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CAMOUFLAGES
La poursuite du génocide par d'autres moyens
ÉGAREMENTS MÉDIATIQUES et compromissions diplomatiques ont contribué à faire de la France une terre d'asile accueillante envers tous ceux qui propagent à propos du génocide rwandais un discours confinant au négationnisme historique. Un des exemples les plus savoureux à cet égard fut apporté par le Petit Robert, dans son édition mise en vente en 1994 à l'occasion des fêtes de fin d'année. On pouvait y lire en conclusion de l’article consacré au Rwanda : « En avril 1994, le FPR abattit Juvénal Habyarimana à bord de son avion et lança une vaste offensive marquée par des massacres et la fuite de millions de personnes dans une zone de sécurité mise en place par la France ("opération Turquoise", juin 1994) et au Zaïre. »
Cette édition dut faire fureur autour du sapin de Noël des membres de la « Genocide Set » réfugiés en Europe. En effet une telle définition, qui nie le génocide en tant que tel et attribue la responsabilité des massacres au FPR, rejoint en partie la propagande maladroite distillée, depuis leur exil européen ou africain, par les idéologues rwandais de la « solution finale » anti-Tutsi. Interrogé sur cette vision très personnelle du génocide, le chef du service encyclopédique des éditions du Petit Robert déclara que « cette thèse était unanime à l'époque » (l'article fut apparemment rédigé à l'été 1994). Un demi-mensonge en vérité : s'il est vrai qu'au lendemain du génocide cette analyse avait cours, elle était cependant loin de faire l'unanimité. le responsable refusa malheureusement de communiquer l'identité du collaborateur qui avait rédigé le passage en question, ce qui aurait pu se révéler fort instructif sur le caractère délibéré ou non de cette bévue historique. Finalement, le dictionnaire ne modifia sa définition que contraint et forcé, après avoir perdu un procès en diffamation intenté par une représentant du Front patriotique rwandais.