Avec notre correspondante à Kigali, Lucie Mouillaud
C’était l’une des dernières personnes encore recherchées par le Mécanisme en charge des derniers dossiers du Tribunal pénal international pour le Rwanda. Fulgence Kayishema, ancien inspecteur de police, poursuivi notamment pour son rôle dans le massacre qui a causé la mort de plus de 2 000 Tutsis dans une église de Nyange, a été arrêté ce 24 mai 2023 en Afrique du Sud.
Création d’une unité spéciale par les autorités sud-africaines
L’enquête des analystes à son sujet s’est accélérée l’année dernière. C’est avec la création d’une unité spéciale par les autorités sud-africaines en avril 2022 que de nouveaux documents ont été mis à la disposition des enquêteurs de l’ONU : des dossiers d’immigration, financiers et téléphoniques de personnes d’intérêts, membres de la famille de Fulgence Kayishema ou d’individus proches politiquement du fugitif, cachés pour certains sous de fausses identités, se présentant comme rescapés du génocide…
La plupart avaient déjà été approchés par les analystes il y a quelques années, mais n’avaient jamais coopéré. Cette fois-ci, les nouveaux documents ont permis aux enquêteurs de remonter jusqu’à l’identité réelle de ces individus, jusqu’à mener de premières saisies d’ordinateurs et de téléphones cette semaine. Des premières perquisitions très rapidement concluantes, débouchant ce mercredi sur l’arrestation de Fulgence Kayishema.
Une arrestation, selon le procureur du Mécanisme de l’ONU, Serge Brammertz, qui pourrait bien être l’une des dernières dans les dossiers liés au génocide. Les premières comparutions ont par ailleurs commencé ce matin dans la ville du Cap pour son transfert à Arusha, puis à Kigali où Fulgence Kayishema doit être jugé.
Une cavale en RDC, en Tanzanie, au Mozambique, en Eswatini, en Afrique du Sud…
C’est ainsi la fin d’une cavale de plus de 20 ans à travers plusieurs pays. Après le génocide, Fulgence Kayishema est parti en République démocratique du Congo (RDC), puis quelques mois plus tard, en Tanzanie où il est enregistré dans un camp de réfugiés. En 1998, il fait escale au Mozambique, de nouveau dans un camp, avant, la même année, de demander l’asile politique en Eswatini (à l’époque Swaziland) avec un passeport burundais et sous le nom de Fulgence Minani, l’une des nombreuses fausses identités qu’il a utilisées pendant toutes ces années.
Au total, le procureur du Mécanisme affirme que le fugitif a utilisé des passeports d’au moins trois pays différents. En 1999, il part en Afrique du Sud, de nouveau sous un autre nom, où il reste ensuite pendant la majorité de sa cavale, trouvant différents emplois et menant une vie presque normale. Il travaille en premier comme gardien de voiture dans un supermarché, où tous les agents de sécurité faisaient partie d’un même réseau critique à l’égard de Kigali. Et c’est dans une ferme viticole, sous le nom de Donatien Nibashumba, qu’il a été arrêté mercredi à Paarl, à proximité de la ville du Cap.