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Justice. Des enfants, des femmes, des hommes massacrés, souvent à la machette ou au gourdin clouté… Lundi, la cour d’assises de Paris replonge, en jugeant un ancien préfet du « pays des mille collines », dans l’horreur du génocide rwandais perpétré en 1994 par les autorités hutues contre la minorité tutsie. Un événement symbolique, dix ans après la création du pôle crimes contre l’humanité et alors que des exactions sont perpétrées aux portes de l’Union européenne (lire l’entretien ci-dessous).
Mais le procès qui s’ouvre sera bien sûr, seulement, celui d’un homme dont la cour d’assises, composée de trois magistrats professionnels et six jurés, jugera de l’innocence ou de la culpabilité. Laurent Bucyibaruta, né en 1944, fut préfet lors du génocide. Du 6 avril au 17 juillet 1994, furent massacrées 800 000 à 1 million de personnes, essentiellement tutsies avec également des « Hutus modérés » tués pour « traîtrise ».
Ancien préfet de Gikongoro (sud du Rwanda), l’accusé encourt la perpétuité pour génocide, complicité de génocide et de crimes contre l’humanité. L’accusation est soutenue par deux avocates générales, magistrates du pôle de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes et délits de guerre au parquet national antiterroriste. Une assistante spécialisée les accompagne. Une centaine de témoins sont attendus, beaucoup venant du Rwanda. Avec les experts et les parties civiles, 115 personnes seront entendues.
Réfugié en France
L’accusé aurait, selon l’accusation, ordonné plusieurs massacres perpétrés par des militaires, des gendarmes ou des milices extrémistes Interahamwe. Il aurait aussi trompé des Tutsis en les incitant à se réfugier dans un endroit où ils furent massacrés. Son avocat, Me Ghislain Mabonga Monga, estime que « le dossier ne prouve pas ces accusations ».
Après la chute du gouvernement génocidaire battu par le Front patriotique rwandais, l’ex-préfet a gagné le Zaïre, la Centrafrique et la France, en 1997. Une information judiciaire a été ouverte en 2000 après une plainte de l’association Survie, de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme et de familles de victimes. Le Tribunal pénal international pour le Rwanda, qui avait inculpé l’accusé, s’est dessaisi au profit de la justice française. Après un long parcours judiciaire, l’heure du procès est donc venue pour Laurent Bucyibaruta, un quart de siècle après son arrivée en France. ■ j. c.
Juliet Mukakabanda, en avril, au Mémorial du génocide de Murambi (Rwanda). Rescapée du massacre, elle fait partie des 115 personnes qui seront entendues par la cour d’assises de Paris. siMon WohLFahrt/aFp