Fiche du document numéro 32649

Num
32649
Date
Vendredi 7 juillet 2023
Amj
Taille
94209
Titre
Rwanda : poursuivie par Hubert Védrine, l’humanitaire Annie Faure est relaxée
Sous titre
Analyse. L’ancien ministre a été débouté jeudi 6 juillet de la plainte pour diffamation qu’il avait déposé contre l’ancienne humanitaire Annie Faure, au sujet de son rôle dans le génocide des Tutsis du Rwanda en 1994. Constatant qu'elle était de bonne foi, le tribunal l’a relaxée.
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Source
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Hubert Védrine, ici le 9 septembre 2021, a été débouté de la plainte pour diffamation qu’il avait déposé contre l’ancienne humanitaire Annie Faure. MICHEL HOUET/BELPRESS/MAXPPP

L’ancien ministre des affaires étrangères, Hubert Védrine, a perdu le procès pour diffamation qu’il avait intenté à Annie Faure, ancienne médecin de l’ONG Médecins du monde présente au Rwanda pendant le génocide. Interrogée sur France Inter, le 8 avril 2019, celle-ci avait évoqué « le lourd fardeau du mitterrandisme sur cette complicité du génocide des Tutsis » et affirmé qu’Hubert Védrine, secrétaire général de l’Élysée en 1994, avait « accepté ou fermé les yeux sur la livraison d’armes et la protection des génocidaires rwandais ».

« C’est l’honneur de la France que je défends »



Au cours du procès, le plaignant a expliqué que, se sentant comptable de l’héritage de François Mitterrand, il avait porté plainte pour ne pas laisser passer ces « contre-vérités de malade », ajoutant « c’est l’honneur de la France que je défends ».

« Sur l’affaire du Rwanda, je n’ai eu aucun rôle », a-t-il précisé, ajoutant « le Rwanda n’est pas un sujet pour moi, sauf en 1994 ». « À la fin des fins, c’est le président » qui décidait. Or, selon lui, François Mitterrand a voulu éviter qu’il y ait des massacres des deux côtés. Son objectif était de parvenir à un accord politique entre les belligérants, ce qu’il a obtenu avec les accords d’Arusha (en 1993). Si les génocidaires n’ont pas été arrêtés par l’armée française, c’est qu’elle n’en avait pas reçu la consigne du Conseil de sécurité, poursuit-il. La seule erreur qu’Hubert Védrine ait concédée dans ce dossier « c’est sur la communication de notre action sur les accords d’Arusha », laissant entendre qu’elle n’avait pas permis de les faire connaître de manière satisfaisante. « Et peut-être un peu de naïveté », a-t-il ajouté.

L’éclairage des témoins



Un tableau général confirmé par le témoignage de l’amiral Lanxade, l’ancien chef d’état-major particulier de François Mitterrand, puis chef d’état-major des armées. Interrogé sur une présumée livraison d’armes aux génocidaires, l’amiral a répondu que c’était « infondé ». « En tout cas, pas par l’armée française ni par les services français, a-t-il poursuivi. C’est tout à fait impossible. Ça n’a jamais été prouvé, et c’est faux. Je connais les forces spéciales, je les ai créées, je connais tous leurs officiers, ça me paraît impensable. »

Une présentation démentie par les témoins de la défense, comme l’ancien journaliste du Figaro Patrick de Saint-Exupéry, l’ancien directeur délégué de l’Évènement du Jeudi Jean-François Dupaquier, l’ancien officier Guillaume Ancel et la juriste Rafaëlle Maison. « Compte tenu du long continuum de la politique française au Rwanda », a conclu la juriste après son exposé étayé juridiquement, le rôle de la France dans ce pays « constitue une complicité de crime de génocide ».

Réaction d’Hubert Védrine



Si le tribunal a jugé qu’Annie Faure n’avait pas apporté, au cours des débats, la preuve absolue qu’Hubert Védrine avait été impliqué dans de possibles livraisons d’armes aux génocidaires et qu’il avait empêché l’arrestation des génocidaires, et qu’en ce sens, donc, ces propos étaient bien diffamatoires, le Tribunal l’a relaxée en raison de sa « bonne foi » et parce que ses propos relevaient de sa liberté d’expression sur un sujet d’intérêt général. Autrement dit, en constatant qu’elle était de bonne foi, le tribunal a suspendu l’infraction, comme le prévoit la loi française.

Interrogé par La Croix sur la relaxe d’Annie Faure, Hubert Védrine a répondu par écrit : « Je suis heureux que la 17e chambre ait jugé diffamatoires les propos de Mme Faure et ait relevé qu’elle n’avait pas pu apporter la preuve de ses accusations. Pour le reste, le fait qu’on puisse accuser sans preuve et de façon mensongère un ancien secrétaire général d’avoir organisé ou couvert un trafic d’armes au profit de génocidaires (!) et être relaxée pour cause de bonne foi ou mauvaise information (elle peut avoir cru ce qu’elle a lu dans les journaux) laisse évidemment songeur. »

Et d’ajouter : « Mais je respecte la justice et je note que c’est censé rester dans les limites actuelles de la controverse admise… De toute façon, je ne mène aucun combat personnel contre Mme Annie Faure dont l’émotion à l’audience était évidente mais seulement contre les mensonges et pour la vérité historique, aidé en cela par des dizaines d’articles ou livres dans le monde entier. Je vous rappelle que j’ai gagné en diffamation contre l’ancien capitaine Ancel et qu’une autre procédure est en cours contre Patrick de Saint-Exupéry. »

La réponse de l’avocat de la défense



De son côté, Antoine Comte, l’avocat d’Annie Faure, se félicite de ce jugement. « Suivant légitimement les débats sur le génocide des Tutsis au Rwanda, dont elle a été témoin direct, et en particulier sur la portée des choix de la France à cette époque, dont elle demande des comptes non seulement en qualité de citoyenne française mais aussi en tant que militante du Parti socialiste, la cour a reconnu à ma cliente une large liberté d’expression quand elle évoque la responsabilité d’un homme public tel qu’Hubert Védrine. »

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024