Il apparaît à l’écran depuis Kigali, dans la tenue rose des détenus. Condamné à 24 ans de prison pour sa participation au génocide, Israël Dusingizimana est un témoin-clé pour l’accusation. Après plusieurs interruptions liées à des problèmes de connexion, cet ancien élu local en arrive au cœur de son témoignage : il a bien connu l’adjudant-chef de gendarmerie surnommé « Biguma » et raconte.
Ce 23 avril, il était à la gendarmerie de Nyanza quand le capitaine a demandé à « Biguma » de prendre des armes dont un mortier pour s’attaquer aux Tutsis réfugiés sur la colline de Nyabubare. Il était là, quand en chemin, « Biguma » a donné l’ordre d’exécuter six personnes, dont un bourgmestre qui résistait au génocide. Il l’a ensuite entendu haranguer la population et l’enjoindre de «
tuer tous ces Tutsis ».
«
Biguma est resté à côté du mortier qui lançait des projectiles sur la colline. Les gens tentaient de fuir, mais la population s’est ruée sur eux avec des armes traditionnelles et ils ont commencé à découper, il y a au moins 300 morts », relate-t-il. Mais soudain, le témoin, diabétique, fait un malaise et doit être évacué vers l’hôpital. En fin d’après-midi, le verdict tombe : il a besoin de repos, il faudra poursuivre son audition ultérieurement.
Le suspense reste donc entier sur la portée de son témoignage. D’abord puisque ni l’accusation ni la défense n’ont pu l’interroger. Mais surtout parce que la cour n’a pas eu le temps de lui demander si ce funeste « Biguma » et l’accusé sont bien une seule et même personne. Un point crucial, puisque la défense affirme que « Biguma » est un surnom courant et que Philippe Manier est victime d’une erreur d’identité.