La nouvelle nous a submergés de tristesse : Damien l’érudit, le sage, le bienveillant, la compétence et la gentillesse personnifiées, venait de mourir, terrassé par une crise cardiaque. Anthropologue, professeur d’université, il avait été obligé de fuir le Rwanda et la politique de discrimination ethnique du régime Habyarimana au début des années 1990. Il n’avait pas abandonné de gaieté de cœur sa chaire de professeur d’anthropologie et de sociologie à l’Université Nationale du Rwanda mais voyait lucidement la catastrophe arriver. Damien Rwegera s’était installé en France avec son épouse Bernadette. Il enchaînait les missions pour les Nations unies qui l’avaient recruté comme haut-fonctionnaire. Damien Rwegera était un expert internationalement reconnu pour ses travaux sur les tradipraticiens du Rwanda, l’intégration des immigrés à l’environnement socio-économique et aux services de santé dans la région parisienne, l’impact socio-économique du Sida et ses dimensions socioculturelles en Afrique subsaharienne.
Ancien coordinateur de l’ONUSIDA en Guinée, ancien membre du Comité International de Bioéthique (CIB) de l’UNESCO et vice-président pour l’Afrique, ancien conseiller régional de l’ONUSIDA pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, ancien directeur de l’Organisation Panafricaine de Lutte contre le SIDA (OPALS), Damien Rwegera a manifesté une grande force de travail.
Il est co-auteur de cinq livres et auteur de dix-sept articles et de nombreuses communications et posters dans les conférences internationales. Au sein de l’Équipe Inter pays de l’ONUSIDA basée à Abidjan et couvrant 25 pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, il a eu la responsabilité de la planification de la lutte contre le VIH/SIDA dans une vingtaine de pays, l’élaboration de stratégies et d’outils dans les pays en situation de conflit et de post conflit et l’organisation des initiatives sous-régionales de lutte contre ce virus.
Enfin il a été consultant international pour diverses agences des Nations unies, Union européenne, coopérations bilatérales et ONGs.
L’âge de la retraite venu, Damien Rwegera a enchaîné comme bénévole, dans les organisations de la société civile de prévention et de prise en charge globale socio-sanitaire (VIH/SIDA et maladies chroniques) associée à la défense des cultures africaines.
Son épouse Bernadette anime pour sa part depuis vingt-cinq ans l’association Ikambere (« La maison accueillante » en kinyarwanda). L’association accompagne chaque année près de cinq cents femmes vivant en situation de grande précarité avec le VIH en Ile-de-France vers l’autonomie.
En 2021, Bernadette fut à l’initiative de la « Maison reposante », une maison de vacances située à Nesles-la-Vallée (Val-d’Oise) qui propose des séjours de cinq jours, rythmés de séances d’activité physique (marche nordique, boxe, fitness), d’arts plastiques et de groupes de parole afin de favoriser leur bien-être et leur offrir une coupure d’un quotidien souvent marqué par les urgences et l’instabilité.
En 2022, Damien et Bernadette Rwegera avaient pris l’initiative de constituer l’association IGICUMBI, centre culturel rwandais, pour laquelle ils nourrissaient de nombreux projets.
Damien et Bernadette offraient le modèle d’un couple fusionnel aussi bien dans la vie professionnelle, sociale et culturelle que personnelle. La brutale disparition de Damien est un coup terrible pour son épouse et leurs enfants, à qui nous présentons nos condoléances les plus émues.
J.-F. D.