Citation
Vincent Duclert, historien, ancien directeur du Centre Raymond Aron (CESPRA, EHESS-CNRS) dont il est membre titulaire, enseigne pour la Formation commune de Sciences Po, depuis 2016, un cours d’histoire globale des génocides et des processus génocidaires. Le 26 mars 2021, la Commission de recherche qu’il a présidée sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsi a remis son rapport au président de la République.
Le 27 mai au mémorial du génocide de Kigali, Emmanuel Macron reprenait dans un discours jugé historique la principale conclusion de ces travaux scientifiques relative à la « responsabilité accablante » des autorités politiques françaises dans le processus ayant conduit à l’extermination de la minorité Tutsi entre avril et juillet 1994. Ce génocide a été perpétré par le gouvernement, l’Etat et les milices regroupés au sein de la mouvance « Hutu Power ». De 1990 à 1993, l’alignement exclusif de la France sur le régime raciste, violent et corrompu du général-président Habyarimana a conforté ce processus génocidaire. Pour l’actuel président rwandais Paul Kagame (dont le mouvement Front patriotique rwandais a combattu les génocidaires), les paroles de son homologue français « ont plus de valeur que des excuses, elles disent la vérité ». Cette traduction politique deux mois seulement après la remise du rapport de la Commission de recherche n’enlève rien à la démarche scientifique des chercheurs qui en sont l’auteur collectif.
Le président de cette Commission revient en détail, dans un entretien sur la méthodologie et la portée de cette recherche qui n’est pas sans lien avec le thème du cours de la Formation commune. Les questions posées intéresseront toutes celles et ceux qui s’interrogent sur le travail de l’historien du temps présent confronté à de nombreux défis et déterminé à faire prévaloir la connaissance des réalités comme l’indépendance des chercheurs. La détermination de la Commission se mesure à cet égard aux recommandations qu’elle présente au terme de son rapport. C’est poser ici l’enjeu de l’histoire publique, où se joue notamment le passage de la connaissance à la reconnaissance.