Jacques Chirac
pour l’Afrique et Michel Roussin étant son chef de cabinet, ils sont probablement
informés de la proposition faite par la DGSE de fournir des missiles Mistral à
l’UNITA. D’ailleurs, Roussin et Ollivier discutent de la fourniture de pièces
détachées pour les avions Mirage en contournant l’embargo.
20.1
La portée de cette libération
Les déclarations de Michel Roussin et Jacques Foccart au chef de l’armée sudafricaine et au chef du service de renseignement insistent sur le fait que le crédit
politique de cette libération d’Albertini doit profiter à Jacques Chirac et non
à François Mitterrand. Or nous sommes à la veille d’une élection présidentielle
où l’un affronte l’autre. Il paraît clair que les conditions de cette libération et
les fournitures d’armes qu’elle a coûtées ne doivent pas être connue de l’opinion
publique.
Manifestement, le président Mitterrand n’a pas été informé de la négociation pour la libération d’Albertini. « Il est exact, dit Jacques Foccart à Philippe
Gaillard, que Mitterrand est tombé des nues en apprenant la libération d’Albertini par la radio, et je peux vous dire qu’il a été furieux ». Son interlocuteur lui
rétorque « Ollivier était pourtant un proche de Jean-Christophe Mitterrand... »
« – Pas encore », répond Foccart. 186
21
L’assassinat de Dulcie September
Dulcie September, représentante de l’ANC à Paris, est assassinée le 29 mars
1988. 187 Les tueurs étaient au nombre de deux, probablement des Français. 188
Interrogé par Evelyn Groenink en Afrique du Sud, l’ancien espion Craig Williamson fait le lien avec une négociation pour un échange de prisonniers où il a aussi
été question de contrats d’armement :
185. Jean-Yves Ollivier [16, p. 229].
186. Jacques Foccart, Philippe Gaillard [7, p. 326].
187. Michel Muller, Assassinée, L’Humanité, 30 mars 1988. https://francegenocidetutsi.
org/DulcieAssassinee.jpg
188. Karl Laske, Des mercenaires français ont-ils tué Dulcie September ? Retour sur
l’assassinat de la militante de l’ANC en 1988, Libération, 19 février 2000. https://
francegenocidetutsi.org/MercenairesOntIlsTueSeptemberLiberation19fevrier2000.pdf
21
L’ASSASSINAT DE DULCIE SEPTEMBER
41
« In the autumn of 1987, some French diplomats and secret service and military people were here, ostensibly to negotiate a prisoner
swop between Angola and South Africa. But, in the meantime, they
were dealing arms all around », former apartheid spy Craig Williamson told me. « And if September stood in the way of that, she would
surely have been killed ». 189
Ceci évoque les « grandes manœuvres », dont Jean-Yves Ollivier est le pivot
pour le compte de Jacques Chirac, qui ont permis notamment la libération du
coopérant français Pierre-André Albertini. Informé de l’enquête de Groenink,
François-Xavier Verschave a suggéré qu’il pourrait y avoir un lien entre l’assassinat de Dulcie September et ce contrat de livraison de missiles à l’Afrique du
Sud :
Selon l’ancien espion sud-africain Craig Williamson, la négociation a débouché sur un deal beaucoup plus large, incluant des livraisons d’armes entre Paris et Pretoria. Quelques mois plus tard, la
fourniture avortée de cinquante missiles Mistral à l’Afrique du Sud,
via Brazzaville, pourrait être la manifestation de l’un des éléments
du marchandage. 190
L’enquête d’Evelyn Groenink a montré que Dulcie n’avait pas été tuée en
tant que représentante de l’ANC mais pour des questions plus graves dans lesquelles la France était impliquée. Elle n’aurait pas été victime de commandos de
la mort du régime de l’apartheid. 191 Pour Evelyn Groenink, les services secrets
français sont forcément informés du projet d’assassinat qui était couvert en haut
lieu.
Cependant, elle doute que Dulcie September ait été assassinée pour avoir
voulu empêcher cette vente de missiles Mistral. Elle évoque une affaire qu’elle
juge plus grave. Dulcie aurait découvert que l’Afrique du Sud avait développé
des têtes nucléaires (nuclear warheads) avec l’aide de la France et que celle-ci
voulait en récupérer. 192 Nous ne trouvons pas d’indice sérieux qui aille dans ce
sens.
189. Evelyn Groenink, On the twisted trail of Dulcie’s death , Mail & Guardian, 9 janvier
1998. https://francegenocidetutsi.org/DulciesTwistedTrailDeath1998.pdf Traduction
de l’auteur : « À l’automne 1987, des diplomates français, des militaires et des agents des
services secrets étaient ici pour négocier un échange de prisonniers entre l’Angola et l’Afrique
du Sud. Mais, entre temps, il a aussi été question de contrats d’armement », m’a déclaré
l’ancien espion du régime d’apartheid Craig Williamson. « Et si September s’était mise en
travers de ça, elle devait sûrement être tuée ».
190. François-Xavier Verschave [22, p. 196].
191. Evelyn
Groenink,
Dulcie
September
and
the
non-existent
‘death
squads
in
Europe’,
August
6,
2012.
https://francegenocidetutsi.org/
DulcieSeptemberNonExistentDeathSquadInEurope6August2012.pdf
192. Evelyn Groenink, On the twisted trail of Dulcie’s death , Mail &Guardian, 9 janvier 1998. https://francegenocidetutsi.org/DulciesTwistedTrailDeath1998.pdf Ilham
Rawoot, September ’shot for nuke secrets’ , Mail & Guardian, 17 juin 2011. https://
francegenocidetutsi.org/SeptemberShotForNukeSecretsMG17june2011.pdf
21
L’ASSASSINAT DE DULCIE SEPTEMBER
21.1
42
Dulcie enquêtait sur les ventes d’armes
Hennie van Vuuren donne des preuves, parmi les archives qui n’ont pas disparu, que Dulcie enquêtait sur des fournitures d’armement au régime de l’apartheid : « Dans ses notes, il est ainsi fait référence à un transfert d’armes de
Bordeaux à Durban sur le Tinemaru, un navire qui, selon nos informations, aurait servi à maintes reprises à faire parvenir des armes au régime de l’apartheid,
par un affréteur danois, Jørgen Jensen. Elle y évoque également les accords portant sur des armes nucléaires et autres, ainsi que les actions qu’elle a entreprises
pour obtenir l’ouverture d’enquêtes officielles sur ce négoce illicite. » 193
Si Dulcie September a eu connaissance de la liste des armements promis par
la France au régime d’apartheid dans le cadre de la négociation pour la libération
d’Albertini, si elle avait connaissance d’autres fournitures d’armes convenues
dans d’autres négociations secrètes, comme cette négociation commencée en
1986 avec Aérospatiale pour la fourniture de 66 hélicoptères Puma, 194 si de
plus elle avaient l’intention d’en faire des révélations publiques à ce momentlà, pendant la campagne pour les élections présidentielles, il est clair que le
gouvernement Chirac avait intérêt à la faire taire.
Pierre Siramy, cadre retraité de la DGSE, consacre un chapitre de son livre
25 ans dans les services secrets à l’assassinat de Dulcie September. 195 Il n’exclut pas qu’elle ait été tuée pour avoir enquêté sur un trafic d’armes. Il sait
qu’en dépit de l’embargo, des entreprises comme Aérospatiale commercent avec
l’Afrique du Sud alors que Aérospatiale est nationalisée. Il craint que d’anciens
membres du service Action de la DGSE soient impliqués. Un indicateur Claude
M. 196 lui apprend qu’il a rencontré deux amis d’une certaine Antonia Soton, ancienne du mouvement Occident, ancienne maîtresse de Rouget aux Comores. 197
En fait, Antonia Soton se présente comme l’épouse du lieutenant Sanders de la
GP, de son vrai nom Richard Rouget, quand elle a été hospitalisée suite à un
accident de la circulation sur l’île d’Anjouan et que ce dernier ait échangé des
coups avec le chirurgien Abdoulaye Keita. 198 L’un des deux amis de Soton se
serait attaqué à Motsepe, le représentant de l’ANC en Belgique, l’autre aurait
tué Dulcie. Des deux, Moniquet n’en nomme qu’un, Richard Rouget, ancien
étudiant à Assas, membre du GUD, devenu après son service militaire merce193. Afrique du Sud. Paris, 1988 : qui a assassiné Dulcie September ?, Courrier international, 21 septembre 2017. http://www.courrierinternational.com/
article/afrique-du-sud-paris-1988-qui-assassine-dulcie-september
https:
//francegenocidetutsi.org/DulcieSeptemberCommerceArmes21septembre2017.pdf https:
//francegenocidetutsi.org/359360953-2-DS-Notes-on-French-Arms-Sales-to-SA.pdf
194. Hennie Van Vuuren [24, p. 235-236].
195. Pierre
Siramy,
25
ans
dans
les
services
secrets.
Témoignage,
Flammarion,
Mars
2010,
pp.
79-92.
https://francegenocidetutsi.org/
Siramy25ansServicesSecretsSeptember.pdf
https://francegenocidetutsi.org/
25-ans-dans-les-services-secrets-Siramy-Pierre.pdf
196. Evelyn Groenink dit qu’il s’agit de Claude Moniquet. En 2023, celui-ci se présente en
“expert en contre-terrorisme”.
197. Evelyn
Groenink,
Dulcie
September
and
the
non-existent
‘death
squads
in
Europe’,
August
6,
2012.
https://francegenocidetutsi.org/
DulcieSeptemberNonExistentDeathSquadInEurope6August2012.pdf
198. Mdl Chef Abdou Ibrahim, Procès verbal d’audition, 1er janvier 1987.
21
L’ASSASSINAT DE DULCIE SEPTEMBER
43
naire sous le nom de « Sanders » chez Bob Denard aux Comores. Il s’installe
en Afrique du Sud en 1987. Après vérification de l’information, Siramy retourne
à la Centrale de la DGSE. Il y est cueilli par le chef du contre-espionnage,
Alain Geoffroy, qui l’embarque aussitôt à une réunion au ministère de l’Intérieur à propos de cet assassinat. Avant la réunion, Siramy informe le directeur
général de la DGSE, le général François Mermet. La réunion est présidée par
Robert Pandraud, ministre délégué à la Sécurité au côté du ministre de l’Intérieur Charles Pasqua. Devant Pandraud, les responsables policiers évoquent
l’avancement de leur recherche sur l’assassinat de Dulcie September. Après la
réunion, Mermet s’entretient en aparté avec Pandraud. Pour Siramy, l’affaire
s’arrêtera là. « On ne me demandera pas, écrit-il, déçu, d’enquêter sur Sanders
et ses complices ». 199
L’histoire ne s’arrête pas là pour Siramy car, suite à la parution de son livre,
Richard Rouget lui intente un procès en diffamation. Siramy va perdre ce procès.
Moniquet y témoigne contre lui.
Selon certaines sources, Richard Rouget serait bien l’assassin et était alors
un agent de la DGSE. Evelyn Groenink affirme plutôt qu’Antonia Soton était
membre de la DGSE et qu’elle a accusé faussement son ancien amant Rouget. 200
Dans son récit, Pierre Siramy, de son vrai nom Maurice Dufresse, laisse
clairement entendre que le suspect Richard Rouget est protégé en haut lieu.
C’est Robert Pandraud qui apparaît comme celui qui fait stopper les recherches
de Siramy.
Ces suspicions sont partagées par d’autres. « Le véritable scandale, écrit
Georges Lory, résidait dans l’inefficacité des services de Charles Pasqua, le ministre de l’Intérieur de l’époque, à trouver les assassins ». 201 « Tout porte à
croire, écrit Dominique Darbon s’appuyant sur des organes de presse anglophones, que des conseillers de certains ministres du gouvernement Chirac ont
été impliqués, sinon dans cet assassinat, du moins dans sa préparation » 202
Nous relevons que Robert Pandraud est un grand ami de Jean-Yves Ollivier. 203 C’est lui qui l’avertit de la parution de l’article de Smith et Glaser
où il est question de l’affaire des missiles Mistral. Ainsi, Robert Pandraud ferait le lien entre trois affaires, la libération d’Albertini, l’assassinat de Dulcie
September quelques mois après et la fourniture des missiles Mistral.
199. P.
Siramy
[19,
p.
91].
https://francegenocidetutsi.org/
Siramy25ansServicesSecretsSeptember.pdf#page=8
200. Evelyn Groenink, op. cit.
201. Georges Lory, Qui, en France, s’intéresse à l’Afrique du Sud ? in Daniel C. Bach (dir.)
[2, p. 279].
202. Southcan 10 avril et 10 juillet 1988, Africa News, 18 avril 1988. Cf. Dominique Darbon,
Les relations franco-sud-africaines depuis 1977 in Daniel C. Bach (dir.) [2, p. 242].
203. Jean-Yves Ollivier [16, p. 102].
22
22
APRÈS L’ASSASSINAT DE DULCIE, LES AFFAIRES CONTINUENT44
Après l’assassinat de Dulcie, les affaires continuent
Le 21 juin 1988, François Mermet, directeur de la DGSE, rencontre le général Oelschig. 204 À propos de Mermet, Hennie Van Vuuren observe qu’il a été
révoqué (fired) par le président Mitterrand. 205 Son mandat n’a duré guère plus
d’un an. Il avait été nommé le 1er janvier 1988, peu avant l’assassinat de Dulcie
September et il est révoqué le 21 mars 1989.
23
Qui a ébruité l’affaire des Mistral ?
Pascal Krop laisse entendre que c’est François de Grossouvre qui l’a informé.
Mais de Grossouvre par sa relation avec Lethier semble informé des origines de
l’affaire. Il semble plutôt être intervenu dans l’opération de déminage.
Une hypothèse émise par Smith et Glaser dans Libération du 6 juillet 1990 et
rejetée par Ollivier voudrait que Lethier s’est fait doubler dans cette affaire et,
pour se venger, il a averti la presse. Il est exact qu’il est à l’origine de l’affaire,
mais en tant qu’officier DGSE, directeur de cabinet du général Imbot. Il se met
à son compte fin mars 1988, donc avant l’élection présidentielle. A-t-il voulu à
ce moment-là en tirer profit en rentrant dans la négociation à titre personnel. Il
aurait bénéficié d’une commission qu’il aurait partagée avec le parti de Chirac.
Le résultat de l’élection présidentielle en mai 1988 aurait changé la donne.
Selon Smith et Glaser, c’est Matra qui aurait averti la presse. Cela paraît
étrange. Quel serait l’intérêt de la firme à faire échouer une transaction dont
elle doit tirer profit ? Une initiative individuelle d’un cadre de Matra semblerait
plus plausible.
Selon François Gibault, avocat de Thierry Miallier, c’est Pierre Lethier qui
a fait capoter la transaction. « Tout aurait été comme sur des roulettes, écrit-il,
si Pierre Lethier, ancien de la DGSE, reconverti dans les ventes d’armes, avait
été payé de sa commission. Pour se venger, il a craché dans la soupe et mis les
pieds dans le plat en dénonçant l’affaire aux médias et au procureur, provoquant
l’arrestation d’un de mes clients, honnête commerçant qui coucha le soir-même
à la santé. » 206 Cette interprétation semble assez vraisemblable.
La négociation commerciale a commencé à l’époque où Jacques Chirac était
Premier ministre. Jean-Yves Ollivier a pu y être impliqué. Toute vente d’armes
en France fait l’objet de commissions et même de rétrocommissions. Le parti
de Chirac, le RPR, devait peut-être en bénéficier. Mais après la défaite de Chirac devant Mitterrand à l’élection présidentielle de mai 1988, les bénéfices de
l’opération devaient aller à une caisse du Parti socialiste. Là se trouve peut204. Report on Meeting on Meeting between Brigadier Oelschig and General Mermet,
21 June 1988, DOD/SANDF (DI Onder Afdeling Inlighting Operasies, Gp 26, Box 13,
AMI/IO/311/1/11, Hulpverlening en samewerking met Frankryk, 1, 12/09/88-22/08/89.
205. Hennie Van Vuuren [24, p. 251].
206. François Gibault, Libera me, Gallimard, 2014. https://francegenocidetutsi.org/
FrancoisGibaultLiberaMeMistral.png
24
LE RÉGLEMENT FINANCIER
45
être l’origine du conflit qui a fait capoter l’affaire. Les protagonistes seraient
Lethier-Ollivier d’une part, Miallier-Jean-Christophe Mitterrand d’autre part.
Cependant, l’affrontement entre le fils du président et Lethier-Ollivier n’est pas
irrémédiable. Seul Miallier en fera les frais.
24
Le réglement financier
Quel a été le montant de la transaction ? Qui a payé Matra ? Seule une
caution a été versée ou la somme totale ? Le financeur a-t-il été remboursé ?
Quel est le montant des commissions et à qui ont-elles été versées ?
D’après le jugement du 21 mai 1993 qui a relaxé Miallier, le contrat portait
sur la livraison de 50 missiles pour la somme de 53.280.000 France. 207 Reconnaissant que Miallier n’a pas falsifié de signature, le contrat entre la société
Matra et la République démocratique du Congo reste valable.
Selon Jean-Paul Hébert :
Pour cette commande, Matra avait reçu un acompte de 15 millions de francs dont il avait reversé 10 % à l’intermédiaire. Les fonds
versés proviennent d’une société libérienne dont le compte est au
Luxembourg (CEDON) dont les dirigeants sont des Africains du sud.
(Le Monde, 27 juillet 1997). Il n’est pas sans intérêt de noter que
le journaliste du Monde rappelle que, selon Stephen Smith et Antoine Glaser [Ces Messieurs Afrique, Calmann-Lévy, 1992], la même
société CEDON a procédé à une trentaine de versements au profit
de l’OFEMA (office d’exportation de matériels d’armement). 208
Quant à cette société CEDON, Hennie Van Vuuren observe pour sa part :
Leaked records of Armscor’s web of international front companies
reveal that a company called Cedon Inc. was registered in Liberia
for the sole purpose of obtaining the sophisticated Mistral missiles
from France via the Congo. Linked to a Kredietbank Luxembourg
bank account, it was opened in November 1988 and closed in March
1989, by which time the deal has been concluded. 209
Selon Jean-Pierre Bat :
Le gel de la livraison ayant été décidé après le versement du
premier acompte à la Kredit Bank de Luxembourg, il est convenu
de procéder au remboursement des Sud-Africains pour solde de tout
compte. L’intermédiaire congolais semble avoir voulu, entre-temps,
jouer sa carte financière dans la confusion. 210
207. Steinmann, op. cit.
208. Jean-Paul Hébert, Ventes d’armes et corruption, 12 juin 1998, p. 19. https://
francegenocidetutsi.org/jph200.pdf
209. Hennie Van Vuuren [24, pp. 241-242].
210. Jean-Pierre Bat [5, pp. 786-787].
24
LE RÉGLEMENT FINANCIER
46
L’acompte versé à Matra l’aurait été à travers un compte de la Kredietbank
Luxembourg apartenant à cette société CEDON, déjà évoquée par la commissaire Brigitte Henri. Celle-ci rapporte que l’acompte a été saisi par la justice
mais un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 15 juin 1990 a levé cette saisie. En
1992 rien n’est réglé. Le 13 août, André Milongo, Premier ministre du Congo,
demande à Matra la restitution de l’acompte. Dans sa réponse du 12 octobre
1992, Matra, représenté par Yves de Galzain, exprime sa satisfaction en considérant que « la réalité, la régularité et l’authenticité de ce contrat étaient en fin
reconnues ». 211 Il estime donc que le contrat d’achat signé avec le Congo est
toujours valable.
Il a rappelé que le délai de livraison des matériels avait été fixé à
trois mois, soit, au plus tard, le 28 mai 1989. Matra avait alors mis en
chantier la fabrication des missiles jusqu’à la saisie de l’acompte par
la justice. Or, à ce stade de la commande, les travaux engagés avaient
représenté, après déduction de l’acompte perçu, un solde en faveur
de la société Matra de 17 094 560 francs, somme à laquelle il fallait
ajouter les frais et honoraires d’avocats et les frais bancaires. 212
Matra n’a pas remboursé l’acompte et estime que le Congo est débiteur du
reste de la somme. Il faut croire que les missiles se trouvent toujours en attente
chez Matra.
Selon Hennie Van Vuuren, Matra a attaqué Stephen Smith en justice à propos du versement de la Krediet Bank Luxembourg. « Smith has confirmed by
email that the arms company Matra challenged this account in a Franch court
but that the autrhors prevailed ». 213
Selon Jean-Yves Ollivier, cité plus haut, Matra « a mis dix ans à rembourser
les Sud-Africains ». 214
D’après les données recueillies par Brigitte Henri, on peut imaginer que Matra a suspendu la fabrication des missiles lors de la saisie de l’acompte et ne
l’a pas poursuivie depuis. M. De Galzain n’aurait réclamé au gouvernement
congolais que la somme équivalente au nombre de missiles fabriqués. Quel est
ce nombre ? Le montant total de la transaction était de 60 MF pour 50 missiles. Le coût d’un missile est de 1.2 MF. La somme réclamée par Matra est 16
MF d’acompte perçu et un solde de 17 MF, soit au total 33 MF. Cette somme
correspond au prix de 27 missiles.
Un réglement amiable entre Matra et la République du Congo a pu intervenir, portant sur le versement de ce solde de 17 MF et tenant à sa disposition 27
missiles Mistral et non 50. Mais rien ne prouve que ce réglement ait été exécuté.
Une source indique que Jean-Yves Ollivier a remboursé à l’Afrique du Sud
le coût des Mistral.
Relevons enfin une contradiction dans les informations transcrites ci-dessus.
Si c’est L’afrique du Sud qui a versé l’accompte via la Kredietbank Luxemebour,
211.
212.
213.
214.
Brigitte Henri, op. cit..
Brigitte Henri, op. cit..
Hennie Van Vuuren [24, pp. 241-551].
Jean-Yves Ollivier [16, p. 230].
25
QUE SONT DEVENUS CES MISSILES ?
47
le Congo Brazzaville n’a rien déboursé. Les démarches congolaises pour se faire
rembourser ne seraient que simulacres. Elles seraient accréditées par la réticence
de Matra à admettre que les missiles étaient destinés à l’Afique du Sud et
constituaient une violation de l’embargo de l’ONU.
25
Que sont devenus ces missiles ?
Selon toutes les sources d’information, la vente des missiles a été interrompue. Ils n’ont donc pas été livrés à l’Afrique du Sud, ni au Congo-Brazzaville.
Mais personne ne dit ce qu’ils sont devenus. En 1992, Matra considère que la
transaction avec le Congo reste valable. Il faut donc en déduire que Matra les
tient toujours à la disposition du Congo et attend la résolution du contentieux
financier. Ce contentieux aurait été résolu.
Selon une source non recoupée une partie de ces missiles se serait retrouvée
au Rwanda... Pourquoi d’ailleurs Paul Barril insiste-t-il tant sur cette affaire de
Mistral ?
26
Conclusion
En plein embargo sur les livraisons d’armes au régime de l’apartheid, la
France socialiste a failli exporter en 1989 ses missiles sol-air les plus sophistiqués
en Afrique du Sud.
La France avait une coopération militaire étroite avec le régime d’apartheid
d’Afrique du Sud, en particulier sous la présidence De Gaulle. L’arrivé des socialistes au pouvoir en 1981 devait y mettre un terme.
Les faits suivants sont bien établis :
Sous le gouvernement de cohabitation, François Mitterrand étant à l’Élysée, Jacques Chirac à Matignon, la fourniture de systèmes d’armes au régime
d’apartheid d’Afrique du Sud dont des missiles sol-air Mistral a été négociée
en 1987 par le chef de l’armée sud-africaine et le directeur des services secrets
sud-africains et, d’autre part, le directeur de la DGSE, René Imbot, son adjoint
Pierre Lethier étant le principal interlocuteur. Des pays tiers devaient être choisi
pour contourner l’embargo. Le Zaïre a été initialement envisagé pour les Mistral.
Ce fut en réalité le Congo Brazzaville.
Les conditions de la libération en septembre 1987 du Français Albertini
par l’Afrique du Sud ont été mises au point par Jean-Yves Ollivier et Fernand
Wibaux puis validées au nom du gouvernement français par Jean-Marc Simon.
Mais elles ont été aussi discutées entre d’une part le chef de l’armée sud-africaine
et celui des services secrets sud-africains et d’autre part Jacques Foccart, revenu
aux affaires en 1986, et Michel Roussin.
La transaction portant sur 50 missiles Mistral fabriqués par Matra a eu
lieu après la victoire de François Mitterrand sur Jacques Chirac à l’élection
présidentielle de 1988. L’intermédiaire entre Matra et le Congo Brazzaville était
Thierry Miallier.
27
PERSONNES IMPLIQUÉES
48
Après que l’affaire ait été ébruitée, celui-ci a été la seule personne traduite en
justice pour avoir falsifié des documents attribués au gouvernement congolais.
Il a été relaxé en 1993. De ce fait, les documents de commande des missiles par
le gouvernement congolais ont été authentifiés par la justice française. À cette
date, la version officielle était donc toujours un achat de missiles par le Congo
Brazzaville.
Les faits suivants sont très probables :
La livraison de 50 missiles Mistral à l’UNITA par l’intermédiaire du Congo
Brazzaville et de l’Afrique du Sud a été intégrée à l’accord négocié par JeanYves Ollivier et Fernand Wibaux qui a permis des échanges de prisonniers dont
le Français Albertini. Il n’est pas exclu que d’autres fournitures d’armes aient
fait partie de l’accord.
Jacques Chirac ayant été battu à l’élection présidentielle de mai 1988, JeanChristophe Mitterrand, conseiller Afrique à l’Élysée, très influencé par Jean-Yves
Ollivier, s’est chargé de l’exécution des clauses de ce contrat, dont cette livraison
de missiles Mistral. Mais Thierry Miallier a été choisi comme intermédiaire, au
grand dam de Pierre Lethier qui avait initié cette fourniture d’armes alors qu’il
était à la DGSE et qui, une fois passé dans le privé, comptait bien être le
bénéficiaire des commissions générées par ce contrat.
L’assassinat de Dulcie September est probablement dû à sa découverte des
trafics d’armes entre la France et l’Afrique du Sud qu’elle voulait dénoncer peu
avant l’élection présidentielle de 1988, ce qui nuisait directement au candidat
Jacques Chirac. Les services secrets français sont impliqués. Ils ont été couverts
au niveau du gouvernement français. Qu’elle ait eu connaissance précisément
de cette vente de missiles Mistral n’est qu’une hypothèse. Il y avait d’autres
fournistures importantes, des avions Mirage, des hélicoptères Puma, des missiles
Milan...
La question de ce que sont devenus ces missiles justifierait que les protagonistes encore en vie soient interrogés plus avant.
27
Personnes impliquées
Audibert Jean, conseiller pour les affaires africaines de 1986 à décembre
1988 ( 1999). Ses relations avec Jean-Christophe Mitterrand sont mauvaises. Il « servira le père tout en supportant le fils », commentent Smith
et Glaser. « Jusqu’au “clash” presque public, dans les coulisses du sommet
franco-africain de Casablanca, en décembre 1988 ». 215 Il est décédé.
Bernie, surnom d’un agent de la DGSE.
Bertreux, responsable de la zone couvrant le Congo chez Matra. 216
Brugière Maurice, cadre de Matra.
Chanas Jean-Louis, ex-colonel DGSE, fondateur d’Arc International Consultants.
215. Stephen Smith, Antoine Glaser [20, p. 221].
216. Brigitte Henri, Il faut que vous sachiez..., Flammarion, 28 février 2010.
27
PERSONNES IMPLIQUÉES
49
Chanconie Roger, secrétaire du syndicat CGT chez Matra.
Chevènement Jean-Pierre, ministre de la Défense.
Chirac Jacques, Premier ministre. ( 2019).
De Galzain Yves, directeur financier de Matra.
Desprairies François, service des ventes de Matra.
Dufresse Maurice, dit Pierre Siramy, cadre de la DGSE.( 2019).
Ésquivié Jean-Louis, général de gendarmerie, à l’époque en poste à l’Élysée.
Fleury Jean, général, chef d’état-major particulier du président de la République.
Foccart Jacques, conseiller du Premier ministre, Jacques Chirac, pour les
affaires africaines. ( 1996).
Gallois Louis, directeur de cabinet du ministre de la Défense.
Gibault François, avocat de Thierry Miallier.
Gouegel Lucien, colonel des services de renseignement congolais.
Henri Brigitte, commissaire des Renseignements généraux.
Imbot René, directeur général de la DGSE ( 2007).
Lethier Pierre, ancien directeur de cabinet de plusieurs directeurs généraux de la DGSE, dont les généraux Imbot et Mermet. Converti dans les
affaires en 1988.
Lethier Philippe, frère de Pierre, directeur commercial de GIAT.
Lindemann, responsable du secteur contrat chez Matra.
Miallier, Thierry, courtier en armement. Il sera le seul inculpé.
Mermet François, général, directeur général de la DGSE (1987-1989).
Moracchini Marie-Paule, juge d’instruction saisie du dossier Miallier.
Milongo André, Premier ministre du Congo Brazzaville.
Mitterrand Jean-Christophe, conseiller pour les affaires africaines à la
présidence de la République
Mouamba, ministre congolais des Finances.
N’Gouelondelé Emmanuel, directeur général de la sécurité du Congo.
Nvolk Nicolas, employé à l’ambassade d’Afrique du Sud à Paris.
Oba Paul, directeur de la Sûreté congolaise et patron de la garde présidentielle du Congo Brazzaville.
Ollivier Jean-Yves, homme d’affaires.
Ongotto Jacques, commandant, attaché à l’ambassade du Congo à Paris.
Pandraud Robert, directeur de la police nationale (1975-1978), directeur
du cabinet du maire de Paris, Jacques Chirac, ministre délégué à la
Sécurité auprès du ministre de l’Intérieur Charles Pasqua (1986-1988)
( 2010).
28
CHRONOLOGIE
50
Pasqua Charles, ministre de l’Intérieur de 1986 à 1988 et de 1993 à 1995
( 2015).
Pelet, colonel, responsable du secteur promotion chez Matra, il recommande Miallier. 217
Rouget Richard, mercenaire.
Roussin Michel, ancien directeur de cabinet d’Alexandre de Marenches,
directeur général du SDECE, chef de cabinet du Premier ministre Jacques
Chirac (1986-1988), ministre de la Coopération (1993-1994).
Sassou N’Guesso Denis, président de la République populaire du Congo
(Brazzaville).
Simon Jean-Marc, diplomate, membre du cabinet de Bernard Raimond,
ministre des Affaires étrangères. Il participe à l’échange de prisonniers à
Maputu le 8 septembre 1988.
Soton Antonia, gérante de l’hôtel Al Amal à Anjouan, épouse de Richard
Rouget alias Lieutenant Sander de la GP des Comores.
Steynbergh Martin, cadre financier d’Armscor, en poste à Paris (19861990). Gère le contrat Arena (hélicoptères Puma) et fait transporter un
Mistral en Afrique du Sud.
Wibaux Fernand, bras droit de Jacques Foccart, représente Chirac dans
la négociation avec la RSA. ( 17 décembre 2013)
28
Chronologie
20 mars 1986 Suite à la victoire de son parti aux élections législatives,
Jacques Chirac est nommé Premier ministre par le Président de la République, François Mitterrand, qui, malgré la défaite de la gauche, reste
à l’Élysée.
Octobre 1986 - Jean-Christophe Mitterrand est nommé conseiller pour les
Affaires africaines à l’Élysée.
23 octobre 1986 - Arrestation de Pierre-André Albertini.
24 novembre 1986 Visite privée de P.W. Botha en France
20 mars 1987 - Condamnation au Ciskei (Afrique-du-Sud) de Pierre-André
Albertini à quatre ans de détention.
21 juillet 1987 - Entretien de René Imbot et de Pierre Lethier de la DGSE
avec le chef d’état major de l’armée sud-africaine et le chef des services
de renseignement sud-africains à propos de missiles Mistral et d’autres
fournitures d’armes. 218
217. Brigitte Henri, ibidem.
218. Meetings with French Military Intelligence, 21 July 1987.
https://francegenocidetutsi.org/358742877-3-Meetings-With-French-Military-Intelligence.
pdf
28
CHRONOLOGIE
51
22 juillet 1987 - Rencontre de Jacques Foccart avec le chef d’état major
de l’armée sud-africaine. Foccart demande que la libération d’Albertini
soit différée afin qu’elle ne profite pas à François Mitterrand.
22 juillet 1987 - Rencontre de Michel Roussin et Jean-Yves Ollivier avec
le chef d’état major de l’armée sud-africaine à propos de la libération
d’Albertini dont ils demandent qu’elle soit retardée.
8 septembre 1987 - Libération de Pierre-André Albertini sur l’aéroport
de Maputo (Mozambique) en présence de Jean-Marc Simon.
9 octobre 1987 - En visite à Paris, Pick Botha, ministre des Affaires étrangères d’Afrique du Sud est reçu par Jacques Chirac, Premier ministre. 219
2 décembre 1987 - Le général François Mermet succède au général René
Imbot à la tête de la DGSE.
12 mars 1988 - En transit à Roissy, Pik Botha rencontre Fernand Wibaux
et Jean-Yves Ollivier. Michel Roussin aurait été présent. 220
29 mars 1988 - Assassinat de Dulcie September à Paris.
8 mai 1988 - Réélection de François Mitterrand, défaite de Jacques Chirac.
Juin 1988 - Premier contrat entre Matra et Thierry Miallier. 221
8 juillet 1988 - Lettre signée colonel Gouelondele de la Direction générale
de la Sécurité d’Etat de la République populaire du Congo. 222
10 août 1988 - Deux Congolais, le commandant Jacques Ongotto, de l’ambassade à Paris et le colonel Lucien Gouegel des services de renseignement
rencontrent chez Matra François Desprairies du service des ventes. 223
14 octobre 1988 - Lettre signée du directeur financier de la Direction générale de la Sécurité d’Etat de la République populaire du Congo. 224
11 novembre 1988 - Lettre signée du directeur financier de la Direction
générale de la Sécurité d’Etat de la République populaire du Congo. 225
18 novembre 1988 - Contrat de commande de 50 missiles Mistral à Matra
pour une somme de 53.280.000 Francs signé colonel Gouelondele. 226
20 novembre 1988 - L’accord de la CIEEMG est donné pour la livraison
de missiles Mistral fabriqués par Matra au Congo-Brazzaville. 227
219. Jacques Foccart, Philippe Gaillard [7, p. 326].
220. Frédéric Charpier, Officines : Trente ans de barbouzeries chiraquiennes, Seuil, 2013.
L’auteur confond ici Pik Botha avec Pieter Willem Botha, Premier ministre, voir infra. L’information vient du Canard enchaîné, 6 avril 1988.
221. Brigitte Henri, Il faut que vous sachiez..., Flammarion, 28 février 2010.
222. Bruno Steinmann, Le Procureur de la République c/ Thierry Miallier, TGI Paris, 12e
chambre correctionnelle, no 1163, 21 mai 1993.
223. Stephen Smith, Antoine Glaser [20, p. 223].
224. Bruno Steinmann, Le Procureur de la République c/ Thierry Miallier, TGI Paris, 12e
chambre correctionnelle, no 1163, 21 mai 1993.
225. Bruno Steinmann, Le Procureur de la République c/ Thierry Miallier, TGI Paris, 12e
chambre correctionnelle, no 1163, 21 mai 1993.
226. Bruno Steinmann, Le Procureur de la République c/ Thierry Miallier, TGI Paris, 12e
chambre correctionnelle, no 1163, 21 mai 1993.
227. Pascal Krop, Ces missiles qui embarrassent l’Élysée, L’Événement du jeudi 9 mars 1989.
https://francegenocidetutsi.org/MistralCongoKropEdJ9mars1989.pdf
28
CHRONOLOGIE
52
18 novembre 1988 - Le contrat de vente est signé. 228
28 novembre 1988 - Le contrat no RC 13/JFB/PF/4676 est signé entre
le Congo et la société Matra aux termes duquel la société CEDON a
versé la somme de 15 984 000 francs, représentant 30% de la valeur du
contrat. 229
17 décembre 1988 - L’autorisation d’exportation (AEMG) est donnée pour
la livraison de missiles Mistral fabriqués par Matra au Congo-Brazzaville.
19 janvier 1989 - François de Grossouvre alerte Pierre Lethier. 230
8 février 1989 - Voyage de Jean-Christophe Mitterrand au Congo. 231
Février-mars 1989 - L’amiral Lacoste, président de la Fondation des études
de Défense nationale et ex-directeur général de la DGSE se voit interdit
de visite en Afrique du Sud. 232
Mars 1989 - Claude Silberzahn devient directeur général de la DGSE en
remplacement de François Mermet.
7 mars 1989 - Mort de Patrice Pelat, ami personnel de François Mitterrand, alors qu’il avait été inculpé le 16 février 1989 de recel de délit
d’initié dans l’affaire du rachat de la société Péchiney.
9 mars 1989 - Pascal Krop publie « Ces missiles qui embarrassent l’Élysée » dans L’Événement du jeudi. L’Élysée répond le même jour par un
communiqué.
9 mars 1989 - Thierry Miallier est placé sous mandat de dépôt provisoire
par Marie-Paule Moracchini, juge d’instruction, pour faux, usage de faux
et tentative d’escroquerie dans l’affaire de la vente de missiles Mistral au
Congo. Le ministère français de la Défense et Matra ont porté plainte. 233
15 mars 1989 - Denis Sassou-Nguesso dépêche une délégation à Vélizy, au
siège de Matra, pour démêler l’imbroglio. 234
11 février 1990 - Libération de Nelson Mandela.
21 janvier 1991 - Pierre Oba rencontre Jean-Christophe Mitterrand.
31 mars 1992 - La juge Moracchini renvoie Miallier devant le tribunal de
Grande instance de Paris.
31 août 1992 - Sassou-Nguesso cède la présidence du Congo à Pascal Lissouba.
228. Bruno Steinmann, Le Procureur de la République c/ Thierry Miallier, TGI Paris, 12e
chambre correctionnelle, no 1163, 21 mai 1993.
229. Brigitte Henri, op. cit..
230. Stephen Smith, Antoine Glaser [20, p. 224].
231. Brigitte Henri, op. cit.
232. Dominique Darbon, Les relations franco-sud-africaines depuis 1977 in Daniel C. Bach
(dir.) [2, p. 255].
233. Une arrestation en France après l’annulation d’un contrat de ventes d’armes
avec le Congo, Le Monde, 11 mars 1989. https://francegenocidetutsi.org/
ArrestationVenteArmesCongoLeMonde11mars1989.pdf
234. Paul Barril [3, p. 106].
RÉFÉRENCES
53
29 mars 1993 - Suite à la défaite de la gauche aux élections législatives,
François Mitterrand nomme Edouard Balladur Premier ministre.
21 mai 1993 - Thierry Miallier est relaxé par le TGI de Paris. 235
Références
[1] Pierre-André Albertini : Un Français en apartheid. Gallimard, 1988.
[2] Daniel C. Bach (dir.) : La France et l’Afrique du Sud - Histoire, mythes
et enjeux contemporains. CREDU - Karthala, 1990.
[3] Capitaine Paul Barril : Guerres secrètes à l’Élysée (1981-1995). Albin
Michel, septembre 1996.
[4] Capitaine Paul Barril : Paroles d’honneur - La vérité sur les génocides au
Rwanda. Éditions Télémaque - L’Essor de la gendarmerie nationale, 2014.
[5] Jean-Pierre Bat : Le syndrome Foccart. La politique française en Afrique,
de 1959 à nos jours. Gallimard Folio Histoire, 2012.
[6] Roger Faligot, Jean Guisnel et Rémi Kauffer : Histoire politique des
services secrets français de la seconde guerre mondiale à nos jours. La
Découverte, mai 2012.
[7] Philippe Gaillard : Foccart parle - Entretiens avec Philippe Gaillard.
Fayard - Jeune Afrique, avril 1997.
[8] Colonel Thierry Jouan : Une vie dans l’ombre. Éditions du Rocher, 2012.
[9] Pascal Krop : Le génocide franco-africain - Faut-il juger les Mitterrand ?
J.-C. Lattès, octobre 1994.
[10] Pascal Krop : Silence, on tue. Crimes et mensonges à l’Élysée. Flammarion, septembre 2001.
[11] Laurent Léger : Trafics d’armes - Enquête sur les marchands de mort.
Flammarion, 2006.
[12] Pierre Léthier : Argent secret - L’espion de l’affaire Elf parle. Albin
Michel, 2001.
[13] Jean-Christophe Mitterrand : Mémoire meurtrie. Plon, 2001.
[14] Jean-Christophe Notin : Le maître du secret. Tallandier, 2018.
[15] Christine Ockrent et Alexandre de Marenches : Dans le secret des
princes. Stock - Le livre de Poche, 1986.
[16] Jean-Yves Ollivier : Ni vu ni connu. Ma vie de négociant en politique de
Chirac et Foccart et Mandela. Fayard, 2013.
[17] Maurice Robert : « Ministre » de l’Afrique. Éditions du Seuil, octobre
2004. Entretiens avec André Renault.
235. Bruno Steinmann, Le Procureur de la République c/ Thierry Miallier, TGI Paris, 12e
chambre correctionnelle, no 1163, 21 mai 1993.
RÉFÉRENCES
54
[18] Jean-Marc Simon : Secrets d’Afrique. Le témoignage d’un ambassadeur.
Cherche Midi, 2016.
[19] Pierre Siramy : 25 ans dans les services secrets. Témoignage. Flammarion,
2010. Avec Laurent Léger.
[20] Stephen Smith et Antoine Glaser : Ces Messieurs Afrique. Le ParisVillage du continent noir. Calmann-Lévy, 1992.
[21] Allan Soule, Gary Dixon et René Richards : The Wynand du Toit story.
H. Strydom Publishers, 1987.
[22] François-Xavier Verschave : La Françafrique, Le plus long scandale de la
République. Stock, 1998.
[23] François-Xavier Verschave : Noir Silence. Qui arrêtera la Françafrique ?
Les Arènes, 2000.
[24] Hennie Van Vuuren : Apartheid, guns and money, a tale of profit. Jacana
Media Ltd, 2017.