Fiche du document numéro 31008

Num
31008
Date
Mercredi 2 novembre 2022
Amj
Auteur
Taille
176168
Sur titre
Politique
Titre
RDC-Rwanda : entre Tshisekedi et Kagame, les médiations s’intensifient, de Luanda à Nairobi
Sous titre
Pendant que les combats entre les rebelles du M23 et l’armée congolaise se multiplient ces derniers jours, un ballet diplomatique s’est engagé en coulisses afin de tenter de rouvrir les discussions entre les présidents congolais et rwandais.
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M23
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Type
Article de journal
Langue
FR
Citation
POLITIQUE

Le président congolais Félix Tshisekedi (à g.) a reçu le 30 octobre le ministre angolais des Affaires étrangères, Téte António (à dr.). © Présidence RDC

Pendant que les combats entre les rebelles du M23 et l’armée congolaise se multiplient ces derniers jours, un ballet diplomatique s’est engagé en coulisses afin de tenter de rouvrir les discussions entre les présidents congolais et rwandais.

La reprise, le 20 octobre, des affrontements entre l’armée congolaise et les rebelles du M23 a provoqué un nouveau regain de tension entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame – déjà à couteaux tirés depuis des mois – et de vives inquiétudes au sein de la communauté internationale. La RDC accuse le Rwanda de soutenir les rebelles du M23, ce que Kigali continue à nier, accusant en retour l’armée congolaise de collaborer avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).

Cette nouvelle escalade sur le terrain militaire, où les rebelles ont enregistré plusieurs avancées, allant jusqu’à prendre le contrôle des localités de Kiwanja et de Rutshuru Centre, a poussé les autorités congolaises à expulser l’ambassadeur du Rwanda en RDC, Vincent Karega. Après un bref échange le 31 octobre avec Christophe Lutundula, vice-Premier ministre chargé des Affaires étrangères, celui-ci a immédiatement quitté Kinshasa, actant un peu plus la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays.

En coulisses, plusieurs initiatives diplomatiques ont donc été entreprises ces derniers jours afin de tenter de faire redescendre la tension. Le 30 octobre, le ministre angolais des Affaires étrangères, Téte António, s’est ainsi rendu à Kinshasa afin d’échanger avec Félix Tshisekedi avant de rejoindre Kigali, le lendemain, où il a été reçu par Paul Kagame.

Prochaine rencontre à Luanda

Depuis plusieurs mois, leur homologue angolais João Lourenço mène, en sa qualité de président de la Conférence internationale sur la région des Grands lacs (CIRGL), une médiation entre les deux chefs d’État. Une feuille de route avait été conclue en juillet à l’issue d’un sommet tripartite à Luanda, mais le processus a ensuite été ralenti, notamment par l’organisation de la présidentielle angolaise en août dernier.

Si peu de détails ont filtré à l’issue des entretiens de Téte António avec Félix Tshisekedi et Paul Kagame, une source diplomatique angolaise explique que Luanda souhaitait d’abord « entendre les deux présidents » avant de décider des prochaines étapes, précisant que la question de la « présence de mercenaires aux côtés du M23 » a notamment été abordée. Luanda, dont le général Joao Massone a récemment été nommé à la tête du « mécanisme de vérification » (structure ad hoc réactivée en juillet, basée à Goma et chargée de se pencher sur les accusations respectives de Kinshasa et de Kigali), s’est également intéressé ces dernières semaines aux allégations de soutien de certains officiers de l’armée congolaise aux FDLR.

Selon nos informations, une relance des discussions est en cours, puisqu’une rencontre tripartite au niveau ministériel sera prochainement organisée à Luanda. Une délégation congolaise composée du ministre des Affaires étrangères Christophe Lutundula, du patron de l’Agence nationale de renseignement (ANR) Jean-Hervé Mbelu Biosha, de son collègue du renseignement militaire, le général-major Christian Ndaywel Okura, ainsi que d’un officier de liaison, est attendue dans la capitale angolaise le 4 novembre. Elle doit en principe y rencontrer une mission rwandaise que devrait diriger Vincent Biruta, le chef de la diplomatie. Contacté, l’entourage de ce dernier confirme avoir reçu l’invitation, mais n’était pas en mesure de nous confirmer la participation du ministre.

William Ruto sollicité

Le processus de Luanda n’est pas la seule initiative régionale à chercher un second souffle. Celui de Nairobi, impulsé par Uhuru Kenyatta, fait également l’objet de nombreuses tractations. Réputé plus proche de Raila Odinga, le candidat de Kenyatta à la présidentielle d’août, que de William Ruto, Félix Tshisekedi a dépêché son mandataire spécial, Serge Tshibangu, auprès du nouveau président kényan. Tshibangu s’est entretenu avec ce dernier à deux reprises le 13 octobre, avant de rencontrer Kenyatta – lequel a été nommé envoyé spécial de William Ruto pour la Corne de l’Afrique et la région des Grands lacs.

Pour Kinshasa, l’objectif de ce déplacement était double : selon l’un des collaborateurs de Tshisekedi, il s’agissait à la fois de « repartir sur de bonnes bases » après l’élection kényane et d’obtenir de William Ruto qu’il continue à s’investir à la fois dans le processus de Nairobi et le déploiement de la force régionale conjointe. Le successeur de Kenyatta, qui a procédé le 2 novembre à la cérémonie de remise du drapeau aux contingents kényans sur le point d’être déployés dans l’est de la RDC, s’est entretenu ces derniers jours sur le sujet avec plusieurs de ses homologues dont Félix Tshisekedi et Paul Kagame. Il a aussi échangé avec le secrétaire général de l’ONU, António Guterres. Ce dernier s’est ensuite entretenu avec Félix Tshisekedi, le 30 octobre, lui confirmant à son tour le déploiement imminent de contingents kényans.

Selon nos informations, William Ruto est également resté en contact régulier avec Emmanuel Macron. Les deux hommes ont échangé à deux reprises, une première fois au début d’octobre après l’investiture du premier et la deuxième fois, le 1er novembre. À chaque fois, ils ont abordé le dossier de l’est de la RDC. Le président français a notamment soutenu l’implication du Kenya dans la poursuite du processus de Nairobi. Il a également exprimé sa disponibilité pour accompagner, sur le plan diplomatique, le déploiement du contingent kényan, notamment la coordination de ce dernier avec les autres partenaires comme les Nations unies.

Incertitudes autour de la force régionale

En parallèle, Kinshasa pousse pour l’organisation d’un nouveau round de dialogue avec les groupes armés. Uhuru Kenyatta est d’ailleurs attendu à Kinshasa mi-novembre. Il doit en principe y rencontrer le chef de l’État, mais aussi plusieurs présidents d’institutions, y compris ceux des deux chambres du Parlement. Kinshasa souhaite que la force régionale, qui connaît des difficultés de financement et de stratégie, soit opérationnelle avant de réunir cette nouvelle table ronde avec les groupes armés. Celle-ci est pour le moment prévue à Goma, et la RDC espère pouvoir l’organiser la dernière semaine de novembre. Le M23, que Kinshasa considère désormais comme un mouvement terroriste, a été exclu de ces discussions.

En attendant, la Communauté des États d’Afrique de l’Est (EAC, en anglais), que le président burundais Évariste Ndayishimiye dirige actuellement, souhaite réunir les chefs d’état-major de la région afin de se pencher sur l’opérationnalisation de la force régionale. Selon nos informations, cette même réunion devait initialement se tenir du 25 au 29 octobre, avant d’être annulée. Cette rencontre doit en principe être suivie d’un sommet des chefs d’État de l’EAC. Selon un proche du président congolais, la date du 11 novembre est actuellement à l’étude.

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fgtquery v.1.9, 9 février 2024