Fiche du document numéro 32444

Num
32444
Date
Mardi 31 mars 1998
Amj
Taille
20635
Titre
Tout dire sur le Rwanda
Sous titre
Éditorial.
Nom cité
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Mot-clé
Source
Commentaire
The assertion by the Ministry of Foreign Affairs that France was the only one to plead for the maintenance of blue helmets in Rwanda and to demand reinforcements is false. The newspaper Le Monde nevertheless takes it up without critical distance in its editorial.
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Il ne faut pas oublier le Rwanda. Il ne faut pas oublier le génocide qui fit près d'un million de victimes, en premier lieu parce que les événements de 1994 ne cessent pas de hanter ce « pays des âmes mortes ». Il faut avoir en tête non seulement ce chiffre et ce printemps maudit, mais les souffrances que continue d'endurer ce pays et ses difficultés à sortir de l'infernale spirale de la mort. Il ne faut pas oublier non plus la criminelle inertie dont fit preuve la communauté internationale devant la gigantesque tuerie de 1994, sauf à désespérer de tout pour l'avenir. On savait, on a laissé faire.

Après un long silence vient l'heure des repentirs et des autocritiques : Kofi Annan reconnaît que l'ONU, dont il est devenu le secrétaire général, a totalement failli à sa mission ; Bill Clinton lui emboîte le pas, allant faire son mea culpa à Kigali au cours de sa tournée en Afrique. Même si elles sont peu de chose, ces repentances sont nécessaires.

La France n'en est pas là, pour la simple raison que son rôle à l'époque ne fut pas de pure abstention et qu'il est par conséquent beaucoup plus complexe à démêler. Paris s'est félicité la semaine dernière de l'aveu de Bill Clinton, en l'interprétant comme un argument pour sa propre réhabilitation. Le ministère des affaires étrangères a rappelé que, dès le 6 avril 1994 (date de l'attentat contre le président rwandais Habyarimana qui allait donner le signal des massacres), la France fut la seule à plaider pour le maintien des « casques bleus » au Rwanda et à réclamer des renforts. Elle fut seule également à dépêcher des soldats au Rwanda pour l'opération Turquoise, dont l'objectif affiché était de mettre un terme au génocide, même si la façon dont l'intervention a été menée et dont elle a tourné n'est pas au-dessus de la critique.

Mais la France ne peut pas pour autant échapper à l'examen précis de ce que fut sa politique au Rwanda, beaucoup plus trouble en fait que ces généreuses déclarations d'intention. Pourquoi avait-elle pris à ce point parti en faveur d'un régime hutu dont elle connaissait la brutalité ? Pourquoi a-t-elle continué à le soutenir jusqu'au bout, alors qu'elle était informée du massacre qu'il préparait ? Jusqu'à quand a-t-elle continué de livrer des armes au Rwanda, au nom d'un accord de coopération militaire qui aurait dû être depuis longtemps dénoncé ? Pourquoi a-t-elle évacué de Kigali en avril 1994 une partie des responsables rwandais impliqués dans les massacres ? Pourquoi d'autres ont-ils pu s'enfuir ensuite grâce à l'opération Turquoise ? D'où venaient les instructions ? Qui commandait réellement les militaires français présents au Rwanda ? Ce sont quelques-unes des questions sur lesquelles la mission d'information parlementaire doit faire la pleine lumière.

Il lui faut, pour cela, l'appui du gouvernement. Si Lionel Jospin, comme il le devrait, recommande aux ministères concernés la plus grande transparence, pourquoi ne le fait-il pas publiquement savoir ? S'agissant du dernier génocide d'un siècle infernal, silence et précautions ne sont plus de mise.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024