Fiche du document numéro 32266

Num
32266
Date
Vendredi 20 septembre 1996
Amj
Taille
29672
Titre
Au Zaïre, l'armée lance une opération de ratissage contre les Hutus installés dans l'est du pays
Sous titre
De nouvelles tensions dans l'est du Zaïre viennent s'ajouter aux menaces de déstabilisation qui pèsent sur la région des Grands Lacs, en Afrique centrale, déjà troublée depuis deux ans par les rivalités politico-ethniques entre Tutsis et Hutus au Burundi et au Rwanda.
Nom cité
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Source
Commentaire
In his book Le Monde, un contre-pouvoir? (ed. L'Esprit frappeur, October 1999, p. 112), Jean-Paul Gouteux notes that the title of this article by Jean Hélène " expresses the opposite of its content. It is in fact about the ethnic cleansing carried out against the Banyamulenge, Zairian Tutsi from South Kivu. This title therefore seems to mechanically resume the usual ideology of victimization of the Hutu, even though the genocide of the Tutsi was continuing in Zaire and this article gave exact information about it. Is this an editorial error? In this context, such an error is not accidental but revealing. In any case, this made incomprehensible one of the rare articles informing about the crimes of which the Tutsi were victims in the former Zaire, in 1995-1996".
Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
Renforcée par des troupes en provenance de Goma et de Kinshasa, l'armée zaïroise a lancé, au début du mois de septembre, au Sud-Kivu, une vaste opération de ratissage dans les collines habitées depuis plusieurs générations par les Banyamulenge, des Tutsis d'origine rwandaise qui ont émigré, avec leurs troupeaux, au Zaïre au XIXe siècle.

Les habitants d'Uvira, au bord du lac Tanganyika, entendent quotidiennement des coups de feu, voire des tirs d'artillerie lourde, dans les montagnes qui surplombent la ville. La région ayant été déclarée « zone militaire », les organisations humanitaires ne peuvent plus s'y rendre et les informations parviennent difficilement. L'armée fait état, jusqu'à maintenant, de sept militaires et trois « infiltrés » tués, ainsi que d'une trentaine de blessés ; mais il se pourrait que le nombre de victimes soit bien plus élevé.

Le Zaïre a refoulé vers le Rwanda une cinquantaine de personnes, dont cinq religieux accusés de trafic d'armes. Selon Radio-Agatashya, une station indépendante basée à Bukavu, près de deux cent cinquante Banyamulenge ont déjà fui vers le Burundi et le Rwanda, tandis que les villageois des tribus locales, pour échapper aux affrontements, se réfugient à Uvira, où plusieurs manifestations xénophobes ont eu lieu. Mercredi 18 septembre, plusieurs milliers de personnes ont défilé à Bukavu, à l'appel de partis de la mouvance présidentielle et de l'opposition, pour dénoncer les « Rwandais tutsis ». Les autorités zaïroises viennent d'autoriser les jeunes à s'enrôler volontairement dans l'armée pour combattre les « bandes armées tutsies ». Elles ont aussi décidé de révoquer tous les chefs locaux qui « ont vendu des terres aux immigrants tutsis », selon Radio-Agatashya. A Kinshasa, le ministre zaïrois des affaires étrangères a accusé le Rwanda et le Burundi où le pouvoir, dans les deux cas, est à dominante tutsie de « fomenter des troubles », affirmant que l'armée rwandaise a entraîné quelque trois mille jeunes Banyamulenge qui auraient été infiltrés au Sud-Kivu, via le Burundi. Kigali et Bujumbura ont « catégoriquement » démenti.

Vindicte populaire



Ces troubles vont compliquer les relations déjà tendues entre le Zaïre et ses petits voisins qui accusent déjà le Zaïre de servir de base arrière aux rebelles hutus, rwandais et burundais. Kinshasa, pour sa part, s'irrite aussi de la présence dans le Kivu de près d'un million et demi de réfugiés hutus, et appelle les Occidentaux à faire pression pour que « Kigali respecte ses engagements concernant leur rapatriement ».

Radio-Burundi parle de « chasse aux Tutsis » alors qu'un ministre rwandais accuse les réfugiés hutus du Zaïre d'être à l'origine de ces troubles. Les Banyamulenge, qui revendiquent haut et fort leur nationalité zaïroise, critiquent les hommes politiques du Sud-Kivu qui, pour « assouvir leur soif de tribalisme » les désignent à la vindicte populaire.

Selon un intellectuel zaïrois de Bukavu, il y a eu récemment deux vagues d'émigration des Banyamulenge. A partir de 1990, des jeunes Banyamulenge se sont engagés dans la rébellion tutsie du Front patriotique rwandais (FPR) et, dès la prise de pouvoir du FPR en juillet 1994, d'autres familles sont parties pour le Rwanda où les rapatriés pouvaient obtenir la nationalité rwandaise. Alors qu'au Zaïre, depuis la réunion de la Conférence nationale en 1992, on leur conteste la citoyenneté zaïroise, leur reprochant une « origine douteuse ».

Est-ce pour déstabiliser la région, comme l'affirme Kinshasa, que certains reviennent aujourd'hui dans leurs collines, ou est-ce pour protéger leurs familles qui risquent d'être menacées, comme les Tutsis du Masisi dans le Nord-Kivu ? La question essentielle est de savoir si les tensions régionales aggravées par cette nouvelle crise, au moment où le maréchal Mobutu est en convalescence en Suisse après une opération, en resteront au stade des invectives diplomatiques.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024