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Cette interview s'inscrit dans une série d'entretiens réalisés par le Portail de l'Intelligence Économique en préparation du 15e Gala de l'intelligence économique, organisé à l'occasion des 25 ans de l'EGE et des 10 ans du Portail de l'IE, sur le thème "Servir la France".
Portail de l’IE : La devise de la DRSD est « Renseigner pour protéger ». En quoi matérialise-t-elle l’activité quotidienne de votre service ?
Général Bucquet : Cette devise, simple et explicite, illustre la mission et les métiers de la DRSD plus qu’elle ne matérialise son activité quotidienne. Elle positionne parfaitement ma direction : un service de renseignement dont le but est de prévenir, détecter, caractériser et si nécessaire entraver toute ingérence sur le périmètre de la défense. Une ingérence est un acte hostile portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation autrement que par la confrontation militaire directe. Le périmètre de la défense recouvre les forces, en métropole comme en opérations, ainsi que les entreprises de la base industrielle et technologique de la défense, la BITD. Notre production de renseignement, cœur de notre métier, est conduite en catégorisant les vulnérabilités et menaces selon une grille spécifique matérialisée par l’acronyme TESSCo : terrorisme, espionnage, sabotage, subversion, crime organisé. Elle a donc pour but, en suivant cette grille, de protéger les forces et les entreprises de défense.
En trois mots, la mission de la DRSD, c’est donc la contre-ingérence défense. Notre devise « Renseigner pour protéger » permet en trois autres mots de définir cette mission. Pour tous les agents, elle donne en permanence le cap.
Portail de l’IE : Service du 1er cercle en constante augmentation d’effectifs et de moyens, pensez-vous qu’il y a une prise de conscience de la part des autorités de l’importance des activités de la DRSD ? Est-ce que la construction d’un nouveau siège à Malakoff matérialise cela ?
Général Bucquet : Ignorer la nécessité impérative de la contre-ingérence dans le monde actuel serait de l’inconscience ! Les autorités ont pleinement conscience du caractère stratégique de la protection de la défense et de son industrie, comme en atteste l’important effort budgétaire consenti au cours de cette LPM pour permettre à la DRSD de conduire sa transformation qui, comme vous le soulignez, se matérialise aussi par la construction d’un bâtiment qui offrira toutes les facilités pour être encore plus efficace.
Quant à l’augmentation de ses effectifs, elle a débuté en 2013, après une décennie de forte baisse. La prise en compte du rôle de la DRSD est donc une réalité patente depuis presque 10 ans déjà. Les dernières années sont venues prolonger et conforter ce message avec une loi de programmation militaire qui a accordé à la DRSD non seulement des effectifs mais aussi des ressources à un niveau permettant de passer à une autre dimension. Le soutien dont a bénéficié la DRSD de la part de la ministre des Armées et de son cabinet a été constant et déterminant.
Portail de l’IE : Avant votre arrivée, vous occupiez le poste de directeur des opérations au sein de la DGSE, est-ce que votre ancienne expérience dans un service plus « offensif » a été bénéfique pour le service purement « défensif » qu’est la DRSD ?
Général Bucquet : Sans renier le volet protection physique et cyber qui est un domaine d’excellence du Service, il ne faut pas oublier que savoir comment on attaque constitue la meilleure approche pour construire une bonne défense. L’expérience acquise précédemment m’est donc très utile quotidiennement pour protéger nos forces et nos entreprises et entraver toutes les ingérences.
Portail de l’IE : Quel bilan pouvez-vous faire de la trajectoire prise par le service depuis votre prise de fonction le 1er septembre 2018 ?
Général Bucquet : C’est une trajectoire de croissance soutenue et maintenue dans la durée. La transformation actuelle est très profonde. On pourrait même parler de révolution, car au-delà de l’évolution des profils avec le recrutement d’hyper-spécialistes, de l’établissement de nouvelles procédures, de la rénovation des formations, de la définition de parcours de carrière, de la modernisation des outils, de la réalisation du premier outil souverain de contre-ingérence permettant la gestion en masse de données hétérogènes, de la construction de nouvelles infrastructures, c’est à un véritable changement de culture auquel on assiste. L’intelligence artificielle et le machine learning vont modifier l’exercice du métier des agents de la DRSD et nous nous y préparons.
Je suis extrêmement fier du chemin parcouru par le Service grâce à ses agents qui ont su susciter et mettre en œuvre ce processus de transformation complexe dans de nombreux domaines comme le renseignement, l’organisation ou l’innovation technologique.
Portail de l’IE : Quelle place tient la contre-ingérence économique dans l’activité de votre service ? Comment accompagnez-vous les entreprises de la BITD ?
Général Bucquet : La CIE est l’un des deux domaines de lutte du renseignement de contre-ingérence. Son activité croissante est le signe d’une prise en compte par tous les acteurs de l’impérieuse nécessité de préserver l’autonomie de notre industrie de défense.
La BITD, ce sont environ 4 000 entreprises de toutes tailles. Certaines sont détentrices de secrets de la défense nationale, beaucoup ont une expertise pointue au niveau mondial, d’autres sont impliquées dans notre souveraineté nucléaire… Nous avons des entreprises anciennes, solidement établies et des très jeunes, qui n’ont pas toujours la possibilité d’allouer le même montant de ressources humaines ou financières à la sécurisation de leur savoir-faire. Le champ économique mondial est un espace de conflictualité particulier qui ne connaît pas de répit. La DRSD a donc un rôle à tenir et elle le tient. Nous nous assurons que le secret de la défense nationale est respecté, en étant service enquêteur pour les habilitations pour les entreprises de la BITD, l’autorité décisionnaire restant la DGA. Nous fournissons des avis techniques indispensables en préalable à la détention d’informations et de supports classifiés, pour l’aptitude physique comme pour l’aptitude informatique. Nous accompagnons les entreprises en utilisant tout le spectre des capacités qui sont à notre main.
Tout d’abord nous sensibilisons les acteurs. Cela est un point important : le facteur humain est souvent un maillon qui peut être renforcé pour éviter les ingérences. Cette sensibilisation est indispensable, en particulier – mais pas seulement – pour prévenir le risque cyber. Nous aidons les entreprises en les sensibilisant aux risques liés aux déplacements internationaux, aux risques spécifiques inhérents à leur participation aux salons d’armement, en France comme à l’étranger. Nous les conseillons pour préserver leur savoir-faire. Nous sommes attentifs aux entreprises en croissance qui font des efforts à l’international. De même, nous sommes vigilants vis-à-vis des entreprises en recherche de capitaux et qui peuvent intéresser des investisseurs étrangers. Nous travaillons en lien avec tous les organismes d’État qui participent à la politique de sécurité économique, notamment la DGA et le SISSE, le service de l’information stratégique et de la sécurité économiques rattaché au MEFR (Ministère de l’Economie, des Finances et de la Relance), et aussi le CNRLT (Coordinateur National du Renseignement et de la Lutte contre le Terrorisme), qui coordonne les services de renseignement.
Portail de l’IE : Existe-t-il une différence d’accompagnement entre grands groupes et PME/TPE ? Ces dernières ont-elles conscience des menaces qui pèsent sur elles ?
Général Bucquet : La BITD se caractérise par une grande hétérogénéité des acteurs appelant une grande plasticité de la DRSD qui adapte systématiquement son accompagnement.
Les grands groupes disposant de plus de ressources humaines peuvent en consacrer à la sécurité physique, informatique, juridique – je pense aux lois d’extraterritorialité qui sont complexes – ou même à la veille économique. Elles ne sont pas dans la situation des PME et TPE. Ces dernières ont besoin de bien appréhender le secteur de la défense. Un contrat avec détention ou accès à du secret implique une organisation spécifique, définie dans des textes officiels et que nous aidons à prendre en compte. La sensibilisation, là encore, est fondamentale : les personnes qui ont accès au secret de la défense nationale ont une responsabilité importante et doivent en être bien conscientes et être guidées pour avoir les bons comportements. Par ailleurs, la protection du patrimoine scientifique et technique et des savoir-faire est cruciale. Les chefs d’entreprises de PME et TPE ne sont pas naïfs et connaissent l’âpreté de la concurrence internationale mais ne sont pas toujours au fait des moyens de réduire les risques. Ils sont à l’écoute de nos agents.
Nous accompagnons aussi des start-ups innovantes, en particulier dans les domaines des nouvelles technologies et des technologies de rupture. Nous devons penser et préparer en amont la sécurité économique de demain.
Portail de l’IE : Existe-t-il selon vous un bon écosystème de financement des TPE/PME au sein de la BITD par des acteurs français ? Le cas de Photonis, dont la vente en décembre 2020 auprès de l’américain Teledyne a fait l’objet d’un veto de la part du ministère des Armées, peut-il ainsi faire jurisprudence ?
Général Bucquet : La question du financement de la BITD est centrale et prise en compte par l’échelon politique qui multiplie les dispositifs. La DRSD est au cœur du système de veille permettant de l’alerter sur les difficultés que pourraient rencontrer nos pépites.
La recapitalisation des entreprises, notamment pour soutenir leur croissance, est un enjeu important qui porte en filigrane la question de l’existence de fonds souverains.
Le rôle de la DRSD est de préciser les risques et de mettre en évidence les menaces. Dans le cas de Photonis, la DRSD a informé son autorité de tutelle, la ministre des Armées, à partir des renseignements obtenus. La décision politique montre que le sujet a été l’objet d’une étude approfondie par les services de l’État impliqués. Je ne peux me prononcer toutefois sur une éventuelle jurisprudence dans ce domaine mais il y a désormais, a minima, un précédent très clair.
La recapitalisation des entreprises, notamment pour soutenir leur croissance, est un enjeu important qui porte en filigrane la question de l’existence de fonds souverains. À titre d’exemple, nous avons vu, lors d’un salon d’armement, une entreprise faire l’objet d’un intérêt marqué par des ressortissants d’un pays étranger. Ces personnes visiblement spécialistes du domaine furent intrusives. Quelques mois plus tard nous avons assisté à une entrée au capital d’investisseurs de ce même pays, puis à l’arrivée d’un employé imposé par ces investisseurs et dont le comportement a plus que surpris… Cela a conduit à plusieurs mesures d’entraves pour protéger le savoir-faire de l’entreprise.
Le financement étranger peut donc être un accélérateur d’ingérence. Toutefois les moyens de soutenir l’activité des TPE/PME par des financements ne sont pas dans la main de la DRSD. Le SISSE et la DGA seront plus à même de répondre à cette question fondamentale.
Portail de l’IE : La défense et la promotion de l’économie française figurent en troisième place de la stratégie nationale du renseignement, derrière la menace terroriste et l’anticipation des crises et des risques de ruptures majeures, pensez-vous que ce domaine est pris avec la bonne considération par les autorités et nos services de renseignement ?
Général Bucquet : La protection de nos intérêts économiques est depuis longtemps une préoccupation de l’État, et le simple fait qu’elle figure dans la stratégie nationale du renseignement en est l’affirmation. La DRSD, aux côtés des autres services de renseignement, participe activement à prévenir la fuite de nos savoir-faire en renseignant et en entravant les acteurs ingérents.
Il ne faut ni se focaliser sur la hiérarchisation des sujets prioritaires, ni opposer la lutte contre le terrorisme et la priorité de protection de nos concitoyens, indispensables, avec la nécessité de protéger nos entreprises. La DRSD est en ordre de bataille pour faire face à un certain nombre de menaces, sur des thématiques différentes.
La considération que portent nos autorités à la défense et à la promotion de l’économie est claire. Un signe concret est le fait que la DRSD poursuit sa croissance et sa modernisation. Un autre est le décret 2019-206 du 20 mars 2019 modifié relatif à la gouvernance de la politique de sécurité économique. Ce texte montre bien la prise en compte du sujet au niveau national, avec la mise en place d’une organisation ayant une forte dimension interministérielle et inter-services, sous l’égide du SISSE et du CNRLT. Cette organisation est efficace et permet de préserver les entreprises d’ingérences, notamment capitalistiques.
Portail de l’IE : La DRSD opère chaque année au recrutement d’ACIE (Agents de contre-ingérence économique), pouvez-vous nous décrire leurs actions et leurs utilités ? Sont-ils formés à la détection de tous types de menaces (espionnage industriel, cyber, etc.) ?
Général Bucquet : Les ingérences dans le domaine économique exploitent tous les ressorts d’un écosystème d’une grande complexité. Pour y faire face, la DRSD recourt au recrutement d’ACIE qui lui permet de disposer d’une ressource possédant les compétences spécifiques pour renseigner dans cet écosystème. Les ACIE complètent notre réseau territorial d’inspecteurs de sécurité de la défense.
L’arrivée des ACIE est un marqueur de notre diversification de recrutement. Ils reçoivent une formation complémentaire à leur arrivée pour intégrer les clés de compréhension de leur nouvel environnement et apprendre à utiliser les outils des agents de renseignement qu’ils deviennent. Au minimum bac +5, ils sont entièrement dédiés au traitement des sujets liés à l’entreprise. Agents de terrain, ils sont à même de prendre en compte tous les sujets et toutes les menaces. D’autres spécialistes ont en charge le cyber. Une des forces liée à la transformation RH de la DRSD est cette complémentarité des profils qui nous permet de croiser les approches, de voir les affaires sous plusieurs angles et donc de mieux apprécier leur relief.
Portail de l’IE : Quel regard portez-vous sur le débat actuel de la place de l’industrie de défense dans la taxonomie européenne ?
Général Bucquet : Des prises de position de certains leaders européens suite à la crise actuelle entre la Russie et l’Ukraine me font penser que la messe n’est pas encore dite. La naïveté devrait céder enfin la place au pragmatisme.
Portail de l’IE : Les États-Unis, partenaire de poids de la France dans le renseignement militaire, sont-ils un adversaire dans la guerre économique ?
Général Bucquet : On ne peut s’empêcher de penser à AUKUS et à la formule du général de Gaulle : « Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts » ! La France a elle aussi des intérêts qui nécessitent de se protéger dans un contexte de guerre économique que je souligne depuis plusieurs années.
Portail de l’IE : Y a-t-il des alliés, ou au mieux des partenaires étrangers, en termes de renseignement économique ?
Général Bucquet : Ne faisons preuve d’aucune naïveté, chaque puissance défend ses propres intérêts.
Portail de l’IE : Si l’extraterritorialité des lois américaines est connue (FCPA, ITAR…), la Chine commence à mettre en place des mesures similaires. Est-ce que cela représente une menace de plus pour les industries de défense françaises ?
Général Bucquet : La menace que représentent les mesures d’application extraterritoriale est prise en compte depuis longtemps par les grands systémiers qui ont les moyens de se prémunir d’un trop grand impact de ces lois. La DRSD est en revanche plus vigilante dans l’accompagnement des TPE/PME, moins au fait de ces pratiques juridiques particulières.
Le fait que la Chine a déjà mis en place depuis fin 2020 sa propre réglementation extraterritoriale rend toujours plus complexe l’environnement du commerce international. L’extraterritorialité touche particulièrement le secteur de la défense où elle apporte son lot de certitudes dans un univers d’incertitudes. Des certitudes quant à l’ampleur des risques, financiers et commerciaux, et des incertitudes quant aux matériels et techniques qu’elle recouvre, laissant planer une menace comme une épée de Damoclès.
Portail de l’IE : Les attaques cyber s’accentuant depuis la crise du Covid, quelle est leur place dans le nombre d’ingérences traitées par la DRSD ? Prennent-elles aujourd’hui la place de l’espionnage dit « traditionnel » ? Les deux sont-ils complémentaires ?
Général Bucquet : La crise Covid a vu les attaques cyber augmenter de manière exponentielle, en conséquence de l’augmentation du travail à distance. Nous avons vu sur notre périmètre une multiplication par trois des cyberattaques en 2020 par rapport à 2019. Toutefois ces attaques sont plus le fait de cybercriminels que de cyberespions. Les attaques cyber ne prennent pas la place de l’espionnage traditionnel. Les méthodes d’espionnage ne se périment pas mais se combinent les unes avec les autres. Le cyber vient donc se surajouter aux autres. Une ingérence peut commencer par une approche cyber, avec un ciblage grâce aux réseaux sociaux afin de bien connaître la cible, puis se poursuivre par une approche humaine, qui permet de préciser des informations et de mettre en confiance, avant de reprendre dans le cyber avec l’envoi d’un courriel piégé.
Portail de l’IE : Vous avez pointé du doigt récemment le rôle des ONG, et des politiques RSE comme de possibles moyens de déstabilisation. Comment cela se matérialise-t-il ? Comment la DRSD peut-elle neutraliser cette menace ?
Général Bucquet : Dans un article que vous avez publié en mai 2021, intitulé « Les ONG au cœur des préoccupations des services de renseignement français », sont déjà évoqués plusieurs cas concrets illustrant tous les questionnements que l’on peut se poser sur les tenants et aboutissants des actions menées par certaines ONG, notamment anglo-saxonnes, ciblant la France de manière assez exclusive.
De la même manière, on peut s’interroger sur l’impartialité et les objectifs réels de certains médias se présentant également comme des ONG et qui entretiennent régulièrement des polémiques sur les exportations d’armement – encore une fois exclusivement françaises – et n’hésitent pas à divulguer des informations couvertes légalement par le secret de la défense nationale.
Dans un autre registre, en matière de responsabilité sociale (ou sociétale) des entreprises (RSE), certains projets menés au niveau de l’Union européenne liés à la « taxonomie » ont suscité de réelles craintes au sein des industries d’armement de se voir exclues de sources de financement nécessaires au maintien et au développement de leurs activités, y compris en termes d’innovation technologique dont les retombées sont souvent duales. Force est de constater, toutefois, que la crise russo-ukrainienne a permis une prise de conscience, réelle et unanime, de l’Union européenne sur les risques réels de résurgence de conflits de haute intensité, à ses frontières mêmes, et sur la nécessité de se donner tous les moyens nécessaires à la préservation de notre liberté, de notre sécurité, de notre souveraineté et des valeurs démocratiques des pays qui la constituent.
Souvenons-nous enfin de la phrase prononcée par le Président François Mitterrand le 20 janvier 1983 lors d’un discours au Bundestag : « Le pacifisme est à l’ouest et les euromissiles sont à l’est »…
Portail de l’IE : Une bonne partie de la BITD produit des technologies dites « duales », ces entreprises entrent-elles dans votre champ d’action ? La collaboration avec la DGSI est-elle efficace ?
Général Bucquet : Le dialogue entre la DRSD, la DGA et la DGSI pour déterminer les périmètres de chacun permet de couvrir l’ensemble du spectre. Cette approche partenariale s’avère très efficace et satisfait les services de l’État comme les entreprises concernées.
Les entreprises duales entrent dans le champ d’action de la DRSD pour la partie qui intéresse la défense et dans celui de la DGSI pour la partie hors défense. Nous avons une excellente collaboration avec la DGSI, sous la coordination du CNRLT.
Portail de l’IE : En termes d’autonomie stratégique, le stockage numérique des données via le cloud est un enjeu majeur d’autonomie stratégique, notamment par le biais du Cloud Act, qui menace la réglementation RGPD, ou encore la présence d’acteurs chinois. Est-ce pour vous un aspect à prioriser pour la défense des intérêts français et européens ?
Général Bucquet : Indéniablement la sécurité des données numériques est un enjeu stratégique. Cela concerne les données personnelles mais aussi les données d’entreprises. La prise en compte des risques associés à la généralisation de l’emploi du stockage « dans les nuages », qui est en fait un stockage quelque part dans un pays où il est soumis à ses lois voire à des lois extraterritoriales, ne doit en effet pas être négligée. Le RGPD montre que l’Europe a des capacités d’action.
Portail de l’IE : Quelle place accordez-vous à la prospective dans votre service ? Existe-t-il une mise en commun des analyses en termes de prospective au sein des services du 1er et 2e cercle ?
Général Bucquet : La prospective occupe une place centrale dans 3 domaines que sont la veille géopolitique pour anticiper les situations de crise, la recherche technologique pour ne pas se laisser devancer par les moyens de nos adversaires, et enfin l’évolution du paysage économique du secteur de défense.
La DRSD n’est cependant pas un organisme de recherche académique : il y en a de nombreux – et français – qui produisent un travail de qualité. La mise en commun, lorsque cela est nécessaire, est pilotée par le CNRLT.
Portail de l’IE : Où voyez-vous votre service dans 10 ans ?
Général Bucquet : Dans 10 ans, la DRSD fêtera son 160ᵉ anniversaire. Sa transformation actuelle sera achevée et elle saura s’adapter aux évolutions de la menace, qui elle n’aura malheureusement pas diminué. C’est ma conviction et je suis sûr qu’elle se confirmera.
Propos recueillis par Thibault Menut, Luc de Petiville et Guilhem Garnier