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L’Etat français a été assigné pour faute lourde et déni de justice mercredi à Paris par la famille de Dulcie September, l’ex-représentante du Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela dont l’assassinat en France en 1988 n’a jamais été élucidé.
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« Qui a peur de Dulcie September ? », s’est interrogé dans sa plaidoirie Me Yves Laurin, l’avocat de la famille, dénonçant une « affaire d’Etat » et « trente-quatre ans de déni de justice ».
Exilée en France en 1984, la représentante sud-africaine de l’ANC en France, en Suisse et au Luxembourg avait été tuée de six balles dans la tête le 29 mars 1988 sur le palier de son bureau parisien, provoquant un immense émoi international.
Le régime sud-africain de l’apartheid avait aussitôt nié toute responsabilité.
En France, l’enquête judiciaire avait débouché sur un non-lieu en juillet 1992, alimentant des soupçons d’une implication des services secrets français, systématiquement démentie par Paris.
Dans l’espoir de rouvrir l’enquête, la famille avait déposé une plainte en avril 2019, estimant que le meurtre de Dulcie September relevait d’un crime d’apartheid et donc d’un crime contre l’humanité, imprescriptible.
En avril 2019 et fin 2020, le procureur et le parquet général avaient toutefois classé cette plainte sans suite, une décision constitutive selon la famille d’une faute lourde de l’Etat.
Selon Me Laurin, les autorités judiciaires auraient ainsi dû relancer les investigations sur un crime qui a porté « atteinte à la souveraineté de la France ».
Tout en affirmant comprendre cette « soif de justice », le représentant du ministère public a rejeté cet argument et appelé à s’en tenir au droit. « Tout le monde rejette les crimes de l’apartheid mais ce n’est pas l’objet de cette audience », a-t-il estimé.
Selon lui, le classement sans suite est d’abord justifié par « l’autorité de la chose jugée », à savoir le non-lieu rendu en 1992 et contre lequel la famille n’avait alors pas formé de recours, mais aussi par la prescription.
Selon son argumentation, l’incrimination de crime contre l’humanité qui fonde la plainte de 2019 repose en l’espèce sur une loi française de 2013 qui ne peut être invoquée pour un crime commis avant son entrée en vigueur.
« Un raisonnement absurde », avait par avance dénoncé Me Laurin, assurant que plusieurs textes internationaux liant la France avaient déjà fait de l’apartheid un crime imprescriptible.
Le tribunal rendra sa décision le 14 décembre.