Fiche du document numéro 30896

Num
30896
Date
Mercredi 25 avril 2001
Amj
Taille
250907
Titre
Nouvelle déposition de monsieur Laurent Serubuga, ex-colonel des "Forces Armées Rwandaises"
Nom cité
Source
Fonds d'archives
PAT
Type
Audition judiciaire
Langue
FR
Citation
REPUBLIQUE
FRANCAISE

PROCES VERBAL

MINISTERE DE L'INTERIEUR
DIRECTION GENERALE
DE LA POLICE NATIONALE
DIRECTION CENTRALE
DE LA POLICE JUDICIAIRE
DIVISION NATIONALE
ANTI-TERRORISTE

L'an deux mille un
Le vingt-cinq avril à dix heures
NOUS, Frédéric PIWOWARCZYK, lieutenant de police
en fonction à la division nationale anti-terroriste de la
direction centrale de la police judiciaire

n° 144/14 3
Officier de police judiciaire en résidence à PARIS, ------------------------------------ Agissant en vertu et pour l'exécution de la commission rogatoire délivrée
AFFAIRE:
le 3 octobre 2000 par monsieur Jean-Louis BRUGUIERE, Premier viceprésident chargé de l'instruction et monsieur Jean-François RICARD,
C/ ... X
Premier juge d'instruction au tribunal de grande instance de PARIS, relative
à l'information n° 1341 suivie contre X... du chef d'assassinat en relation
Assassinat en relation avec
avec une entreprise terroriste, ------------------------------------------------------------une entreprise terroriste
--- Vu les articles 81, 151 et suivants du code de procédure pénale, ------------- Avis préalablement donné à monsieur le procureur de la République
territorialement compétent,-------------------------------------------------------------------- Nous trouvant au siège du service régional de police judiciaire à
STRASBOURG (Bas-Rhin), ---------------------------------------------------------------OBJET
--- Vu la déposition en date du 10 février 2000 de monsieur Laurent
Nouvelle déposition de monsieur SERUBUGA (cf procès-verbal 144/22), -----------------------------------------------Laurent SERUBUGA, ex-colonel --- Vu les recherches effectuées concernant l'existence d'une société à
des "Forces Armées Rwandaises" l'enseigne "Gutanit" sise dans la zone de Kanombé, dans laquelle monsieur
Laurent SERUBUGA aurait été associé,-------------------------------------------------- Avons mandé et constatons que se présente celui-ci, qui serment prêté
dans les formes de droit, dépose comme suit: ----------------------------------------- "Je me nomme Laurent SERUBUGA, je suis né en 1939 à Murambi
Giciye Gisenyi (Rwanda), je suis de nationalité rwandaise et demandeur
d'asile en France où je suis arrivé depuis le 05 octobre 1998. Auparavant,
après avoir quitté le Rwanda en juillet 1994, je me suis réfugié à Goma, j'ai
par la suite rejoint Nairobi en août 1994 où je suis resté jusqu'en octobre
1997 puis je me suis rendu au Mali jusqu'à mon départ pour la France. -------- Je réside actuellement 24, rue de Macon à STRASBOURG (Bas-Rhin)
et je n'exerce aucune activité salarié. ------------------------------------------------------ Comme je vous l'ai déjà déclaré, après avoir été de 1973 à 1991, adjoint
au chef d'état-major des "Forces Armées Rwandaises" (F.A.R.), j'en suis
devenu le chef de janvier 1992 à juin 1992. Lorsque j'étais en activité,
j'avais le grade de colonel. ------------------------------------------------------------------- J' ai été démis de mes fonctions ainsi que d'autres responsables suite
aux pressions des dirigeants des partis d'opposition au président
HABYARIMANA et proches du "Front Patriotique Rwandais" qui
souhaitaient réduire notre influence auprès du président.------------ ------------- Question : Durant vos fonctions à l'état-major des "F.A. . , vez vous
constaté que les troupes du "Front Patriotique Rwa dai (F.P.R.)
possédaient des missiles sol-air, si oui dans quelles circonst ne ? ---------

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Suite au procès-verbal numéro 1441-A A 3 -------------------3 -Feuillet numéro DEUX------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Réponse : Alors que j'étais adjoint au chef d'état-major, en 1991, nos
militaires avaient découvert près de Tabagwe un missile de type sol-air
intact que j'avais fait remettre pour analyse et identification au responsable
du détachement "NOROIT" placé sous l'autorité du colonel GALINIE alors
chef de la mission militaire de coopération. ---------------------------------------------- Question : Alors que vous exerciez vos fonctions avez vous été sollicité
par vos collègues officiers supérieurs afin que les "F.A.R." puissent disposer
elles aussi de lance-missile sol-air ?-------------------------------------------------------- Réponse : Suite à une étude réalisée par la Belgique, dans les années
quatre-vingt, concernant la défense de l'aéroport de Kanombe, ce pays
avait proposé l'utilisation d'armes à tir tendu type canon et DCA.
L'équipement en missiles sol-air avait été jugé inutile. L'acquisition de ces
matériels a été effectuée auprès de la Chine et de la Corée du Nord. ----------- Question : Bien que n'ayant plus de fonctions officielles au sein des
"F.A.R." du fait de votre mise à la retraite, quel a été votre rôle entre 1992 et
juillet 1994 ? --------------------------------------------------------------------------------------- Réponse : Suite à ma mise à la retraite, je n'ai plus eu aucun rôle et je
me suis reconverti dans les affaires. En compagnie du ressortissant suisse,
monsieur DICKEN de Zurich et de Bertin MAKUSA, nous avons créé une
société d'importation "Socidex" (Société de commercialisation d'importation
et d'exportation) dont le siège était à Kigali. --------------------------------------------- Question : Après la découverte de deux tubes lance-missile sol-air de
type SA 16, par des membres de la population rwandaise déplacée, avez
vous aperçu ceux-ci, si oui, dans quelles conditions ?-------------------------------- Réponse : Comme je vous l'ai dit la dernière fois, le 14 juillet 1994, alors
que je me repliais sur Goma, j'ai été en contact avec des éléments de la
garde présidentielle qui déplaçait le corps du président et c'est à ce moment
là qu'un de ses membres m'a dit "nous avons retrouvé les deux missiles,
voilà, ils sont dans la Jeep". Effectivement, mon regard s'est porté sur
l'endroit qu'il me désignait et j'ai aperçu deux tubes qui ressemblaient à celui
qui avait été découvert en 1991 et remis à "NOROIT". Je n'ai pas détaillé
davantage ces deux tubes, je n'ai pas su la destination de ceux-ci. Avant ce
jour, j'ignorais que ces deux tubes avaient été découverts le 25 avril 1994 à
Ma s a ka . --------------------------------------------------------------------------------------------- Question : Savez vous si des clichés photographiques de ces deux tubes
lance-missile ont été réalisés, si oui, connaissez vous les individus qui
auraient procédé à la prise de ces photos ? -------------------------------------------- Réponse : Hormis la pratique qui était en cours, c'est-à-dire que nos
services de renseignements photographiaient toutes découvertes d'objets
particuliers, je ne peux vous dire si ces deux tubes ont été eux aussi
photographiés mais je le pense. Je ne suis pas en mesure de vous
communiquer les noms des militaires ayant pu exécuter cette mission.--------- Question : Selon notre enquête, vous auriez été associé dans une
société appelée "Gutanit", pouvez vous le confirmer et nous dire avec qui,
la nature de ses activités, l'origine des capitaux et son lieu d'implantation ?--- Réponse : Oui, en 1987-1988, en compagnie de monsieur DICKEN,
actionnaire principal, de Bertin MAKUSA et Pascal NGIRUMPTASE, nous
nE ; ., avons créé cette société "Gutanit" dont les statuts ont été déposés en 1989
au ministère du Commerce puis plus tard publiés au Journal officiel. Cette
société dont les capitaux étaient majoritairement suisses était spécialisée
dans la fabrication de tôles ondulées à base de papyrus. Ses locaux étaient
situés à Kanombe près de la colline de Masaka et plu écisément de la
ferme de Masaka. En 1990, à cause de la guerre et sui e dévaluation
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suite au procès-verbal numéro 144/,14 3
Feuillet numéro TROIS --------------------------------------------------------------------------------------

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du franc rwandais, le coût de fabrication et le prix de vente ont fait que nos
produits devenaient invendables. Monsieur DICKEN a fait part de son
intention de stopper son activité. Les locaux ont été fermés et seul le
personnel d'entretien a été maintenu. La cessation d'activité officielle a été
déclarée au tout début de l'année 1994.-----------------------------------------------En ce qui concerne monsieur DICKEN dont je ne me rappelle pas du
En
prénom, je sais qu'il dirigeait également à Zurich, une société appelée
"Guttawerk" qui elle aussi fabriquait des tôles ondulées. Il était représenté à
Kigali par l'intermédiaire d'un bureau de l'ambassade suisse appelé "Aide
au développement" et dirigé par monsieur SALZMAN. Auparavant monsieur
DICKEN avait transféré à Kigali son ancienne usine installée au U.S.A qu'il
considérait comme n'étant plus rentable.----------------------------------------------Bertin MAKUSA, actuel directeur de "Rwanda Foam", est à Kigali, quant
Bertin
à Pascal NGIRUMPTASE, ex-major des F.A.R., il est actuellement en
Belgique
--- Quant à l'allusion faite par monsieur Waine MADSEN, j'en ai eu
connaissance par l'Internet, je ne peux me prononcer sur sa véracité. Si
comme il est dit dans cet article "des mercenaires européens travaillant
pour le F.P.R. et des services de renseignements américains ont utilisé les
entrepôts de la société "Gutanit" pour planifier l'attentat contre l'avion
présidentiel", c'est en tous cas à mon insu. Ces entrepôts étant fermés et
en arrêt d'activité, s'ils ont été utilisés, cela ne peut être que
clandestinement ou avec la complicité de membres du personnel
d'entretien.
--- Question : Selon des hypothèses avancées ou thèses énoncées par
des membres du "F.P.R.", l'attentat du 6 avril aurait été l'oruvre de proches
du président HABYARIMANA, constituant un "noyau dur extrémiste
hostile aux accords d'Arusha et déçu que celui-ci ait finalement accepté la
mise en place des institutions de transition prévues, étant précisé qu'aux
yeux de ceux-ci, vous étiez un membre de ce groupe, qu'en pensez vous ?
--- Réponse : Cette hypothèse me paraît irréalisable même si le président
n'était pas hostile à l'application des accords d'Arusha et était décidé à
mettre en place les institutions de transition. En outre, si ce noyau dur avait
provoqué la mort du président, c'est-à-dire réaliser un coup d'Etat, les
forces armées et diverses personnalités auraient immédiatement pris le
pouvoir et proclamé ce coup d'Etat. Cette hypothèse est absurde, je
rappelle que le chef des services de renseignements, le ministre de la
Défense, le général responsable des opérations militaires étaient en mission
à l'étranger, le chef d'état-major des armées, le secrétaire particulier du
président ainsi que d'autres proches ont été tués dans cet attentat. Dans la
soirée du 6 avril 1994, devant cette situation, le général Augustin
NDIDILIYIMANA, le colonel Théonest BAGOSORA ainsi que d'autres
officiers d'état-major ont constitué dans l'urgence un comité de crise afin de
faire face aux événements. Je me suis proposé dès 21 heures 15 auprès
du colonel BAGOSORA afin d'intervenir à titre de conseiller. Aucune suite
n'a été donnée à ma proposition.
--- En ma qualité d'ancien chef d'état-major, je peux dire que l'attentat du 6
avril 1994 n'était pas le début d'un coup d'Etat. L'élimina 'on du président
n'ayant nullement été préparée ni planifiée par des frmbres de son
entourage
. -----------------------------------------------------------------------------------------

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Suite au procès-verbal numéro 144/ 443
Feuillet numéro QUATRE ----------------------------------------------------------------------------------

--- Question : Etiez vous avisé du déplacement du président
HABYARIMANA le 6 avril 1994 à Dar-Es-Salaam et avez vous entendu
parler de son voyage à Gbadolite la veille ? --------------------------------------------- Réponse : Je ne l'ai pas su officiellement mais c'est un de mes neveux
journalistes, Jean-Baptiste NGEREJAO, qui me l'a appris car il faisait partie
de la délégation. Je pense qu'il a été tué. Je n'étais absolument pas au
courant du voyage du président à Gbadolite.-------------------------------------------- Question : A votre connaissance existait-il d'autres sociétés à capitaux
suisses, implantées à Kanombe ? --------------------------------------------------------- Réponse : A ma connaissance, dans les environs de Kanombe, plus
particulièrement sur Masaka, il n'y avait pas d'autres sociétés à capitaux
suisses. Une autre société suisse existait à Kigali, la société "Ruliba",
spécialisée dans la fabrication de briques industrielles.------------------------------- Question: Le nom "Cobra" vous est-il familier ? ------------------------------------ Réponse : Le nom de "Cobra" ne me dit rien.
--- Question: Avez vous autre chose à déclarer qui pourrait être utile à
l'enquête en cours ? ---------------------------------------------------------------------------- Réponse : Non, je ne vois rien d'autre à ajouter.
Après lecture faite par lui-même, monsieur Laurent SERUBUGA, persiste
et signe le présent avec nous à douze heures. --------------------------------------Laurent SERUBUGA
L'officier de4 lice judiciaire
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