Abstract
- So it was this night, just after the UN authorization, that Operation Turquoise began. The first French soldiers entered Rwanda in the early afternoon. The beginning of the mission is to help thousands of refugees in Cyangugu.
- Boarding towards Bangui. It was at Roissy this morning: 200 French soldiers left to join the other troops deployed in Zaire via the Central African Republic. Same scenario in Istres this afternoon: the final implementation of Operation Turquoise entered its operational phase last night [June 22].
- While Jaguar planes were prepositioning themselves at the Zairian airport of Kisangani, troops were deployed at two bridgeheads on the Rwandan border: Goma and Bukavu. Around 3 p.m., first incursions into Rwanda. Objective: Gisenyi and Cyangugu, two towns where several thousand refugees are gathered.
- For now, it would only be small detachments of scouts responsible for identifying humanitarian needs. According to military sources, they were very well received by the authorities and the population.
- At the same time, on the diplomatic front, some countries have declared themselves ready to join France in its action. After Senegal, Guinea and Egypt could provide a few battalions to reinforce the 2,500 French soldiers.
- Silvio Berlusconi indicated that Italy could also send troops but on condition that all belligerents agree. We are far from it, the Rwandan Patriotic Front which fights the government forces, persists in seeing in the French action a real invasion.
- Indeed the Rwandan Patriotic Front has not changed its mind: it considers this operation as an attack. If the RPF rebels are so wary of France, it is because, until proven otherwise, France has only supported the government in place in recent years. A government against which the RPF has never ceased to fight.
- Jacques Bihozagara, "representing FPR Europe": "We are not ready to accept that they come. So we take them as aggressors".
- In search of international recognition, the Rwandan Patriotic Front, which currently controls more than half of the country, cannot hold another rhetoric, specifying however that it will not seek French soldiers where they are.
- But it is in Paris that these senior officials make these threatening remarks towards France the day after a meeting with Alain Juppé. And apparently the misunderstanding between the RPF and the French authorities is far from over.
- Jacques Bihozagara denounces the partisan activism of certain collaborators of François Mitterrand who have so far prevented the President of the Republic from having a clear view of the situation in Rwanda. And today, although it is their wish, nothing authorizes the leaders of the RPF to hope for a significant change in the French attitude towards them.
- Theogene Rudasingwa, "RPF Secretary General": "The RPF is not hostile to France. There are many people in France who are opposed to the French intervention. We hoped for a positive change in French policy in Rwanda, hitherto interventionist. But this intervention shows that nothing is changing and that we are even going into reverse".
- Suspicious, the RPF still thinks that the intervention aims more to protect the perpetrators of the massacres than to save civilians and that the arrival of French soldiers definitely smacks of a trap.
- And the launch of Operation Turquoise has sown some discord within humanitarian organizations. Some of them, like MSF, are frankly in favor of France's intervention. She does not imagine that we can leave the civilian population without help. Others are more reserved, like the AICF, which would not like to see France interfere in Rwandan affairs.
- The main French humanitarian associations are familiar with the situation in Rwanda and have been working on the ground for many months. Yet opinions are divided on the French military intervention.
- In the Parisian staffs the remarks are dissonant. The AICF, International Action against Hunger, sums up the feeling of many NGOs: "Our country would have done better to abstain". Nathalie Duhamel, "AICF Managing Director": "France is not, given its past with Rwanda, the best placed to do so. When you want to intervene for humanitarian purposes, you still have to be able to have the agreement of all parties. We can worry about the possible abuses of this operation".
- On the other hand, at Doctors Without Borders, there is no ambiguity about the French intervention. Philippe Biberson, "MSF President": "We are for it. And we have to understand why: for more than 10 weeks in Rwanda, before our eyes, live, a genocide is being perpetrated. Genocide means that there is a planned, organized massacre of an entire population. And faced with this observation, there are no two things to do, it must be stopped".
- Finally, the Doctors of the World association is much more cautious and wants to be nuanced. Michel Bruguière, "Director General MDM": "I would say that we put two prerequisites for France's intervention: one, it recognizes its responsibility in what is happening today. And secondly, if it undertakes to arrest the executioners and try them".
- The humanitarian associations agree on at least two points: the military operation is risky and France will be quite alone in Rwanda.
Citation
[Élise Lucet :] C'est donc, euh, cette nuit, juste après l'autorisation de l'ONU, que l'opération Turquoise a débuté. Les premiers soldats français sont entrés au Rwanda en début d'après-midi. Le début de la mission consiste à venir en aide à des milliers de réfugiés à Cyangugu. Départ donc des bases françaises ce matin. Jean-Paul Gérouard.
[Jean-Paul Gérouard :] Embarquement direction Bangui. C'était à Roissy ce matin [une incrustation "Roissy, ce matin" s'affiche à l'écran] : 200 soldats français sont partis rejoindre les autres troupes déployées au Zaïre via le Centrafrique [on voit des militaires français, dont une femme, dans le hall de l'aéroport de Roissy]. Même scénario à Istres cet après-midi [une incrustation "Istres (13), cet après-midi" s'affiche à l'écran] : l'ultime mise en place de l'opération Turquoise entrée dans sa phase opérationnelle hier soir [22 juin].
Tandis que des avions Jaguar se prépositionnaient sur l'aéroport zaïrois de Kisangani, des troupes étaient déployées sur deux têtes de pont à la frontière du Rwanda : Goma et Bukavu [diffusion d'une carte de l'Afrique centrale avec indication des pays de la Centrafrique, du Zaïre et du Rwanda et des villes de Bangui, Kisangani, Kinshasa et Kigali puis d'une carte du Rwanda et de l'Est du Zaïre localisant les villes de Goma, Bukavu, Gisenyi, Cyangugu et Kigali].
Vers 15 heures, premières incursions au Rwanda. Objectif : Gisenyi et Cyangugu, deux villes où sont massés plusieurs milliers de réfugiés.
Pour l'heure, il ne s'agirait que de petits détachements d'éclaireurs chargés de recenser les besoins humanitaires. De source militaire, ils sont accueillis très convenablement par les autorités et la population [une incrustation "Goma (Zaïre), hier [22 juin]" s'affiche à l'écran ; on voit des réfugiés, dont un enfant grièvement blessé au visage, regroupés devant un bâtiment administratif].
Parallèlement, sur le front diplomatique, quelques pays se sont affirmés prêts à rejoindre la France dans son action. Après le Sénégal, la Guinée et l'Égypte pourraient apporter quelques bataillons en renfort aux 2 500 soldats français [on voit des militaires français au béret rouge débarquer du lac Kivu].
Silvio Berlusconi a indiqué que l'Italie pourrait elle aussi envoyer des troupes mais à condition que tous les belligérants soient d'accord. On en est loin, le Front patriotique rwandais qui combat les forces gouver… nementales, persiste à voir dans l'action française une véritable invasion [on voit des soldats du FPR en train de combattre].
[Élise Lucet :] Effectivement le Front patriotique rwandais n'a pas changé d'avis : il considère cette opération comme une agression. Si les rebelles du FPR se méfient autant de la France, c'est que jusqu'à preuve du contraire elle n'a soutenu ces dernières années que le gouvernement en place. Un gouvernement contre lequel le FPR n'a cessé de se battre. Jean-François Gringoire.
[Jacques Bihozagara, "représentant FPR Europe" [on le voit en train de donner une conférence de presse] : "Et nous ne sommes pas prêts à accepter que ils viennent. Alors, euh, nous les prenons, euh…, donc comme des agresseurs"].
[Jean-François Gringoire :] À la recherche d'une reconnaissance internationale, le Front patriotique rwandais, qui contrôle actuellement plus de la moitié du pays, ne peut pas tenir un autre discours, précisant cependant qu'il n'ira pas chercher les soldats français là où ils sont.
Mais c'est bien à Paris que ces hauts responsables tiennent ces propos menaçants envers la France au lendemain d'une rencontre avec Alain Juppé. Et apparemment l'incompréhension entre le FPR et les autorités françaises est loin d'être levée.
[Jacques Bihozagara : - "Le drame c'est que, euh…, dans ce milieu français, y'a des autorités qui ne veulent pas, euh, ouvrir la porte [ricanement]". Un journaliste : - "Lesquelles ?". Jacques Bihozagara : - "C'est le cas de l'Élysée, je dis".]
Jacques Bihozagara dénonce l'activisme partisan de certains collaborateurs de François Mitterrand qui auraient empêché jusqu'ici le président de la République d'avoir une vue claire sur la situation au Rwanda [on voit Jacques Bihozagara montrer aux journalistes l'Ouest du Rwanda sur une carte affichée au mur]. Et aujourd'hui, bien que ce soit leur souhait, rien n'autorise les chefs du FPR à espérer un changement significatif de l'attitude française à leur égard.
["Téogène [Théogène] Rudasingwa, secrétaire général FPR" [il s'exprime en anglais mais ses propos sont traduits] : "Le FPR n'est pas hostile à la France. Il y a beaucoup de gens en France qui sont opposés à l'intervention française. Nous avons espéré un changement positif de la politique française au Rwanda, jusqu'à là interventionniste. Mais cette intervention montre que rien ne change et que l'on fait même marche arrière".]
Méfiant, le FPR pense toujours que l'intervention vise plus à protéger les auteurs des massacres qu'à sauver des civils et que l'arrivée des soldats français sent décidément le piège.
[Élise Lucet :] Et le lancement de l'opération Turquoise a semé une certaine discorde au sein des organisations humanitaires. Certaines d'entre elles, comme MSF, sont franchement pour l'intervention de la France. Elle n'imagine pas que l'on puisse laisser la population civile sans secours. D'autres sont plus réservées, comme l'AICF qui ne voudrait pas voir la France s'ingérer dans les affaires rwandaises. Hervé Ghesquière, Guy Elkrief.
[Hervé Ghesquière :] Les principales associations humanitaires françaises connaissent bien la situation au Rwanda et travaillent sur le terrain depuis de nombreux mois. Pourtant les avis sont partagés sur l'intervention militaire française [on voit des réfugiés avec deux humanitaires de Médecins sans frontières].
Dans les états-majors parisiens les propos sont dissonants [gros plan sur le siège de l'AICF]. L'AICF -- Action internationale contre la faim -- résume le sentiment de nombreuses ONG : "Notre pays aurait mieux fait de s'abstenir".
[Nathalie Duhamel, "directeur général AICF" : - "La France n'a pas, compte tenu de son passé avec le Rwanda, n'est pas dans la…, la mieux placée pour le faire. Et en particulier… quand on veut intervenir dans un but humanitaire, il faut quand même, euh, pouvoir avoir l'accord de toutes les parties. C'était important. C'est important, c'est toujours important d'avoir l'accord du FPR". Hervé Ghesquière : - "Et c'est pas le cas ?". Nathalie Duhamel : - "Et pour le moment ce n'est pas le cas. Donc… ce n'est pas pour critiquer et…, et systématiquement tout critiquer. Simplement on peut s'inquiéter des dérives possibles de cette opération".]
En revanche, à Médecins sans frontières, aucune ambiguïté sur l'intervention française.
[Philippe Biberson, "président MSF" : "Nous sommes pour. Et il faut bien comprendre pourquoi : il y a depuis plus de 10 semaines au Rwanda, sous nos yeux, en direct, un génocide qui est en train de se perpétrer. Un génocide, ça veut dire que il y a un massacre planifié, organisé d'une population entière. Et devant ce constat il n'y a pas deux choses à faire, il faut l'arrêter".]
Enfin l'association Médecins du monde est beaucoup plus prudente et se veut nuancée.
[Michel Bruguière, "directeur général MDM" : "Je dirais que nous mettons deux préalables à l'intervention de la France : c'est que, un, elle reconnaisse sa responsabilité dans ce qui se passe aujourd'hui. Et que deuxièmement si elle s'engage, eh bien, elle s'engage à arrêter les bourreaux et à les juger".]
Les associations humanitaires se rejoignent au moins sur deux points : l'opération militaire est risquée et la France sera bien seule au Rwanda [diffusion d'images de réfugiés].