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Sans publicité, Emmanuel Macron a reçu mercredi 13 septembre, les intervenants du colloque international consacré au génocide perpétré contre les Tutsis organisé par Vincent Duclert, le président de la commission d'historiens qui a conclu aux « responsabilités lourdes et accablantes de la France » dans le dernier génocide du XXe siècle.
La réception surprise a eu lieu à l'hôtel de Marigny où Emmanuel Macron a improvisé un discours pour rendre hommage aux travaux de cette délégation conduite par le même Vincent Duclert. Et pour leur dire combien leurs recherches étaient « très importantes pour ce en quoi je crois, en une politique de reconnaissance » de ce que la France a réellement fait dans son passé.
La France au Rwanda, un travail d'élucidation nécessaire
Un travail d'élucidation qui permet « un chemin possible avec le continent africain », a-t-il précisé. Le rapport Duclert, la réconciliation entre Paris et Kigali qui l'a suivi, et ce colloque franco-rwandais sur le génocide des Tutsis -- il s'est d'abord tenu à Kigali en 2022, puis à Paris cette semaine -- sont « la démonstration qu'il n'y a aucune fatalité dans l'histoire alors même que tout le monde nous disait il y a cinq ans, c'est impossible, n'ouvrez pas ce dossier, vous n'aurez que des ennuis ».
Et d'insister sur ce point, révélant les avertissements qu'il a reçus de la part de son entourage, le mettant en garde contre « une partie du système politique, du système diplomatique et militaire français. Il n'y a que des coups à prendre et de toute façon les Rwandais n'accepteront jamais de rentrer dans ce processus ».
Autant d'allusions aux lobbys français qui défendent avec virulence le soutien apporté par l'exécutif de gauche comme de droite au président Habyarimana entre 1990 et 1994. Face à ces avertissements, « vous avez démontré le contraire », s'est-il réjoui, « parce que nous avons collectivement mené une démarche qui était loyale, qui reposait sur l'histoire, et la vérité scientifique », parce que « nous avons été sincères », parce que le « président Kagame et un peu moi-même je l'espère, nous avons pris nos risques sur la base de ce travail. »
Une délégation d'universitaires et de diplomates connus pour avoir été des lanceurs d'alertes
Au premier rang du parterre auquel s'est adressé Emmanuel Macron, se tenait le grand historien Jean-Pierre Chrétien, le premier à avoir établi que les Tutsis et les Hutus n'étaient pas deux ethnies comme on l'entendait en 1994, mais deux catégories sociales « racialisées » par le colonisateur.
Autour de lui, de nombreux universitaires, et diplomates dont l'ambassadeur de France à Kigali, Antoine Anfré, connu pour avoir alerté dès le début des années 1990 -- en pure perte -- sa hiérarchie sur le caractère criminel du président Habyarimana. Le ministre de la justice du Rwanda était également là, soulignant l'intérêt de Kigali pour ce travail d'élucidation entrepris par l'Élysée et « pour rappeler, sans le dire ouvertement » que de nombreux Rwandais accusés d'être des génocidaires séjournent toujours en France dans la plus grande impunité, explique après coup un participant.
Un geste historique
Rompant avec la position officielle de ses prédécesseurs, de François Mitterrand à François Hollande (à l'exception en demi-teinte de Nicolas Sarkozy), et des grands ministres des affaires étrangères de Roland Dumas à Laurent Fabius (à l'exception de Bernard Kouchner), Emmanuel Macron a été le premier président de la République à reconnaître, sur la base du rapport de la commission Duclert, « l'ampleur des responsabilités » de la France dans la tragédie rwandaise.